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II. Le Fonds cantonal d’art contemporain du Valais : cas d’étude

1. Genèse de la création du Fonds cantonal d’art contemporain du Valais

1.2. Histoire articulée des différents mécénats valaisans en faveur du soutien à la création

1.2.1 De l’Exposition cantonale de 1909 à la fondation du Musée d’art du Valais : implication de l’Etat pour le développement culturel

Parallèlement au développement de l’Ecole de Savièse poursuivant une orientation artistique ethnographique, archaïsante et esthétisante, un mouvement de modernisation et d’exaltation du progrès touche la Suisse au début du 20e siècle et y trouve en Valais un écho favorable avec l’organisation, en 1909, de l’Exposition cantonale valaisanne. Destinée à « donner un tableau exact de l’activité industrielle du canton »153, cette exposition s’inscrit dans le sillage des Expositions nationales de Zurich et de Genève, dérivant elles-mêmes des Expositions universelles européennes154. Présentant l’état alors contemporain du « savoir-faire, dans quelque domaine qui soit »155, les organisateurs de l’Exposition cantonale consacrent une partie de cette dernière aux Beaux-Arts. Même si la surface attribuée à la section artistique semble minime, elle n’en est pas pour autant négligeable : elle offre une large place aux peintres contemporains aux registres stylistiques modernes et leur confère une visibilité sans précédent.

Alors que l’Exposition cantonale de 1909 se voulait résolument progressiste, celle de 1928, plus traditionnaliste et folklorique, illustre déjà un certain repli identitaire, précurseur de l’établissement de la « défense nationale spirituelle ». A l’aube de la Deuxième Guerre Mondiale, les autorités valaisannes, préoccupées par la situation politique et économique du canton, relèguent encore une fois l’encouragement à la culture vivante au rang de futilité. Alors que le développement des arts ne bénéficie en 1938 que d’une allocation annuelle de mille cinq cents francs, Gérard Perraudin, député au Grand conseil, s’insurge du sort réservé aux artistes valaisans en interpellant le Département de l’Instruction publique en faveur « d’une meilleure organisation de

153 Catalogue officiel de l’Exposition cantonale valaisanne à Sion, 1er août-12 septembre : industrie-agriculture-Beaux-Arts, Sion : Imprimerie Kleindienst & Schmid, 1909, p. 41.

154 GRIENER 1997, p. 38.

155 Règlement général de l’exposition industrielle cantonale, Sion, du 1er août-12 septembre 1909, Sion : Imprimerie Kleindienst & Schmid, 1909.

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la vie intellectuelle et artistique en Valais »156. Malgré le peu d’intérêt manifeste des politiques face aux arts et à la culture de manière plus large, nous observons une prise de position favorable à la défense du patrimoine ayant trait à l’identité du canton, qui se traduit par l’acceptation par la Ville de Sion du legs de l’œuvre de Raphy Dallèves, en 1940. Cet accueil positif réservé à ce don et la promesse de pérennisation de cette collection par « des milieux politiques habituellement peu enclins à accorder des moyens financiers à ce genre d’affectation »157, marquent un changement de paradigme et engendrent la création du Musée des Beaux-Arts du Valais, en 1947. La fondation de cette institution muséale, première initiative étatique visant au développement d’une scène artistique valaisanne, est renforcée par l’établissement de l’Ecole des Beaux-Arts, instituée en 1949 à Saxon158. Ces deux fers de lance de la promotion et de la formation artistique en Valais vont jeter les bases du soutien à la création contemporaine par l’Etat.

1.2.2 De la création de la section valaisanne de la SPSAS à l’ouverture du Manoir de Martigny : pléthore d’initiatives privées en faveur du soutien aux artistes contemporains

Parallèlement à l’intervention étatique ponctuelle en faveur du développement de la culture, naissent en Valais des structures de soutien défendant les intérêts des artistes contemporains. La première manifestation de cette mobilisation est la création à Berne, en juin 1903, de la section valaisanne de la SPSAS. Composée à sa fondation de cinq représentants, le groupement d’artistes, manifestant la volonté de s’unir pour mieux être représentés, atteint la trentaine de membres en 1913, avant de se désagréger peu de temps plus tard, rongé par des tensions intestines159. La section valaisanne renaîtra cependant de ses cendres en 1973 pour devenir l’actuel Visarte Valais.

Une autre institution artistique, intitulée « Société des amis de l’art » voit le jour en 1928 à Sion160. Ayant pour objectif « le développement des arts plastiques et

156 Interpellation de Gérard Perraudin, protocoles du Grand Conseil, document dactylographié, séance du 4 mars 1939, Sion : Archives de l’Etat du Valais (AEV).

157 GRIENER 1997, p. 65.

158 Ecole cantonale des beaux-arts Sion, 10 ans de l'Ecole cantonale des beaux-arts du Valais, Sion : Ecole cantonale des beaux-arts, 1958, p. 5.

159 WYDER Bernard, Société des peintres, sculpteurs, architectes suisses, Section Valaisanne SPSAS, 1974, p.1.

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rythmiques dans la ville de Sion et ses environs »161, cette société, initiée par Georges Haeni, cherche à promouvoir le goût des arts en organisant des concerts et des conférences162. La composante des arts plastiques ne rentrera en ligne de compte que dans l’après-guerre.

En 1935, l’Atelier, première galerie d’art privée du canton, voit le jour à Sion, sous l’impulsion de Louis Moret163. Représentant les artistes contemporains par le biais d’expositions et de concerts, l’institution s’installe en 1969 à Martigny pour y devenir la Galerie de la Dranse, puis l’actuelle Fondation Louis Moret164.

En 1951, suivant l’exemple du Musée cantonal des Beaux-Arts, le château de Villa à Sierre est transformé en galerie d’art165. S’inspirant de l’Atelier, ce dernier devient l’une des premières galeries en Valais à présenter régulièrement des expositions temporaires, tant monographiques que collectives, faisant la part belle aux nouvelles générations d’artistes, tout en privilégiant des créateurs originaires du canton ou représentant celui-ci166.

Alors qu’en l’espace de deux décennies, des années 1930 aux années 1950, les artistes valaisans assistent à une amélioration sensible de leurs conditions de travail grâce à la création de structures promouvant leur production auprès du public, ceux d’entre eux explorant les tendances de l’art contemporain international peinent à exposer leurs œuvres. Pour lutter contre cette ségrégation, des institutions alternatives voient le jour, comme la Galerie de la Maison des jeunes à Sierre, le Carrefour des arts à Sion ou

l’Association valaisanne des artistes en 1963167. S’ensuivent en 1964 l’ouverture du

Manoir de Martigny168, espace d’expositions consacré à l’art contemporain, ainsi que

161 Société des amis de l’art, Sion. Rapport du Président [Albert de Wolf] à la 33e Assemblée générale 1961, document dactylographié, AEV, 4350, 1984/10, vol. 8, n°78, Sion : Archives de l’Etat du Valais.

162 Société des amis de l’art, Sion. Rapport du Président [Albert de Wolf] à la 33e Assemblée générale 1961, p. 2.

163 ANET Daniel, La Fondation Louis Moret, Martigny, Martigny : Fondation Louis Moret, 1985, p. 29.

164 GRIENER 1997, p. 49.

165 Du goût et des couleurs : regard sur 37 ans d'expositions d'art au Château de Villa (1953-1989), catalogue d’exposition, Sierre, Château de Villa, 7 octobre - 5 novembre 1989, sous la direction de Pascal Ruedin, Sierre : Ed. de la Fondation du Château de Villa, 1989, p. 11.

166 GRIENER 1997, p. 97.

167 GRIENER 1997, p. 97.

168 Site internet du Manoir de Martigny, disponible à l’adresse URL : https://www.manoir-martigny.ch/le-lieu.html, consulté le 11.07.19.

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l’émergence de nombreuses galeries signalant « l’apparition d’un marché de l’art privé qui consacre la constitution d’une véritable scène artistique valaisanne »169.

1.3. Aboutissement de la réflexion pour une politique culturelle pro-active : promulgation