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Chapitre 2. Asymétries des plissements du cortex

F. Héritabilité dans les régions périsylviennes : cas du STS

cas du STS

Plusieurs études génétiques ont établi qu’un grand nombre de gènes étaient exprimés dès le stade fœtal, qu’il existait des systèmes de régulation différents pour une partie importante de ces gènes [Johnson, 2009], produisant en particulier une expression asymétrique pour au moins l’un d’entre eux (LMO4, [Sun, 2005]). Ces résultats suggèrent une mosaïque de régions corticales différemment régulées, non seulement au sein d’un hémisphère, mais aussi entre les régions homologues des deux hémisphères. En particulier, la régulation hétérogène à travers le cerveau de certains morphogènes pourrait conduire à la mosaïque d’asymétries observées dans la morphologie des régions périsylviennes. La variété d’effets génétiques sur les régions du cerveau est illustrée sur les cartes d’héritabilité estimées sur une population de babouins [Rogers, 2007].

Les études sur les jumeaux représentent une autre approche, plus classique, pour estimer la nature héréditaire de caractères observés dans une population. Les facteurs

environnementaux étant supposés égaux entre frères, une plus grande concordance d'un caractère chez de vrais jumeaux que chez de faux jumeaux impliquerait une contribution génétique (héritabilité de ce caractère). De cette façon, Eckert et coll [2002] ont pu mesurer une héritabilité dans la morphologie de l’extrémité postérieure de la scissure de Sylvius (branche verticale et/ou horizontale).

Au cours de mon stage de master, j’ai suggéré une héritabilité de l’asymétrie des plissements dans les régions périsylviennes [Leroy, 2006]. J’ai présenté une succession de 17 planches à dix observateurs, qui comportaient chacune, dans un ordre aléatoire, les deux vues latérales droites et les deux vues latérales gauches des cortex d’une paire de jumeaux, suivant un point de vue aussi semblable que possible (Figure 40). Les observateurs devaient choisir les vues les plus ressemblantes entre elles. Ils ont ainsi apparié les hémisphères ipsilatéraux chez les vrais jumeaux (p<0.001) mais les hémisphères controlatéraux chez les faux jumeaux (p<0.01). Autrement dit, ils associaient plus volontiers respectivement l’hémisphère droit (gauche) d’un sujet, respectivement, avec l’hémisphère droit (gauche) de son vrai jumeau, plutôt qu’avec l’hémisphère contralatéral du même sujet. En revanche, le contraire était observé pour les faux

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jumeaux. Ce résultat confirme celui de Bartley et coll. [1997], en suggérant que les asymétries morphologiques sont plus reproductibles chez les vrais jumeaux que chez les faux jumeaux, et que des asymétries des régions périsylviennes sont donc héritables.

Figure 40. Interface utilisateur du quiz sur les jumeaux [Leroy, 2006]. Chaque observateur devait choisir les deux vues les plus ressemblantes dans chacune des 17 planches présentées (11 paires de vrais jumeaux et 6 paires de faux jumeaux). La paire sélectionnée est encadrée en rouge. Le sillon central est marqué en bleu pour faciliter la comparaison visuelle.

Nous suggérons que l’asymétrie de profondeur du STS serait l’une des asymétries héritables dans les régions périsylviennes. D’une part, elle serait présente dès la période fœtale

[Kasprian, 2010] et tout au long du développement (Figure 39, p.113). D’autre part, la région plus profonde à droite, située sous le planum temporale et signalée par cette asymétrie, serait soumise à un fort contrôle génétique. Deux études se sont intéressées à l’héritabilité dans cette région.

Dans une population de 19 jumeaux, Lohmann et coll. [1999] ont extrait les formes des sillons, appelées lignes sulcales, à différents niveaux de profondeur et les ont comparées entre vrais jumeaux et sujets non apparentés. Le critère de ressemblance reposait sur le degré de

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proximité, à un niveau de profondeur donné, entre les mêmes lignes sulcales chez les deux sujets étudiés. Ils ont observé que plus les lignes étaient profondes, plus elles se ressemblaient chez les sujets non apparentés et, de façon plus marquée, chez les vrais jumeaux. Dans la région du STS sous le planum, les lignes sulcales profondes se ressemblaient davantage chez les vrais jumeaux que chez les sujets non appariés (Figure 41).

Dans une étude en cours sur une quarantaine de jumeaux, Philippe Pinel a mesuré un indice

de gyration plus héritable à droite qu’à gauche dans la région temporale latérale. S’intéressant plus particulièrement au STS, il a confirmé une asymétrie de profondeur à droite (IA=+2%, p<0.001), puis a mesuré une héritabilité à droite de la profondeur moyenne de ce sillon. En revanche, les autres mesures, à savoir la longueur, la surface, la profondeur à gauche ou l’asymétrie du STS, n’étaient pas héritables.

Figure 41. Influence génétique sur la région asymétrique du STS dans l’hémisphère droit. A. Chez les nourrissons, l’asymétrie de profondeur s’étend de la base du gyrus de Heschl jusqu’à la base de l’extrémité postérieure du planum temporale (étude n°2). B. Il existerait quatre bassins sulcaux le long du STS. Le bassin n°3 est proéminent dans l’hémisphère droit et présent chez 98% des sujets testés [Im, 2010]. C. Les régions profondes du sillon sous le planum se ressemblent davantage entre vrais jumeaux qu’entre sujets non apparentés, suggérant une héritabilité de la profondeur dans cette région [Lohmann, 1999].

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Enfin, une étude sur la morphologie de la région du STS sous le planum confirmerait le contrôle génétique dans cette région. En étudiant le profil de profondeur du STS chez 148 adultes, Im et coll. [2010] ont pu établir la présence, le long du sillon, de quatre bassins sulcaux, qui représentent des régions plus profondes (Figure 41). Le bassin situé sous le planum est de loin le plus marqué dans l’hémisphère droit (présent chez 98% des sujets, contre seulement 13%, 24% et 55% pour les trois autres bassins). Le caractère proéminent de ce bassin suggère une contrainte anatomique précoce dans cette région.

En conclusion, l’asymétrie du STS, située sous le planum, correspondrait à un bassin

sulcal, plus profond qu’à gauche, stable entre les sujets et se maintenant au cours du développement jusqu’à l’âge adulte. Elle correspond assez bien à une unité sulcale indivisible

dans la théorie des racines sulcales [Regis, 2005]. Selon cette théorie, un certain nombre de

plissements primitifs, les racines sulcales, se maintiendraient dans la profondeur des sillons au cours du développement.

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