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Héphaïstos et Dédale (daidala)

Dans le document La logique du corps articulaire (Page 64-104)

Achillefutéd uq ué parle centaureChiron,leq uel,d'a prèsApollodo re, dutrenoncer à l'immortalitéen raison d'une blessure au geno u, Comme son maître,Achille mourrad'u ne blessure arricu laire, l'articu lation étan t cette fois lachev ille. La supériorité d'Ach ille se man ifeste par sa vélocité.

Dans sapoursu ite d'Hector,Achill e est comparéàun chevalcarsarapid ité rejointcelledel'an imai. Or,il a étééduquéparun être hyb ride, unhomme aux jambesde cheval1.

La façon dema rcher est significativedansl'Iliade.Auchant V, Athéna assoup lit les membresde Diomè deet lui dit qu'elle ajetédan s sapoitrin e lemenasde son père. Ellea égalementdissipé les ténèbresqui voilaientses yeux«afinque le guerrierpuissedistinguerledieu de l'homme')(ë<j>p '

EO

'YL"YVW<JK1JS l)IlÈvSEOli 1)5ÈKaLdvôpn , V, 128). AuchantXIII, recon-naître un dieucons isteà reconnaît resestraces.Tandisqu'ilvientassoup lir les memb resdesdeux Ajax en les emp lissantd'un puissantmenas(XIII, 60), Poséidon«a pris la sta t ure ct la voix puissa ntedc Calchas» (EL<Ja-IlEVOS KciÀx a vn 8ÉI.laS KaL cÏTEL pÉa <j>wv~v, XIII, 45). Mais, au mo ment de partir,

il

s'élance (Tjd;Eao, de dic oto, XIII,65), et l'un des guer riers le reco nn aît.S'adressantàsoncompagnon, ilaffirme qu'au lieu

1.Lesreprésentationslesplusanciennes de centaures montrentuncorpshumain entierauquelest atta-chéle corps(doser vent re) etlespattesarrièred'uncheval.Cen'estque plustardque lespattes avant deviennentégalementchevalines. Cf.RolandMARTI N,L'Art grec,enpart iculierp.78 et p.109.

L'ILIADE

de Calchas, c'est un dieu qui s'est présentéàeux:LXVLa ydp IlETomaeE rroôôv~8È KVT]llcitùv / pEL' Ë)'vwv drrt.ovroç .àpL)'V(ùTOl 8È eEoL rrep (XlII,71-72),«de celui qui partait (dmovroc) j'ai reconnu(Ë)'vwv) faci-lement(J)EL') les traces (LXVLa)des pieds et des jambes(lTo8wv~8È Kl!q-Il<lWv)derrière lui(IlETomaeE). Les dieux(eEOL)sont reconnaissables (dpi-)'VWTOl)précisément(rrep) »,Les dieux sont donc reconnaissablesàleurs pieds et à leurs traces, un aspect auquel s'apparente celui de leur mobilité.

Héphaistosdans l'Illadeet Hermès dans l'Hymne homériquequi lui est dédié sont caractéris éspar une démarche anormale, Hermèslaissantdes traces phénoménaleset illisibles pour Apollon lui-même,Héphaistos pivo-tanr co m me unehélicealorsqu'ilest boiteux .Nous co m mencero ns par Héphaistoset, pour mieuxcomprendre la portée de ce qui définit sa mobi-lité, ilconvient en premier lieu d'analyser son art.

Le chant XVIII deYlliade montre Héphaistos dans sa forge céleste au moment où Thétis vient lui demander des armes pour Achille.Lépithète homérique de Thétis la désigne comme0ÉTLS àp),upOlTE(a,«Thétis aux pieds d'argent».Ilse pourrait que l'information dépasse une simple méta-phore visant à indiquer la couleur des pieds de là déesse. Car Thétis recueillit H éphaisros précipité du haut de l'Olympepar Héra honteuse d'avoirengendré un fils difforme, et c'estavec elle et Eurynomé que le dieu de la forge fut initié à son art. On peut donc supposer que Thétis participe du savoir métallurgique. Dès lors, son épithète homérique seraitàentendre littéralement: quelque chose en elle relève de la nature du métal précieux.

Or, ce rapport particulier au métal s'incarnerait au niveau des pieds ou des jambes, soit les membres qui permettent le contact au sol et le déploiement de la mobilité. Nous verrons comment cette zone du corps est également investie de sens chez Héphaistos,

Aprèsavoir narré sa chute originelle,Héphaistosnomme les objets qu'il fabriquait dans la grotte marine de ses protectrices.

TlJaL rrup' ELv<lETES XciÀ.KEUOV8aL8aÀ.alToÀ.À.<l,

lToplTas TE )'valllTT<lS e' nLKas KciÀ.UKcis TE KaC ôpuouc ÈvalT~L )'À.a<pup0 . lTEpC 8È pOOS 'OKEaVOLO

à<pp0 IlOPllUPWVpÉEV aalTETOS .o ùô é TLS aÀ.À.os lj8EEVOÜTE eEWV OÜTE eVT]TWV àvep(,jmùv,

àÀ.À.à 0ÉTLS TEKa CEùpuvoIl T]Iouv, a'(Il'Èaciwaav.

(XVIII, 400-405)

[Pendant neuf ans, près d'elles,j'ai forgé bien des bijoux,des broches, defins bracelets,des colliers,des rosettes, dans une vastegrotte,où vient gronder parmi l'écumele flot sans fin de l'Océan.Mais nul dieu, nul mor-tel ne savaitoù j'étais,sauf Thétis et Eurynomé, puisque c'est par ces deux déesses que je fussauvé.]

LA MOTRICITE DESDIEUX

Pendantneu fans,ledieucaché «fo rgea (XâÀ.KEUOV)denombreuxdaidala (8atBaÀalToÀÀâ ),desagrafes (n o ptrns) recourbées (yva l-l.1TTâs ), des sp i-rales (ËÀLKas),des calices (KâÀUKâs)ct deslien s (éSPIlOUS)2», Lemot

dai-dala

résume le sensdes autrestermes qui,réun is, renvo ientàl'idée d'entre-lacs: ce sont des liens, des courbes,des spirales et des entrecroisements.

Fra nç oise Fro nr isi- D ucro ux (en 1975)3 et Sar ah P. Morris (en 1992)4 ont fait une étu de détaill ée de l'utilisation du terme daidala. La racine

*8aÀ-redoublée dans om8aÀ- a un sens indéterminé et son étymologie est inconnue. Les hypo th èses à ce suje t restent cepe nda nt intér essantes, commeilpourrait s'agir d'une racine sémitiqueen

'"d , z!-

et/ou inde-euro-péenne en

* d(I-,

donnant 8ÉÀTOS« tablettes (po u récrire) li, BllÀÉO IlOL

«blesser"et lelatin

dolo

«taill er, faço n ner le boisli, d'oùvient le fra nça is

«doloire" ; s'ajouteenfin une co rrélatio n possibl e avec le sanskritdar -dar-ti«fendreli5.

L'usagele plus fréq ue nt chez Homère est celui des adjec tifs (8m8 âÀEo,>, 8moaÀôELS,lToÀu8at8aÀos ) ; lenom neutre,moinsfréquent, est toujours au pluriel (8at BaÀa), et deu x fois le participe présent est utilisé (ôrn-8âÀÀ(llv). Survingt- h u it occu rren cesdan sï Iliade,le ter me apparaî t huit foisdan sle cha nt dix-huitdécr ivantHéphaïst osdan ssaforge",Lacélèbre descriptiondu bouclier élaborépar HéphaisrospourAch illeco m men ce ainsi:Iloici8ÉlTpWnUTa Uâ KOS IlÉyaTEan~apôvTE/ rrdvr ooe80l -8âÀÀwv [...] aùrdpèv aiJT(~ / lTOt EL 8at8aÀa lToÀÀà L8u tl) a Lrrpum -8EaaLV,« Il fabriquad'abord un bouclier grand et solide le "da idalisan t"

partout (ndvr oc e8a L8âÀÀwv), [... ] ilfabriq uasur [lebouclier]beau coup dedaidalaparde savantes réflexions (L8u tl,la LlTpalT i.8 eaa lv) » (XVI II, 47 8-479et 481-482).Ildvr ooedan slTâVTOaE 8moâ ÀÀ(LlV implique le mouvement,évoq uant les ges tesdel'artisan quimultiplie les entrelacs.

I..:ad jec tifLou'la signifie«savant,expe rt IIet lirrpnrr ts,t80s esten premier lieu « le diaphragme li et en second lieu « l'intelli gen ce. la pen sée, la réflexion li.Danslesdeu x acce ptio ns,lemots'em ploie au pluriel.Lesens duel de lTpalTts indiquequeletypede réflexio ns dont ils'agitest lerésu l-tat d'unecapacité àressentir,lespen séess'inscrivant dans lamanifestation sen soriellede cettesur face dejon c tion-sépa rationqu'est lediaph ragm e.La pensée dans l'Iliadeest incarnée et plurielle.

2.LenomilrrÔplTTlS.TlS«agrafeuvient delTElpW«traverserdepal! enpart, traverser>l,6ôP~os.ou désignece quisertàlier. d'où son sens secondairedeguirland e.collier'.

3.FrançoiseFRONTISI-Du CROUX.Dldale.Mytholngiedel'artisanenGrèce antienne.

4.Sarah MORRIS.Daidalosand theOriginsofGreekArt.voirchap,1:«Crafr and Craftsmen in Epie Poetry».

5.Cf. PierreCHANTRAINE,Dictionnaire Itymolngique dela languegrecque;F. FRONTISI-DuCROUX.

op. cit.,p.44. et S. MORRIS,op.cit.•p.3.

6.S.MORRIS,op.cit.•p.3-4.Pour les formes et la distributionlexicale,voirF.FRONTISI-DUCROUX.

op.cit.,p. 29-34.

L'iLIADE

Le texte réfère de façon génériqueaux motifs forgéssur le bouclier au moyen du terme daidala. Lernploi répété de ce mot trouveson aboutisse-ment dans une référenceàDédale,~aLôaÂ-os. C'est ici la première et la dernière mention de Dédalechez Homère.

«Ainsi,Dédalefait son entréedans le poème et par là même dans la traditiongrecque,presqueparaccident , tandisquela métaphores'aidede la comparaison et qu'une personnification fournit une alternative à d'autresmots de lamêmefamille [...]. Sonémergence est clairement fonc-tion de variafonc-tionspoétiquessur une racine appropriée à l'élogedel'art.7»

Ilfaudra attendreley.sièclepour que la légende deDédaleémergeà nou-veau, et Dédaleest alors devenu sculpteur.«Ainsi, sabrève appa ritio n dans le chapitreXVIII de l'Iliade représenteno n seulementsa premi ère incar-nation en compagnie des mots qui inspirèrent son nom, mais aussi son seul rôle littéraire jusqu'à l'époque Attique»a.

Llliade

fait mention de Dédale pour expliquer l'origine d'unedanse représentée parHéphaistossur le bouclier.

, Ev 8È xopov 'TTOLKLÂ-Â-E 'TTEpLKÂ-UTOSà~q)lYUrjELS,

Tl\l LKEÂ-OV

olav

'TTOT' ÈVL Kvwat~ EUPÜlJ

~aL8aÂ-os T1<JKTj<JEV KaÀ.À.LlTÂ-oKà~41 'APLà8v\I.

Ëv8a v ~L8EOL Kal rrapêévoràÂ-<l>E<JL~OLaL

WPXEÛVT" àÀ.À.rjÂ-lùV ÉlTl Kap1Tl~ XElpas ËXOVTES.

(XVIII, 590-594)

[Il Yreprésentaaussiuneplace de dansepareilleàcellequejadis, dans la vaste Cnossos,Dédaleconstruisitpour Ariane aux bellestresses,et où garçonset jeunes filles des plus recherchées dansaient ense tenant la main au-dessus du poignet.]

Lassociation ici de Cnossos et d'unmot en 8aL8aÂ-- est certainement fon-dée sur un substrat pré-homérique. «Le termeom 8à Â-ELOS est attesté en mycénien:

da-da-re-jo-de,

sur deux tablettes de Cnossos9».Par ailleurs,il est question de danse. Le terme xop6s peut renvoyer au lieu de danse et donc à une oeuvre architecturale,mais aussi à la danse elle-même10.

«Pour beaucoup, les implicationsarchitecturalesdecette description ont dominé son interprétat ionet encouragéla vision de Dédale comme architecte.Cette interprétarion a commencé dans l'Antiquité,quand les scholiastes firent de

xopos-

unlieu(rôrroç)complété de colonnes et de

sta-tues aménagéesen cercle.11»

7. S.MORRIS,p.13(traduction de l'auteur).

S.Ibidem,p.36(traductionde l'auteur).

9.F.FRONTISI·DuCROUX,p.25,note28.L'auteurciteJ.CHADWICKelL. BAUMBACH,TheMyc

e-ntU/11IGm kVOcabllllllJ', Cambridge,1963.p.IS!.Voir S.MORRIS,chap,4.

ID.S.MORRIS, p. 14;F.FRONTISI-Dv CROUX,p.136.

Il. S. MORRIS, p. 14(traduction de l'auteur).

LA MOTRICITÉDES DIEUX

Morris insiste toutefois sur le fait que Dédale n'estdevenuun architecte qu'à la période classique,bienquela lectu re dexop0S'com me lieu de danse soit corrobo réepar laprépositio nËv8a :Il des jeunes gens(NeEOl)d an-saient ((~ PXEÛ VT') » (XVIIl, 593-594). Préc isément, le texte dit ceci :

« Héphaistosfabriq ua (TTOlKlÀÀE)dans [l'espace du bo uclier] (èv) une dansellieu(xopàv)semblableàcelle/celuique Dédale élabora(TjCJKT]CJEV) pour Arianedansla vaste CnossosJ) (XVIII,590-592).

Lambiguïtédexop0S'est po rteusede sens.Car toute ladescriptiondu bou clier est marq uée par la relation entre l'esp ace et lemou vement. En effet.Héph aistos créeune surface couvertededaidalaquiontla semblance duvivant en ceciqu'ils paraissentbouger.Le texte multiplie les verbes de mouvement tels que courir, sauter.s'élancer, et le verbe1TOlKlÀÀW do nt xopôS'est l'ob jet au vers 590 renvoie àl'idéed'un artefac t auxqualités changeantes ou variées,par exemple une brode rieaux multiplescouleurs.

Le verbese traduit parIlrendre diversJJquand ilest transitifet«changer, semod ifier»quand ilestintransit if. Ceverbe s'appliq uedonc parfaitement aux

daidala

du bou clier,d'autant plus quel'actecréateur qui leurdon ne forme s'inscritlui-même dans une mobilité démultipliée.

Ladanseapparaîtavant dan sladescr ipt ion du bouclier cosm ique. Le dieu«fabr iq ua »(ËTEUÇ ',XVIII,483)la terre ,le ciel,la mer,le soleil,la lune et les astres, et«fit»(TTOlllCJE,XVIII.490)deux cités,lieux d'activité des humain s. La prem ière ville célèbre des noces avec les dan ses qui l'accompagnent : KOÛpO l8' àpXllCJT~pES' èBlVEOV, « les jeunes gens (KOÛpOl) et lesdan seurs (àPXll(JT~ PES') tou rn oya ient(É8lVEOV) J) (XVIII, 494)12. Sedéploient ensu ite les actions desmo rtelsdansla paixcomme dans la guerre,etladescriptio naboutitenfinàla dansedeDédale.

Après la mention duxopoS'de Déd ale, les jeu nes gens, hommes et fem mes,so nr brièvem en t dép eintsdan s leurs habits de fête, puis leurs mouvements sont décrits.

ol 8'OTÈ v8pÉçaCJKov ÈmCJTa~ÉvO lCJ l 1TôBeaCJl pela ~aÀ.',WS' ÔTE HS'TpoXàV éiPIl EVOV èv1TaÀall1JCJ lv

É'Ô~EVOS' KEpa~EÙS' TTElprjCJETaL. ar KE eÉ\lCJW. éiÀÀOTE 8' au 8pÉçaCJKov ÈTTL CJTlXaS' aÀÀrjÀolCJ w . TTOÀÀOS' 8' LIlEPÔE VTa xopov 1TEpllCJTae 'O~lÀOS TEpTTÔ~EVOl . 80lW 8È KU~lCJTTJTlÎPE KaT'cùroùc 1l0ÀTT~S' ÈçapXOVTESÈ8lVEUOVxa r d IlÉCJCJOUS.

(XVIII, 599-606)

12.LeverbeSII'(Wsignifie.fairetourn oyer.tournoyer » avec,delamêmefamille.les substant ifsil

8[ 1'115;tourbillon.tournoiement ,mouvement de rotation»etTaS[I'~ulla«mouvement

circu-laire»,Quantau terme 66pX11aT~p,ilest formé sur le verbeOPXÉlù"danser»,

L1LIADE

[Tantôt, avec une parfaire aisance,ils tournoyaientil pas savants, comme untour de parier,que l'artisanassis,ctl'ayantbienen main, essaie ct met enmarche;rautôtilscouraientles unsversles autressur deuxrangsi

une fouleimmense ct ravie,amourduchœurcharmant, s'était massée, et, au milieu de tous, deux acrobates pirouettaient dans l'intervalle et dan-saient en cadence.]

Les mouvements effectués par les danseurs sont désignés par le verbeTpÉXLù (SpÉçao"Kov)«aller de toute la vitesse de ses pieds, se mouvoir rapidement, marcher et courir» ; le verbe est répété deux fois13. Les mouvements sont comparés à la rotation du tour d'un «potier» (KEpaflEus). Le tour se dit TPOXOS, c'est-à-dire « roue ». Ainsi, les danseurs « courent» (SÉlJO"LV) comme la roue que le potier fait pivoter. Puis, en rangées, ils s'élancent les uns vers les autres. Le motxopOS apparaît à nouveau pour désigner cette fois le groupe des danseurs, le chœur. Enfin, deux «acrobates » (KU~LCJ­

TTlTf)pE) au milieu de la foule «tournoient» (É8LVEUOV), et on retrouve le verbe8WÉLù«tournoyer» apparu au début de la description14.

[emploi dexoposindique que le sens de ce terme ne peut pas être uni-quement architectural et qu'il est à chercher au croisement de l'espace et du corps. Françoise Frontisi-Ducroux trouve des indications à ce sujet dans le Théséede Plutarque. Ce dernier raconte comment, après la mort du Minotaure, Thésée fit escale à Délos, où il procéda à des actes rituels, dont une danse.

Mtu

Tl fla TClV Év T0 Àa~upLvS41 TTEpL08wv KaL 8LEço8LùV Ëv TLVL puSfl0 TTapaÀÀaçELS KaL àVEÀLÇELS ËXOVTL (Thésée21,1).

[(II exécuta avec lesjeunesgens un chœur de danse) [...] dont les figures imitaient les tours et les détours du labyrinthe, sur un rythme scandé de mouvements alternatifs et circulaires.]15

Cette danse, explique Frontisi-Ducroux, fut abandonnée à l'époque de Lucien et portait le nom degeranos,c'est-à-dire«danse de la grue».«Il ne fait aucun doute [...] que, pour les Anciens, lageranosétait une représen-tation mimées des errances et des détours de Thésée dans le labyrinthe16».

D'après Frontisi-Ducroux, seule compte l'association de Dédale à la danse;

peu importe de savoir si lexopos du chantXVIII del'Iliadeest un bas-relief ou une architecture. Effectivement, c'est la danse du chœur qui crée l'espace dédalien; c'est la chorégraphie qui construit le lieu labyrinthique.

[architecture«daidalique»existe exclusivement par le corps mobile qui à

13. R.J.CUNLIFFEtraduit" of swift motion in the dance, i.e. wheeled in concenrric circles».

14. Le terme signifiant" acrobate» est construit sur le verbeKU~l<Jniw"sauterlatête en avant, cul-burer, plonger»,

15. Traduction de R.FLACELIfiRE,cité parF. FRONTISI-DuCROUX,p. 145.

16.F. FRONTISI-DuCROUX,p. 146.

LAMO TRICI TÉ DESDIEUX

la fois l'élabore et l'abolit, comme le geste se crée et se termine au moment où ils'accomplit.

Lidéede tournoiement est répétée avec insistance. La danse effectuée par Thésée selon Plutarqueest faite de«mouvements alternatifs et circu-laires»:1TapaÀÀaçELS Kat aVEÀLçELS.J'ai souligné l'intérêt du passage de l'Iliademontrant Zeus et Poséidon tirant alternativementsur lepeirar (neîpnp ÈiTaÀÀaçavTES). Le verbeÈ1T-aÀÀaTT(ù«faire alterner »(dans ÈiTaÀÀaçavTES)et le nom~1Tap-aÀÀaçLS«action d'alterner,mouvement alternatif»(dans1TapaÀÀaçELS) sont tous deux formés sur la racine

àÀÀ-«autre» impliquant l'idée d'alternance. Quand au nom ~ àV-ÉÀLÇLS

«action de se dérouler»,ilest de la famille deÉÀLaacù «faire tourner»,~ ËÀLÇ,LKOS «spirale»et~ ËÀLÇLS,EWS «action d'enrouler», Les spirales font partie desartefacts forgéspar Héphaistos demeurant auprès de Thé-riset Eurynomé, et lepivotem ent,nousallons levoir, marqu ela mobilité même du dieu.

Aprèsavoirforgéun xopos semblableàcelui de Dédale, Héphaistos termineson œuvreenento ura nt le bouclieravecl'océan. Le caractère cos-miquedu bouclier est manifeste.Le forgeron commenceparla terre,leciel, la mer,les astreset termineparl'océan; ce sont les premi ersdaidala. Puis le monde des humains est fabriqué.Or ce monde est inauguré et achevé par une danse. Le texte décrit des mouvements de pivotement ou de rota-tion, terminant sur une comparaison entre la danse et l'élan imparti par le potieràsa roue.

La roue apparaît ailleurs encore, associéeàHéphaistos et àses œuvres.

Lorsqu e Thétisarrive dan s la demeur ed'H éphaistos,elle trouve celui-ci en plein labeur: ilest ent rain deforger des«trépieds»(TpL1To8as )munisde

« rouesd'orIl (x puaEa [ ... )KUKÀa),«capables de se mouvoir spontané-ment»(c ùr oucr ot) (XV III, 373-376) .Par ailleurs, les jeunesfilles qui ensuite soutiennent le dieu dans sa marche sont automates, tout comme les trépieds.

[... ] lJiTO 8' àllq,L1TOÀOL PWOVTO clVaKTL xpuaEwL, (w'lJaLVE~VW LV ElOLKULaL

T'IJS Èv IlÈvvoos ÈaTl ucrri q,pEaLv, Èv 8È KaL au8rj Kal a8Évos, à8avclT(ùv 8È 8E(~v cl1TO Ëpya Ioncu-.

(XVIII, 417-420)

[Le maître s'appuyait sur deuxservantes, quiétaient touten or,mais semblaientdes viergesvivantes. Ellesavaientdelaraison, possédaientvoix etforce, et tenaientdesdieuxmêmes leursciencedutravail.)

Les jeunesfilles«se déplacentrapidement» (pWOVTO) ;elles sont douées de mouvements mais ausside raison,devoix et deforce,et ellesont des phrénès,surfaces de connexion qui permettent le fonctionnement

psycho-L'IUADE

physique par la sensation.Elles se distinguent par là du fantôme de Patrocle privé dephrénès,un manque incompatible avec la vie.

Forge et inversion articulaire (amphigueeis)

Tandis qu'il rend la matière mobile, Héphaistos est lui-même le lieu de mouvements complexes qui évoquent directement ou indirectement l'idée de pivotement. Héphaistos est appelé le Boiteux, KUÀÀ01ro8Lwv (XVIII, 371), de l'adjectifKuÀÀo1roBlwv« boiteux» et plus précisément « aux pieds tordus, courbes, aux membres tortus17»,Cette appellation est formée sur 7TOUS « pied» et sur l'adjectif KUUOS«courbé, tortu, estropié»,Chantraine explique que l'adjectif KUÀÀOS a le même radical que le verbe KUÀLV8(ù « rou-ler»,La racine commune deKUÀÀé>Set deKUÀLV8w fait penser que l'adjec-tif a reçu le sens secondaire de«tordu », maisque le sens premier renvoie

Tandis qu'il rend la matière mobile, Héphaistos est lui-même le lieu de mouvements complexes qui évoquent directement ou indirectement l'idée de pivotement. Héphaistos est appelé le Boiteux, KUÀÀ01ro8Lwv (XVIII, 371), de l'adjectifKuÀÀo1roBlwv« boiteux» et plus précisément « aux pieds tordus, courbes, aux membres tortus17»,Cette appellation est formée sur 7TOUS « pied» et sur l'adjectif KUUOS«courbé, tortu, estropié»,Chantraine explique que l'adjectif KUÀÀOS a le même radical que le verbe KUÀLV8(ù « rou-ler»,La racine commune deKUÀÀé>Set deKUÀLV8w fait penser que l'adjec-tif a reçu le sens secondaire de«tordu », maisque le sens premier renvoie

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