• Aucun résultat trouvé

Est-ce que vous vous habituez facilement à un nouveau dispositif ou est-ce que ça vous prend du temps ?

R. « Un petit peu, mais si c’est pratique, il faut le faire c’est tout. C’est vrai que je suis habituée à l’entrée du personnel. Je connais très bien le chemin, il va falloir tout refaire, et puis c’est tout. » (F., autour de 30-35 ans, malvoyante, en reprise d’étude après une expérience d’enseignement).

« C’est difficile à dire parce qu’en fait… je crois que dans ma personnalité, il y a toujours quelques mécanismes qui se mettent en place pour… compenser l’aide ou pas de quelqu’un. …Ben, à la limite, oui. Je crois que j’aurais moyen de découvrir tout seul aussi un lieu, ou un chemin, ou… mais du coup, c’est vrai que si je suis tout seul, moi ce que j’aime bien c’est prendre le temps. Donc, je vais peut-être prévoir deux-trois heures d’avance pour pouvoir… me perdre, et je considère que me perdre c’est aussi un peu apprivoiser les lieux… Donc je me laisse le temps de me perdre. » (H., 30 ans environ, non voyant, actuellement dans une démarche d’auto-entrepreneur).

Un exemple significatif, où l’usager revendique la proximité de la Bpi avec une ligne de métro afin de bénéficier d’un logement étudiant, témoigne de l’importance du (dé)placement pour la personne déficiente visuelle :

« Ben, la Bpi je connais les transports qui y vont. …Alors moi j’ai connu la Bpi, je n’habitais pas à Paris, j’étais en banlieue, et j’ai tout fait pour, parce que je suis en… je suis en

logement universitaire, et j’ai tout fait pour être… j’avais eu une dérogation d’ailleurs pour être à Paris, au CROUS de Paris, parce que, parce que, ben, c’est un argument que c’était… c’était sur la ligne. Voilà, c’était, c’était un des arguments d’ailleurs avancés quoi, parce que, voilà, un aveugle il a besoin d’être bien placé pour faire, ben pour avoir le moins de

difficultés possibles dans les déplacements, parce que c’est, c’est le plus gros des difficultés pour un aveugle, je pense, les déplacements. » (F., entre 25-30 ans, non-voyante, étudiante en doctorat, qui fréquente la Bpi depuis plusieurs années avec l’aide des guides bénévoles). Dans ce moment de passage, c’est finalement le rapport à l’autre qui se trouve réaffirmé :

« Avec un accompagnant. La première fois, il faut qu’il me montre, la deuxième fois, la troisième fois, il faut que je teste toute seule. […] Généralement je n’ai pas de problème dans mes déplacements. … Généralement, c’est pour ça que je vous ai dit pour l’autre

bibliothèque [BnF], c’est vraiment… c’est vraiment… je la trouve pas très accessible. Et puis je pense pas qu’ils aient… après je ne sais pas s’il y a eu du changement depuis le temps où je m’y suis rendue, je ne sais pas s’ils ont ce système de guides. » (F., autour de 30-35 ans, malvoyante, en reprise d’étude après une expérience d’enseignement).

Dans cet exemple, c’est le système des bénévoles qui rend le lieu accessible. Pourtant, plus loin, paradoxalement, elle revient sur ses propos en expliquant que cela a conduit à un « blocage » personnel. Car, entre les représentations et la façon dont ils vivent leur handicap, il y a tout un champ qui prête à l’étude.

Représentations sur l’accessibilité

L’enquête qualitative a permis de recueillir un certain nombre de données relatives à

l’accessibilité, certaines exprimées par une majorité des personnes, d’autres plus singulières, mais qui permettent d’aborder des points forts sur la question. Ainsi, il y a une ambivalence évidente à l’égard de l’accessibilité, dont la définition est malaisée à trouver, entre désir d’être traité comme n’importe qui et adaptation nécessaire. Ces mêmes représentations peuvent entrer en tension, ainsi que le démontrent leur perception de la bibliothèque, ou la question du déplacement en général.

Etre accessible

Une démarche avant tout. Dans l’esprit de la loi, être accessible signifie être accessible à tous, ce qui permet à chacun de se sentir à sa place. Mais cet idéal est l’objet d’un rapport ambivalent de la part des personnes rencontrées. Il y a en effet l’accessibilité théorique, souhaitée, revendiquée, et la réalité de leur quotidien, avec ses difficultés, sa nécessaire acculturation. Il ne s’agit pas forcément de « grandes actions », ainsi que le suggère cet usager non-voyant, mais avant tout d’une démarche qui permet à une personne de mieux vivre son handicap, au milieu des autres, sans ressentir une discrimination. Son regard est d’abord très pragmatique (comme pour ce malvoyant qui reconnaît à propos des loges centralisées existant à la Bpi : « C’est quand même plus pratique pour les trouver ») :

« En fait vous savez l’accessibilité pour moi c’est beaucoup de petites choses, en fait, il n’y a pas de grandes actions, tout ça, enfin si il y a des choses qui demandent beaucoup de budget, forcément, mais c’est aussi… de toutes petites choses pratiques auxquelles on ne pense pas forcément quand on est dans des démarches « grand projet… »

Il cite ainsi l’exemple de l’étiquetage braille qui non seulement sert à la personne brailliste pour s’informer, mais également le met dans une posture qui lui permettra, le cas échéant, de renseigner un tiers, comme n’importe quel usager d’une bibliothèque :

« Parce que, au-delà de ça, je pense qu’il y a aussi, l’avantage de l’étiquetage braille, je dirais, il n’y a pas que le côté usagers, il y a aussi le côté aide, c’est-à-dire que vous placez la personne handicapée en capacité d’aider la personne voyante, parce que moi, du coup, je dis : « Attends-moi je vais te chercher le CD que tu veux », par exemple… par exemple. C’est des petites choses comme ça qui jouent, au final, dans la mentalité, dans l’accessibilité aussi. » Il s’agit donc pour lui, comme dans d’autres exemples fournis par les personnes interrogées, de considérer leurs usages avant même leur handicap. Ainsi les loges sont des espaces de travail spécifiques, certes, mais qui doivent être présentés à tous les publics, quels qu’ils soient :

« Une présentation à l’oral c’est bien parce que si la personne n’est pas intéressée, bon bien voilà, et puis la visite c’est bien sur demande peut-être… Je vous dirais, la présentation des services de la Bpi, il faut que ça soit la même que pour les voyants. Donc, effectivement inclure aussi les loges et les différents services adaptés dans la présentation pour les voyants ce serait cohérent. » (H., 30 ans environ, non voyant, actuellement dans une démarche d’auto-entrepreneur).

Se revendiquer comme des lecteurs parmi d’autres. Au travers des entretiens, transparaît de manière très forte le besoin d’être comme « n’importe qui », n’importe quel usager,

n’importe quel lecteur. Le cas des étudiants rencontrés est en cela significatif. Dans les deux exemples qui suivent, une personne non-voyante et une autre malvoyante, venir en

bibliothèque leur permet de suivre leurs études. Leurs pratiques diffèrent peu des autres étudiants « normaux ». Ainsi, elles peuvent travailler sur leurs propres documents, comme rechercher des ouvrages dans les étages.

Q. Et en-dehors des ouvrages, qu’est-ce que vous appréciez dans les bibliothèques, qu’est-ce que vous recherchez ?

R, non voyante. « Surtout ça. »