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Harcèlement psychologique ou moral État de fait actuel

CHAPITRE I PHÉNOMÈNE DU HARCÈLEMENT MORAL

1.1 CONCEPT DU HARCÈLEMENT MORAL

1.1.1 Définition du harcèlement moral

1.1.1.1 Harcèlement psychologique ou moral État de fait actuel

Le phénomène du harcèlement est un objet d’étude pluridisciplinaire. Le fondateur du psychodynamique du travail Christophe Dejours (2006), voit les raisons du harcèlement au

43 niveau de l’imperfection du climat social et les conditions de travail inappropriées. L’auteur suggère que le harcèlement moral est un phénomène collectif, puisqu’il est « impossible de

faire subir des conditions de travail une seule personne, ayant écarté les autres ». La présence

du harcèlement au travail est conditionnée par les difficultés à accéder à des personnes ressources, par une absence de cadre juridique en matière de harcèlement, par une mise à mal de la solidarité professionnelle et par un manque de valeurs éthiques organisationnelles. L’auteur du livre sur le harcèlement moral, devenu best-seller M-F. Hirigoyen, explique ce phénomène au travail comme le résultat de changements dans la culture et dans l’organisation du travail qui crée une pression, une concurrence et amène les salariés à développer un comportement malhonnête. Le pionnier suédois dans le domaine de harcèlement Leymann (1996b) précise que le comportement déloyal au travail résulte essentiellement du conflit interpersonnel soutenu par le leadership destructif et une mauvaise organisation du travail. Enfin, les perspectives théoriques de Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy (2010) nous suggèrent que trois éléments étant en interaction sont responsables de l’émergence du harcèlement : les caractéristiques de la victime, celles de l’initiateur de l’agression et les caractéristiques organisationnelles.

Ainsi, en se basant sur des recherches scientifiques, des études empiriques, des observations des médecins du travail, des enquêtes juridiques et des témoignages de victimes, plusieurs pays ont légiféré dans le domaine du harcèlement moral et sexuel au travail. Le harcèlement est aujourd’hui devenu une des préoccupations de l’Union Européenne.

La définition du harcèlement moral, présentée par le représentant du Conseil économique et social français M. Debout (1999, 2001), se traduit par « les agissements

répétitifs de nature différente, susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une ou plusieurs personnes, visant à dégrader intentionnellement les conditions de travail humaines, relationnelles et matérielles, capables à compromettre l’avenir professionnel du salarié et provoquer l’aggravation de sa santé physique et mentale ». Cette définition a été

intégrée dans le Code pénal (Article L222-33-2), le Code du travail et administratif français. Selon le Code du Travail français (Article L1152-1), le harcèlement et la violence au travail s’expriment par « des comportements inacceptables d’un ou plusieurs individus, lorsqu’un ou

plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétées et délibérées dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans des situations liées au travail ». Ces comportements peuvent prendre des formes différentes (physiques,

44 psychologiques, sexuelles). Les actes du harcèlement moral peuvent être exercés par un ou plusieurs salariés ou par des tiers. Les facteurs liés à l’organisation du travail, à l’environnement de travail ou à une mauvaise communication dans l’entreprise peuvent conduire une personne à un état de stress, qui à son tour provoque des situations de harcèlement et de violence au travail. La Cour de Cassation (Cass. Soc., 24 janv. 2006, n 03-

44.889 ; Cass. Crim., 6 févr. 2007, N 06-82.601P) définit le harcèlement moral comme

« toutes discriminations ayant une nature humiliante qui portent atteinte à la liberté du

travail, à l’image, à la fonction, à l’autorité, au principe d’égalité entre les salariés, même si le fait de possession aux droits de la personne et à sa dignité n’ont pas été constaté, mais l’altération de l’état de santé a eu lieu » (Cass. soc., 10 mars 2010, n 08-44-.393 et n 08- 44.394). D’après J. Bourgault (2008), la législation française sur le harcèlement moral a un

caractère préventif, puisque pour reconnaître un fait de harcèlement, elle n’exige que de

l’intention d’atteinte à la dignité de la personne et la dégradation potentielle des conditions de

travail.

Contrairement aux lois françaises, les lois québécoises insistent sur le fait que les effets de la mise en péril de la dignité humaine soient avérés, autrement dit, la détérioration réelle de l’environnement de travail et de la santé de la personne soit évidente. Article 81.18, 2002, c. 80, a. 47 de LMT traite le concept de harcèlement psychologique de la manière suivante : « toute conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles,

des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer le harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif pour le salarié ».

En Grande Bretagne, pour que le harcèlement moral soit reconnu, il doit y avoir un caractère néfaste et répétitif « harassment of a person includes causing the personal harm or

distress; and a course of conduct must involve conduct on at least two occasions » (Protection from Harassment Act 1997, 1997). La détermination des actes faisant partie du harcèlement

est à la charge des tribunaux. Le projet de la Chambre des Lords « Le Dignity at Work Bill,

1997 » garantit le travail digne pour chaque salarié, le protège contre les comportements

offensants, contre la critique injustifiée, ou contre le changement dans les statuts et les fonctions au détriment de ses intérêts sans justifications raisonnables. Ce texte reconnaît l’employeur coupable en cas de traitement des salariés d’une façon inéquitable.

45 Quant à l’Ukraine, comme nous l’avons précisé, aucune législation n’est aujourd’hui appliquée afin de reconnaître le harcèlement moral comme un phénomène professionnel.