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Groupe de Brauer d’une surface de del Pezzo de degré 4

3.4 Surfaces de del Pezzo de degré 4

3.4.2 Groupe de Brauer d’une surface de del Pezzo de degré 4

Conservons les notations du paragraphe 3.4.1 et supposons que k soit un corps de nombres. Nous allons entièrement déterminer la structure du groupe Br(X)/Br(k) en termes des

inva-1

Le lecteur attentif remarquera que telles quelles, les hypothèses de [20, Proposition 3.2.1] n’impliquent pas que Br(X)/Br(k) = 0. Il s’avère que cette proposition est erronée ; c’est l’antépénultième phrase de la démonstration qui est en cause. On obtient un énoncé correct en remplaçant la seconde hypothèse par la suivante : « If moreover the six classes −d12d13, −d21d23, −d10d14, −d20d24, −d30d34,Q

i6=4d4iare independent in k⋆

/k⋆2

, then condition (D) holds for π. » Le théorème 3.35 ci-dessous montre que cette condition est bien strictement plus forte que Br(X)/Br(k) = 0 (cf. notamment l’exemple 3.39).

riants εtassociés à la surface X. Soulignons que ceux-ci se lisent très facilement sur les équations des formes quadratiques q1 et q2.

Théorème 3.35 — Le groupe Br(X)/Br(k) est isomorphe à (Z/2)max(0,n−d−1), où

n = Card

t ∈ S ; εt 6= 1 dans κ(t)/κ(t)⋆2

et d est la dimension du sous-Z/2-espace vectoriel de k/k⋆2engendré par les normes Nκ(t)/kt)

pour t ∈ S .

Corollaire 3.36 — Si le groupe Γ agit transitivement sur {t0, . . . , t4}, ou s’il agit trivialement

sur l’un des ti et transitivement sur les quatre autres, alors Br(X)/Br(k) = 0.

Démonstration — La transitivité de l’action de Γ sur les cinq ti entraîne que n 6 1, d’où n − d − 1 6 0. Si maintenant l’un des ti est k-rationnel, disons t0, et que Γ agit transitivement sur les quatre autres, alors n 6 2 et la seule possibilité pour que n − d − 1 > 0 est que n = 2 et d = 0 ; mais alors ε0 devrait être trivial puisque d = 0 et non trivial puisque n = 2. 

La proposition suivante sera un sous-produit de la preuve du théorème 3.35. Proposition 3.37 — On a l’égalité Qt∈S Nκ(t)/kt) = 1 dans k/k⋆2.

Corollaire 3.38 — Le groupe Br(X)/Br(k) est isomorphe à l’un des trois groupes suivants :

le groupe trivial, Z/2 ou Z/2 × Z/2.

Démonstration — Il s’agit de prouver que n − d 6 3. Si n 6 3, c’est trivial. Si n = 4,

l’ensemble S contient un point rationnel t ∈ S tel que εt6= 1, d’où d > 1 et donc n − d 6 3. Si enfin n = 5, la proposition 3.37 montre que les εt ne peuvent pas être tous égaux, sous

peine d’être alors tous égaux à 1. D’où d > 2 puis n − d 6 3. 

Remarque — Les corollaires 3.36 et 3.38 étaient déjà connus (cf. respectivement [18, Theo-rem 3.19] et [69]). Nous ne prétendons d’ailleurs à aucune originalité quant à la preuve du théorème 3.35 : nous avons simplement poussé quelque peu les arguments de [18].

Exemple 3.39 (suite de l’exemple 3.33) — Si les formes quadratiques q1 et q2 sont simultanément diagonales sur k et qu’aucun des εi ∈ k/k⋆2pour i ∈ {0, . . ., 4} n’est égal à 1, alors Br(X)/Br(k) = 0 si et seulement s’il n’existe pas d’autre relation non triviale entre les εi que ε0ε1ε2ε3ε4 = 1.

Démonstration du théorème 3.35 — Soit K une clôture algébrique de K = κ(X). Fixons un

plongement k-linéaire k ֒→ K.

Démonstration — Comme X est une surface de del Pezzo, les Z-modules Pic(Xk) et Pic(XK) sont libres de type fini et l’application canonique Pic(Xk) → Pic(XK) est bijective. Cette ap-plication est de plus compatible aux actions respectives de Gal(k/k) et Gal(K/K) sur Pic(Xk) et Pic(XK) relativement au morphisme canonique Gal(K/K)→ Gal(k/k). Si Kk désigne l’ex-tension composée de K et k dans K, le sous-groupe Gal(K/Kk) ⊂ Gal(K/K) agit donc trivia-lement sur Pic(XK). Il en résulte que H1(Kk, Pic(XK)) = 0 (puisque Pic(XK) est sans torsion), d’où un isomorphisme canonique H1(K, Pic(XK)) = H1(Gal(Kk/K), Pic(XKk)). Enfin, comme k est algébriquement fermé dans K, le morphisme canonique Gal(Kk/K) → Gal(k/k) est un isomorphisme, ce qui permet de considérer Pic(XKk) comme un Gal(k/k)-module. Compte tenu de ce qui précède, l’application canonique Pic(Xk) → Pic(XKk) est un isomorphisme de

Gal(k/k)-modules ; elle induit donc un isomorphisme en cohomologie. 

Lemme 3.41 — La flèche canonique Br(X)/Br(k) → Br(XK)/Br(K) est un isomorphisme.

Démonstration — Les suites spectrales de Hochschild-Serre pour les extensions k/k et K/K

et leurs groupes multiplicatifs respectifs fournissent le diagramme commutatif Br(k) Ker(Br(X) → Br(Xk)) δk H1(k, Pic(Xk))

γ

H3(k, Gm) H3(X, Gm)

Br(K) Ker(Br(XK) → Br(XK)) δK H1(K, Pic(XK)) H3(K, Gm) H3(XK, Gm), dans lequel les lignes sont exactes. On a Br(Xk) = 0 et Br(XK) = 0 puisque la surface X est rationnelle. Grâce à la théorie du corps de classes, l’hypothèse que k est un corps de nombres entraîne que H3(k, Gm) = 0, d’où la surjectivité de δk. La flèche δK est également surjective car le K-point tautologique de X définit une rétraction de la flèche H3(K, Gm) → H3(XK, Gm). Enfin, le lemme 3.40 montre que γ est un isomorphisme. Le résultat s’ensuit.  L’ensemble S et les entiers n et d ne varient pas lorsqu’on étend les scalaires de k à K, puisque k est algébriquement fermé dans K. Grâce au lemme 3.41, il suffit donc de connaître la conclusion du théorème pour la K-variété XK afin de l’obtenir pour la k-variété X. Étant donné que X(K) 6= ∅, on a ainsi établi :

Pour prouver le théorème 3.35 (et la proposition 3.37), on peut remplacer l’hypothèse que k est un corps de nombres par celle que X(k) 6= ∅.

C’est ce que nous faisons désormais.

Lemme 3.42 — Supposons que X(k) 6= ∅. Alors la surface X est k-birationnelle à un fibré

en coniques π : C → P1

k ( i.e. C est propre, lisse et géométriquement connexe sur k et la fibre générique de π est une conique) dont les fibres au-dessus de P1

k\ S sont lisses et qui vérifie :

pour tout t ∈ S , la fibre π−1(t) est intègre et la fermeture algébrique de κ(t) dans κ(π−1(t))

(On appelle conique une courbe propre, lisse, géométriquement connexe et de genre 0.)

Démonstration — Choisissons x ∈ X(k). Comme la surface X est lisse et de codimension 2

dans P4

k, il existe un pinceau d’hyperplans de P4

ktangents à X en x. Celui-ci découpe sur X un pinceau de courbes de genre arithmétique 1, singulières en x. On définit π : C → P1

k comme un modèle propre et régulier relativement minimal de ce pinceau. Il n’est pas difficile de vérifier que π satisfait aux conditions de l’énoncé ; pour les détails, cf. [18, p. 61].  Rappelons un lemme bien connu sur le groupe de Brauer des coniques (on le démontre par exemple en écrivant la suite spectrale de Hochschild-Serre).

Lemme 3.43 — Soit D une conique sur un corps K. La flèche naturelle Br(K) → Br(D) est

surjective et son noyau est engendré par la classe de l’algèbre de quaternions associée à D.

Les groupes Br(C) et Br(X) sont isomorphes (invariance birationnelle du groupe de Brauer, cf. [29, Corollaire 7.5]). De plus, on a Br(C) = Brvert(C) car la fibre générique de π est une conique (cf. lemme 3.43). Il reste donc seulement à déterminer la structure du groupe Brvert(C)/Br(k).

Notons A ∈ Br(κ(P1

k)) la classe de l’algèbre de quaternions définie par la fibre générique de π. Il résulte de la description des fibres de π que A ∈ Br(P1

k\ S ) et que le résidu de A en t ∈ S est égal à εt ∈ κ(t)/κ(t)⋆2 = H1(κ(t), Z/2) ⊂ H1(κ(t), Q/Z) Notamment, si A ∈ Br(k), alors n = 0. Par ailleurs, dans ce cas, la surface C s’écrit comme le produit de P1 k

et d’une conique sur k, ce qui montre que Br(C)/Br(k) = 0 (cf. [22, Proposition 2.1.4]). L’énoncé du théorème est donc vérifié lorsque A ∈ Br(k) ; on suppose dorénavant que l’image de A dans Br(κ(P1

k))/Br(k) est non nulle.

De la suite exacte de Faddeev (cf. [22, §1.2]) se déduit la suite exacte

0 Br(k) Br(P1

k\ S ) α M

t∈S

H1(κ(t), Q/Z) β H1(k, Q/Z), (3.8) où α est le produit des résidus aux points de S et β est la somme des corestrictions de κ(t) à k. La nullité de l’image de A ∈ Br(P1

k \ S ) dans H1(k, Q/Z) est équivalente à l’égalité Q

t∈S Nκ(t)/kt) = 1, ce qui prouve la proposition 3.37. Soit N le noyau du produit

M t∈S H1(κ(t), Q/Z) −→ M t∈S H1(κ(t)(√ε t), Q/Z) ! × H1(k, Q/Z)

des flèches de restriction et de β. D’après [22, Proposition 1.1.1] et la suite exacte (3.8), le groupe N s’identifie au sous-groupe de Br(P1

k\ S )/Br(k) constitué des classes dont l’image réciproque par π est non ramifiée sur C. On a donc une suite exacte

0 Ker  Br(κ(η))/Br(k) π η −−→ Br(Cη)/Br(k)  α N Brvert(C)/Br(k) 0,

où η désigne le point générique de P1

k. Le lemme 3.43 et l’hypothèse selon laquelle l’image de A dans Br(η)/Br(k) est non nulle entraînent que le groupe de gauche est égal à Z/2. Le groupe N est par ailleurs clairement un Z/2-espace vectoriel de dimension n − d ; le théorème 3.35 est

donc démontré. 

Remarque — On a supposé que k est un corps de nombres uniquement pour pouvoir affirmer que H3(k, Gm) = 0 (cf. preuve du lemme 3.41). Le théorème 3.35 et la proposition 3.37 sont donc vrais sous cette hypothèse plus faible, qui est par exemple satisfaite lorsque k est le corps des fonctions rationnelles en une variable sur un corps de nombres. Sans hypothèse sur k (autre que celle de caractéristique nulle, énoncée au début du paragraphe 3.4.1 et de laquelle on ne se départira pas), on peut néanmoins déduire de la preuve du théorème 3.35 d’une part que la proposition 3.37 reste vraie, d’autre part que le groupe Br(X)/Br(k) est un Z/2-espace vectoriel de dimension 6 n − d − 1. En particulier, les corollaires 3.36 et 3.38 sont vrais sans hypothèse sur k. J’ignore s’il en va de même du théorème 3.35.