• Aucun résultat trouvé

CHRONOLOGIE ET DESCRIPTION DES OUVRAGES

Dans le document L~DU~ON DE (Page 120-127)

LA COLLECTION AD USUM DELPIDNI

I. CHRONOLOGIE ET DESCRIPTION DES OUVRAGES

1673 : Paris, chez André Pralard : Dietionarium nouum latinum et gallicum in quo utriusque Zinguœ ratio eontinetur, et ad authorum in-telligentiam Ilia facilis aperitur, ad usum serenissimi principis Delphi-ni.

Format: 25x31, 566 feuillets numérotés, à deux colonnes, précédés de l'épître et de la préface non paginées, et de deux pagesd'errata et ad-denda.

(1) Même Anne Dacier. qui procure les quatre éditions de Florus, Dictys de Crète, Aurelius Victor et Eutrope, ne déploie pas une telle activité. La liste des ouvragesAd usumDelphinipubliée en annexe de l'édition d'Ausone en 1720 attribue aussi à Danet, à tort, la responsabilité de l'édition de Plaute en 1679:on ne prête qu'aux riches... Voir infra. la liste des éditions Ad Usum Delphini, dans l'article de Catherine Volpilhac-Auger.

(2) Voir à ce propos les réflexions de Catherine Volpilhac-Auger,infra,àpartir des travaux de Bruno Bureau.

Sur les mots latins, les quantités sont systématiquement notées pour l'avant-dernière voyelle.

Le classement des lemmes est organisé par famille de mots, dans l'ordre alphabétique des primitifs. Ceux-ci toutefois ne sont pas tou-jours les primitifs absolus, ounomina simplicia,mais, comme chez Ca-lepino, ils peuvent être des composés ayant leurs propres dérivés : par exemple, on ne trouve pasadlaborosouslaboro,mais à sa place alpha-bétique. En fait, le critère de choix qui place un composé en lemme principal ou en sous-lemme d'un autre est un critère alphabétique: ne sont classés comme sous-lemmes que les dérivés ou composés dont l'initiale est semblable à celle de leur primitif (1). Cette pratique amène à sortir de la famille de mots tous les composés par préfixation, et à n'y maintenir que les dérivés par suffixation ou les composés par adjonc-tion d'un élément après le radical. Ainsi aquariolus ou aquaeductus sont présentés sousaqua,maisadmittoest distinct demittoet bénéficie d'une entrée à lui seul, où il est lui-même primitif deadmissarius, ad-missio, admissum.Comme souvent dans ce type de dictionnaire, il est difficile de repérer un critère sûr de groupement des sous-lemmes entre eux: aucune répartition, qu'elle soit faite selon la nature des parties du discours, l'ordre alphabétique, le genre des substantifs par exemple, ne se révèle stable dans tous les cas. L'empirisme et les associations d'idées doivent souvent prendre le pas sur la rationalité, mais c'est là une habitude de tous les lexicographes qui avant Danet ont opté pour un classement dérivatoire. De même, le dictionnaire ne comprend pas de noms propres, peut-être parce que ceux-ci sont en général irréducti-bles à une famille de mots.

Le lemme latin est présenté avec un appareil d'identification mor-pho-syntaxique associant éléments contextuels (génitifs notés par leurs désinences) et métalinguistiques (le genre des noms par exemple est donné par les abréviations m., f., n. ou com.). Il est suivi du nom de l'auteur qui l'atteste et sert de garantie, d'une explication le plus sou-vent par glose synonymique, et, quelquefois, d'exemples. Ceux-ci sont très rarement de vraies citations, complètes et littérales: il s'agit plus souvent de ce que j'appellerai volontiers(mea culpapour l'anglicisme) standards,au sens où les musiciens de jazz entendent ce mot, c'est-à-dire de séquences phraséologiques fondées sur uneiunctura authenti-que, mais généralisées, et parfois retouchées, par le passage à l'infinitif

(1) La préface de la réédition de 1680 du dictionnaire latin-français donne une confirmation a posteriori de cette technique, puisque Danet ditàpropos de la première édition qu'ily«rappelai[t] tous les mots d'une même lettre sous le mot primitif».

ou l'usage d'indéfinis, ce qui les rend réutilisables dans d'autres con-textes syntaxiques. Ainsi, des vers d'Horace

Luculli miles collecta uiatica muftis

Aerumnis, lassus dum noctu stertif, ad assem Perdiderat...(1),

Danet tiread assem omnia perdere, standard que l'on peut alors ré-utiliser ou rapprocher d'autres expressions voisines, mais qu'il conti-nue d'attribuer à Horace (2). Cette pratique à visée pédagogique rejoint, dans l'esprit, la présentation de tous les exemples, quels qu'ils soient, sans référenceàl'œuvre dont ils sont tirés, habitude normale de la lexicographie du temps, due peut-être à l'idée que le public visé, d'apprentis et d'écoliers, peut encore se passer de cette précision.

1677 : Paris, chez André Pralard :Radices seu dictionarium lin-guae latinae in quo singulae uoces suis radicibus subiiciuntur, iussu ehristianissimi regis in usum serenissimi Delphini.

Format in 8° ; 487 pages numérotées, précédées de l'épître et de la pré-face non paginées, et suivies d'un index également non paginé, puis de deux pages d'«omissionsà restituer dans lesRacines».

Aucune notation de quantité pour les voyelles des lemmes latins.

Ouvrage de dimensions modestes, « vocabulaire », au sens de

« manuel pour apprendre le vocabulaire »,plus que vrai dictionnaire, lesRadiees sont un recueil des mots de la langue latine réunis par fa-milles, regroupées autour des primitifs absolus.À la différence du dic-tionnaire de 1673, tous les composés ou dérivés sont rattachés à leur primitif; un index alphabétique, d'une centaine de pages, suit le clas-sement par racines et indique pour chaque mot du lexique, son étymon et la page où le retrouver. Quelques noms propres apparaissent, lorsqu'ils peuvent être rattachés à une famille de mots, commeLatium dérivé delateo; mais le rattachement d'un mot à une racine est donné sans justification. que la dérivation soit patente(ALTER, altero, altera-tio) ou qu'elle soit tirée d'étymologies traditionnelles parfois

médiéva-(1) « Un soldat de Lucullus, après avoir, au prix de bien des peines, amassé un pécule, avait. une nuit qu'il ronflait brisé de fatigue. perdu jusqu'au dernier as» (Horace, Ep.2. 22, 26-28, trad. Villeneuve, éd. Les Belles Lettres, 1967).

(2) Cf. Danet, dictionnaire latin-français 1673, article AS. Le dictionnaire de Gaffiot, article AS, reprend cet exemple sous la formeperdere omnia ad assem,«perdre jusqu'au dernier sou ».

les, et moins obvies(ALTER, adulter, ouIATEO, Latium

(1».

La pré-sentation des lemmes est sensiblement la même que dans le diction-naire de 1673, mais plus sommaire. Les explications sémantiques sont en général réduites à une seule glose synonymique, sauf pour certains mots rares ou techniques ; la garantie de latinité est toujours fournie par un nom d'auteur, mais les exemples, citations véritables ou stan-dards,sont rarissimes.

1680: Paris, chez André Pralard :Dictionarium nouum latinum et gallicum in quo utriusque linguae ratio continetur et ad scriptorum in-telligentiam uia facilis aperitur. Auctore magistro Petro Danetio Aca-demico, Abbate Sancti Nicolai Virdunensis. Ad Vsum Serenissimi principis Delphini, iussu christianissimi regis. Editio altera, emenda-tior, auctior. Parisiis, apud Andream Pralard, Bibliopolam.

Format: 20x26, caractères de même casse que le 1673, seule la taille des marges est réduite; 650 feuillets numérotés,àdeux colonnes, pré-cédés de l'épître et de la préface non paginées. Celles-ci sont identi-ques à celles de l'édition 1673, mais Danet y ajoute un «Avis sur la seconde édition» et un dossier de lettres (ou soi-disant lettres) échan-gées entre lui et un ami anonyme, qui sont une violente critique d'un ouvrage concurrent, l'Officina latinitatis.

Cette refonte du dictionnaire de 1673 mérite d'être traitée autre-ment que comme une simple réédition, car Danet y apporte au moins un changement fondamental, auquel il se tiendra pour la série de tous les ouvrages à venir. Le classement des lemmes se fait en effet désor-mais selon l'ordre alphabétique intégral, choisi pour des questions de commodité, et parce que la publication desRadieesne rendait plus in-dispensable la mise en valeur des familles de mots (2). Hormis cela, l'édition est bien revue, puisque certaines entrées sont supprimées, tan-dis que d'autres font leur apparition; elle est aussi augmentée, puisque

(1) L'étymologie deLatiumparlateoest tirée de Virgile,Aen.,8, 322-3, le nom de Latium ayant été donné par Saturneàla région où il s'est caché (latuisset). Celle d'adulterparalterremonteà Isidore de Séville,Orig.,X, 10:Adulter, uiolator maritalis pudoris, eo quod alterius torum polluaI.[Adultère, ou violeur de la la chasteté conjugale, parce qu'il souille la couche d'un autre(alterius torum)].Ces deux étymologies ont été abondamment reprises dans tous les lexiques médiévaux, notamment ceux d'Osbem de Gloucester et Uguccione da Pisa.

(2) Cf. préface 1680,«Avis sur cette seconde édition» ;«Deux motifs m'ont porté à faire ce changement. Le premier parce que j'ai composé depuis des racines latines où je range sous la racine tous les mots simples et composés qui en viennent. Le second motif c'est que j'ai reconnu que cet ordre avait beaucoup fatigué les enfants et les avait empêchés de trouver dans mon livre bien des mots qui ne laissaient pas d'y être.

l'ai donc jugé qu'il était à propospourune plusgrandefacilité de suivre dans cette seconde édition l'ordre alphabétique et naturel de chaque mot».

les exemples sont plus nombreux et les attestations souvent complé-tées, même si certains articles sont reprisàl'identique entre les deux ouvrages(I).

1683 : Paris, chez Thiboust et Esclassan :Nouveau dictionnaire françois et latin, enrichi des meilleures façons de parler en l'une et en l'autre langue, composé par l'ordre du roi pour Monseigneur le Dau-phin par Monsieur l'abbé Danet.

Format in 40, 867 feuillets numérotés à deux colonnes, précédés de l'épître et de la préface non paginées.

Les quantités des voyelles ne sont pas notées pour les lemmes latins.

Le dictionnaire français-latin représente la deuxième grande entreprise lexicographique de Danet, et est aussi une des plus délicates à analyser. En effet, l'inversion des langues d'entrée et de sortie par rapport aux ouvrages précédents ne se traduit pas par le simple retournement des notices et des exemples. Certes, ce phénomène existe, mais il est relativement mineur et Danet a le plus souvent travaillé à nouveaux frais. Le lemme français est donc présenté, comme l'étaient les lemmes latins, avec un appareil morphologique qui peut aller de la simple indication du genre pour les nomsàune liste de formes irrégulières de conjugaison pour certains verbes. Il est ensuite glosé, par définition ou synonymie, en français, puis suivi de son équivalent latin lui-même pourvu d'appareil morphologique. De nouveau, un nom d'auteur latin sert de garantie, et des exemples sont quelquefois, mais pas toujours, proposés. Assez souvent, ce sont de réelles citations, données en français, mais à partir du latin : à la différence de plusieurs des dictionnaires français-latin antérieurs,ilne s'agit jamais de phrases françaises, notamment tirées d'auteurs français, traduites en latin, mais toujours de la traduction en français de phrases latines préalablement tournées en fonction de l'équivalent français qui leur sera donné (2). La pertinence de l'exemple au lemme français dépend donc entièrement de la traduction choisie, et peut être ruinée si cette traduction est modifiée. Ainsi, sous le lemme AUDIENCE, l'expression donner audience à quelqu'un cst traduite

(1) Suppression, par exemple, des mots, peut-être jugés non classiques, discipulosuset discipulatus ; entrée de quelques noms propres, comme Roma (mais pas Romulus).

(2) Cf. sur la typologie des exemples dans certains dictionnaires français-latin antérieurs à 1684, T. Wooldridge,« Naissance et première floraison de l'exemple dans la lexicographie française: étude historique et typologique» et C. Girardin, « Une doctrine jésuite de l'exemple: le Dictionnaire Royal augmenté de François Pomey », dans Langue française «< L'exemple dans le dictionnaire de langue, Histoire, Typologie, Problématique»),na106, mai 1995, respectivement pp. 8-20 et 21-34.

par le standard attribué à Cicéron alieui aures praebere, dont une traduction plus littérale parprêter l'oreille ruinerait la pertinence au lemme AUDIENCE. Quelques tournures latines, probablement forgées à partir d'un ou plusieurs exemples d'auteurs, sont suivies d'une remarque explicite signalant la réfection, comme « Cicéron parle presque ainsi », mais ces cas sont rarissimes (1). Enfin, ce dictionnaire est celui de tous qui comporte le plus de noms propres, notamment des noms modernes de villes ou de régions. Danet se livre lààdes jeux de transposition qui vont de la transcription phonétique à l'équivalence sémantique, et sont autant de néologismes qu'il ne s'autorise que parce que« l'on invente tous les jours une infinité de choses nouvelles» et qu'« ily a par nécessité une infinité de choses que les Latins n'ont jamais exprimées» (2).

1691 : Paris, chez Thiboust et Esclassan : Magnum dictionarium latinum et Gallicum ad pleniorem planioremque scriptorum latinorum intelligentiam; collegit, digessit ae nostro uernaculo reddidit eum notis M Petrus Danetius, academicus, abbas Sancti Nicolai Uirdunensis, iussu christianissimi regis in usum serenissimi Delphini et serenissimo-rum principum.

Format in 4°, 1333 feuillets numérotés à deux colonnes, précédés de l'épître et de la préface non paginées.

Les quantités sont notées pour toutes les voyelles des lemmes latins.

Le dictionnaire latin-français de 1691 est bien, de la part de Danet, un nouvel ouvrage, qu'il présente lui-même comme « le dictionnaire Latin et François dont feu Monsieur le duc de Montausier avait bien voulu me charger» et dont le dictionnaire latin-français de 1673 aurait été«comme le modèle au début de vos études» (3). En effet, le livre qui paraît en 1691, chez Thiboust et Esclassan, comme le précédent dictionnaire français-latin, et non plus chez Pralard avec qui les liens semblent rompus, est beaucoup plus important, en volume, que l'ou-vrage de 1673-1680. Il en garde les principes de présentation des lem-mes latins, mais ony trouve une attention plus grande aux équivalents français, pourvus d'un appareil morphologique qui leur manquait dans le précédent dictionnaire latin-français. Des entrées inédites

apparais-(1) Dictionnaire français-latin, 1683, lemme AVANCEMENT, traduction de«Il doit sa fortune ou son avancementà la mutation de l'État» par Fortunam debet mutationi imperii.

(2) Cf. dictionnaire français-latin 1683, Préface. Pour quelques exemples de noms propres, forgés par transposition ou transcription, cf. KOPERSBERG [Ville de Suède dans la province de Gesticie], Cuprimontium, ii n.; WOERDEN [Ville du comté de Hollande] Voerda, ae f.

(3) Cf. dictionnaire français-latin 1691, épître au Dauphin.

sent et la plupart des autres sont quelquefois entièrement refondues, ou au moins considérablement enrichies d'exemples nouveaux où cita-tions et standards font jeu à peu près égal. Danet ne s'y interdit pas non plus des «notes curieuses aux mots latins»,ni des «explications courtes sur les mots des Arts, et sur la géographie ancienne par rapport à la moderne».Dictionnaire plus complet et plus érudit que les précé-dents, fruit des années de recherche que Danet a consacrées au latin de-puis ses premiers travaux de dauphin (1), il peut à juste titre être présenté comme«à vingt ans de là, (... ) un ouvrage nouveau et beau-coup plus parfait» (2).

1698 : Paris, chez Thiboust et Esclassan : Dictionnarius antiqui-fatum romanarum ef graecarum. ComposuitM Petrus Danetius, aca-demicus, abhas Sam'ti Nicolai Uirdunensis, iussu christianissimi regis in usum serenissimi Delphini et serenissimorum principum.

Format in 40, 786 feuillets numérotés à deux colonnes, précédés de l'épître et de la préface non paginées. La casse est plus grosse que celle des dictionnaires français-latin et latin-français de 1683 et 1691, et la typographie plus aérée.

Le dernier dictionnaire produit par Danet en 1698 est un diction-naire de « civilisation »,complément naturel des dictionnaires de lan-gue qui précèdent. En effet, bien que les entrées en latin, glosées d'un mot français, puissent laisser croire à un dictionnaire bilingue, l'ab-sence totale d'appareil morpho-syntaxique dans les deux langues em-pêche qu'on use de cet ouvrage pour la version. La somme des entrées donne des indications de tous ordres, historiques, géographiques, litté-raires. artistiques, sur la culture antique, à partir de mots choisis du la-tin qui permettent ces exposés. Les renseignements sont appuyés sur des exemples d'auteurs latins, donnés en latin, assortis du nom de l'au-teur et quelquefois d'une référence complète à l'œuvre, et au chapitre ou au vers. Les citations ne sont pas traduites, mais commentées, ou viennent en exemplification des explications. Ces dernières doivent éclairer les textes, faciliter la lecture, et sont rédigées dans un style as-sez disert. voire répétitif, où la matière est un peu diluée. La construc-tion des notices tient plus de la compilaconstruc-tion que de la réflexion logique, et se limite souvent à une juxtaposition d'éléments glanés dans les tex-tes eux-mêmes, dans ses propres dictionnaires antérieurs, ou dans des

(1) Dauphin: raccourci d'expression dû au succès de la collection, qui a fait surnommer«auteurs dauphins» et«dauphins»tout court les procurateurs des textesAd usum Delphini.

(2) Ces trois dernières citations sont extraites du dictionnaire latin-français 1691, préface.

ouvrages contemporains parfois explicitement cités. Ce dernier ou-vrage n'est pas sans intérêt; jugé sur nos critères scientifiques moder-nes (mais sont-ils valables en ce cas ?), il déçoit cependant un peu après la somme d'application qu'ont représentée les dictionnaires de langue antérieurs. Toutefois, comme j'essaierai de le montrer, il est aussi l'aboutissement du travail de dauphin de Danet, qu'on ne saurait examiner en faisant abstraction de la collection dans laquelle il s'in-sère.

Dans le document L~DU~ON DE (Page 120-127)