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Histoire des Ruines de Loropéni 1 Contexte général

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2. Localisation et présentation sommaire du site 1 Localisation

2.3. Histoire des Ruines de Loropéni 1 Contexte général

L’ensemble des ruines de ce que l’on nomme aujourd’hui le « pays Lobi », se situe à cheval sur les territoires Burkinabé et Ivoirien, et donc en zone pré forestière aux ressources naturelles favorables à l’agriculture, à la cueillette, à la chasse et à la pêche. De plus, le sous- sol de la région est aurifère et s’insère dans le géosynclinal éburnéen. Lorsqu’on examine la répartition des sites aurifères anciennement exploités, ceux du pays Lobi se situent au centre d’un axe nord-sud, ou vice- versa, le long du fleuve Mouhoun (ex Volta Noire). Les placers sont ceux de l’Ashanti, au sud du Ghana, du pays Baoulé au Sud- Ouest de la côte d’Ivoire et de Poura au nord du pays Lobi.

Le pays Lobi se trouve ainsi placé au centre d’un ensemble de gisements aurifères dont

l’exploitation est attestée à partir des XVème et XVIème siècles. L’or du pays Lobi a

probablement d’abord été exploité dans le cadre du commerce transsaharien avant d’être détourné au profit de la côte atlantique.

Il faut aussi situer la construction des ruines dans le contexte géopolitique des royaumes subsahariens après la chute des premiers empires (Ghana, Mali, Songhaï) et l’épuisement des mines d’or du Bouré et du Bambouk, le développement de royaumes en pays Akan puis l’émergence du très puissant royaume Ashanti qui repoussa vers le Nord nombre de peuples refusant l’asservissement ou fuyant les chasseurs d’esclaves.

Des caravanes reliaient le pays Ashanti par Bégo, Bouna, Bobo- Dioulasso jusqu’à Djenné. Sur cet axe en lisière de la forêt se sont développés les royaumes Gonja, Abron, Koulango et Gan. Le contrôle des routes commerciales donna lieu à de sanglantes

batailles entre ces royaumes au cours des XVIIème et XVIIIème siècles. Pour se protéger

des attaques ennemies, les Koulango puis les Gan édifièrent des enceintes fortifiées, probablement en utilisant une main d’œuvre servile issue des razzias qu’ils opéraient dans les populations voisines. De plus cette époque d’insécurité comportait aussi la menace de nombre d’animaux sauvages dont les éléphants mais aussi les lions qui, selon la tradition orale, étaient « mangeurs d’hommes ».

2.3.2. La construction des ruines de Loropéni

Les traditions orales recueillies depuis la découverte des ruines désignent les Koulango comme bâtisseurs de forteresses, aussi bien au Burkina Faso qu’en Côte d’Ivoire. L’exploitation des mines d’or de la région leur est aussi attribuée, bien que ce soit probablement les Lorhon, métallurgistes et surtout orfèvres qui transformaient l’or en bijoux pour les souverains Gan et Koulango. A la chute de l’empire SonghaÏ et après épuisement des placers (gisements d’or) du Bouré et de du Bambouk, les Lorhon, originaires du Mandé, se sont éparpillés en Afrique Subsaharienne à la recherche de nouveaux placers.

On sait aussi que le territoire sur lequel se trouvent les ruines actuelles a été occupé simultanément ou successivement par les populations Koulango et Gan. Selon les traditions orales, les Gan seraient partis du territoire de l’actuel Ghana pour échapper à l’oppression des Ashanti. Ils auraient essaimé la partie sud-ouest de l’actuel Burkina Faso

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Ces deux groupes de populations sont reconnus comme étant les seules sociétés de cette zone géographique à avoir une organisation centralisée et qui ont développé des

royaumes entre les XVIIème et le XVIIIème siècle. Les Koulango étant établis plutôt au sud

(actuelle côte d’Ivoire), les Gan au Nord (actuel Burkina Faso). La récente revendication de la construction de certaines ruines du Burkina Faso par les populations Gan est donc plausible, bien qu’il reste surprenant que la culture constructive actuelle des Gan n’utilise pas du tout les mêmes références.

Selon les traditions orales gan, la forteresse dont sont issues les « Ruines de Loropeni » aurait été édifié par Tokpã Farma, neuvième roi de la dynastie des Gan, qui aurait d’ailleurs supervisé avec un grand intérêt, toutes les étapes de la construction.

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2.3.3. Techniques de construction

D’après certaines versions des traditions orales, c’est le rempart de plan quadrangulaire qui a d’abord été construit, puis les cloisons et enfin les bâtiments intérieurs. L’observation de la jonction entre les murs corrobore cette information.

Les murs sont principalement faits d’une maçonnerie de moellons de pierres latéritiques maçonnés avec de la terre latéritique gravillonneuse. Les moellons sont maçonnés selon des couches quasi horizontales bien apparentes sur les faces externes alors que l’intérieur entre ces deux faces est plutôt un remplissage grossier. La partie supérieure des ruines les plus hautes est réalisée en terre seule, selon une technique de façonnage (Bauge), ce qui laisse penser que cette pratique était systématique. Les murs, et plus particulièrement ceux du rempart, sont recouverts de larges plaques d’un crépi fait de terre latéritique gravillonneuse.

Les matériaux ont probablement été extraits non loin de l’enceinte. Les blocs de pierres ont pu être débités dans la cuirasse latéritique apparente en de nombreux endroits à proximité de l’enceinte, à l’Est et au Sud. La terre aurait ou être prise en un lieu qui forme actuellement un bas-fond à l’Ouest de la ruine.

Il n’y a pas de trace véritablement probante de structure horizontale ou inclinées de possibles toitures sur certaines des structures. Pas de trace non plus de possibles ouvertures dans les murs.

Tout le monde aurait participé à l’édification du village. Les guerriers, armés de flèches, se seraient postés pour protéger les ouvriers en train d’extraire les moellons ou de construire la muraille ou les bâtiments. La tradition orale ne fait pas mention d’utilisation de main d’œuvre servile pour la construction de la forteresse, mais il est très probable que cela ait eu lieu. En effet, il n’a pas fallu moins de 3400 M3 de matériaux pour la construire et probablement entre 500 et 800 M3 d’eau.

L’observation des structures montre une certaine sophistication à la fois dans la conception et le tracé, mais aussi dans le choix des matériaux. En effet, on observe que ceux-ci ont été sélectionnés, triés, peut-être même préparés (taillés), en fonction des dimensions (hauteur et largeur) des murs. Ceci implique aussi que l’organisation de la construction fut probablement assez complexe et nécessita le recours à divers niveaux de décision : conception, gestion des matériaux et des équipes de travail, supervision de l’exécution.

2.3.4. Utilisation historique du site

Une fois la construction terminée, le roi Tokpã Farma aurait habité le village pendant trois ans avant d’être atteint par une grave maladie dont il mourra éventuellement. A cause de cette maladie mortelle contractée par le roi, les populations auraient refusé d’habiter l’enceinte qu’elles ont appelée Kpôkayâga, ce qui veut dire «la maison du refus».

L’enceinte que les populations ont refusé d’habiter, en raison de la maladie du roi et du refus des populations de l’occuper, est devenue sacrée et l’objet de sacrifices destinés à conjurer les problèmes qui se posent à la communauté ou à certains de ses membres.

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La durée d’utilisation de la forteresse a certainement été beaucoup plus longue que ne veut bien le laisser penser la tradition orale. Certaines zones présentent plusieurs couches d’enduit, ce qui laisse supposer que l’enceinte a été entretenue à plusieurs reprises pendant la période historique de son utilisation. Par ailleurs, une observation fine de l’appareillage des moellons dans la muraille extérieure montre clairement que celle-ci a fait l’objet de réparations. On constate notamment une discontinuité de la maçonnerie de moellons (non alignement des rangées horizontales associé à un coup de sabre) dans la partie nord du mur est. A l’extérieur du mur sud, à environ 30 m de l’angle ouest, il y a une zone qui correspond a un écroulement superficiel réparé. Cette zone a sa partie supérieure en forme d’arc naturel et est remplie par des moellons de latérite de beaucoup plis petite taille que ceux de la maçonnerie courante. Vu la résistance naturelle de la muraille aux intempéries, de tels dégâts sur la muraille n’ont se produire qu’après de nombreuses années d’utilisation ou lors de destructions volontaires (attaques), mais en tout cas durant une période d’utilisation de la forteresse puisque ceux-ci ont été réparés. Ces éléments tendent donc bien à prouver une utilisation sur une période assez longue.

Vue d’ensemble du site des ruines de Loropeni, en rouge les remparts et en jaune le mur de partition

Mur de partition nord Mur de partition sud

La discontinuité dans la maçonnerie de la partie Nord du rempart Est semble indiquer que cette partie de

mur a été reconstruite

Zone réparée, sur la façade Sud du rempart, identifiable par une discontinuité de la maçonnerie et

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2.3.5. Les Ruines de Loropéni, un mystère !

Dès leur découverte en 1902 par le lieutenant Schwartz de l’armée française, les ruines de Loropéni furent considérées comme un mystère. Pendant près d’un siècle, les ruines furent l’objet d’études et d’écrits scientifiques réalisés par des personnalités variés sans qu’il n’ait été possible de répondre à trois questions fondamentales :

. qui sont leurs bâtisseurs? . quelles ont été leurs fonctions ? . quand furent elles construites ?

Plusieurs hypothèses furent avancées. On a tout d’abord nié l’origine noire des bâtisseurs, en les attribuant aux Phéniciens, Egyptiens, Arabes, ou encore Portugais ou Hollandais, sous prétexte que de telles constructions n’auraient pu être réalisées par les populations locales, comme cela avait aussi été le cas pour les ruines de Great Zimbabwe. Ces versions furent remises en cause par des études plus sérieuses, mais la paternité des Gan sur les ruines de Loropéni est très récente. Pendant longtemps, ceux-ci, à l’instar des Lobi, venus plus récemment dans la région avaient assuré avoir trouvé les ruines telles quelles lors de leur arrivée. Mais l’étude de la culture des Gan amena à découvrir que des notables ou chefs coutumiers étaient liés traditionnellement à certaines ruines, et à finalement obtenir une version plausible quand à leur attribution.

Il n’en reste pas moins que l’information sur le fonctionnement des ruines reste très partiel et que nombre de questions se posent encore. Il est vrai que les ruines correspondent à une période trouble de l’histoire des peuples de la région et que certaines facettes ou périodes spécifiques de cette histoire ont pu être particulièrement difficiles à supporter, à avouer dans certaines circonstances, et enfin à conserver dans les traditions orales, tout du moins dans leur version publique.

Les Gan qui ont certainement dominé la région à une époque, avec tout ce que cela peut sous entendre, furent à leur tour victimes de conflits de succession et de la progression des Lobi, des Watara de Kong puis de l’armée de Samory Touré (Soninké) et enfin de l’armée coloniale française. Dans ces circonstances, les Gan ont conservé la mémoire de leur histoire, mais probablement de façon craintive, sans l’exposer, au risque de la perdre, au moins partiellement. Ce mutisme qui a duré près de deux siècles, a eu pour conséquence la fragilisation de la tradition orale qui se traduit par l’absence de précision sur les faits datant des époques lointaines. Certains aspects conflictuels ont aussi pu être dissimulés. Ces facteurs expliquent les difficultés rencontrées pour retracer précisément l’histoire et déterminer plus précisément les circonstances de la construction des forteresses et leur rôle exact. Il est espéré que la mise en œuvre de fouilles archéologiques sérieuses et approfondies pourront donner des résultats qui compenseront ces manques.

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