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ÉTUDE DE CAS - ENTRE DÉSIR DE VENGEANCE ET DE JUSTICE : LE THÈME DES HOMICIDES DANS LES DERNIÈRES LETTRES DES RÉSISTANTS

1 La réflexion sur les homicides commis 1.1. L’expérience de l’homicide

1.2. L’aversion de l’homicide 2 Le désir de vengeance 2.1. Les motifs de la vengeance 2.2. Les acteurs de la vengeance 3 Le refus de la vengeance

3.1. Les raisons personnelles du refus 3.2. La demande de justice

CONCLUSION

TABLE DES ANNEXES ANNEXES

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Liste des sigles et acronymes

AS : Armée secrète

BBC : British Broadcasting Corporation

BCRA : Bureau central de renseignement et d’action BS : Brigades spéciales

CH2GM : Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale CNR : Conseil national de la Résistance

CNRS : Centre national de la recherche scientifique

DGTO : Délégation générale (du gouvernement français) dans les territoires occupés EHESS : École des hautes études en sciences sociales

FFI : Forces françaises de l'intérieur FTP : Francs-Tireurs et Partisans

FTPF : Francs-Tireurs et Partisans français

FTP-MOI : Francs-Tireurs et Partisans de la Main d’œuvre immigrée

MBF : Militärbefehlshaber in Frankreich (commandement militaire en France) BNF : Bibliothèque nationale de France

MOI : Main d’œuvre immigrée

MUR : Mouvements unis de la Résistance

NSDAP : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (parti national-socialiste des travailleurs allemands) OBdH : Oberbefehlshaber des Heeres (commandant en chef de l'armée de terre)

OCM : Organisation civile et militaire

OVRA : Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell’Antifascismo (organisation de vigilance et de répression de l'antifascisme)

PCF : Parti communiste français

RSHA : Reichssicherheitshauptamt (office central de la sécurité du Reich)

Sipo-SD : Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst (police de sécurité et service de sécurité) SOE : Special Operations Executive

SS : Schutzstaffel (escadron de protection) STO : Service du travail obligatoire

URSS : Union des républiques socialistes soviétiques

Introduction

Le rapport à la mort des individus dépend du contexte historique dans lequel ils se situent, en raison des manières dont ils peuvent être exposés à la mort, tandis que l'appréhension qu'ils en ont est aussi forgée par leur caractère, leur éducation, leur religion et leur origine sociale. Le rapport à la mort des résistants tient sa spécificité non du contexte de guerre en lui-même, bien qu’il soit intrinsèquement lié à la mort, mais à la manière dont ils vivent la guerre1. En effet, il ne s’agit pas d'un affrontement ouvert entre deux armées. L'État français ayant signé un armistice avec l'Allemagne le 22 juin 1940 puis un avec l'Italie le surlendemain, les Français souhaitant continuer le combat doivent le faire à l'insu de leur gouvernement.

Certains Français décident de rallier Londres, formant la France Libre avec le général de Gaulle, tandis que d'autres mènent en métropole une lutte clandestine vis-à-vis des occupants comme de l'État Français constituant progressivement la Résistance. Selon Pierre Laborie, la Résistance est la volonté de nuire, pensée en tant que situation de guerre, aux occupants et à leurs collaborateurs. Elle doit s'observer non à l'aune d'actes mais de ce qui les a motivés et constitue une « pratique de transgression »2. « L’éthique du résistant est que la vie ne vaut d’être vécue que dans le respect et la défense de valeurs »3, ils risquent donc quotidiennement leur vie pour les défendre.

Les résistants peuvent être tués au cours d'arrestations, mourir lors d'interrogatoires ou être condamnés à mort par des tribunaux. La mort, qui peut être définie comme la cessation de la vie, doit être interrogée sous divers angles dans le cadre de la Résistance : la perception qu'en ont les résistants, la signification qu'ils lui donnent, les conditions dans lesquelles elle a lieu mais aussi qui elle vise. Les résistants peuvent eux-mêmes choisir de se tuer (au moment de leur arrestation ou en captivité) ou de tuer des occupants, des collaborateurs ou des traîtres. Les choix de leurs victimes, les raisons du passage au meurtre dans les conditions de l'Occupation, la manière dont il est vécu ainsi que les moyens mis en œuvre pour tuer sont à étudier. À l'inverse, il faut aussi tenir compte du rapport que les résistants entretiennent avec les défunts que ceux-ci soient des camarades de résistance victimes de la répression (par les hommages rendus, l'aide aux familles, la perte ressentie, etc.) ou des victimes indirectes de leurs actions (les otages, les victimes collatérales d’attentats).

Les sources du for privé sont à privilégier pour appréhender ce sujet car elles permettent d'accéder à l’expression de leurs réflexions particulièrement dans leurs journaux mais aussi dans leurs correspondances.

Les témoignages des résistants publiés après-guerre contiennent de nombreux renseignements bien qu'il faille les examiner en tenant compte de l'influence du contexte d'écriture. D'autres sources produites par les résistants fournissent des informations : la presse clandestine, les papillons et tracts, la documentation interne aux mouvements et réseaux de la Résistance et les discours prononcés à la BBC. Les dossiers des services de répression des occupants et de l'État Français renseignent sur les homicides commis par les résistants, leur suicide, les circonstances et les motifs de leur arrestation et condamnation.

L'étude de cas de ce mémoire est une contribution à l'histoire du rapport des résistants à la mort en abordant le thème des homicides dans les derniers écrits des résistants. Cette étude est permise par l’analyse des lettres de résistants fusillés et des graffitis des prisons croisés avec d’autres sources telles que la presse clandestine et les témoignages de résistants réalisés après-guerre. L’étude porte sur les années 1941 à 1944 ne couvrant donc pas tout à fait les années d’Occupation pour des raisons de déficit de matériaux. L’angle d’approche des homicides permet de cerner les motivations des résistants, les cas de conscience que peuvent

1 Sur la spécificité du vécu de la guerre par les résistants se référer à VAST Cécile, L’identité de la Résistance : être résistant de l’Occupation à l’après-guerre, Paris, Payot, 2010.

2 LABORIE Pierre, « L'idée de Résistance, entre définition et sens : retour sur un questionnement », in Les Français des années troubles : de la guerre d'Espagne à la Libération, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, pp. 73-90.

3 Témoignage de René Remond. URL : https://www.memoresist.org/temoignage/rene-remond/

leur causer leurs actions mais aussi, indirectement, leurs dernières préoccupations avant leur mort. Il permet également de comprendre comment les violences physiques et morales infligées aux résistants dans le cadre de la répression peuvent les amener à céder à la volonté de s’en venger jusqu’à désirer la mort des bourreaux et, au contraire, la façon dont certains résistants parviennent à ne pas céder à la haine. Cette thématique donne ainsi à voir la perception qu’ont les résistants des Allemands et des traîtres et la manière dont ils envisagent les relations futures entre la France et l’Allemagne.

État de l’art

1 La Résistance

Plusieurs historiens ont entrepris de définir la Résistance4. Pierre Laborie, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Toulouse-Le Mirail et directeur d'études à l'EHESS spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, a montré les limites des tentatives de ses prédécesseurs dans l'article « La Résistance et les Français, nouvelles approches »5. Le premier point qu'il tient à souligner est que « ce que fait la Résistance est à distinguer de ce qui la fait, de ce qu'elle est », pensant la Résistance non par les effets de ses actions mais par ce qui les a motivées. Il distingue ainsi action de résistance et acte de Résistance. La Résistance est selon lui la lutte volontaire contre « un ennemi identifié, occupant ou au service de l’occupant » comprenant « une juste conscience du risque » et « l’acceptation, de fait ou de principe, de la nécessité de la lutte armée ». Elle constitue une « pratique de transgression » tant du « jeu social » que des lois. Il conclut en soulignant les limites de son travail puisqu'il n'intègre pas l'environnement social. Celui-ci est difficile à positionner les habitants pouvant couvrir ou aider ponctuellement des résistants.

Il est nécessaire de comprendre la manière dont l'histoire de la Résistance s'est progressivement construite afin d'apprécier les diverses ressources à disposition pour l'étudier. Laurent Douzou, professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques de Lyon et spécialiste de cette période, a publié en 2005 un essai historiographique intitulé La Résistance française : une histoire périlleuse ?6 Bien qu'il n'ait pas pu lire toutes les publications sur le sujet, et étant conscient de cette limite, sa connaissance de la période lui permet d'établir un bilan global. Il met l'accent sur la difficulté que représente l'écriture de l'histoire de la Résistance, tentant de concilier sa dimension légendaire avec la rigueur méthodologique, puis démontre l'intérêt que portent les résistants à la manière dont sera écrite leur histoire et la façon dont certains commencent à l'écrire dès la guerre. La Résistance peut leur apparaître épique bien que ce ne soit pas une généralité : à ses débuts elle consiste surtout en un sursaut d'honneur et de patriotisme. Il définit le sacrifice selon les résistants (d'après leurs paroles et leurs actes) et ce que représente pour eux le fait de résister.

Entre 1944 et 1959, le gouvernement met en place des institutions afin de rendre un jour possible l'écriture de l'histoire de la Résistance par les historiens (la Commission d'histoire de l'Occupation et de la Libération de la France en octobre 1944 et le Comité d'histoire de la guerre en juin 1945 lesquels fusionnent en décembre 1951 donnant naissance au Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale dont le secrétaire général est Henri Michel). Les membres de ces institutions collectent des publications de résistants et leurs témoignages (préférentiellement par voie orale).

De 1944 à 1974, « les témoins gardent la parole et prennent la plume ». Les résistants narrent eux-mêmes leurs actions hors du cadre des institutions afin de préserver tôt une mémoire s'estompant rapidement et de rendre hommage aux morts. Certains hésitent cependant à le faire craignant que les mots ne suffisent pas à

4 MICHEL Henri, Les mouvements clandestins en Europe, Paris, Presses universitaires de France, 1961 ; BÉDARIDA François,

« Sur le concept de Résistance », in GUILLON Jean-Marie, LABORIE Pierre (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, pp. 45-50 ; DE JONG Louis, DOUZOU Laurent, « La Résistance française face à l'hypothèque de Vichy », in BIDUSSA David, PESCHANSKI Denis (dir.), La France de Vichy : archives inédites d'Angelo Tasca, Milan, Fondazione Feltrinelli, 1996, pp. 3-42.

5 LABORIE Pierre, « L'idée de Résistance, entre définition et sens : retour sur un questionnement », art. cité. Article originellement paru sous le titre « La Résistance et les Français, nouvelles approches » dans les Cahiers de l'IHTP, no. 37, décembre 1997, pp. 15-27.

6 DOUZOU Laurent, La Résistance française : une histoire périlleuse ?, Paris, Éditions du Seuil, 2005. Les paragraphes suivants résument son propos.

décrire leur vécu et sachant qu'une reconstruction des faits est forcément approximative. Le contexte dans lequel sont rédigés ces écrits influence leur contenu : des ouvrages font honneur au gaullisme, au communisme mais aussi au socialisme ou encore à la démocratie chrétienne. D'autres acteurs, a l'instar des femmes et des juifs, tentent de faire entendre leur voix.

Il est alors difficile de réaliser des synthèses en raison, d'une part, de la dispersion des sources et, d'autre part, de la proximité des événements qui peut induire des tensions (au point de vue politique mais aussi individuel). Lucien Febvre, cofondateur des Annales d'histoire économique et sociale, insiste sur la nécessité du témoignage des résistants7. L'important est de commencer à écrire cette histoire, de manière certes lacunaire et imparfaite, afin qu'elle ne sombre pas dans l'oubli. Les premiers travaux doivent permettre de guider les futurs historiens8. Pour pallier l'interdiction par la Sorbonne de consulter les archives en-deçà d'un délai de vingt ans, le CH2GM crée une Commission d'histoire de la Résistance en décembre 1955 destinée à établir des sujets réalisables et à les assigner à des chercheurs. Ceux-ci sont généralement d'anciens résistants, ce qui facilite leur compréhension du sujet et leur permet d'approcher facilement d'autres acteurs pour les interroger. À partir de 1975 émerge cependant une nouvelle génération d'historiens qui n’ont pas toujours une expérience personnelle de la Résistance. À cette période, le mythe du résistancialisme est remis en question, l'intérêt se portant sur Vichy (notamment avec La France de Vichy de Robert Paxton9), la collaboration et l'attentisme.

À partir de 1978 l'historiographie de la Résistance est « remise en cause et renouvelée ». Le CH2GM cède la place à l'Institut d'histoire du temps présent qui est inauguré en 1980. Des travaux originaux paraissent : par exemple Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, travaille sur celui-ci en se positionnant en historien10. Il décide de privilégier les archives, se méfiant des témoignages ce qui constitue une nouveauté. Les témoignages eux-mêmes se renouvellent dans leur forme et leurs propos, prônant une histoire scientifique. Les historiens insèrent leurs études locales de la Résistance dans une approche globale11. Ils tentent de faire le point sur le rôle des partis politiques12 et s'intéressent à des acteurs moins connus comme les immigrés13.

Enfin, Laurent Douzou démontre « l'érosion » de la stature des héros de la Résistance. Certains tombent dans l'oubli tels que Jacques Bingen, tandis que d'autres sont l'objet de calomnies, parfois de la part d'autres résistants, comme Jean Moulin (qui est défendu par Daniel Cordier). Cependant, dans le même temps, les enfants de résistants, atteignant l'âge mûr, s'intéressent au vécu de leurs parents et tentent de l'exprimer dans des ouvrages bien qu'ils aient conscience des limites de l'écrit14.

7 FEBVRE Lucien, « Au jour le jour », « Une tragédie, trois comptes rendus, 1940-1944 », Annales ESC, 1948, pp. 51-68 ; Id.,

« Avant-propos », in MICHEL Henri, MIRKINE-GUETZÉVITCH Boris (éd.), Les idées politiques et sociales de la Résistance, documents clandestins, 1940-1944, Paris, Presses universitaires de France, 1954, pp. VI-XI.

8 BAUDOT Marcel, L'opinion publique sous l'Occupation : l'exemple d'un département français (1939-1945), Paris, Presses universitaires de France, 1960 ; MICHEL Henri, Les courants de pensée de la Résistance, Paris, Presses universitaires de France, 1962 ; DENIS Henri, Le Comité parisien de la Libération, Paris, Presses universitaires de France, 1963.

9 PAXTON Robert, La France de Vichy 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, 1973.

10 CORDIER Daniel, Jean Moulin. L'inconnu du Panthéon, Paris, Jean-Claude Lattès, 3 vol., 1989-1993 ; Id., Jean Moulin. La République des catacombes, Paris, Gallimard, 1999.

11 LABORIE Pierre, Résistants, Vichyssois et autres. L'évolution de l'opinion et des comportements dans le Lot de 1939 à 1944, Paris, Éditions du CNRS, 1980 ; SAINCLIVIER Jacqueline, La Résistance en Ille-et-Vilaine, 1940-1944, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1993.

12 COURTOIS Stéphane, Le PCF dans la guerre : de Gaulle, la Résistance, Staline, Paris, Ramsay, 1980 ; SADOUN Marc, Les socialistes sous l'Occupation. Résistance et collaboration, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982.

13 COURTOIS Stéphane, PESCHANSKI Denis, RAYSKI Adam, Le sang de l'étranger : les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989 ; WIEVIORKA Annette, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Denoël, 1986.

14 WAYSAND Georges, Estoucha, Paris, Denoël, 1997 ; YUNG-DE PRÉVAUX Aude, Un amour dans la tempête de l'histoire.

Grâce à l'abondance des travaux sur la Résistance réalisés par des historiens, résistants ou descendants de résistants, il est possible d'établir des synthèses sur le sujet. Dans les années 1960 cet important travail, qui avait été ardemment souhaité dès la sortie de la guerre, est entrepris par Henri Noguères, Marcel Degliame-Fouché et Jean-Louis Vigier15. Ceux-ci sont conscients de leurs limites, ne serait-ce qu'en raison de l'indisponibilité de nombreuses sources due au délai d'accessibilité, mais ils pensent qu'écrire tôt une première synthèse est primordial afin que les résistants puissent la critiquer. Leur histoire de la Résistance se présente sous la forme d'une chronique citant abondamment les sources. Afin que les partis politiques soient équitablement représentés, les auteurs appartiennent à trois tendances différentes : Henri Noguères est socialiste, Marcel Degliame-Fouché avait été communiste et Jean-Louis Vigier est gaulliste, cependant ce dernier quitte le projet dès le deuxième tome (qui en totalise cinq) estimant, comme il le fait noter dans le premier tome, que les communistes sont trop bien lotis16.

D'autres synthèses sont ensuite éditées respectant sensiblement les mêmes bornes chronologiques (1940-1945) notamment une Histoire de la Résistance en France en 1993, régulièrement rééditée, dans la collection Que sais-je des PUF par Jean-François Muracciole, professeur à l'Université Paul-Valéry de Montpellier17. Elle évoque en particulier les institutions de la Résistance et les tensions des objectifs politiques entre la France libre et la France intérieure mais aussi entre mouvements, partis et syndicats. La dernière entreprise récente est effectuée par Sébastien Albertelli, Julien Blanc, docteurs et professeurs agrégés d'histoire travaillant respectivement dans le secondaire à Paris et à l'EHESS, et Laurent Douzou qui publient en 2019 La lutte clandestine en France : Une histoire de la Résistance 1940-194418.

2 Les répressions allemande et française

Les résistants sont confrontés à une intense répression menée à la fois par les Allemands, qui veillent à la sécurité de leurs troupes, et par les Français, le gouvernement français espérant ainsi montrer sa souveraineté.

Ces répressions conduisent à la mort de nombreux résistants qui peuvent être tués ou se tuer lorsque les forces du maintien de l'ordre tentent de les arrêter ou être condamnés à mort par des juridictions martiales ou judiciaires.

Le Militärbefehlshaber in Frankreich (Commandement militaire en France) est, au début de l'Occupation et jusqu'en 1942, la principale instance de répression allemande en France ayant des compétences policières et judiciaires par le biais de ses tribunaux militaires. Ainsi que l'explicite Michel de Boüard de l'Université de Caen, à partir du 1er juin 1942 le pouvoir d'exécution du MBF est transféré au Reichssicherheitshauptamt (office central de la sécurité du Reich). Le général Karl Oberg, qui est nommé Höhere SS und Polizei Führer (chef supérieur de la SS et de la police), dirige désormais les affaires de police.

Cependant les institutions du MBF continuent de fonctionner19. À l’inverse, le Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich (Commandement militaire de Belgique et du Nord de la France), auquel sont rattachés les départements du Nord et du Pas-de-Calais, est dirigé de mai 1940 jusqu’en juillet 1944 par le général von

15 NOGUÈRES Henri, en collaboration avec DEGLIAME-FOUCHÉ Marcel, VIGIER Jean-Louis, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, Paris, Robert Laffont, 5 vol., 1967-1981.

16 DOUZOU Laurent, op. cit., p. 183.

17 MURACCIOLE Jean-François, Histoire de la Résistance en France, Paris, Presses universitaires de France, 1993.

18 ALBERTELLI Sébastien, BLANC Julien, DOUZOU Laurent, La lutte clandestine en France : Une histoire de la Résistance 1940-1944, Paris, Éditions du Seuil, 2019. Chaque chapitre est introduit par la présentation d'un document visuel.

19 BOÜARD Michel de, « La répression allemande en France de 1940 à 1944 », Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, no. 54, 1964, pp. 53-70.

Falkenhausen sans que ses prérogatives ne soient entravées20. L’intensité de sa politique de répression suit l’évolution de l’action de la Résistance.

Gaël Eismann, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Caen et enseignante-chercheuse au Centre de recherche d'histoire quantitative, a réalisé sa thèse sur « la politique de ''maintien de l'ordre et de la sécurité'' conduite par le Militärbefehlshaber in Frankreich et ses services »21. Elle y détaille son rôle actif dans la répression et son évolution. Elle a rappelé les principales étapes de la répression conduite par les tribunaux du MBF dans une publication antérieure22. Pour les distinguer, elle a utilisé les rapports de situation de l'état-major du commandement du MBF, les listes générales et de confirmation des sentences prononcées par les tribunaux, les états récapitulatifs des condamnations à mort et les archives de la Délégation générale dans les territoires occupés.

Les tribunaux militaires jugent les infractions aux ordonnances allemandes, leur organisation est définie par la Kriegsstrafverfahrensordnung (ordonnance pénale de guerre). Les audiences se tiennent à huis clos, en présence d'un procureur et de trois juges. L'accusé n'a le droit à un avocat que s'il encoure la peine de mort et ne peut pas faire appel. Le Gerichtsherr (haut justicier) entérine les jugements bien que l'Oberbefehlshaber des Heeres (commandant en chef de l'armée de terre OBdH) doive confirmer les peines les plus graves. Les peines se basent sur le Reichsstrafgestezbuch (code pénal du Reich), le Militärstrafgesetzbuch

Les tribunaux militaires jugent les infractions aux ordonnances allemandes, leur organisation est définie par la Kriegsstrafverfahrensordnung (ordonnance pénale de guerre). Les audiences se tiennent à huis clos, en présence d'un procureur et de trois juges. L'accusé n'a le droit à un avocat que s'il encoure la peine de mort et ne peut pas faire appel. Le Gerichtsherr (haut justicier) entérine les jugements bien que l'Oberbefehlshaber des Heeres (commandant en chef de l'armée de terre OBdH) doive confirmer les peines les plus graves. Les peines se basent sur le Reichsstrafgestezbuch (code pénal du Reich), le Militärstrafgesetzbuch

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