P. aeruginosa vit dans l’eau et sur le sol. Dans l’environnement
hospitalier, il est surtout dans les endroits humides : siphons,
lavabos, matériels d’analyses mal nettoyés, solutions
d’antiseptiques contaminées. Chez l’Homme, il est l’agent d’infections nosocomiales notamment dans les services des soins intensifs, les unités de grands brûlés et chez les patients immunodéprimés [6, 10].
A. baumanii est retrouvé au sein de la flore cutanée commensale,
des régions humides tels la gorge, les narines et le tube digestif. Etant une bactérie strictement humaine, les malades colonisés représentent le principal réservoir de la bactérie [1, 7].
P.aeruginosa et A. baumanii sont dotés d’une grande capacité
d’adaptation ; c’est pourquoi leur dissémination se fait soit par voie aéroportée (dans l’environnement inhalé par des patients infectés), soit par voie manuporté (par le biais du personnel
intra-~ 11 intra-~
hospitalier), ou encore par le contact avec du matériels contaminés (sondes, cathéters, matériels de radiologie….) [4, 7, 11].
Caractères bactériologiques et biochimiques
Tableau 1 : caractères bactériologiques et biochimiques d’A. baumanii et de
P. aeruginosa. PRINCIPAUX CARACTERES A. baumanii [1,4,12,13] P. aeruginosa [1,4,12,13] FORME ET GRAM Coccobacille ; gram négatif (fig. 1). Bacille fin en bâtonnet ; gram négatif (fig. 1).
MOBILITE Immobile. Mobile par un flagelle
polaire.
MILIEUX DE CULTURE
Peu exigent, se
développe sur milieux usuels. S’adapte facilement et se développe sur milieux usuels. TEMPERATURE DE CROISSANCE Entre 33 et 35 °C, seule à croitre à 44 °C ; 37 °C et à 42 °C.
METABOLISME Aérobie stricte, non
fermentant.
Aérobie stricte, non fermentant.
ASPECT ET FORME DES
COLONIES
Aspect butyreux ; forme ronde, lisse et
convexe ; couleur blanc-jaunâtre.
Aspect métallique ; forme plate, lisse et
extensive ; couleur verte. Aspect muqueux pour les
~ 12 ~ souches de patients atteints de mucoviscidose. PIGMENTS Aucun Pioverdine : pigment jaune-vert fluorescent ; Pyocyanine : pigment bleu en solution
aqueuse. Les souches mucoïdes n’ont pas de pigments. OXYDASE - + CATALASE + + NITRATES REDUTASE - + ARGININE DIHYDROLASE - + GELATINASE - +
ACIDIFICATION DES SUCRES
PRODUCTION DE GAZ - +
GLUCOSE + +
FRUCTOSE - +
LACTOSE + +
GALACTOSE + -
~ 13 ~ mannose.
Notons qu’il existe un polysaccharide, l’ALGINATE, qui est sécrétée
par les souches mucoïdes de P. aeruginosa chez les patients
atteints de mucoviscidose [16]. L’alginate n’est pas sécrété chez A.
baumanii.
a. b.
Figure 1 : a. A. baumanii (grossissement ×1000) ; b. P. aeruginosa (grossissement ×1000). Service de bactériologie, HMIMV de Rabat.
Physiopathologie
Pour survivre et se multiplier dans l'hôte, A. baumanii et de P.
aeruginosa produisent une variété de substances qui leur
permettent d'éviter les mécanismes de défense de l'hôte. Ces substances sont : la capsule et les substances extra cellulaires qu’elle sécrète ; les protéines et les glucides de la surface, les enzymes et toxines et d'autres facteurs.
Capsule et substances extra cellulaires
Seules les bactéries Gram négatives ont un lipopolysaccharide (LPS). Composante de la membrane externe de la paroi cellulaire, la LPS se constitue de polysaccharides O ou antigène O, de
~ 14 ~
polysaccharide central ou core polysaccharidique, et de lipides A [1, 68].
La production d’un bio film composé d’alginate, le « slime », est une véritable capsule muqueuse responsable de cet aspect muqueux chez les souches de patients atteints de mucoviscidose. La LPS et le slime sont des éléments constitutifs de la bactérie qui favorisent l’adhérence aux épithéliums, et la protège contre la phagocytose [14, 68].
Les protéines et les glucides de surface
Il s’agit de protéines présentes dans la membrane de la bactérie. Selon leur rôle dans l’infectiosité, on les classe en deux catégories :
Les adhésines et fimbriae, qui participeraient à une adhésion rapprochée après celles des pili [68];
Et les porines qui forment notamment des canaux
permettant le passage de molécules hydrophiles à travers la
membrane hydrophobe ; Elles interviennent dans la pénétration
des antibiotiques, singulièrement des bêta-lactamines, et leur mutation peut être liée à la résistance [14].
Les enzymes et toxines
Etant des produits diffusibles, les enzymes et les toxines sont des produits extracellulaires, synthétisés par la bactérie, capables d’une action toxique directe sur les cellules inflammatoires et autres composantes du système immunitaire de l’hôte. Ce sont :
Les hémolysines qui induisent une hémolyse et la nécrose des cellules eucaryotes en dégradant les phospholipides
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membranaires (rôle du rhamnolipide) et en hydrolysant la phosphatidylcholine (rôle de la phospholipase C – PLC) [14, 15, 68].
Les protéases : elles sont sécrétées en grand nombre et
facilitent l’invasion des tissus par la bactérie [6]. On en dénombre
quatre : l’élastase B ou Las B, l’élastase A ou Las A, la protéase alcaline, l’élastase D ou las D. Les protéases facilitent l’invasion
des tissus par la dégradation des substances immunitaires [14, 68].
Les toxines : l’exotoxine A, l’exotoxine S, l’exotoxine T et l’exotoxine U. Ces toxines interfèrent avec la synthèse protéique des cellules eucaryotes et sont particulièrement importantes pour la virulence ; in vivo leur expression accroit la virulence de P.
aeruginosa [14].
Autres facteurs : flagelles, pili ou fimbriae, alginate
Chez P. aeruginosa, le flagelle participe aux phénomènes d’adhésions aux cellules épithéliales [68]. Les pili confèrent à la
bactérie une mobilité par tiraillement (twitching mobility)
indépendante du flagelle, qui permet à P. aeruginosa de se déplacer sur les surfaces solides [14].
L’alginate, chez les souches mucoïdes de P. aeruginosa, est soit un facteur de défense, soit un facteur offensif lors des infections chroniques. En effet, l’alginate inhibe le chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles et joue un rôle d'effet barrière à la pénétration des antibiotiques (tels les aminosides) : c’est le facteur défensif [16].
Le facteur offensif, lui, se définit par la nature visqueuse de l’alginate et son abondance qui majorent l'obstruction bronchique
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Chez A. baumanii, il a été mis en évidence des pili ou fimbriae semblables à ceux que possèdent Escherichia coli uropathogène. Ceux-ci entrent dans le mécanisme d’adhésion aux cellules hôtes et à l’agglutination des érythrocytes en l’absence de D-mannose [14,15].
En somme, les structures pathogéniques d’A. baumanii et de P.
aeruginosa ont été l’objet de plusieurs études scientifiques [15]. Il convient de bien les connaitre afin de mieux les appréhender dans les infections nosocomiales.
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