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Les humanités considérées de l'extérieur Plans d'études, programmes et règlements

Dans le document L~DU~ON DE (Page 192-200)

DE LATIN, DU XVIIIe AU XXe SIÈCLE

1. Les humanités considérées de l'extérieur Plans d'études, programmes et règlements

nisme et Renaissance constituent le vecteur privilégié). Esquisser un bilan bibliographique est donc particulièrement délicat puisqu'il con-siste à choisir, au sein d'une masse d'études hétérogènes, les ouvrages qui gardent une véritable utilité dans l'optique précise qui est la nôtre et qui n'est pas directement la leur.

1.Leshumanitésconsidéréesde l'extérieur

utiles (1). Mais, quand ils sont pris comme unique source, ils sont constitués en généalogie comme s'ils s'engendraient les uns les autres, en dehors de tout contexte historique.

L'histoire des diverses corporations ou congrégations enseignantes s'apparente à cette première catégorie historiographique dans la me-sure où, là aussi, la documentation de base est fondée généralement sur les textes normatifs. Le choix des historiens en faveur de l'une ou de l'autre n'est pas indifférent idéologiquement. La pierre de touche des réputations qui les affecte se fonde en particulier sur la valorisation, dans la tradition intellectuelle de l'Université, de l'oeuvre de Port-Royal et de l'influence qu'elle est supposée avoir eue. La bibliographie relative à Port-Royal est en effet universitaire et laïque, à commencer par l'édition des principaux traités d'éducation qui en sont issus (2).

Les petites écoles de Port-Royal, peut-être plus célèbres que connues, font figure de modèle institutionnel (3). Sur l'Oratoire, l'ouvrage an-cien de Paul Lallemand (4) est progressivement remplacé, car cette congrégation a laissé des archives particulièrement riches, qui excitent l'intérêt (5). Les autres congrégations sont moins étudiées: on citera la thèse de Jean de Viguerie sur la Doctrine chrétienne (6) et l'article de Dominique Julia sur les Bénédictins enseignants (7). L'enseignement séculier reste paradoxalement dans l'ombre (8), mis à part l'ouvrage classique de Daniel Bourchenin sur les académies protestantes (9).

(l) Le recueil des textes officiels sur l'enseignement du français et des langues anciennes de la Révolution à nos jours est en cours d'élaboration au Service d'histoire de l'éducation par les soins d'A. Chervel. A déjà été publié en 1986 le recueil desAuteurs français, latins et grecs au programme de l'enseignement secondaire de 1800à nos

jours.(2) Irénée Carré,Les Pédagogues de Port-Royal, 1887. ~'

(3) Cf. Frédéric Delforge,Les Petites écoles de Port-Royal, 1637-1660,Paris, Cerf, 1985.

(4) P. Lallemand,Histoire de l'éducation dans l'ancien Oratoire, 1888.

(5) On citera ici la synthèse provisoire que Dominique Julia a proposée comme conclusion au colloque de Riom (28-30 mars 1991), Le Collège de Riom et 1"enseignement oratorien en France au XVIII' siècle, Paris-CNRS et Oxford-Voltaire Foundation, 1993 :«Postface. Entre sacré et savoir: l'Oratoire auxvmesiècle ", pp. 273-330.

(6) J. de Viguerie, Une œuvre d'éducation sous l'Ancien Régime. Les Pères de la Doctrine chrétienne en France et en Italie(1592-1792),Paris, 1976.

(7) D. Julia,«Les Bénédictins et l'enseignement aux XVII" etxvmesiècles», Sous la règle de Saint-Benoft.. Structures monastiques et société en France du Moyen Âge à l'époque moderne (...),Genève,Droz,1982,pp. 341-402.

(8) À signaler la thèse en préparationdeBoris Noguès sur les professeurs de l'université de Paris (1600-1792).

(9) D. Bourchemin,Étude sur les académies protestantes, 1882.

Dans la tradition universitaire, les Jésuites ont une réputation pro-fondément ancrée de conservatisme pédagogique : à la suite de Dur-kheim, on leur reproche en particulier d'avoir empêché jusqu'au bout l'introduction du français dans les classes. Au-delà de ce motif d'éloi-gnement, la Compagnie de Jésus a longtemps constitué un véritable ta-bou : il semblait admis que les Jésuites jouissaient, sur leur propre histoire, d'un monopole qu'on ne jalousait guère. Ils ont toujours, de fait, assuré sur eux-mêmes un courant historiographique abondant, qui devrait aujourd'hui faciliter la recherche. L'énorme recensement de Carlos Sommervogel (1) procure un solide inventaire de la production des Pères; l'Institut historique romain poursuit, à l'échelle de l'ordre tout entier, la publication des textes fondamentaux dans sa collection des Monumenta paedagogica Societatis Iesu (2). Mais quand les Jésui-tes se font historiens, leur intérêt va surtout à l'aspect proprement édu-catif de l'oeuvre de la Compagnie : la pédagogie, l'enseignement moral (Schimberg (3), Charmot (4), même le premier Dainville (5) ou Codina Mir (6)).

Les connaissances produites dans cet ensemble historiographique forment un socle qui doit servir de base à toute recherche, mais de base seulement. Il semble en effet difficile de faire mieux à partir du même fonds: la familiarité plus grande de la plupart des auteurs avec l'uni-vers des humanités contribue à la justesse de l'analyse et à la finesse des observations. C'est seulement en déplaçant les perspectives et en faisant d'autres choix documentaires que le renouvellement peut s'opé-rer.

Le point de vue institutionnel

Un autre domaine bibliographique doit être exploré: les monogra-phies d'établissement. Les institutions scolaires de type secondaire ont toujours euàcoeur de justifier leur réputation de fleurons du système

( 1) D. Bourchenin.Bibliothèque de la Compagnie de Jésus,douze volumes publiés de liNOà1932.

(2) Rappelons que cette collection comprend l'édition scientifique des versions successives de la Ratio studiorum :Ratio atque institutio studiorum Societatis Jesu (1586, 1591. 1599),L.Lukâcs éd., Monumenta paedagogica Societatis Iesu, V, Rome, Institutum historicum Societatis Iesu, 1986 (vol. 129 de la collection des Monumenta historica Societatis Iesu).

(3) André Schimberg, L'Éducation morale dans les collèges de la Compagnie de Jésus en France sous l'Ancien Régime (XVIe, XVlI', XVIIIe siècles),Paris, 1913.

(4) F. Charmot, La Pédagogie des Jésuites. Ses principes. Son actualité, Paris, 1943.

(5) F. de Dainville,La Naissance de l'humanisme moderne, 1940,

(6) Gabriel Codina Mir,Aux sources de la pédagogie des Jésuites. Le«Modus parisiensis»,Rome, 1968.

éducatif français. Dès le milieu duXIxesiècle, des amateurs d'histoire locale, des anciens élèves soucieux d'honorer le collège de leur fance ou des chefs d'établissement, qui disposaient éventuellement en-core de ses archives, se sont pris au jeu de la recherche historique. Ils ont ensuite été rejoints par quelques historiens de formation. Cette his-toriographie est souvent partisane: le domaine de l'enseignement a été, on le sait, fortement marqué, dans les dernières décennies duXIxe siè-cle par le grand débat sur l'école, ses origines, sa fonction politique et sociale. Même si les polémiques sont plus vives à cet égard au sujet de l'enseignement primaire, les auteurs de ces monographies soutiennent plus ou moins implicitement une position idéologiquement définie. Les combats opposent, d'une part, les catholiques aux laïques et, de l'autre, les héritiers de la tradition humaniste aux partisans de l'enseignement scientifique. Les deux débats se recoupent en partie seulement.

La qualité de l'investigation dans les fonds locaux ne souffre pas forcément de cette partialité: les documents sont en général dûment ré-pertoriés. Aussi les instruments qui donnent accès aux très nombreuses monographies de ce type, dont seul un petit nombre d'établissements reste dépourvu (1), restent fort utiles à consulter (2). Parmi ces mono-graphies, quelques classiques, dont l'ouvrage majeur de Dupont-Fer-rier sur un établissement qui a longtemps été considéré comme le premier de tous (3). Méritent aussi d'être mentionnés parmi les plus notables, un certain nombre de travaux anciens : sur le collège de Sainte-BarbeàParis, sur le collège de GuyenneàBordeaux, sur ceux de Troyes ou de La Flèche (4).

Cette historiographie monographique souffre de l'importance très inégale des documents conservés. L'ouvrage de Dupont-Ferrier, par

(1) Il faut remarquer que les gros établissements sont moins étudiés que ceux des villes moyennes: les collèges de Dijon, de Rouen ou de Toulouse, par exemple, n'ont pas fait l'objet de monographies dignes de ce nom.

(2) Voir le répertoire des collèges français, publié par M.-M. Compère et D. Julia, Les Collèges français (XVIe-XVIII' siècles), Répertoire, t. l, France du Midi,Paris,

C.N.R.S.-LN.R.P., 1984; t. 2,France du Nord el de l'Ouest,Paris, C.N.R.S.-LN.R.P., ~.

1988 ; en préparation: t. 3,France de l'Est;t. 4,Paris.Voir également la bibliographie •..

courante publiée chaque année dansHistoire de l'éducation. ..

(3) Gustave Dupont-Ferrier, LaVie quotidienne d'un collège parisien pendant plus de 350 ans : du Collège de Clennont au Lycée Louis-le-Grand,trois volumes publiés de 1921à1925.

(4) Jules Quicherat, Histoire de Sainte-Barbe. Collège, communauté, institution, 3 vol., 1860-1864 ; Ernest GaulIieur,Histoire du collège de GUlenne, Paris, 1874 ; Gustave Carré,L'Enseignement secondaireà Troyes du Moyen Age à la Révolution, 1888 ; Camille de Rochemonteix,Un collège de Jésuites aux XVIIe et XVIIIe siècles.Le collège Henri IV deLaFlèche,Le Mans, 1889,4 vol.

exemple, est abondant et fin sur la période jésuite pour laquelle les ou-vrages écrits par les professeurs lui ont fourni une ample moisson de sources ; il est en revanche pauvre sur la période séculière (1762-1792), faute de matière première. C'est surtout l'incapacité d'une ré-flexion historique d'ensemble qui handicape la plupart des auteurs; ils articulent mal l'exemple étudié dans l'ensemble du dispositif d'ensei-gnement : soit celui-ci est ignoré, soit il est plaqué sans discernement.

On passe ainsi sans transition d'une analyse des documents locaux à la présentation des caractéristiques générales de l'enseignement, définies àla lumière des textes normatifs.

Un chapitre de ['histoire culturelle française

Il resteà prendre en considération un troisième continent bibliog-raphique, plus éloigné encore de l'enseignement, mais dont la lecture nourrit avec profit la culture de l'historien des humanités. Il s'agit d'un des apanages que compte l'histoire littéraire: l'enracinement des Fran-çais dans le terreau des langues et des textes de l'Antiquité. Il serait présomptueux de dresser la liste des ouvrages qui mettent en parallèle les trois langues et littératures classiques. C'est même, pour les profes-seurs de lettres au XIxe siècle, un sujet de prédilection. On citera ici les ouvrages qui fournissent des informations encore dignes d'intérêt aujourd'hui: De la Poésie latine en France au siècle de Louis X/V, de l'abbé de Vissac (1862) ; L'Hellénisme en France, d'Émile Egger (1869), que le sous-titre, « leçons sur l'influence des études grecques dans le développement de la langue et de la littérature françaises » dé-finit parfaitement, et auquel l'ouvrage de René Canat(LaRenaissance de la Grèce antique, /820-1850, 1911) donne une suite.

En reniant l'héritage «jésuitique»,l'histoire littéraireàla Gustave Lanson a causé une rupture dans cette tradition et, pendant près d'un siècle, cette catégorie de travaux a été tarie. L'histoire de la rhétorique est revenue sur le devant de la scène littéraire après que l'histoire litté-raire a eu subi à son tour les assauts de la critique. Dans le sillage de la thèse de Marc Fumaroli, qui analyse un corpus impressionnant de trai-tés produits dans l'ensemble de la catholicité de la Contre- Ré-forme (1), la rhétorique devient l'objet d'études nombreuses (2), de collaborations internationales (3). Geneviève Haroche-Bouzinac poseà

(1) L'Âge de l'éloquence. Rhétorique et«res literaria» de la Renaissance au seuil de l'époque classique,Paris, 1980; réédité dans la collection Évolution de l'humanité, Albin Michel, 1994.

(2) Par exemple, l'ouvrage de deux linguistes : André Collinot et Francine Mazière, L'Exercice de la parole. Fragments d'une rhétorique jésuite, 1987.

(3) Françoise Douay-Soublin, « La rhétorique en Europe à travers son

propos de Voltaire la question de la formation à l'art épistolaire (l).

Francis Goyet déploie une vaste érudition pour tenter de définir le

« lieu commun» dans toute sa complexité et sa richesse et l'arracher à l'opprobre où il a été jeté au XIxe siècle (2).

Au-delà du retour en grâce de la rhétorique, les théories de l'inter-textualité ont multiplié les recherches qui consistent à débusquer, dans la littérature française, les réminiscences des textes grecs et latins, grâce auxquels les auteurs ont construit leur pensée et leur style. D'où une série d'ouvrages récents qui analysent les «lectures» qu'ont faites de l'Antiquité les auteurs modernes (3).

Au cours de la décennie 1960, la linguistique fait une irruption triomphale au sein des sciences humaines enseignées à l'Université.

L'histoire de la grammaire gagne ainsi ses lettres de noblesse avec quelques publications majeures (4), qui ont favorisé par ricochet la connaissance historique de l'apprentissage scolaire de la langue. La langue qui fait l'objet des études est généralement le français, mais l'interpénétration longtemps de rigueur entre le français et le latin bé-néficie indirectement à la connaissance de l'enseignement, même si c'est le latin qui demeure au centre de celui-ci. Toutes ces études ins-crivent en effet les oeuvres littéraires dans un travail technique, qui a par conséquent nécessité un apprentissage. Celui-ci reste cependant à déchiffrer en filigrane, n'étant pas l'objet premier des études.

enseignement»,Histoire des idées linguistiques, sous la direction de Sylvain Auroux, Liège, Mardaga, 1992,t. 2, pp. 467-507.

(1) G. Haroche-Bouzinac, Voltaire dans ses lettres de jeunesse. 1711-1733. La formation d'un épistolier au XVlW siècle.Klincksieck, 1992, en particulier pp. 139-152.

(2) LeSublime du«lieu commun».L'invention rhétorique dans l'Antiquité et à la Renaissance,Paris, H. Champion, 1996.

(3) L'Autorité de Cicéron de l'Antiquité au XVlll' siècle, sous la direction de Jean-Pierre Néraudau, Actes de la Table ronde organisée par le Centre de recherches sur les classicismes antiques et modernes, université de Reims, 11 décembre 1991, Caen, 1993 ; Catherine Volpilhac-Auger,Tacite en France de Montesquieu à CiUlteaubriand, Oxford, Voltaire Foundation, 1993 ; Chantal Grell,LeDix-huitième siècle et l'Antiquité en France 1680-1789,Oxford, Voltaire Foundation, 1995,2 vol. :L'Antiquité,numéro spécial de la revueDix-huitième siècle,1995, n" 27.

(4) Cf. Jean-Claude Chevalier,Histoire de la syntaxe. Naissance de la notion de complément dans la grammaire française (1530-1750),1%8 ; André Chervel,Etilfallut apprendreà écrireàtous les petits Français. Histoire de la grammaire scolaire,1977 ; Bernard Colombat,Les Figures de construction dans la syntaxe latine (1500-1780), Louvain et Paris, Peeters et BIG, 1993.

2. Le renouvellement historiographique à l'œuvre

Comme ce recueil en témoigne, l'histoire de l'enseignement des humanités entre depuis peu dans une nouvelle phase. Ce renouveau historiographique n'est pas apparu par hasard: l'histoire est fille du présent. La relégation des langues anciennes dans les périphéries des programmes avive le sentiment de rupture avec le passé et met les pro-fesseurs de lettres dans les conditions favorables au questionnement historique. Au-delà, l'ensemble des acteurs de l'enseignement, profes-seurs et décideurs, reconnaissent que l'organisation des études et la spécialisation disciplinaire dans le secondaire doivent être revisités, peut-être redéfinis. L'histoire est l'une des voies par lesquelles la ré-flexion peut être menée.

Une conjoncture épistémologique favorable

Si cette curiosité contemporaine vis-à-vis de l'histoire produit un effet d'entraînement sur la recherche, c'est aussi que le renouvellement des perspectives et des concepts est à l'œuvre. On vient de constater combien, dans la sphère littéraire, les études récentes étaient nombreu-ses qui, sans aborder l'enseignement de front, le réinstallaient dans les préoccupations des chercheurs. Du côté des historiens, la conjoncture devient également favorable aujourd'hui du fait de l'épuisement relatif de la veine sociologique dans l'historiographie de l'enseignement, épuisement constaté particulièrement par les historiens anglo-saxons(l).

L'interprétation globale des institutions éducatives a été magistrale-ment administrée par Durkheim dans le cours donné en 1904-1905 à la Sorbonne et publié en 1937 par les soins de Maurice Halbwachs sous le titreL'Évolution pédagogique en France. Mais cette interprétation a contribué indirectement à stériliser les recherches sur l'histoire des contenus de l'enseignement, en les considérant comme secondaires dans le processus éducatif: les chercheurs n'étaient pas engagés à in-vestir intellectuellement dans un domaine sans enjeu réel dans la cul-ture ni dans la société. L'interprétation durkheimienne a été reprise et popularisée par Georges Snyders dans une thèse qui a fait date (2). Le caractère synthétique, la force persuasive de ces deux ouvrages leur ont rapidement conféré le statut de manuel universitaire. Aussi leurs con-clusions, indéfiniment répétées, ont fait longtemps quasiment figure d' histoire officielle.

(1) Voir la préface à l'ouvrage d'Anthony Grafton et Lisa Jardine, From Humanism to the Humanities,Harvard University Press, 1986.

(2) La Pédagogie en France aux XVII' et XV/lI' siècles, Paris, PUF, 1965.

S'agissant des humanités, Durkheim posait comme un axiome l'isolement culturel des collégiens dans leur établissement, protégé du reste de la société par la muraille des langues anciennes. C'est cette étanchéité postulée de la culture scolaire qui est tout particulièrement remise en cause aujourd'hui. Il suffit de jeter un oeil sur les program-mes de théâtre ou les sujets de discours scolaires pour y constater l'in-trusion des événements et des préoccupations du temps, que la métaphore ne transpose le plus souvent même pas. Au-delà de cette perméabilité directe, les recherches inspirées par les problématiques de la transmission culturelle relèvent les multiples interactions des diffé-rents niveaux et espaces de culture entre eux. Les échanges, qui se font dans les deux sens, entraînentàleur tour des modifications dans la lit-térature elle-même, dans les concepts qui en rendent compte et dans les usages qu'on en fait. D'une part, les oeuvres sont transformées pour être adaptéesàl'usage scolaire. C'est ce qu'on a pu baptiser«l'effet Wilamowitz»(1), àpartir de la démonstration de cet auteur à propos des tragédies grecques: celles qu'on connaît aujourd'hui, ont été trans-mises dans l'état et pour la raison de leur usage scolaire (2).

Inversement, les pratiques scolaires exercent une influence sur la production littéraire. Cette influence peut être directe : songeons aux emprunts qu'y faits Molière. Quand, par exemple, les maîtres de Mon-sieur Jourdain veulent chacun convaincre de la supériorité de son art, ils prononcent des plaidoyers contradictoires tout à fait analogues à ceux par lesquels les collégiens s'affrontent au cours d'exercices pu-blics. Dans les usages sociaux eux-mêmes, les anciens élèves manifes-tent, sur le mode parodique, une fidélité à des formes d'expression dont ils ont acquis le goût en classe : exilé dans son château bourgui-gnon, Bussy-Rabutin (1618 -1693) en a couvert les murs de tableautins allégoriques, accompagnés de devises, qui, n'étaient le sujet traité -l'infidélité de sa maîtresse - et les langues utilisées - le latin, mais aus-si le français et l'italien - paraissent illustrer laRatio studiorum, par exemple, le passage suivant relatif aux académies scolaires:«tantôt ils composeront des emblèmes et des blasons sur un sujet précis, tantôt

(1) A Chervel,«Des disciplines scolairesàla culture scolaire»,Education and Cultural Transmission (...), n° spécial de la revuePaedagogica His/orica, 19%, PH Suppl. vol. II, pp. 1111-195.

(2) Ulrich von Wilamowitz-Mollendorf,Einleitung in die attische Tragodie, 1889.

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