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Chapitre 6 : Discussion générale

3) Hélium versus xénon à température ambiante

Les implantations hélium à température ambiante ont été effectuées avec trois fluences distinctes : Φ1He, Φ2He et Φ3He (respectivement 5.1015 at.cm-2, 1.1017 at.cm-2 et 1.1018 at.cm-2). Les fluences Φ1He et Φ2He sont très comparables à Φ1Xe et Φ2Xe mais elles conduisent à un taux de dpa moindre du fait de la nature et de l’énergie de l’ion incident (dpaΦ1He = 0,2, dpaΦ2He = 4, dpaΦ1Xe = 19 et dpaΦ2Xe = 390). Une troisième fluence Φ3He a été utilisée afin de générer un taux de dpa plus élevé (dpaΦ3He = 40).

D’un point de vue structural, seule l’irradiation à Φ1He n’a pas conduit à l’amorphisation du matériau. Ce résultat est cohérent avec le seuil d’amorphisation généralement donné dans la littérature pour les irradiations hélium (0,3 dpa, voir chapitre 1 tableau 1.5). Un certain désordre est néanmoins observé à Φ1He même si cela ne se traduit pas par une amorphisation complète du matériau.

Dans le cas des irradiations xénon, la zone irradiée a subi un effet de mixing et plus aucune porosité ni zone de carbone libre intergranulaire n’est distinguée (Fig. 3.10 a)). C’est moins le cas pour l’hélium, puisque même à Φ3He, on peut observer des zones de moindre densité aux abords de la surface (probablement du carbone libre, voir Fig. 5.7). On peut stipuler que le degré de désordre augmente avec la fluence pour une espèce irradiante considérée, mais ce serait une erreur de comparer le désordre généré par deux particules différentes au seul regard de la quantité théorique de dpa calculée par SRIM. Parmi les autres paramètres qui interviennent sur les dégâts générés au sein du matériau, on peut citer :

- L’intensité du faisceau incident.

- L’ampleur des cascades de collisions, elles-mêmes liées à la taille de la particule incidente et à son énergie.

- L’échauffement local au sein des cascades de collisions, à nouveau lié à la taille et à l’énergie des particules incidentes.

- L’implantation d’une quantité notable d’espèces irradiantes au sein du matériau à haute fluence qui peut ralentir la réorganisation sous irradiation de ce dernier.

- Le dépôt d’énergie dans le matériau sous forme électronique (effets de guérison pendant l’irradiation).

Un effet collatéral de ces irradiations déjà souligné précédemment est l’oxydation du matériau. Rappelons que le SiC chauffé à 1000 °C hors faisceau sous vide secondaire ne subit aucune oxydation

196 ni modification de composition (cf. chapitre 3). Sous faisceau hélium, si aucune oxydation n’est décelée à Φ1He, une forte augmentation de la teneur en oxygène est mesurée à Φ2He et à Φ3He sur toute l’épaisseur de la zone irradiée. Il était proposé précédemment que le taux d’oxygène capté par le matériau sous irradiation à température ambiante augmentait avec la quantité de dégâts générée. Si ce raisonnement est valable pour une espèce donnée, cela ne semble pas être le cas si l’on compare deux particules différentes. Le tableau 6.1 résume le taux de dpa, la fluence d’oxygène présente dans les échantillons, le rapport (calculé par SRIM) entre le pouvoir d’arrêt électronique et le pouvoir d’arrêt nucléaire pour les ions incidents dans le matériau, ainsi que d’autres paramètres caractéristiques de chaque fluence d’implantation.

Fluence Dpamax

Concentration max (théorique/mesurée) Fluence d’oxygène mesurée Intensité du faisceau Se /Sn

Φ1He = 5.1015 at.cm-2 0,2 0,54% at. / 0,54% at. < 3,40.1014 at.cm-2 0,25 μA.cm-2 44 Φ2He = 1.1017 at.cm-2 4 9,74% at. / 9,7% at. 1,89.1017 at.cm-2 2,5 μA.cm-2 44 Φ3He = 1.1018 at.cm-2 40 51,89% at. / 15% at. 2,97.1017 at.cm-2 5 μA.cm-2 44 Φ1Xe = 5.1015 at.cm-2 19 0,43% at. / 0,43% at. 1,17.1017 at.cm-2 0,27 μA.cm-2 0,75 Φ2Xe = 1.1017 at.cm-2 390 7,93% at. /5,5% at. 2,05.1018 at.cm-2 2,54 μA.cm-2 0,75

Tableau 6.1 : Résumé des différents paramètres caractéristiques pour les fluences implantées.

On s’aperçoit que la fixation d’oxygène à Φ2He est supérieure à celle mesurée à Φ1Xe, malgré un taux de dpa moindre. En outre l’oxygène est distribué de façon homogène sur toute la zone irradiée pour Φ2He, alors que pour Φ1Xe l’oxygène semble s’être fixé à l’interface entre les zones irradiées et non irradiées. Une diffusion de l’oxygène vers la profondeur pourrait intervenir pendant l’irradiation en xénon. Quoi qu’il en soit, des mécanismes différents sont à l’œuvre selon l’espèce irradiante et des processus complexes entrent probablement en jeu. La densité de courant du faisceau incident pourrait jouer un rôle. La différence de dépôt d’énergie entre l’hélium et le xénon pourrait aussi intervenir (l’hélium dépose la majorité de son énergie dans le matériau par ionisation contrairement au xénon). Une étude utilisant des fluences et des espèces supplémentaires et mettant en œuvre différentes pressions partielles d’oxygène et températures d’irradiation serait nécessaire pour mieux comprendre cette oxydation sous irradiation. L’enjeu est de taille car, comme indiqué précédemment, l’oxydation des matériaux utilisés en réacteur nucléaire est susceptible de fortement dégrader leurs propriétés et donc de nuire à la sureté des installations.

Parmi les autres modifications induites par l’irradiation hélium au sein du matériau se trouve la formation de bulles. Ces dernières sont observées dans le cas de l’hélium partir de Φ2He. La superposition des profils d’hélium avec les clichés obtenus en STEM dans la zone irradiée permet de déterminer que le seuil de formation de bulles est proche de 4% atomique. Cette valeur est en accord avec la bibliographie et plus particulièrement avec l’étude de Zinkle [11]. Pour le xénon, nous avons déterminé précédemment que le seuil était inférieur à 7,93% atomique. Dans les deux cas, des

197 nanobulles assez similaires ont été observées dans les phases SiC à ces concentrations. A plus forte fluence en hélium (i.e. Φ3He), la coalescence conduit à la formation de bulles de taille conséquente (jusqu’à 100 nm) et de forme quasi-sphérique. Cela induit un gonflement visible avec un déplacement de la surface par rapport à sa position initiale (Fig. 5.6). Ce gonflement peut aller jusqu’à 100 nm avec formation de cloques (blistering) à l’endroit des plus grosses bulles (Fig. 5.2 c)). Zinkle a déterminé un seuil de formation de cloques supérieur à 25% atomique [11], ce qui est cohérent avec nos résultats. Dans cette étude, l’auteur a aussi indiqué que, dans un polycristal, l’exfoliation se produit à une fluence 2 à 3 fois plus élevée que pour la formation de cloques. Dans notre cas, aucune exfoliation n’a été observée à une fluence de 1.1018 at.cm-2, ce qui indiquerait que le seuil de formation de cloques serait atteint mais pas le seuil d’exfoliation.

En termes de relâchement, il a été montré que l’hélium est entièrement retenu dans le matériau à Φ1He et Φ2He. En revanche à Φ3He, une quantité importante d’hélium s’est échappée puisqu’un écart de 63% est constaté entre la fluence expérimentale et la fluence théorique. La concentration maximale mesurée au sommet du profil d’hélium est de 15% atomique, ce qui pourrait correspondre à une concentration de saturation du matériau dans notre cas.

L’ensemble des résultats obtenus à température ambiante permettent d’établir le modèle schématique donné sur la figure 6.3. Ce modèle résume l’évolution de la morphologie pendant les irradiations en hélium.

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Fig. 6.3 : Schéma du modèle de nucléation de bulles et d’oxydation de la zone irradiée durant l’implantation en hélium à température ambiante dans SiC.