• Aucun résultat trouvé

Historiographie du protestantisme sous le Régime britannique

2.1 - Des traces de quelques individus malgré la rareté des

recherches et des sources

La Conquête est un évènement marquant dans l’histoire du protestantisme puisqu’elle marque la fin de l’illégalité du protestantisme sur le territoire de l’ancienne Nouvelle- France. Malgré cela, la période de la Conquête et les 80 ans qui la suivent représentent les années les moins étudiées de l’histoire franco-protestante. Dans son ouvrage de synthèse82, Jean-Louis Lalonde n’arrive pas à y consacrer plus de 15 pages alors que les 40 années suivantes lui fournissent assez de matériel pour en écrire une centaine. Cette période semble sous-représentée par le protestantisme francophone, mais aussi d’un point de vue historiographique puisque la matière première de la production historienne est absente. Les biographies du Dictionnaire biographique du Canada concernant les trois pasteurs anglicans de langue française représentent pratiquement l’ensemble de ce qui est écrit sur le sujet. Notre connaissance de ces paroisses anglicanes francophones reste donc assez superficielle. Outre les quelques autres noms que l’on connait comme ayant été des protestants de langue française, dont Lalonde souligne l’existence et les quelques autres biographies du dictionnaire, il n’existe aucun ouvrage portant sur une question spécifique à cette époque concernant le protestantisme francophone, si ce n’est quelques passages portant sur les francophones dans des ouvrages dédiés à l’histoire de paroisses anglicanes anglophones. Il faut noter que les archives de ses paroisses anglicanes bilingues83 sont très maigres, elles ne nous permettent pas de connaitre la vie de ces paroisses ni la place que pouvaient y avoir les francophones.

Ainsi, les quelques études effleurant le sujet ne semblent pas relever une très forte participation des francophones aux offices protestants. On sait qu’il y eut tentative de former des paroisses anglicanes francophones, mais on ne connait pas bien la vie de ces

82 Jean-Louis Lalonde, Des loups dans la bergerie : Les protestants de langue française au Québec : 1534-2000, Saint-

Laurent : Fides, 2002.

83 Historical Records of the Church of England in the Diocese of Québec. Conservé à la bibliothèque de Bishop's

33

paroisses. On accepte généralement l’idée que l’abandon du ministère francophone chez les anglicans soit motivé par des motifs politiques.

2.1.1 - Tout protestant est un Suisse ?

Notons aussi qu’outre les paroisses anglicanes bilingues, les immigrants arrivant de la Suisse sont parfois une façon de déceler des origines protestantes. L’ouvrage d’Émile Henri Bovay84 de 1976, et plus récemment, la thèse de doctorat de Samy Kalid85 nous donnent quelques renseignements sur le protestantisme francophone de l’après Conquête. Encore une fois, notre connaissance ne nous vient pas d’une véritable étude sur le religieux, mais de quelques commentaires concernant le religieux dans des recherches plus larges. Ces deux chercheurs étudient la présence de Suisses au Canada. Bovay retrace les quelques soldats suisses, dont Louis Steiner, Marc Prévost, Samuel Vulliémoz, Jean-Georges du Fez, Pierre Frederick Haldimand, ayant combattu au côté de l’armée anglaise lors de la Conquête et qui se sont installés au Canada par la suite. S’il n’était plus possible pour les marchands protestants français de venir au Canada après la Conquête, les Suisses le pouvaient. Bovay nous présente le cas de Jean-François Louis Genevay. Il retrace la pratique des Canadiens francophones catholiques ayant déjà cours à cette époque, consistant à qualifier tous les francophones protestants de Suisses. À cet effet, il cite Joseph Bruyère, Hector Théophilius Cramahé, Francis Masères, François Mounier et David C. de Lisle que l’histoire a identifiés à cette nationalité, alors qu’ils étaient des protestants certes mais d’origine française.

À l’époque où Georges Prévost, un Suisse protestant, fut gouverneur-général, deux régiments suisses furent appelés au Québec. Bovay rapporte que quelques-uns de ces soldats s’installèrent au Québec à la fin de leur service.

Samy Kalid lorsqu’il aborde les questions religieuses dans sa thèse, veut montrer que le Suisse habitant au Canada vivait une religion individuelle sans trop d’attachement confessionnel. Souvent dans un mariage mixte, il ne semble pas éprouver de problème à osciller entre l’Église catholique et anglicane pour se marier, baptiser ses enfants, et

84 Emile Henri Bovay, Le Canada et les Suisses : 1604-1974, Fribourg : Éditions universitaires, 1976. 85 Samy Khalid, « Les Suisses, révélateurs de l’imaginaire national canadien : Construction identitaire et

représentations de la citoyenneté à travers l’expérience des migrants suisses au Canada », Thèse de doctorat, Université d’Ottawa, 2009.

34

célébrer le culte. Jacob Bettez, Jean-Emmanuel Dumoulin et François Dumoulin sont les trois principaux exemples donnés par Kalid pour cette indécision.86

Marcel Trudel a affirmé que « l’arrivée des conquérants protestants en 1759 va tout changer : les huguenots vont prendre leur revanche. »87 Cette thèse est attrayante, mais bien qu’ils eussent le droit d’assister à des cultes publics, le droit de travailler pour l’État et le droit de se faire inhumer dans un cimetière, les francophones d’origine protestante n’ont probablement pas une réalité bien différente, au point de vue de leur contact avec la majorité, qu’avant l’arrivée des Anglais.

2.2 - Le « marranisme huguenot » et les fragments d’histoire de

l’Église anglicane d’après la Conquête

Devant l’hypothèse du « marranisme huguenot », il est légitime de se demander pourquoi c’est seulement au 19e siècle, soit une centaine d’années après la reconnaissance officielle du culte protestant par la Conquête britannique, qu’un protestantisme de langue française aurait resurgi.

Il pourrait être tentant d’expliquer la longue période s’écoulant entre la reconnaissance légale du protestantisme et la véritable implantation d’églises franco-protestantes, par un manque d’affinité entre les hypothétiques marranes huguenots et les protestantismes présents sur le territoire au lendemain de la Conquête. On pourrait ainsi s’imaginer une culture du secret chez des marranes huguenots qui rappellerait celle des marranes du Portugal qui a été décrite par Gérard Nahon. Ainsi, tout comme « longtemps après l'abolition de l'Inquisition, subsistèrent au Portugal des communautés dont les membres pratiquaient le judaïsme, tout en gardant l'apparence extérieure de bons catholiques »,88 on pourrait penser que, longtemps après la reconnaissance légale du protestantisme, subsistèrent au Québec des communautés dont les membres auraient pratiqué le protestantisme tout en gardant l’apparence extérieure de bons catholiques.

86 S. Khalid, « Les Suisses, révélateurs … », p. 106-107.

87 Marcel Trudel, L’Église Canadienne sous le Régime militaire : 1789-1764, Québec : Presses universitaires Laval,

1957, p. 189.

88 Gérard Nahon, « Marranes », dans Encyclopædia Universalis, [http://www.universalis-

35

« On appelle souvent l’anglicanisme la "voie moyenne" »89, il s’agirait d’« un compromis entre éléments protestants et éléments catholiques »90. L’anglicanisme est aussi parfois perçu comme un compromis entre certains courants protestants qu’il incarne. Un contemporain de l’époque de la Conquête, William Pitt, premier comte de Chatham, définissait l’anglicanisme comme une religion ayant « une liturgie papiste, une confession de foi calviniste et un clergé arminien ».91 Comme le protestantisme des huguenots était généralement calviniste, on peut supposer que les protestants francophones n’auraient pas eu beaucoup plus d’affinités religieuses avec les anglicans qu’ils n’en avaient avec les catholiques. Les protestants francophones auraient donc pu considérer la religion des anglicans comme étant trop proche de la religion catholique, et donc comme ne valant pas plus la peine d’être rejointe. Ainsi on pourrait croire que seul le protestantisme des missionnaires du 19e siècle, ces « Swiss Calvinists »92, aurait pu permettre à un hypothétique « marranisme huguenot » de sortir du secret et de resurgir en Églises instituées.

À première vue cette hypothèse semble plausible; c’est ainsi que j’ai d’abord cru pouvoir combler le vide historiographique et donc expliquer le silence franco-protestant à la suite de la Conquête pour justifier la possibilité d’un « marranisme huguenot ». Il faut se pencher davantage sur la situation spécifique de l’Église d’Angleterre au Québec au lendemain de la Conquête pour voir si vraiment les églises bilingues anglicanes auraient pu accueillir ceux qui auraient été des « marranes huguenots ».

2.2.1 – L’instauration des paroisses anglicanes et leur ministre du culte

Le culte anglican prit naissance à Québec, le 27 septembre 1759, à la chapelle des Ursulines, alors que le révérend Eli Dawson prêcha au sujet de la providence de Dieu en temps de guerre. Après ce sermon inaugural, les anglicans continuèrent d’utiliser le même lieu pour célébrer le culte. Le capitaine John Knox rapporte que le culte était célébré « tous les dimanches et mercredis, dans l’église du couvent des Ursulines à

89 Le musée protestant, La Réforme anglicane au XVIe siècle, [https://www.museeprotestant.org/notice/la-reforme-

anglicane].

90 Ibid.

91 William Pitt, cité dans G.K.A. Bell, L’anglicanisme, Paris : Presses universitaires de France, 1939, p. 49. 92 Robert Merrill Black, « Different visions: The multiplication of protestant missions to French-Canadian roman

catholics, 1834-1855 », dans Peter Lang (dir.), Canadian Protestant and Catholic Missions, 1820s – 1960s, New York : P. Lang, 1988, p. 49.

36

midi »93. Environ 9 mois après le premier service, les anglicans cessèrent d’utiliser la chapelle des Ursulines et déménagèrent dans la chapelle des Récollets. Ils occupèrent cette chapelle jusqu’à l’incendie de 1796 qui la détruisit, ce qui permit par la suite d’entreprendre la construction, entre 1800 et 1804, de la cathédrale Holy Trinity de Québec sur les lieux de l’ancien couvent des Récollets. À Trois-Rivières, sous le régime militaire, il ne semble pas y avoir eu d’utilisation de lieu de culte catholique pour l’exercice du culte anglican. À Montréal, comme à Québec, les anglicans optèrent pour la chapelle de l’Hôtel-Dieu, de leur arrivée jusqu’en 1768 alors qu’ils déménageront dans la chapelle des Récollets.

Durant les débuts de l’instauration de l’anglicanisme, il n’y a pas eu un très grand effectif de ministre du culte et ceux-ci ne restaient pas en poste très longtemps. Parmi les six94 aumôniers anglicans qui accompagnaient les troupes lors de la prise de Québec, seulement deux y ont passé le premier hiver, soit Samuel Bennet et Michel Houdin. L’année suivante, John Ogilvie et John Brooke, deux ministres du culte, arrivent à Québec. Brooke y resta jusqu’en 1769 et put compter sur l’aide de Bennet jusqu’en 1764. Oglivie, pour sa part, s’est aussitôt joint à l’armée d’Amherst et a participé à la prise de Montréal. Restant attaché à Amherst, il partit pour New York en 1764. Après la prise de Montréal, Houdin s’y rendit et y passa l’hiver. Dès 1761, il était de retour à New York. En 1766, David Chabrand Delisle fut envoyé à Montréal à titre d’aumônier militaire de la garnison de Montréal. Il occupa ce poste deux ans avant de recevoir la charge pastorale de la congrégation de Montréal. Edward Philips, nommé aumônier du 63e régiment, en 1763, et Richard Griffiths, nommé aumônier du 48e régiment, en 1761, avaient eux aussi dû faire quelques apparitions à Québec, sans y être attitrés de façon permanente.

Dans une lettre adressée à la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts (SPG)95, en 1764, John Ogilvie décrit la congrégation protestante de Montréal comme étant en « deplorable state ».96 Le journal de la SPG de 1765 fait état d’une pétition qu’elle aurait reçue en provenance de Québec demandant à ce qu’on augmente les tâches

93John Knox, Historical Journal, II, 9.277, cité dans M. Trudel, L’Église Canadienne 1759-1764, p. 177. 94 Eli Dawson, Richard Kendall, Henry Walker, George Lloyd, Samuel Bennet et Michel Houdin.

95La Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts (SPG) est une organisation missionnaire de l’Église

d’Angleterre ayant principalement œuvré dans les colonies anglaises du 18e et 19e siècle.

37

de l’aumônier John Brooke pour qu’il ne soit pas seulement responsable des militaires, mais qu’il s’occupe aussi de la congrégation de Québec. On y réclame aussi qu’un ministre du culte francophone soit envoyé pour accompagner Brooke et tenter de convertir les francophones.97 En 1767, une lettre de l’évêque de York, daté du 10 avril, fait état de la « negletected state of the Church of England in Canada »; pour y remédier, il suggère : « There should be two Ministers of the Church of England at Quebec; & two at Montreal; & one at Trois Rivieres. »98 La même année, une lettre de David Chabrand Delisle, daté du 30 septembre, signale que « the Romish priests take great advantage of the neglected State of the Church of England in these Parts ».99

En 1768, l’Angleterre finit par répondre partiellement aux nombreuses plaintes concernant l’état déplorable de la religion anglicane. On mit en charge un ministre du culte responsable des chacune des congrégations de Québec, Trois-Rivières et Montréal. Les trois étant de langue maternelle française.

Les archives anglicanes de l’époque ne nous permettent pas d’avoir une très bonne connaissance des activités de ces premières églises bilingues. Avec des archives essentiellement constituées d’actes de baptême et de mariage, il est difficile de connaître la vie de ces paroisses.

Nonobstant ces lacunes, nous pouvons tout de même penser que l’instauration de ces trois paroisses bilingues n’a pas été un succès. « En août 1770, Montmollin écrivit que ses fidèles étaient très peu nombreux […] "une quinzaine au plus assistaient à l’office, et même la moyenne des assistants n’avait été que de trois dans les derniers temps" ».100 « En janvier 1775, Henry Caldwell, qui allait être nommé au Conseil législatif de Québec l’année suivante, écrivait à lord Shelburne, un membre éminent de la chambre des Lords, que la religion protestante "s’en allait résolument à la mendicité dans ce pays." »101 « En février 1786, Evan Nepean, commissaire du petit sceau, recevait un mémoire qui

97 SPG Journal, vol. 16, p. 280 recopié dans Historical Records of the Church of England, Series D, Q1.

98 Shelbourne Manuscripts, vol. 59, p. 24 recopié dans Historical Records of the Church of England, Series D, Q1. 99 SPG Journals, vol. 17, page 465 recopié dans Historical Records of the Church of England, Series D, Q1.

100 Lettre de David-François de Montmollin, 5 août 1770, cité dans James H. Lambert, « Montmollin, David-François

de », dans DBC, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003-, [http://www.biographi.ca/fr/bio/chabrand_delisle_david_4F.html]

101 James H. Lambert, « Veyssière, Leger-Jean-Baptiste-Noël », dans DBC, vol. 5, Université Laval/University of

38

qualifiait de honteuse la situation de l’Église d’Angleterre, à Trois-Rivières ». 102 En 1788, des loyalistes rédigèrent une plainte mettant entre autres l’accent « sur la faible assistance aux offices religieux ».103 La correspondance témoignant des trente premières années de la religion anglicane dans la province de Québec semble décrire un échec persistant tout autant auprès des Anglophones que des Francophones.

Les trois ministres du culte à qui on avait confié la tâche d’établir des paroisses bilingues de l’Église d’Angleterre n’avaient pas reçu une formation théologique proprement anglicane.

David Chabrand Delisle, originaire des Cévennes en France, avait été formé en théologie au séminaire de Lausanne en Suisse, qui servait d’institution clandestine pour l’Église du Désert. David-François de Montmollin était originaire de Neufchâtel en Suisse; il a par la suite fait des études de médecine à Bâle, puis il a été membre de l’Église flamande à Leyde aux Pays-Bas avant de rejoindre la paroisse huguenote de La Patente, à Spitalfields en Angleterre. Ces deux ministres du culte ont donc fréquenté des environnements uniquement réformés calvinistes avant de devenir ministre du culte de l’Église d’Angleterre à Montréal et à Québec.

Quant à Léger-Jean-Baptiste-Noël Veyssière, ministre du culte à Trois-Rivières, il avait été formé dans des milieux catholiques, ayant fait des études en France, à Cahors, puis au séminaire de Québec. Il a été ordonné prêtre à Québec en 1758, puis a desservi les paroisses de Saint-Michel et de Beaumont de 1762 à 1765. Il a par la suite été prêtre à Saint-Nicolas un peu moins d’une année avant de quitter l’ordre des Récollet et d’abjurer le catholicisme. Après être passé au protestantisme en rejoignant l’Église d’Angleterre, il semble s’être davantage rattaché aux idées calvinistes des huguenots qu’à une théologie proprement anglicane, si l'on en croit les lectures dont il se nourrissait. Sa bibliothèque personnelle ne contenait pas d’œuvres de théologiens anglicans, mais des livres de

102 Ibid.

103 James H. Lambert, « Chabrand Delisle, David », dans DBC, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003-,

39

théologiens calvinistes comme Alphonse des Vignoles, Pierre Jurieu, Élie Merlat, Isaac Jaquelot, Pierre Roques, Jean Claude, et Jean Le Sueur104.

Les trois ministres du culte d’origine francophone, chacun à leur façon, n’ont pas fait l’unanimité. On leur a reproché « la rareté […] de la dispensation des sacrements »105 et de « chaque dimanche, massacr[er] la pauvre liturgie anglaise de la manière la plus barbare ».106 Devant ce genre de reproche, on peut se demander s’il ne s’agit pas plutôt d’un conflit interne à l’anglicanisme entre la tendance Low-Church, et la tendance High-

Church. James H. Lambert a déjà souligné qu’il fallait peut-être tempérer les accusations

faites contre ces ministres du culte car « la taille et la composition de sa bibliothèque sembleraient réfuter les accusations d’imbécilité et d’irréligion portées contre Veyssière ». Ainsi le mépris que certains avaient à leur égard ne provenait probablement pas seulement d’une incompétence à exercer la fonction de ministre du culte.

À propos du prosélytisme anglican, Robert Sylvain, écrit : « [il] se révéla très peu agissant; il ne témoigna, au début, que de velléités qui, en fait, grâce à l’esprit libéral du gouvernement anglais, ne se concrétisèrent jamais. »107 On doit tout de même se demander si la décision du début du 19e siècle de ne pas renouveler l’effectif des ministres du culte francophone, va au-delà d’une volonté d’« abandonner l’attitude de prosélytisme adoptée après la Conquête »108. Si l’on ne l’a pas renouvelé, c’est peut-être parce que « c’est sur le plan éducationnel que des efforts plus sérieux furent déployés »109 et que « l’Église anglicane considérait […] qu’elle avait intérêt à ne pas envenimer les relations entre les deux groupes ethniques [et que] la conversion des francophones

104 BAnQ, CN401, S6, Archives des notaires du Québec, District judiciaire de Trois-Rivières, Joseph Badeaux, 30

janvier 1800, Inventaire de biens après décès de Léger-Jean-Baptiste-Noël Veyssière, [http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/notaires/affichage.html?serie=04T_CN401S6&a=a_c]

On y retrouve entre autres les œuvres suivantes : Alphonse des Vignoles, Chronologie de l’histoire sainte ; Pierre Jurieu, Histoire critique des dogmes et des cultes, et Préjugés légitimes contre le papisme ; Élie Merlat, Le vrai

piétisme ; Isaac Jaquelot, Dissertation sur l’existence de Dieu ; Pierre Roques, Le pasteur évangélique ; Jean Claude, Œuvres posthumes ; Jean Le Sueur, L’Histoire de l’Église et de l’Empire.

105 J.H. Lambert, « Chabrand … ». 106 J.H. Lambert, « Veyssière … ».

107 R. Sylvain, « Aperçu sur le prosélytisme protestant …» p. 67. 108 J.-L. Lalonde, Des loups dans …,p. 48

40

n’apparaissait plus comme un moyen réaliste de rendre la colonie anglaise et protestante »110.

Ces raisons politiques qui sont généralement les seules que l’on retient pour expliquer l’attitude de l’Église anglicane du début du 19e siècle sont loin d’être erronées. Elles sont tout à fait valables, bien qu’incomplètes. Il faut aussi tenir compte des politiques internes à l’Église anglicane au Canada et considérer que des motifs ecclésiologiques et théologiques sont nécessairement en cause dans la direction qu’emprunte l’Église anglicane.

2.2.2 - L’abandon des ministres du culte d’arrière-plan non anglicans

Dans la deuxième moitié du 18e siècle, au moment où Veyssière, Montmollin et Chabrand-Delisle faisaient partie du clergé anglican canadien, les anglicans étaient ouverts à l’ordination d’un clergé provenant de divers horizons théologiques. En Nouvelle-Écosse, entre 1752 et 1785, Christian Burger, John Eagleson, Peter Delaroche, Paullus Bryzelius et Bernard Michael Housea ont été ordonnés ministre du culte anglican malgré leur arrière-plan réformé ou luthérien111.

Cette ouverture à la diversité des protestantismes de la part de l’anglicanisme canadien ne plaisait pas à tous et ne se déroulait pas toujours sans conflit. À titre d’exemple,

Documents relatifs