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A Dr Amina ETBER

1-HISTORIQUE ET NOMENCLATURE

Historiquement, la nomination et la définition de la tumeur géante du sein a été confuse et embarrassée, ce qui a fait surgir l’emploi de trois termes : fibroadénome géant et ou juvénile, cytosarcome phyllode et sarcome.L’origine de cette confusion peut être comprise en se référant à la littérature.

Muller a introduit le terme cystosarcome phyllodes en 1838 pour une grande tumeur en particulier dans le moyen âge : charnu - d'où le terme de sarcome: parfois brisé pour donner place à un changement kystique, par la suite, le terme a été utilisé librement pour toutes les tumeurs importantes avec un stroma remarquable, pour les tumeurs qui se développent rapidement, ou devenir kystique et aussi pour les vrais sarcomes[20].

Haagensen distingue clairement les caractéristiques histologiques des principaux groupes en utilisant les termes « Tibroadenonia géant », « Cytosarcome phyllode » et « sarcome »[21]. Sa classification de classe a été approuvée par Azzopdrdi avec une modification significative : la recommandation que le terme cystosarcome soit abandonné parce que ces tumeurs sont rarement malveillantes [22].

Actuellement, il n’existe pas de consensus sur la définition des adénofibromesgéants. Certains auteurs les décrivent commedes tumeurs avec un diamètre supérieur à 5cm ou pesant plus de 500 g. D’autres, commedes tumeurs occupant la quasi-totalité du sein[23]. C’était le cas de notre patiente qui

Cette définition qui ferait du fibroadénome juvénile un groupe histologique à part n’est pas acceptée unanimement. Il n’y aurait pas d’intérêt à utiliser ce terme, il est préférable de parler de fibroadénome géant de l’adolescente (Hugues, Mansel, Webster 2007) [25]ayant un adénofibrome > 50 mm [26].

2-EPIDEMIOLOGIE.

Parmi les jeunes filles de la population générale, 4,5 % ont une masse ou un placard palpable [27], qu’elles découvrent généralement elles-mêmes. La pathologie mammaire de l’adolescente est essentiellement bénigne, correspondant d’après Neinstein à un adénofibrome dans 68,3 % des cas, à une mastopathie fibrokystique dans 18,5 % et à un cancer dans 0,9 % des cas [27].

La tumeur géante de poitrine d'adolescence est une pathologie rare mais importante. Elle est exceptionnelle comparé au fibroadénome qui semble être la tumeur bénigne la plus fréquente chez les jeunes femmes [28], la tumeur géante du sein ne représente que 2 à 4 % des fibroadénomes (Chang2007) [29]. Le pic de croissance de cette dernière est à l’adolescence et chez la jeune fille avant 20ans. Il se constitue généralement durant la période pubertaire, en moyenne 2,3 ans s’écoulent entre la ménarche et l’apparition du fibroadénome géant pour un âge compris entre 11 et 16 ans au moment du diagnostic. Cela concorde avec les données de notre patiente, âgée de 14 ans, première ménarche depuis 1 an . Il semble y avoir une incidence variable du fibroadénome géant dans des groupes raciaux différents. Ceux arrivant dans l'adolescence sont supposés être plus communs dans l’Afrique noire et chez la population asiatique que chez les Caucasiennes. Dans une population mixte asiatique, le fibroadénome géant

d'adolescence touche plus fréquemment les femmes chinoises que les femmes Malaisiennes ou indiennes[30].

Exemples d’étude de série de cas :

1-Haagensen a rapporté cinq cas de femmes Noirs et seulement deux Caucasiennes[21] ;

2-Nambiar et Kannan Kutty ont rapporté 25 cas : 15 chinoises, huit Malaisiennes et deux Indiennes. Ils ont conclu que les femmes chinoises peuvent partager avec les femmes Noires une grande propension de développer cette maladie [31] ;

3-En Amérique et en Europe, la plus grande étude de série de cas ne rapporte que 6cas, et malgré la rareté de la tumeur, ce petit nombre suggère que cette pathologie est relativement exceptionnelle dans la population caucasienne ; 4-Actuellement la plus grande série publiée dans « The South American Journal of Surgery » en 1989 a été réalisée en Afrique du Sud par Naidu AG. Cette étude comprend 47 cas de fibroadénomes géants chez des jeunes femmes âgées de 13 à 16 ans. Le diagnostic était confirmé histologiquement. 42 patientes étaient africaines et 5 d’origine indienne[32].

La population africaine est une population à risque dans la survenue de l’adénofibrome géant. (El Tamer 1999, Farrow 1999, Naidu 1989)[33-32].L’âge d’apparition du fibroadénome est plus précoce chez les patientes d’origine africaine et notamment avec un délai significativement plus court par rapport à

Chez ces patientes les mastodynies (38%) et les dysménorrhées (32%) sont plus fréquentes. Les caucasiennes présentent en moyenne plus d’antécédents familiaux mammaires, notamment malins (28%).

Les patientes d’origine africaine développent des adénofibromes significativement plus grands d’une taille moyenne de 90,4mm comparativement aux femmes d’origine caucasienne (68,7mm) ou d’autres origines (69,3mm) . En ce qui concerne notre patiente (d’origine marocaine) , cette dernière présentait un adénofibrome mesurant 200X100 mm.

On observe notamment une nette prédominance d’adénofibromes de cellularité stromale faible chez les patientes d’origines caucasienne (60%) contrairement aux autres ethnies chez qui les adénofibromes sont, en effet, plus grands mais aussi de cellularité stromale élevée [1].

3-PHYSIOPATHOLOGIE.

Le fibroadénome géant apparaît chez les jeunes femmes en période pubertaire. Durant cette période, la croissance mammaire dépend de l’œstradiol seul, secrété par l’ovaire pendant plusieurs années, puis à l’apparition des cycles ovulatoires de l’alternance de sécrétions d’œstradiol et de progestérone [1].

Rappelons que les Œstrogènes ont un rôle-clé dans l’initiation du développement. L’augmentation de la vascularisation du tissu palléal et de la perméabilité capillaire sont caractéristiques des œstrogènes. L’œstradiol est, par ailleurs,responsable du développement de l’épithélium galactophorique.

La Progestérone quant à elle, est nécessaire à l’apparition des lobules. Elle agit en synergie avec l’œstradiol sur la partie terminale des galactophores et

l’organisation cellulaire des acini. La Prolactine de son côté intervient principalement sur la sécrétion lactée.

D’autres facteurs interviennent également dans le développement de la glande mammaire en synergie avec les précédents : glucocorticoïdes, hormones de croissance, insuline, certains facteurs de croissance, hormone lactogène placentaire ...

Il apparaît cependant que le développement harmonieux de la glande nécessite un équilibre quantitatif et chronologique entre les différentes hormones et notamment œstradiol et progestérone. Ce développement se poursuit au-delà de la puberté et n’est complet qu’après la grossesse [13].

Figure 16 : Courbe de croissance du tissu mammaire comme prédite par le modèle Moolgavkar [34].

Le statut hormonal constitue une particularité de ces tumeurs [35]. Elles sont, en effet, plus fréquentes chez la femme en activité génitale plus que chez la femme ménopausée. Toutefois, chez l’adolescente (1ère cause de tumeur du sein) l’âge de survenue, 15 ans en moyenne, semble correspondre au déséquilibre

oestro-auteurs ontévoqué une surexpression des facteurs decroissance [26]. Actuellement, tous lesauteurs s’accordent sur l’existence d’unehyper-sensibilité du tissu mammaire à un tauxnormal des hormones pubertaires [23].

Il est spéculé que les hormones reproductives peuvent être l’agent d’étiologie car la plupart des cas de fibroadénome apparaissent dans les années reproductive de la vie. Ces lésions, ont également, tendance à se développer et à devenir importante pendant la grossesse et elles peuvent diminuer de taille après qu’une femme atteigne la ménopause en raison d’une diminution de la stimulation des œstrogènes [36].

Pendant la grossesse, les fibroadénomes augmentent de taille et peuvent présenter des modifications histologiques de la lactation. Les fortes concentrations d’œstrogène, progestérone et la prolactine favorisent la croissance des conduits et la formation de structures tubuloalvéolaires.Cela pourrait être la raison de l’élargissement significatif au cours de cette période [37].

Le fibroadénome géant est considéré comme une réponse anormale à l’œstrogène comme en témoigne sa fréquence croissante pendant la puberté, la réactivité à la grossesse, contraception orale et hormones cycliques [38].

Selon l’étude multicentrique parisienne portant sur 90 cas, l’âge moyen du diagnostic était de 17 ans, seulement 14 % n’étaient pas encore réglées au moment du diagnostic. Le délai moyen entre les 1ères règles et le diagnostic était de 4,7 années.Deux patientes avaient déjà été enceintes soit 2,6%.

La première originaire du Congo, avait eu une interruption volontaire de grossesse à l’âge de 18 ans, suite à quoi elle avait pris une contraception oestroprogestative ; cette patiente avait présenté un fibroadénome de 9 cm à

La seconde patiente originaire du Mali, porteuse d’une polyadénomatose, a développé un fibroadénome de 51 mm à l’âge de 25 ans. Cette patiente avait eu une grossesse à l’âge de 19 ans suivie de la prise d’une contraception oestroprogestative.

16,7% de l’ensemble des patientes étaient sous contraception oestroprogestative ou l’aurait prise antérieurement [1].

4-CLINIQUE :

Lors de l'examen physique, il est important d'évaluer le niveau global de développement et la mise en scène Tanner pour déterminer le niveau de maturité physique attendu, car malgré l’importance de la tumeur, le diagnostic peut parfois être difficile et « masqué » par une glande mammaire en croissance. Il est important d'évaluer les deux seins accompagnés d’une évaluation lymphatique approfondie y compris les nœuds axillaires, supra claviculaires et thoraciques [39].

Le fibroadénome est le plus souvent découvert fortuitement par la patiente (Haagensen1952) [40].

La caractéristique clinique principale de l’Adénofibrome géant juvénile, est une grande masse mammaire bien délimitée, plus ferme que le reste de la poitrine, opposé à l'asymétrie mammaire ou à l'hypertrophie unilatérale.

élastique, le plus souvent unilatéral occupant la totalité du sein, rarement bilatéral ou multifocal [41] et cela est observé dans le cadre d’une polyadénomatose Floride. La palpation d'éléments nodulaires, parfois de taille importante et leur visualisation en imagerie, évoque la présence de ces adénofibromes géants qui peuvent être multiples et croître rapidement. L'analyse histologique confirme aisément ce diagnostic [42].

La taille de la tumeur varie entre 10 à 20 cm, déformant le sein, ou l’on retrouve des critères cliniques de bénignité [41] :

1-De contours réguliers ;

2-Ronde ou lobulée parfois polylobée ; 3- Ferme ;

4-De mobilisation facile ;

5- Indolore (parfois une douleur peut y être associée consécutive à une tension). En raison de leur taille et de leur vascularité accrues, ces lésions peuvent compresser les tissus adjacents, déformer l'architecture lobulaire et créer :

1-Une peau d'orange ;

2-Une inversion du mamelon ; 3-Des ulcérations cutanées ;

4-Ou une dilatation des veines superficielles ;

Ces caractéristiques des fibroadénomes géants sont généralement considérées comme des indicateurs de malignité [39].

L’effet de masse peut entrainer des effets musculo squelettiques (maux de dos) et des traumatismes psychologiques significatifs.

En effet, la jeune fille se met en retrait avec des conduites d’évictions qui sont à la mesure de la gêne ressentie.On peutdans certains cas observer des situations

de réelles détresses psychologiques [15]. La charge affective et sensorielle de cet organe, en devenir qu’est le sein ne doit pas être occultée [43 ].

Il s’avère que les différentes caractéristiques cliniques décrites ci-dessus, peuvent subir des variations en fonction de l’âge de la patiente, son origine ethnique, l’âge de ses premières règles…etc.

Pour comprendre et expliquer ces variations nous avons effectué une revue de littérature. Nous nous sommes intéressés aux différents travaux déjà réalisés concernant les adénofibromes géants chez l’adolescente et nous avons comparé leurs résultats aux données cliniques de notre cas.

Selon l’ensemble de différentes études, l’adénofibrome géant semble être plus souvent unilatéral (Mac Donald 1950, Hanna 2002, Nambiar 1974.) et semble survenir aussi bien dans le sein droit que dans le sein gauche [1].

Alagaratnam(1995) dans son étude réalisée en Chine sur 26 cas de FA géant notera 16 cas dans le sein droit contre 10 cas dans le gauche [44].

Dans le cas de notre patiente, la tumeur occupait la totalité du sein gauche, mobile par rapport au plan profond, fixée par rapport au plan superficiel avec la présence d’une circulation veineuse collatérale et l’examen physique du sein droit était normal et les aires ganglionnaires libres.

Selon la série publiée dans « The South American Journal of Surgery » en 1989 réalisée en Afrique du Sud par Naidu AG, Comprenant 47 cas de fibroadénomes géants chez des jeunes femmes âgées de 13 à 16 ans, l’âge

Enfant Malade et HEGP) réalisée en 2013, analysant de façon rétrospective les dossiers de 90 adolescentes âgées de 11 à 25 ans ayant eu un fibroadénome géant entre janvier 1990 et décembre 2012, l’âge moyen de l’apparition de la tumeur varie en fonction de l’origine ethnique.

Le fibroadénome géant apparait à un âge plus précoce chez les patientes d’origine africaine (15,6±2,8 ans) comparativement aux patientes d’origine caucasienne chez qui l’adénofibrome apparait plus tardivement, ( 18,2±3,7ans), pour ce qui est du troisième groupe qui comprend l’Arabie, l’Inde et l’Asie, chez ces femmes l’âge moyen d’apparition varie entre 12 et 19 ans.

Le délai entre le diagnostic et les premières règles varie aussi d’une population à une autre. Chez les Caucase, chez qui l’âge d’apparition est tardif, ce délai est compris entre 3 et 10 ans environ, contrairement à la population africaine et celle du troisième groupe (Arabie, Inde et Asie) chez qui ce délai semble significativement plus court par rapport à la ménarche, allant de 0 à 6 ans chez la population africaine et de 0,8 à 7 ans chez la population arabe indienne et asiatique [1].

Caractéristiques Caucase Afrique Groupe3 : Arabie, Inde et Asie Age moyen (année) 18,2±3,7 (11,6-25,2) 15,6±2,8 (12,0-24,8) 16,2±3,5 (11,2-24,7) Délai entre le diagnostic et les premières règles (années) 6,1±3,4 (0,4-13,0) 3,4±3,0 (0-11,8) 3,9±3,1 (0,6-10,7)

Tableau 2 : Caractéristiques cliniques et hormonales en fonction des ethnies [1].

Une des plus grandes séries de fibroadénome géants a été réalisée par Nambiar en Malaisie. Cette étude publiée en 1974 dans British Journal Of Surgery est intitulée {Giantfibroadenoma} (cystosarcoma phyllodes) in adolescent females. Dans cette étude de 25 cas de FA géants chez des jeunes femmes âgées de 11 à 20 ans, Nambiar décrit deux modes de présentation.

Chez 7 jeunes femmes de moins de 15 ans, l’apparition du FA géant est soudaine en moins de 6 mois, alors que les jeunes filles de 18 à 20 ans, la tumeur déjà connue avait augmenté de volume depuis quelques mois [31].

ménarche chez des patientes réglées, avec des cycles réguliers. Sur les 18 cas seulement, 2 patientes n’étaient pas ré

irréguliers [45].

Figure 17 : Répartition des cas en fonction de la ménarche et de la régularité du cycle menstruel.

patientes réglées

ménarche chez des patientes réglées, avec des cycles réguliers. Sur les 18 cas seulement, 2 patientes n’étaient pas réglées et 3 avaient des cycles

: Répartition des cas en fonction de la ménarche et de la régularité du cycle menstruel.

patientes réglées 89% patientes non réglées 11%

Ménarche

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