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glissements-coulées argileux et cadre morphologique des sites d’études

1.3 Caractéristiques spécifiques des glissements-coulées dans les marnes noires du Bassin de Barcelonnette du Bassin de Barcelonnette

1.3.3 Historique et description du glissement-coulée de La Valette

Le glissement-coulée de La Valette est localisé en rive droite de la Vallée de l’Ubaye au Nord-Ouest de la ville de Barcelonnette dans le bassin de réception de l’ancien torrent de la Valette, aujourd’hui inactif (Figure 1.2 A). Il s’est déclenché en 1982 au lieu-dit ‘’Le Rocher Blanc’’ dans un contexte géologique particulier, à cheval sur la limite tectonique entre les marnes noires de l’autochtone et les formations de flysch de la nappe de l’Autapie (Figure 1.2 A). Cette limite tectonique explique la localisation de lignes de sources alimentant l’ancien torrent de La Valette (Le Mignon, 2004). Une seconde entité géologique locale est représentée par une écaille tectonique de calcaire planctonique et de flysch fracturé (d’âge Turonien au Paléocène Supérieur) appartenant à la nappe du Pelat dont les affleurements sont relativement rares dans le Bassin de Barcelonnette. La rupture circulaire a été déclenchée par une augmentation des pressions interstitielles à proximité du contact tectonique (Le Mignon, 2004). Le mécanisme de glissement s’est initié par une déstabilisation en amont qui a créé une surcharge suivie d’une saturation des terrains morainiques et de marnes noires en aval (Van Beek & Van Asch, 1996 ; Malet, 2003). Ces terrains se sont progressivement déstabilisés et transformés en glissement-coulée recouvrant le lit du torrent de la Valette. L’évolution cinématique détaillée de la glissement-coulée depuis son déclenchement est décrite dans le chapitre § 5.1.3. Le glissement-coulée de La Valette constitue aujourd’hui une menace pour 170 logements installés en contrebas dans la localité de Saint Pons à l’Ouest de Barcelonnette (Combes, 1990).

Depuis son déclenchement en 1982, le glissement-coulée associe deux styles d’activité majeurs: la régression progressive de l’escarpement vers le Nord caractérisée par des ruptures trans-rotationnelles dans les formations de flysch et la progression de la coulée en aval. Entre 1982 et 1983, la surface instable s’est étendue de 26 ha à 50 ha en 1985 et 57 ha au printemps 1987 (Colat et Locat, 1993). Toutefois, l’évènement majeur ayant suscité la plus grande inquiétude est sans doute la coulée boueuse du printemps 1988 suite à des précipitations importantes et une fonte rapide du manteau neigeux. 50'000 m3

de matériaux morainiques ont été soudainement mobilisés sur une distance de 500 m jusqu’à l’altitude de 1200 m (Colat et Locat, 1993 ; Le Mignon, 2004). Suite à la rupture de 1982 et à la coulée boueuse de 1988, plusieurs travaux ont été entrepris par le Service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) dont les plus importants ont été :

- l’installation d’un système de surveillance topométrique de cibles réparties sur la coulée ;

- d’importants travaux de drainages superficiels ainsi qu’une revégétalisation du corps du glissement pour abaisser et stabiliser le niveau de la nappe ;

- la construction d’un piège à matériau d’une capacité d’environ 100'000 m3

à l’apex du cône de déjection du torrent de La Valette (Figure 1.5 photographie h) ;

- un système d’alerte pour surveiller le pied de la coulée. Ce dernier est composé d’un système de télésurveillance en continu par infrarouge et de palpeurs installés en aval du pied permettant de détecter le passage de coulées boueuses (Combes, 1990) (Figure 1.5 photographies f et g).

En 2007, le glissement-coulée de La Valette d’une superficie de 41 ha s’étend sur une longueur de 1380 m, une largeur maximale 290 m entre les altitudes de 2070 m à la couronne et 1240 m au pied. Il totalise un volume estimé à 3.5 106

m3

(Le Mignon et Cojean, 2002) (Figure 1.5). L’épaisseur de la masse est estimée entre 20 et 25 m par une investigation par sismique réfraction (Evin, 1992). Comme pour le glissement-coulée de Super-Sauze, une structuration en zones peut être identifiée : la zone d’ablation, la zone de transit et la zone d’accumulation.

Figure 1.5 - Vue du glissement-coulée de La Valette en juillet 2009 (vue 3D d’un Modèle Numérique de Terrain issu de données LiDAR) avec différentes photographies de la coulée, a) vue depuis l’escarpement principal en direction de la coulée, b) vue de la couronne et de la végétation perturbée, c) partie amont Ouest de la zone de transit, b) vue de la coulée à partir de la zone à blocs, e) vue depuis le pied de la coulée en direction de l’îlot stable, f) et g) système de surveillance par caméra infrarouge et détecteurs de coulées boueuses, h) barrage de rétention.

• Description de la zone d’ablation :

La zone d’ablation est caractérisée par une évolution régressive importante de plusieurs centaines de mètres depuis la rupture de 1982 avec un regain d’activité depuis 2002. A cause de cette activité importante, la morphologie générale de la couronne dans les formations de flysch est chaotique et est caractérisée par de nombreuses fractures de traction plurimétriques d’ouverture centimétrique à métrique disposées en arc de cercle autour de la couronne et un couvert végétal très perturbé (Figure 1.5 photographies a et b). Cette zone est notamment caractérisée par l’absence de dépôt morainique. La bordure de la couronne est délimitée en amont par la crête de Soleil Bœuf représentant un escarpement rectiligne de 4 m à 5 m de haut et d’une inclinaison d’environ 40°. La crête correspondrait à l’escarpement d’un ancien glissement d’héritage post-glaciaire incluant la zone de rupture de 1982 (Evin, 1992 ; Le Mignon, 2004). Cette hypothèse fera notamment l’objet d’étude du chapitre § 3.4.1.1. En aval, l’escarpement principal est constitué de paquets de flysch plus ou moins cohérents d’une centaine de mètre de larges en voie de désagrégation progressive. Cet apport de matériau important charge actuellement la partie amont du corps de la coulée. De nombreuses sources sont également observables à la base de l’escarpement.

• Description de la zone de transit :

La zone de transit se situe à cheval sur des terrains de l’allochtone et de l’autochtone des Terres Noires. Elle est délimitée en amont par la base de l’escarpement et en aval par la route du Serre traversant la coulée sur sa largeur. Dans la partie amont de la zone de transit, la coulée est divisée en deux langues distinctes. Une partie de la coulée s’étend vers l’Ouest et charge des terrains localement gorgés d’eau (lieu-dit ‘’Les Sagnes’’) actuellement drainés par le Service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM) (Figure 1.5 photographie c). Ces terrains sont composés de blocs de grès et de carbonate métriques emballés dans une matrice silto-sableuse. Ils forment un relief régulier d’une pente moyenne de 25°. L’extension de la coulée à l’Est est canalisée par l’ancien lit du torrent de la Valette. Dans la partie amont, la coulée est formée par un chaos de blocs de carbonate métriques à décamétriques provenant de l’écaille tectonique de la nappe du Pelat (Figure 1.5 photographie d). Cette zone à blocs s’étend sur une longueur d’environ 300 m et une largeur d’environ 130 m. Plus en aval, à proximité de la route du Serre, le nombre de blocs diminue et le paysage est composé de blocs dispersés issus des formations des Terres Noires, de flysch et de moraines (Maquaire et al., 2003). Le relief y est régulier et incisé par les fossés de drainage anthropiques creusés pour la remédiation. De 1982 à 1988, les déplacements cumulés observés atteignent environ 160 m (Le Mignon, 2004) ; actuellement la coulée continue de progresser vers l’aval avec des vitesses annuelles moyennes de l’ordre de 1 cm.jour-1

• Description de la zone d’accumulation :

La morphologie de la zone d’accumulation à l’aval de la route du Serre est marquée par une topographie régulière avec une densité de blocs moins importante que dans la zone de transit. L’émergence d’un îlot stable partiellement enseveli divise la coulée en deux parties de volumes inégaux canalisés par deux anciens talwegs (Figure 1.5 photographie e): à l’Ouest l’ancien talweg du torrent du Serre rejoignant la coulée au niveau de la route du Serre et à l’Est, l’ancien talweg du torrent de La Valette. Le flanc des talwegs sont raides et dissymétriques. Leur confluence se situe à l’aval de l’îlot stable au niveau du pied. Depuis la coulée de boue de 1988, les matériaux se sont principalement accumulés dans l’ancien talweg du Serre à l’Ouest de l’îlot stable (Figure 1.6). Cette accumulation augmente la probabilité d’occurrence de nouvelles coulées de boue par fluidification des matériaux, comme cela a été observé en 1988. Néanmoins depuis l’installation des drainages dans la zone de transit et d’accumulation, l’activité de cette zone a nettement diminué (taux de déplacement largement inférieurs au centimètre par jour) (Evin, 1992).

Figure 1.6 - Vues vers le Nord de la zone de confluence des torrents du Serre de La Valette et de l’îlot stable (a) en 1890 (pour l’échelle, les carrés rouges indiquent la présence de deux personnes sur un seuil torrentiel (b) (photographie RTM), en 1988 où les chenaux de torrents sont comblés par la coulée boueuse (photographie RTM) et en 2008 où la zone est totalement recouverte par les matériaux du glissement-coulée.