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HÉBERGEMENT CHEZ DES PROCHES ET PARCOURS DE RUE

Dans le document L état du mal-logement en France 2022 (Page 67-70)

Enzo a souhaité quitter sa famille à l’âge de 15 ans : « Depuis l’école primaire, je n’étais pas bien chez moi (…) Au lycée j’en pouvais plus, j’ai fait une première fugue, ma sœur m’a supplié de rentrer, j’ai accepté. Je pensais qu’à partir de là ça allait s’arranger, mais c’était toujours la même chose. Et puis un jour au lycée, je suivais les cours, et j’ai senti que ma tête était en surchauffe, c’était trop. Et là j’ai essayé de me suicider. J’ai fait une semaine à l’hôpital, et je suis parti en famille d’accueil. » Il rompt progressivement les liens avec sa famille, et n’a repris contact avec sa mère que très récemment. Il aura connu trois familles d’accueil différentes, dont deux premiers séjours très courts. Il res-tera accueilli dans la dernière famille d’accueil jusqu’à ses 20 ans environ.

Toutefois, dès ses 18 ans, il emménage chez le frère de sa compagne, qu’il a rencontrée deux ans plus tôt. Il trouve un poste en boulangerie et un CAP. Au bout de 6 mois, le contrat s’arrête « du jour au lendemain  : je reçois un

appel de la patronne qui me dit que le CFA a rompu le contrat parce que je loupais des jours de cours. Mais je les loupais parce que l’entreprise me demandait de venir au travail. » Il doit trouver une nouvelle source de revenu, et travaille dans la métallerie, sans être déclaré. Son nouveau patron lui propose de le loger dans un local dans la cour de l’entreprise. Il accepte, et rompt donc son contrat avec sa famille d’accueil. Mais le lendemain, son employeur « ne veut plus de lui », et Enzo se retrouve à la rue. « Je suis allé chez mes grands-parents pour un week-end. Le lundi je suis allé au conseil général, et ils m’ont mis 15 jours dans un hôtel à Saint-Denis. Et ensuite l’ASE m’a remis dans ma famille d’accueil. »

En 2019, sa compagne tombe enceinte et retourne vivre chez son père. À cette période, il navigue entre sa famille d’accueil et sa belle-famille : « Son père nous proposait de rester dans sa cabane de temps en temps, et on restait là-bas pour avoir un peu d’intimité. Quand mon fils est né,

ils m’ont proposé de m’installer chez eux. Moi j’ai accepté, mais la famille d’accueil m’a dit de ne pas interrompre le contrat chez elle, au cas où, et j’ai bien fait. »

En effet, la situation se dégrade lorsqu’il est logé chez sa belle-famille et il subit les frictions entre sa compagne et son père : « Elle avait fait des démarches d’émancipation, ça n’a pas plu à son père qui ne voulait plus que je reste chez eux. Sa grande sœur a pris une maison pour elle, donc on l’a suivie. Mais ça n’allait plus vraiment, on se séparait, on se remettait ensemble, et à ce moment-là elle est partie et moi je suis retourné en famille d’accueil. » Grâce à un dispositif de la Mission Locale, il accède à un logement autonome : « J’ai trouvé un nouvel emploi dans une boulangerie, je commençais les démarches pour avoir la garde de mon fils, au 1er décembre 2020 j’étais chez moi.

C’était la belle vie. ». Cette stabilité n’est que de courte durée, il connait une succession de problèmes personnels (nouvelle séparation amoureuse, difficulté à voir son fils) et finit par perdre son emploi et accumuler les dettes de loyers.

Il finit par quitter son logement et est accueilli par son oncle. Là encore, cette situation d’hébergement devient rapidement problématique  : « Quand il buvait, c’était un autre homme. Il disait qu’il ne voulait plus de moi, il me rabaissait, il rabaissait mon fils. Les soirs où il buvait, je me barrais, j’allais chez mes grands-parents le temps que ça se calme. Un jour, il me demande ce que je vais faire quand il sera sorti de chez lui. Moi je ne comprends pas, parce que d’habitude je restais là. Mais quand on est sortis il a fermé la porte à clé de chez lui. Là j’ai compris, et je suis parti chez un camarade. »

Enzo ne peut donc plus compter sur son cercle familial, et passe une semaine difficile chez un ami à lui  : « Je

suis tombé dans l’alcool, pendant une semaine du matin jusqu’au soir je buvais, je ne faisais que ça. Mais le week-end j’ai eu mon fils, et quand j’ai vu l’état dans lequel ça le mettait de me voir boire, je me suis dit j’arrête. Mon camarade a attendu que je parte déposer mon fils pour fermer la porte à clé et partir de chez lui et j’étais de nouveau à la rue. »

Enzo retourne au conseil général et espère être de nou-veau hébergé dans un hôtel. Mais il a dépassé 21 ans, et cette fois-ci le conseil général le redirige vers le 115. « Moi je ne pouvais pas y aller. Je suis allé au CCAS mais eux aussi m’ont dit qu’il n’y avait que le 115, donc je suis arrivé à l’abri de nuit. »

S’en suit un parcours d’errance de plusieurs mois, qui l’a marqué : « J’ai trouvé une place tous les soirs, mais il faut harceler, harceler. Au bout de 20 minutes, la musique d’attente elle te soûle. Mais moi ça m’a pas choqué d’être là, je cherchais juste un abri pour être en sécurité, le reste je m’en fous. Ce qui était difficile c’était la journée sur la route. C’est dangereux la route. Le matin j’allais à la boutique solidarité, puis dans un autre endroit le midi, et ensuite j’attendais que le temps passe. Franchement à certains moments j’étais pas bien, les projets n’avançaient pas. J’avais des pensées suicidaires, mais quand je pensais à mon fils je me disais je peux pas faire ça. »

Il lance des démarches pour trouver un logement avec la Mission Locale, et depuis le mois de janvier 2022, est logé dans un logement en ALT à Saint-Denis  : « ce logement c’est un contrat de 6 mois, je m’y sens bien, et là je veux juste vivre au jour le jour. Je vais recommencer les stages en boulangerie, et si une entreprise peut me prendre, je rentrerai dedans. »

DES RÉPONSES À CONSTRUIRE,

Dans le document L état du mal-logement en France 2022 (Page 67-70)