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Caractérisation de l’hydrogéologie de glissements-coulées par expérimentations contrôlées de pluie artificielle expérimentations contrôlées de pluie artificielle

4.2.1 Intérêts des études hydrogéophysiques in-situ

Comme la plupart des glissements de terrain est généralement faiblement instrumentée (cinq piézomètres installés sur la coulée de Super-Sauze), la compréhension globale des infiltrations reste très approximative. Les terrains hétérogènes, peu perméables et à gradients hydrauliques élevés nécessiteraient un réseau d’instrumentation dense, ce qui n’est pas possible dans la pratique. De plus, les procédures d’échantillonnages sans perturber les conditions du sous-sol sont extrêmement délicates. Par ailleurs, les techniques les plus utilisées dans la zone non saturée (teneur en eau via les Time-Domain Reflectometer TDR et la succion via les tensiomètres) sont peu pratiques pour des suivis sur de grandes surfaces. En effet, les variations spatiales de la réponse hydrologique posent de manière aiguë le problème de la représentativité de l’échantillonnage géologique, hydrogéologique et hydro-géochimique. L’espacement entre les sondages de reconnaissances doit être fondé sur une connaissance a priori de l’extension spatiale des hétérogénéités du sous-sol (Parriaux, 2009).

L’hydrogéophysique appliquée aux glissements de terrain a considérablement progressé ces dernières décennies. Une revue de ces méthodes est présentée par Robinson et al. (2008) et Binley et al. (2010). Grâce à la dépendance de la réponse électrique aux variations de teneur en eau, ces méthodes sont particulièrement intéressantes pour estimer la variabilité des conditions d’infiltration en surface et pour mettre en évidence des zones de recharge préférentielle dans les glissements. Cette technique a donc non seulement la possibilité de détecter la géométrie des structures internes aux propriétés électriques dites ‘’statiques’’ (Jongmans & Garambois, 2007 ; Marescot et al., 2008, § 3.2.1), mais aussi la possibilité, à l’aide de mesures répétées dans le

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Le glissement du Laval est un observatoire naturel à taille humaine dont l’état d’altération des matériaux marneux est moins avancé que celui du glissement de Super-Sauze et de La Valette. Ce glissement est localisé dans le ravin du torrent du Laval incisant les Terres Noires, un affluent du Bouinenc dans la commune de Draix au Nord-Est de Digne-les-Bains. Ce ravin d’une superficie de 86 ha est l’un des cinq bassins expérimentaux du CEMAGREF (Laval, Brusquet, Francon, Moulin et Roubin) marqués par de nombreux épisodes d’écoulements hyper-concentrés (Mura et al., 1988 ; Mathys et al., 2003). Les précipitations, les débits, les volumes de sédiments transportés et la morphologie des bassins sont notamment bien étudiés depuis une vingtaine d’années (e.g. Mathys et al., 1996 ; Oostwoud Wijdenes & Ergenzinger, 1998 ; Raclot et al., 2005).Le glissement s’est déclenché en décembre 1999 dans un petit sous-bassin du torrent du Laval. Son extension atteint 180 m, entre 875 et 935 m d’altitude et une superficie de 5000 m2

. Le matériau de la zone d’accumulation est composé de blocs de marnes de tailles diverses pris dans une matrice sablo-silteuse (Fressard et al., 2009). En surface, les premiers centimètres sont constitués de paillettes de marnes non liées par une matrice. Le pied du glissement est continuellement érodé par le torrent et contribue significativement à la charge de matériau total transportée à l’exutoire du bassin versant.

temps, de détecter les processus dynamiques de transfert d’eau en complément des mesures locales et précises fournies par les tensiomètres et les TDR (Barker & Moore, 1998 ; Daily et al., 1992 ; Binley et al., 1996 ; French & Binley, 2004 ; Lebourg et al., 2005 ; Clément et al., 2009). Le lien entre les propriétés électriques et les variables hydrologiques est établi par des relations constitutives empiriques ou semi-empiriques très souvent dérivées de la loi d’Archie (1942) dont certaines tiennent compte d’effets physico-chimiques complémentaires liés à la composition et à la structure du milieu (e.g. conductivité surfacique due à la présence de minéraux argileux; Waxman & Smits, 1968 ; Glover et al., 2000).

Pour que la traçabilité des écoulements d’eau soit optimale, le système doit être sollicité de manière à ce que la variable ‘’teneur en eau’’ puisse être facilement explorée. En milieu naturel, la réalisation de telles conditions est difficile. C’est pourquoi il est souvent plus efficace et plus informatif de conduire des expérimentations contrôlées à plus grande échelle (plusieurs mètres carrés) dans un lapse de temps de quelques heures à quelques jours (Binley et al., 2010). Dans le cadre des expérimentations contrôlées de pluie, le suivi des infiltrations par tomographie de résistivité électrique a pour objectif d’imager la progression du front d’infiltration en profondeur et de déterminer des temps caractéristiques indiquant le moment où le milieu est saturé.

Figure 4.6 - Vues des zones expérimentales d’infiltration de pluie (périmètre en rouge) A) au glissement du Laval et B) au glissement-coulée de Super-Sauze.

4.2.2 Description de l’instrumentation des expérimentations contrôlées de pluie

Deux parcelles de 7x14 m sont équipées de six jets d’eau distants d’environ 7 m (Figure 4.6). Des réservoirs en amont des parcelles stockent l’eau dont les volumes injectés sont contrôlés par des débitmètres. L’intensité des précipitations varient entre 7 et 11 mm.h-1

. Un traceur (bromure) est ajouté dans l’eau de pluie. La période de pluie sur le glissement du Laval a duré trois jours. Dans le cas de l’expérimentation de Super-Sauze, deux épisodes de pluie de quatre jours séparés par une période sans pluie de trois jours ont été effectués. Dans la seconde partie, le bromure a été remplacé par du chlorure.

Figure 4.7– Carte du dispositif d’expérimentations contrôlées de pluie sur les sites A) du glissement du Laval et B) de la coulée de Super-Sauze.

Un réseau de pluviomètres dans la zone d’infiltration permet de déterminer la répartition spatiale des hauteurs de pluies brutes (Figure 4.7 A, B). Le taux d’évaporation est évalué par des lysimètres installés à l’extérieur de la zone. Les volumes d’eau de ruissellement sont mesurés grâce à des collecteurs en aval des parcelles. A l’intérieur de la zone d’infiltration, un réseau de piézomètres crépinés à 1, 2 et 3 m de profondeur permet de suivre les fluctuations de la nappe et d’échantillonner l’eau infiltrée pour les analyses hydro-géochimiques. Le taux de succion et les teneurs en eau sont déterminés à l’aide de tensiomètres et de TDR installés dans les premiers centimètres du sol (< 0.5 m). Les changements morphologiques de surface ont été suivis par scanner laser terrestre (§ 5.3.2.2 pour la coulée de Super-Sauze).

Au glissement-coulée de Super-Sauze, l’expérimentation de pluie a été réalisée du 13 au 20 juillet 2007 et au glissement du Laval du 8 au 12 octobre 2007 sur une surface de 14x7 m2

. A Super-Sauze, une parcelle dans la zone la plus active du glissement caractérisée par une pente moyenne d’environ 20° et des vitesses de déplacement en surface de 0.02 m.jour-1

a été utilisée pour l’expérimentation. Quelques fissures ouvertes sont identifiables dans la zone d’infiltration (longueur de 0.1 – 1 m, profondeur de 0.05 à 0.25 m et distant de 0.05 à 0.50 m, Debieche et al., 2011). La profondeur du substratum est estimée entre 7 et 10 m au droit de la zone d’expérimentation par tomographie de sismique réfraction. Contrairement aux conditions initiales du glissement de Laval, la zone non saturée est proche des conditions de saturation. A cause des fuites temporaires dans les réservoirs d’eau à proximité, il n’a pas été possible de préserver une zone témoin sèche en amont de la zone d’infiltration.

Un descriptif détaillé de l’instrumentation est présenté dans Debieche et al. (2011) pour l’expérimentation sur le glissement-coulée de Super-Sauze. Pour le glissement du Laval, un descriptif plus détaillé est présenté au chapitre § 4.2.4 et dans Garel et al. (soumis).

4.2.3 Tomographies de résistivité électrique: acquisition et traitement des données

• Acquisitions :

Chaque parcelle est équipée d’un profil de résistivité longitudinal de 47 m correspondant à un espacement inter-électrode de 1 m. Les acquisitions longitudinales L1 ont été réalisées avec un résistivimètre automatique IRIS Syscal Junior (48 canaux) avec une précision de mesure de courant de 0.2 et 0.5% alimenté par une batterie externe 12 volts (http://www.iris-instruments.com) (Figure 4.7 A, B). Deux résistivimètres IRIS Syscal R2 alimentés par un convertisseur DC/DC ont également été utilisés à Super-Sauze dans deux profils électriques transversaux T1 et T2 d’une longueur de 31 m. Deux multinodes permettent de relier chaque résistivimètre R2 à 2 x 16 électrodes (Figure 4.7 B). Une configuration géométrique Wenner-Schlumberger a été sélectionnée pour son bon compromis dans la détection de contrastes de résistivités horizontaux et verticaux pour les acquisitions à Super-Sauze. Au glissement du Laval, une configuration Dipôle-Dipôle a été choisie pour sa plus grande résolution en subsurface (Dahlin & Zhou, 2004) et le niveau de bruit faible de la zone. Les positions des électrodes ont été levées au GPS différentiel.

Une acquisition dure entre 10 et 20 minutes. Le temps entre chaque acquisition varie entre 3 et 6 heures. Des tests de résistance sont systématiquement effectués (RsCheck) pour vérifier la qualité du couplage électrode-sol.

• Stratégie de traitement :

Les mesures de potentiel inférieures à 5 mV sont filtrées pour s’affranchir des mesures déterminées au-dessous du seuil de détectabilité des résistivimètres. Les erreurs systématiques provenant d’électrodes défectueuses ou de mauvais couplages électrode-sol sont également retirées.

Une approche d’inversion en time-lapse a été effectuée. L’inversion des résistivités est basée sur les différences de résistivités apparentes, relativement aux résistivités apparentes calculées de l’acquisition de référence avant le début de la pluie (Loke, 2006). Les variations temporelles de résistivités sont ensuite déterminées par rapport au modèle de résistivités inversées de référence selon la relation suivante :

0 0

100

t t t t

ρ

ρ

ρ

ρ =

(%)

4.2.4 Suivi hydrologique du glissement du Laval par expérimentation contrôlée de pluie.

Article: ‘’Hydrological response of weathered clay-shale slopes: water infiltration

monitoring with time-lapse Electrical Resistivity Tomography’’

Les détails de l’expérience de pluies sur le glissement du Laval sont présentés sous la forme d’un article publié dans la revue Hydrological Processes (IF: 1.87) dans le numéro spécial ‘’Clay Shales and Clayey Sediments’’. DOI: 10.1002/hyp.7983

Titre: Hydrological response of weathered clay-shale slopes: water infiltration monitoring with time-lapse Electrical Resistivity Tomography

Auteurs: J. Travelletti, P. Sailhac, J.-P. Malet, G. Grandjean, J. Ponton Résumé :

Ce travail présente une expérience de pluie artificielle suivie par tomographie de résistivité électrique dans un glissement marneux. L’expérience de pluie artificielle a été réalisée sur une surface de 100 m2

de la zone d’accumulation du glissement du Laval dans le but de caractériser le développement spatio-temporel du front d’infiltration et d’identifier le moment où l’état stationnaire est atteint. Partant de conditions initiales non saturées, l’expérience a été conduite durant 67 heures. Les résistivités apparentes ont été inversées en utilisant différents modes d’inversion en time-lapse. Les résultats montrent une diminution significative des résistivités de -18% par rapport à l’acquisition de référence avant le début de la pluie. Le développement d’une anomalie de résistivité négative suggère la progression d’un front d’infiltration verticale et latérale en direction du pied du glissement. Après 21 heures d’infiltration, les résistivités électriques au sein de la masse atteignent un niveau constant, indiquant que le système est vraisemblablement entré dans un état hydrologique stationnaire. Ces conclusions sont en accord avec les mesures piézométriques et les analyses hydro-géochimiques. Le temps caractéristique pour atteindre l’état stationnaire varie spatialement. Elle permet de mettre en évidence des infiltrations préférentielles dans le pied du glissement et de calculer une conductivité hydraulique apparente à saturation (Ks de 1.7 10-4

m.s-1

). Un modèle conceptuel hydrologique est finalement proposé. Cette étude démontre le potentiel de la tomographie de résistivité électrique pour le suivi d’infiltration dans les sols marneux et la grande capacité possible de transfert d’eau dans les matériaux marneux remobilisés.

Hydrol. Process. (2011)

Published online in Wiley Online Library (wileyonlinelibrary.com) DOI: 10.1002/hyp.7983

Hydrological response of weathered clay-shale slopes: water