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Comparaison entre l’hypothétique « marranisme huguenot » et certains

connues

En parcourant l’histoire des religions, on peut retracer quelques communautés ayant vécus des phénomènes de religiosités souterraines partageant certaines ressemblances avec le cas hypothétique du « marranisme huguenot ». Ici, par religiosité souterraine, on entend un système de croyances et de pratiques dont les adeptes qui y adhèrent la maintienne malgré une situation légale interdisant son existence. Ceux-ci étant donc poussé à vivre leur foi dans le secret et vivre publiquement au sein d’une autre religion que celle qu’ils confessent dans leur propre conscience.

Un bref survol des travaux sociologiques et historiques sur ces phénomènes souterrains nous fournira nécessairement des pistes de réflexion fécondes. Il est tout indiqué de comparer d’abord l’histoire marrane avec l’histoire protestante québécoise; c’est d’ailleurs ce cas précis que Philippe Joutard utilise pour créer l’expression néologique « marranisme huguenot ». Les deux autres cas les plus intéressants à comparer avec le « marranisme huguenot » seraient le protestantisme français et le valdéisme. Ces trois expériences seront abordées en comparant leur histoire avec celle du protestantisme franco-québécois. Le marranisme juif est aussi abordé pour certains de ses aspects sociologiques et théologiques.

4.1 - Historiographie du marranisme juif

4.1.1 - Les sources utilisées dans l’étude du marranisme juif

Pour bien comparer le marranisme avec l’hypothétique « marranisme huguenot », il convient de s’interroger sur la nature des sources utilisées pour faire l’histoire marrane, ainsi que sur l’évolution de son historiographie. L’histoire des minorités recèle de pistes méthodologiques intéressantes.

Nathan Wachtel débute une de ses études sur le marranisme en donnant quelques précisions sur les sources utilisées:

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La question marrane […] constitue un phénomène dont l’intelligence exige une étude autant que possible globale. Pour l’aborder, le présent ouvrage ne prétend proposer qu’une première esquisse, sous la forme d’une galerie de portraits. De fait, les milliers de procès conservés dans les archives inquisitoriales nous offrent comme autant de miroirs où se reflètent les vies d’hommes et de femmes dont il ne reste plus que ces traces inscrites devant les Tribunaux du Saint-Office. D’où des portraits, en effet, plutôt que des biographies à proprement parler, car cette documentation ne nous fournit, au total, que des informations partielles et fragmentaires.207

D’abord, soulignons qu’il mentionne que les informations sont essentiellement « partielles et fragmentaires ». Il s’agit là d’une problématique incontournable dans l’étude d’une minorité. Les vainqueurs ayant plus de moyens de conserver leur mémoire et leur patrimoine, l’histoire des vaincus se fera toujours avec moins de ressources. L’histoire du protestantisme québécois ne pourra donc elle aussi, qu’être fragmentaire, ainsi un titre d’ouvrage comme Huguenots et protestants francophones au Québec :

Fragments d’histoire208, est donc pleinement justifié et reflète une réalité incontournable. En revanche, malgré le caractère fragmentaire des sources utilisées pour écrire l’histoire marrane, il n’en reste pas moins que l’historien a accès à des milliers de procès provenant des archives des Tribunaux du Saint-Office. Malgré quelques controverses quant à la crédibilité de ces sources, après avoir été soumis aux méthodes de critique historique ces archives inquisitoriales sont d’excellents témoins de la réalité des marranes. Il s’agit là d’une profonde différence entre l’histoire marrane et l’histoire du protestantisme en Nouvelle-France. Il n’y a jamais eu de procès pour cause de protestantisme envers des individus en Nouvelle-France, les principales archives qui nous permettraient de parler d’un protestantisme souterrain sont les abjurations; la nature même de cette « preuve » est problématique, car elle nous indique un passé protestant tout en reniant cette identité protestante pour le futur. Présentée seule, sans un contexte plus large sur les individus en question, leur utilisation comme preuve d’un attachement au protestantisme risque de se transformer en une tautologie qui pourrait construire une identité protestante à tout un chacun, sans que cela ne soit justifié. En effet, un protestant peut véritablement abjurer sa foi parce que sa conscience lui dicte de se faire catholique. Utiliser l’abjuration comme

207 Nathan Wachtel, « La Foi du Souvenir Labyrinthes Marranes », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Débats, 2002, p. 12. 208 Marie-Claude Rocher et collab, Huguenots et protestants francophones ….

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preuve de protestantisme reviendrait à renier ce fait. De plus, un acte d’abjuration est une bien maigre documentation à comparer à un procès inquisitorial.

En excluant ce qui a trait aux protestants en Nouvelle-France avant leur interdiction, les autres archives concernant le protestantisme dans cette colonie sont les correspondances entourant les plaintes du clergé catholique à propos d’individus protestants. Il s’agit là seulement de plaintes générales dirigées à l’endroit de protestants dans la colonie. En plus de ne pas nommer des individus précis, ces plaintes sont centralisées spécifiquement sur les marchands. Mgr de Laval conclut son Mémoire sur les Protestants ainsi : « Une defence aux commerçants français d’envoyer des commis protestants suffirait pour remédier à l’abus. »209

En ne précisant pas l’identité de ces protestants et en s’intéressant principalement à des gens qui sont généralement de passage dans la colonie, ces sources rendent l’existence du « marranisme huguenot » difficilement défendable à comparer au marranisme juif appuyé par d’épais dossiers de procès inquisitoriaux. Face aux plaintes du clergé, l’intendant François Bigot, fait le contrepoids en « certifi[ant] que ces personnes n'ont pas l'intention de s'établir et qu'elles ne se sont jamais assemblées pour prier en commun », il assure également le ministre que « ces personnes n'ont jamais introduit de "mauvais livres" dans le pays. »210 Ce témoignage selon lequel l’intendant Bigot assure que les marchands d’origine protestante en Nouvelle-France ne sont pas là pour s’y installer de façon permanente, et qu’ils ne font pas acte public de protestantisme semble être corroboré par le cas de l’expulsion de Gabriel Bernon. Ce marchand a été expulsé de la Nouvelle- France en 1685 et interdit d’y commercer puisqu’il représentait une menace dûe à sa foi protestante.211 Il a par la suite fondé une maison de commerce à Boston. L’expulsion pour cause de protestantisme étant une possibilité en Nouvelle-France, il semble que ceux y ayant séjourné devaient être plutôt discrets quant à leur origine protestante.

209 Mgr François de Laval, Mémoire de l’Evesque de Quebec sur les Protestants, 1670, ASQ, manuscrit 17, p. 207, cité

au complet dans M. Pelchat, 2014, dans M.C. Rocher, Huguenots et protestants francophones …, p. 247.

210 Lettre de François Bigot au ministre de la Marine, 3 octobre 1749, AC, Série C., II-A, vol. 93, fol. 257 et 258, cité

par M.-A. Bédard, « Les protestants en Nouvelle-France », p. 42.

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4.1.2 - Renouvèlement de l’historiographie marrane

L’histoire marrane, à l’instar de beaucoup d’autres histoires des minorités et de vaincus, a connu un renouvèlement de son historiographique au cours du dernier siècle. Les marranes font partie de ceux à qui l’on a tenté de redonner leur histoire. Bruce Rosenstock exprime bien ce tournant historiographique :

Until quite recently, most historians believed that a very large number, perhaps even the majority, of fifteenth-century conversos were covert "Judaizers". This belief was first circulated by the enemies of the New Christians in the middle of the fifteenth century, and it served as the justification for the establishment of the Inquisition in Spain : to uproot the allegedly widespread heresy of Judaizing frim among the New Christians. […] In the Last decades, since the publication of The Marranos of Spain by Benzion Netanyahu in 1966 and most recently with the appearance of his book The Origins of the Inquisition in Fifteenth-Century Spain in 1995, a different appraisal of "Marrano Judaism" prior to the Inquisition has been advanced.212

La compréhension des marranes qu’ont la plupart des historiens contemporains ne relève pas d’une nouvelle théorie bâtie de toute pièce, des centaines d’années après les événements, mais bien d’une réinterprétation faite à la lumière de la compréhension qu’en avaient certains contemporains des événements. Comme l’écrit Rosenstock ce renouvèlement de l’historiographie ne relève pas véritablement de la nouveauté : « This is not, in fact, new; it is, rather, the appraisal offered by the defenders of the New Christians at the time ».213 Les historiens n’écrivent plus l’histoire marrane avec la seule vision d’un catholicisme inquisitorial suspicieux envers les marranes. C’est ainsi qu’on a pu découvrir que les marranes n’étaient pas tous seulement des crypto-juifs. L’exemple de la marrane Theresa Paes de Jesus, une femme de milieu modeste, illettrée, vivant au début du 18e siècle à Rio de Janeiro, exprime bien cette identité entre crypto-judaïsme et catholicisme sincère. Dans les archives de son procès inquisitorial, la femme parle de « la loi d’une sainte et d’un saint nouveaux, à savoir Esther et Moïse »214. Elle affirme avoir fait « une neuvaine en l’honneur de Moïse et de la Reine Esther ». Toutefois, elle dit

212 Bruce Rosenstock, New men: conversos, Christian theology, and society in fifteenth-century Castile, London:

Department of Hispanic Studies, Queen Mary, University of London, 2002, p. 7.

213 Ibid.

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aussi n’avoir jamais abandonné « en son cœur la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ ». Ensuite, lorsque son mari est interrogé, il affirme avoir déjà réprimandé sa femme en lui demandant de « vivre dans la loi du Christ ». Finalement l’explication que donne Theresa Paes de Jesus aux inquisiteurs pour justifier ce que ceux-ci considèrent être des mauvaises pratiques, témoigne bien de cette identité paradoxale du marrane qui oscille entre deux religions sans nécessairement être conscient d’exprimer une incompatibilité aux yeux des autorités ecclésiastiques.

De même qu’une personne peut avoir plusieurs dévotions pour Notre-Dame ou d’autres saints, tout en s’attachant à l’une plus qu’à l’autre, de même pour moi, entre la loi de Moïse et la loi de Notre Seigneur Jésus-Christ, je m’attachais plus à celle de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’à celle de Moïse.215

C’est cette identité syncrétique qui a été redécouverte avec l’accès au procès inquisitoriaux. En étudiant ces procès sans les préjugés qu’avaient les inquisiteurs, on découvre des traits juifs chez les condamnés qui ne sont pas toujours du crypto-judaïsme très assumé.

Le renouvèlement de l’historiographie marrane tient d’abord et avant tout à la réinterprétation d’une réalité déjà connue et non pas de la découverte d’une réalité cachée. Que l’on interprète le marrane comme un crypto-juif, un chrétien à tendance hérétique judaïsant, ou encore un chrétien bien assimilé, on ne remet pas en doute l’existence de ce groupe de personnes d’origine juive à l’identité paradoxale ni sa présence dans la société chrétienne de la péninsule Ibérique. Ce qui a changé, c’est le regard que l’on porte sur lui et non pas notre connaissance même de son existence. On a délaissé la vision de l’Inquisition, considérant tous les marranes comme des crypto-juifs, pour laisser place à une plus large définition de la réalité marrane telle qu’elle se dessine à travers la voix des marranes trainés en procès inquisitorial. On redécouvre ce qu’était vraiment les marranes et ce même si certaines études sur les marranes peuvent sembler surprenantes, en particulier celles de Nathan Wachtel retraçant des marranes d’Amérique latine, ou encore ses études d’histoire régressive partant de l’existence « de Juifs

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clandestins216, en plein 20e siècle, dans un pays démocratique ».217 Cet anonymat s’exprime dans les propos de Paulo Valdares qui affirme :

Je crois que certains de mes cousins ou cousines maintiennent quelques-unes des coutumes, malgré les difficultés d’aujourd’hui. La nourriture, les prières à la maison : oui je crois que quelques membres de ma famille continuent. Mais pas de façon publique, toujours secrètement218.

Il y a donc certaines pratiques qui persistent au sein de certains foyers d’origine marrane, qui les différencient du voisinage catholique : « interdits alimentaires (prohibition du porc, des poissons sans écailles et fruits de mer, du sang, etc.) ou encore allumage d’une bougie le vendredi soir. »219 Ces gestes à la frontière du culturel et du cultuel témoignent bel et bien d’une persistance de certaines pratiques juives chez des convertis au catholicisme, sans pour autant faire de ceux qui les pratiquent des hérétiques.

Pour faire le parallèle entre marranisme et protestantisme franco-québécois il s’agit de se demander si la théorie du « marranisme huguenot » serait une réinterprétation de ce qui s’est présenté comme le protestantisme québécois, ou s’il s’agit de la découverte d’un nouveau phénomène jusqu’ici inconnu de tous les historiens du Québec. S’il s’agit de la deuxième option, nous avons intérêt à avoir de solides preuves pour appuyer cette thèse puisque nous aurions découvert une réalité qu’aucun auteur contemporain du phénomène n’aurait observée.

4.1.3 - La théologie marrane

Dans les années 1970, le renouvèlement de l’historiographie marrane a aussi suscité la découverte d’une théologie marrane. Celle-ci d’abord mise en lumière par les travaux de Richard H. Popkin et Antonio José Saraiva sur l’œuvre d’Isaac La Peyrère, et s’est par la suite ouverte à l’étude d’autres théologiens.

216 Ces juifs sont davantage anonymes que clandestins, puisque leur existence n’est en rien illégale. 217 Nathan Wachtel, Entre Moïse et Jésus … , p. 352.

218 Ibid, p. 355.

219 Danielle Rozenberg, recension de Nathan Wachtel, La Foi du souvenir. Labyrinthes marranes, Archives de sciences

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Bien qu’évoluant au début de sa vie dans les milieux calvinistes de Bordeaux et Montauban, la pensée d’Isaac La Peyrère ne se classe pas parmi l’orthodoxie protestante, notamment en raison de sa théorie des préadamites qui fait d’Adam non pas le premier homme, mais le premier juif. Il a, à un certain moment de sa vie, abjuré le calvinisme et renoncé à son hypothèse des préadamites. Or, alors qu’il était catholique et chez les oratoriens, il rédige un traité ayant pour titre Du Rappel des Juifs, qui est aussitôt condamné par l’Église comme étant trop judaïsant. Nathan Wachtel décrit Isaac La Peyrère comme un théologien qui « s'attache à réduire autant que possible la distance entre les deux religions, juive et chrétienne, […] au point d'insister sur le fait que les nouveaux-chrétiens ne sont pas les seuls agents providentiels de l'histoire : ceux-ci comprennent bel et bien des Juifs »220. Ainsi il défend un « œcuménisme relativiste selon lequel on peut assurer son salut aussi bien dans "la loi de Moïse" que dans "la loi de Jésus" ».221 Il va même jusqu’à suggérer que « l'Église renonce à enseigner les multiples dogmes et articles de foi qui créent une confusion et empêchent l'adhésion des Juifs ».222 Il défend une « Theologie Chrestienne accommodée à l'usage des Juifs, des Gentils, & des Chrestiens »223. C’est donc cette « "accommodation" à la fois tolérante et œcuménique [qui] correspond […] aux perspectives d'une théologie que l'on peut en effet qualifier de "marrane" »224.

Quelques autres théologiens antérieurs ou contemporains de La Peyrère ont eux aussi façonné une théologie de type marrane. Antonio Vieira, Francisco de la Cruz, Pedro de Rates Hennequim, Antonio de León Pinelo, Alfonso de Cartagena, Juan de Torquemada, et Fernan Diaz de Toledo sont les principaux auteurs chrétiens, « conversos », dont il est possible de retrouver une sorte de marranisme dans leur théologie même si ces derniers ont toujours évolué au sein du christianisme.

Bien que la théologie chrétienne contemporaine de l’Inquisition fût anti-juive, d’autres traditions chrétiennes avaient choisi la neutralité face au judaïsme; notamment la théologie augustinienne. Comme l’écrit Bruce Rosenstock, « For Augustine,

220 Nathan Wachtel, « Théologies marranes: Une configuration millénariste », dans Annales. Histoire, Sciences

Sociales, vol. 62, no 1, 2007, p. 71. 221 Ibid., p. 72.

222 Ibid., p. 74.

223 Isaac La Peyrère, Du Rappel des Juifs, Paris, 1643, p. 361, cité dans N. Wachtel, « Théologies marranes … », p. 74 224 Nathan Wachtel, « Théologies marranes … », p. 74.

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contemporary Jews are no better than, but also no worse than, the generation that rejected Jesus. »225 Ainsi la particularité de la théologie marrane n’est pas de rejeter l’antijudaïsme qui est majoritaire chez les contemporains. Sa spécificité consiste à dépasser la neutralité pour ainsi faire des juifs un élément essentiel en les intégrant pleinement comme pierre angulaire dans l’histoire du salut de l’humanité. Alonso de Cartagena exprime ainsi cette place particulière qui revient aux juifs :

[T]he full restoration of all the nation of Israel is to be expected after a very great length of time [since the coming of Jesus], and, for one who considers the matter with a sincere and devout heart, it is sufficiently clear that the more frequently we witness conversions of the faithless Israelites, the more closely we approach that time of which the apostle spoke when he said "all Israel shall be saved", and as a consequence there shall be an end to this weary age.226

Pour sa part, Juan de Torquemada commente ainsi le chapitre 11 de l’Épître au Romain: « The whole glory and advancement of those who are converts from the gentiles is due to the fact that they have been brought within the dignity of the Jewish people and inserted into its branches. »227

Nous avons ici deux exemples assez explicites de cette intégration du judaïsme dans un discours chrétien démontrant ainsi ce qu’on entend par théologie marrane. Tout en affirmant l’existence de cette théologie marrane, il ne faudrait pas imaginer que ce discours était très répandu. En effet, comme le conclut Bruce Rosenstock : « Only a small intellectual elite could formulate the converso theology explicitly and in detail, with proof texts from scripture and biblical commentary. Most conversos would be incapable of such a high level of theoretical sophistication. »228 Cependant, il est tout de même probable de penser que cette théologie formulée par une intelligentsia marrane a pu avoir un retentissement dépassant les cercles érudits et nourrissant une certaine affection pour le judaïsme chez les marranes convertis au catholicisme comme cela a peut-être été le cas de Theresa Paes de Jesus, mentionné plus tôt, qui fut condamnée par l’Inquisition.

225 Bruce Rosenstock, New men: conversos …, p. 18.

226 Alonso de Cartagena, Defensorium unitatis christianae, II.ii.3;126, 1449, cité et traduit dans Bruce Rosenstock, New

men: conversos …, p. 41.

227 Juan de Torquemada, Tractatus contra Madianitas et Ismaelitas, chap.13;103, 1450, cité et traduit dans Bruce

Rosenstock, New men: conversos …, p. 76.

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La réalité du marranisme évoluant au sein du catholicisme sans être un crypto-judaïsme assumé est une piste attrayante pour l’étude du « marranisme huguenot ». Cependant, la distance séparant protestantisme et catholicisme est beaucoup plus mince que celle séparant catholicisme et judaïsme. Il est donc presque impossible de relever des traits d’un « marranisme huguenot » qui ne pourraient pas être aussi interprétés comme une réalité pleinement catholique n’ayant nul besoin d’un héritage protestant pour émerger.

4.2 - Les pratiques religieuses clandestines face aux

persécutions

Les principaux cas de religions souterraines connues ont survécu à une opposition violente de la part de la religion dominante. Pensons aux vaudois du Piémont, aux réformés de France ou aux juifs du Portugal; ils ont été opprimés par l’Inquisition ou les dragonnades.

Une comparaison entre la situation des marranes en Espagne et au Portugal permet d’observer que les répressions tenant des suspicions de crypto-judaïsme chez les nouveaux catholiques ont été plus fortes au Portugal qu’en Espagne. C’est probablement cette confiance qu’ont accordée les chrétiens espagnols aux nouveaux chrétiens qui ont fait en sorte que les marranes espagnols devinrent véritablement des catholiques romains. En effet, les juifs qui ont eu part « à tous les privilèges des Espagnols de race, jugés

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