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HarmoS, nous pouvons constater qu’elles et ils font fréquemment référence au processus d’orientation, sans avoir eu besoin de

les lancer dans cette problématique, ce qui n’est pas le cas chez celles et ceux des degrés

inférieurs. Nous savons que ce processus prend beaucoup d’ampleur auprès des actrices et des

acteurs concerné-e-s. Comme nous l’avons expliqué au préalable, depuis que la LEO est

entrée en vigueur, l’orientation se base sur les notes obtenues par les élèves. L’insertion dans

une des voies secondaires en 9

ème

année HarmoS est donc basée sur des données quantitatives

et non plus qualitatives. Pour Pietro, le système qui existait avant « ouvrait la porte à des

exagérations, des abus de certains parents » lors du processus d’orientation. Pour lui, la

collaboration avec les parents était trop mise en avant. Puis, en abordant le thème de

l’implication scolaire, Pietro revient à la question d’orientation. Il dit encourager les parents à

avoir un regard sur les devoirs de l’enfant mais à ne pas les faire à leur place, du fait qu’il se

trouve dans l’année d’orientation. Nous retrouvons dans les propos de Pietro l’idée de

Tinembart (2015) qui explique que les parents peuvent être soumis à un véritable paradoxe

face aux devoirs. « Tous les parents rêvent que leur enfant aille dans la bonne section, [...] ils

devraient être réactifs. Mais dans l’autre sens, à un moment il [l’enfant] doit aussi se prendre

en charge, donc les parents ils doivent arriver – c’est ça qui est difficile en 8

ème

– à lâcher un

peu la bride quand même, pas trop tenir serré tout le long. » Il ajoute que c’est très difficile

car les parents sont aussi angoissés que l’enfant, voire plus si c’est leur premier ; ils le vivent

encore plus mal. Nous constatons donc que le regard de Pietro est en accord avec les dires de

Richoz (2015) et que ces mécanismes d’orientation sont effectivement source de tensions, les

familles sont sous pression.

Cet enseignant mentionne également l’idée de sélection. Nous avons expliqué le fait que le

système scolaire du canton de Vaud avait une méthode de sélection précoce, qui, de plus,

promeut avant d’orienter. « Mais là on a une orientation et puis on a une sélection [...] si

l’enfant va pas dans la voie prégymnasiale pour certains c’est déjà un début d’échec. Mais

c’est le premier qu’ils vont rencontrer. Puisqu’ils ont jamais eu d’examens – oui des ECR

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mais des examens réels, de classification réelle, ils n’en ont pas eu avant. » Pietro explique

donc que les élèves sont sous pression car ils risquent de rencontrer un premier échec. Nous

comprenons également que la voie prégymnasiale, comme abordé dans la théorie, est plus

valorisée et plus valorisante que la voie générale. En effet, la première permet d’aboutir, du

moins plus rapidement, à une formation académique. Richoz (2015) mentionne l’idée de

violence institutionnelle qui pèse sur les élèves victimes de ce système de sélection. Cet

auteur indique que les relations entre enseignant-e-s et parents peuvent s’en trouver

détériorées. Cependant, Pietro n’a pas émis cette idée. De plus, l’orientation implique aussi le

fait que les enseignant-e-s doivent rencontrer les parents d’élèves au moins une fois lors de la

8

ème

année (comme indiqué dans l’article 129 de la LEO). Pauline a notamment vécu une

expérience qui l’a profondément marquée. En effet, lors d’un entretien avec des parents pour

parler d’orientation, ces derniers sont venus avec toutes les évaluations de leur enfant ; ils ont

remis en question toutes les notations de l’enseignante. « Donc non là je les regardais d’une

telle façon que eux je pense ils voyaient que des choses négatives dans mes yeux. Et ça s’est

dégradé, c’est un cercle vicieux. » Pauline avait anticipé cet entretien en convoquant

également le doyen, car elle avait des représentations sur ces parents qui étaient déjà

négatives. Quant à Jacques, il remarque avec le processus d’orientation que les mères sont très

présentes à Cully. Il a l’impression que « vraiment y en a, elles ont leur poulain leur petit

garçon c’est vraiment leur poulain. » Nous voyons bien qu’il éprouve une certaine réticence

de par son propos suggérant une représentation plutôt péjorative des mères en question.

En définitive, il est évident que le processus d’orientation a un certain impact sur les élèves,

les parents et les enseignant-e-s ainsi que sur les représentations des enseignant-e-s, tandis que

cet aspect ne prend pas encore autant d’ampleur en 5

ème

et 6

ème

HarmoS.

5.3. Communication

La communication est au centre de la profession enseignante et ce thème a pris beaucoup de

place dans les entretiens. La plupart s’accordent à dire qu’il est plus aisé de communiquer

avec les parents de statut socio-économique favorisé.

                                                                                                               

 

5.3.1. Réactivité et efficacité dans les prises de contact

Selon Pauline, Pietro et Alexandra, les parents les plus réactifs lors de la prise de contact sont

généralement ceux des milieux favorisés. Alexandra précise aussi que les parents issus de ce

milieu sont plus précis dans ce qu’ils désirent communiquer à l’enseignant-e. « Alors je

dirais que plus le milieu social est élevé, plus la réponse est rapide en général. - Plus rapide ?

- Oui. - Plus claire aussi ? - Oui. » Cependant, Pauline dit aussi qu’il n’y a pas que le milieu

qui entre en compte mais également l’état psychologique de la personne, puisque certains

parents sont « très angoissés, très inquiets » selon elle. Rappelons que d’après Richoz (2015),

les états émotionnels des parents peuvent entraver les bonnes relations avec les

enseignant-e-s. Pauline indique que le rapport à l’école des parents entre aussi en compte dans la réactivité

aux prises de contact. Ce propos rejoint celui d’Asdih (2012) qui avance qu’au contraire des

parents de milieux plus défavorisés – qui ont un rapport à l’école plus éloigné – ce sont ceux

des classes moyennes ou aisées qui répondent le mieux aux attentes des enseignant-e-s.

Ainsi, nous pouvons effectuer un lien avec le milieu socio-culturel ainsi que la culture

scolaire (Perrenoud, 1995). Finalement, pour Pauline, leur réactivité dépend aussi « des

attentes qu’ils ont des enseignants. » Pietro ajoute que la réactivité dépend aussi des heures

de travail. Nous pouvons mettre ceci en lien avec Feyfant et Rey (2006) et les manières de

communiquer à l’école étant influencées par le capital culturel des parents.

En contraste, pour les enseignant-e-s interrogé-e-s, il ressort que les parents de milieux

socio-économiques défavorisés ont tendance à répondre moins rapidement voire parfois à ne pas

répondre du tout et qu’ils se rendent moins disponibles que ceux de milieux favorisés. Aline,

Pietro et Célia s’accordent sur ce fait et l’illustrent dans leurs propos. Aline mentionne le cas

d’un élève qu’elle perçoit comme appartenant à un milieu socio-économique défavorisé et

précise devoir solliciter à plusieurs reprises les parents pour obtenir une réponse à ses

convocations. Pietro prend l’exemple des classes plein air à Lausanne, qui étaient composées

d’élèves provenant de milieux défavorisés en expliquant que souvent, les parents ne venaient

pas aux rendez-vous. Quant à Célia, elle mentionne le fait que ces parents-là ont tendance à

ne pas comprendre les demandes faites par l’enseignant-e et donc à ne pas donner réponse.

Les enseignant-e-s devront donc rappeler et solliciter à nouveau les parents de milieux plus

défavorisés. Notons qu’à ce sujet, Célia relie directement la langue à un milieu

socio-économique défavorisé.

De plus, Célia compare la situation qu’elle a connue à Forel et celle qu’elle vit à Moudon.

Pour elle, la différence est flagrante entre les milieux socio-économiques des familles vivant

dans ces deux lieux et se ressent également dans la prise de contact avec les parents. Elle

mentionne entre autres le nombre de cas auxquels elle a eu affaire. Elle se souvient d’une

seule fois où la prise de contact à Forel était moins « officielle » mais ne compte plus les fois

où ce type de situation se produit à Moudon. Pour elle, le milieu socio-économique est

déterminant et elle précise même que certains parents, de milieux moins favorisés, vont venir

directement à l’école et prendre contact par oral. Elle explique cela par la facilité de la langue

orale par rapport à la langue écrite. Les parents de milieux moins favorisés préféreront donc

une communication orale afin de mieux comprendre et mieux s’exprimer face à l’enseignant.

Cet aspect se confirme par le texte de Jacobs et al. (2015) qui explique que, de manière

générale, les informations orales sont mieux comprises par tous les parents.

Seule Sabine pense qu’il n’y a pas de différence de réponse à la prise de contact car « tous

les parents sont soucieux ». Elle adopte donc le même point de vue qu’Asdih (2012), pour

qui, quels que soient les revenus ou les niveaux de formation des parents, tous semblent très

préoccupés par la scolarité et l’éducation de leur enfant. Néanmoins, Sabine avance que ce

sont les familles de milieux socio-économiques défavorisés qui se rendent le plus

disponibles. Toutefois, il n’est pas rare qu’il n’y ait qu’un des deux parents au rendez-vous,

tandis que ceux de milieux favorisés sont généralement tous deux présents. En revanche, il

est plus difficile de trouver un moment pour les rencontrer.

5.3.2. Manières de communiquer et adaptation

En ce qui concerne la première prise de contact avec les familles, toutes et tous les