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4 OPTIMISATIONS TECHNOLOGIQUES

4.2 Fiabilisation et réduction des résistances d'accès

4.3.1 Sous-gravure d'émetteur

Lors de la réduction de la surface du mesa d'émetteur, la capacité de jonction base-émetteur est réduite (proportionnellement la surface), et la résistance est conjointement augmentée (de façon inversement proportionnelle à la surface), si bien que le produit RECBE est théoriquement inchangé. Toutefois, l'auto-alignement de la base requiert une certaine profondeur de sous-gravure, indépendante de la dimension du transistor fabriqué. Par conséquent, une partie du contact d'émetteur ne participe pas à la conduction électrique, et pénalise fortement la résistance. La proportion de cette zone non utilisée est d'autant plus importante que le contact d'émetteur est de dimension réduite. Il est alors crucial de réduire la profondeur de sous-gravure d'émetteur nécessaire à l'auto-alignement du métal de base.

4.3.1.1 Position du problème

La gravure humide des matériaux III-V n'est pas totalement isotrope, car la vitesse de gravure n'est pas identique dans toutes les directions cristallographiques. Cette caractéristique est peu prononcée dans le GaInAs, mais devient importante dans le cas de l'InP, avec des conséquences non négligeables sur la technologie de fabrication des

L'émetteur est constitué de la superposition de deux couches, l'une de GaInAs (le contact), et l'autre d'InP. La définition du mesa d'émetteur se déroule en deux étapes successives de gravure humide (Figure 4-4-10). Lors de la première étape, la gravure de GaInAs de contact se déroule de façon isotrope, générant des flancs de gravure légèrement inclinés. En revanche, lors de la gravure de la couche d'InP, certains plans cristallographiques sont gravés moins rapidement que d'autres, et donnent naissance à des 'flancs', rentrant ou sortant. Sur la Figure 4-17(a), on observe le profil de gravure d'un émetteur de largeur 2 µm. Le pied sortant d'InP, ici clairement observable, se prolonge, d'un coté du mesa, sur toute la longueur de l'émetteur (b).

1 µm

(a)

1 µm

(b)

Figure 4-17: (a) Vue perpendiculaire de la gravure d'un émetteur. (b) Vue décalée

La présence du flanc de gravure sortant est particulièrement gênante, car l'auto-alignement de la base requiert que le 'pied' du mesa d'émetteur soit en retrait par rapport au métal d'électrode. Au cas où ce retrait n'est pas total, la métallisation de base peut entrer en contact avec le matériau dopé d'émetteur, induisant un court-circuit émetteur-base. Il est par ailleurs apparu que même dans le cas où il n'y pas contact direct entre la métallisation et le 'pied' d'InP, une sous-gravure d'émetteur insuffisante provoquait une dégradation du gain statique à faible courant. La raison de cette dégradation est sans doute la présence d'une forte densité de centres recombinants (due à l'interface ou à la diffusion métallique), à proximité de la partie la plus active (en raison de la défocalisation dans la base) de la jonction base-émetteur.

Ainsi, dans le but de rentrer totalement le flanc sortant d'InP sous le métal d'émetteur, il est nécessaire de pratiquer une sous-gravure importante. Sur les côtés du mesa autre que celui où se trouve le pied d'InP, cette sous-gravure se traduit par un retrait important de la surface effective de jonction. Pour les épaisseurs de GaInAs et d'InP utilisées dans la structure épitaxiale standard, un retrait variant entre 0.15 µm et 0.4 µm selon les axes (avec

une valeur moyenne de 0.3 µm environ) est nécessaire entre le bas du mesa et le métal. Plusieurs effets néfastes sur les performances en découlent :

• Augmentation de la résistance d'émetteur

• Augmentation de la résistance extrinsèque de base

Cette pénalisation est d'autant plus importante que le transistor est de faibles dimensions, car la proportion inutilisée de la surface totale d'émetteur devient alors importante. C'est par ailleurs de cette nécessité de sous-graver fortement l'émetteur que provient l'impossibilité d'utiliser la technologie classique pour des composants de dimensions sous- microniques, sur lesquels la surface d'émetteur serait réduite à néant par la sous-gravure. Nous verrons par la suite que l'utilisation de transistors orientés de façon différente permet de lever cette difficulté.

4.3.1.2 Gravure sèche de l'émetteur

Dans le but de limiter la sous-gravure, une possibilité consiste à réaliser la gravure du mesa d'émetteur non pas par voie chimique humide (c'est-à-dire en solution acide), mais par voie sèche. L'avantage des gravures sèches réside en leur forte anisotropie, ce qui permet de graver les matériaux uniquement selon une direction donnée, et ainsi de créer des flancs abrupts. Les gravures sèches sont basées sur le bombardement de la surface à graver par des ions. Dans certaines configurations, une réaction chimique se produit entre les ions incidents et la surface, on parle alors de gravure assistée chimiquement.

GaInAs

InP

Gravure

sèche

Figure 4-18: intérêt de la définition de l'émetteur par gravure ionique

L'inconvénient des gravures sèches (et la difficulté de leur mise au point dans le cadre de notre technologie TBH) provient de leur "agressivité" : le bombardement ionique génère des défauts dans le matériaux, pouvant dans certains cas dégrader le fonctionnement du composant. En particulier, une dégradation du contact de base ainsi que des fuites à la jonction base-collecteur sont générées si la gravure ionique de l'émetteur s'approche trop de la base. Les techniques de gravure sèche disponibles au laboratoire sont de deux types :

• Gravure par plasma : RIE (Reactive Ion Etching) et ICP (Inductive Coupled Plasma). Le plasma est généré par une haute tension dans le cas de la RIE, et par un couplage inductif dans le cas de l'ICP. Cette dernière technique offre la possibilité de réaliser un plasma peu énergétique, générant peu de défauts. • Gravure par faisceau d'ions : IBE (Ion Beam Etching), encore appelé usinage

ionique. Cette technique, bien que très directionnelle, utilise des ions Argon (Ar +) énergétiques, pouvant générer des défauts en profondeur dans le matériau.

Des essais de gravure sèche de l'émetteur ont été réalisés par le passé au laboratoire.19, 20

Lors d'une gravure par usinage ionique, il est nécessaire de conserver au dessus de la base une épaisseur d'au moins 100 nm de matériau, sous peine de dégrader la jonction base-collecteur.10 Si la gravure ICP semble prometteuse grâce à sa faculté de générer peu de défauts,20 ainsi qu'à la possibilité de réaliser une sous-gravure, il est toutefois apparu que son utilisation induisait aussi des fuites base-collecteur, et nécessitait des optimisations complémentaires.

La réalisation de transistors de petites dimensions, avec gravure sèche de l'émetteur, a été explorée dans le cadre du travail présenté ici. Par rapport à la structure standard présentée au chapitre 3, l'empilement de couches utilisé ici intègre une épaisseur d'InP d'émetteur plus faible, dans le but de réduire l'importance du flanc sortant. La structure d'émetteur utilisée est présentée dans le tableau suivant :

Matériau Dopage Epaisseur (nm)

GaInAs

InP n+ 340 50

InP n 50

Tableau 4-3: Structure d'émetteur pour l'étude de la gravure sèche

La gravure de l'émetteur est réalisée en deux temps. La couche de contact en GaInAs est gravée en quasi-totalité par usinage ionique, ce qui permet de réaliser un flanc abrupt, puis gravée et sous-gravée par voie humide, ainsi que la couche d'InP. La figure suivante présente le profil de gravure obtenu sur un émetteur de 1 µm de large, qui peut être comparé à celui de la Figure 4-17(a), obtenu par gravure humide uniquement.

1 µm

Figure 4-19: Mesa d'émetteur obtenu par combinaison de gravure sèche et humide.

Un retrait maximal de 0.15 µm du semi-conducteur par rapport au métal d'émetteur permet ici de réaliser l'auto-alignement du métal de base. On rappelle que lors de l'utilisation d'une gravure humide uniquement, la largeur gravée d'InP variait de 0.15 µm à 0.4 µm selon les axes. La comparaison des tracés de Gummel entre un transistor de grande dimension et un transistor ayant une largeur d'émetteur de 1 µm nous permet de confirmer une valeur moyenne de sous-gravure de 0.14 µm. Les Figure 4-20(a) et (b) présentent la comparaison entre les fréquences de gain unitaire fT de deux composants, dont l'émetteur a été réalisé par gravure sèche pour l'un, et par gravure humide pour l'autre. cette comparaison est réalisée pour deux largeur d'émetteur : 1 µm et 2 µm.

0 2 4 6 8 10 12 14 80 100 120 140 160 fT (G H z) Emetteur : 6 x 1 µm² Gravure humide Gravure seche Courant (mA) (a) 5 10 15 20 25 80 100 120 140 160 180 fT (GHz ) Emetteur : 6 x 2 µm² Gravure humide Gravure seche Courant (mA) (b)

Figure 4-20: Fréquence de gain unitaire en fonction du courant pour deux surfaces d'émetteur, et deux procédés de gravure différents

Les fréquences fT sont peut différentes (moins de 10 GHz d'écart) entre les composants de largeur d'émetteur de 2 µm. En revanche, en raison de l'influence importante de la sous-gravure sur les transistors de petite taille, on constate sur les composants de 1 µm de large un important écart sur la valeur maximale de ft, ainsi que sur le courant IE auquel elle est obtenue. La différence entre les courants de pic de fT correspond à une différence de surface effective d'émetteur. Pour un émetteur de longueur L et largeur l, et dont la profondeur de sous-gravure est sge, la surface effective de l'émetteur est donnée par :

SE = (L – 2 sge) (l – 2 sge)

Nous avons vu au chapitre 3 que la valeur maximale de fT est obtenue à une densité de courant correspondant au seuil d'effet Kirk, et indépendante de la géométrie du composant. Le rapport des courants donnant le fT maximal doit donc correspondre au rapport des surfaces d'émetteur. Entre les deux sous-gravures à 0.15 et 0.25 µm, le rapport des surfaces est de 0.85 pour un émetteur de 6 x 2 µm² nominaux, et de 0.69 pour un émetteur de 6 x 1 µm² nominaux, d'où la différence observée sur l'écart des courants, entre les émetteurs de 2 µm et 1 µm de large. Nous observons par ailleurs qu'en raison de l'arrivée prématurée de l'effet Kirk, le composant de 1 µm de large et avec la plus forte sous-gravure ne peut profiter pleinement de la réduction de résistance dynamique d'émetteur à fort courant, ce qui limite sa valeur maximale de fT.

Ainsi, la marge dégagée sur la profondeur de sous-gravure, grâce à l'étape de gravure ionique, augmente notablement les caractéristiques (fT et courant optimal) du transistor le plus fin (1 µm), mais n'a qu'un impact réduit sur un transistor plus large (2 µm). Ceci illustre l'importance cruciale de la réduction de la sous-gravure lors de la fabrication de transistors microniques ou sous-microniques.

4.3.1.3 Epaississement de l'émetteur par multicouche

Les résistances d'accès latérales à travers le métal de base le long du mesa d'émetteur, mais aussi dans un éventuel pont de connexion (paragraphe 4.3.3.2), sont déterminées par l'épaisseur de la métallisation de base. Par ailleurs, il est à noter que la couche d'or en surface de cette métallisation est partiellement gravée lors de l'étape d'usinage ionique, réduisant d'autant sa section efficace de conduction. L'épaisseur maximale de métal de base pouvant être déposée sans générer de court-circuit émetteur base est déterminée par la hauteur du mesa d'émetteur. Ainsi, dans le but de réduire la résistance de base, il peut s'avérer intéressant d'augmenter la hauteur du mesa d'émetteur, ce qui permet alors de déposer un métal de base plus épais.

Le problème généralement associé à une hauteur importante de mesa est la forte sous-gravure d'émetteur qui en résulte. (paragraphe 4.3.1.1) Nous avons vu au paragraphe précédent q'une faible épaisseur d'InP dans l'émetteur permet de réduire l'importance du flanc sortant, mais cette épaisseur réduite devant être compensée par un ajout de GaInAs, c'est la sous-gravure dans la partie supérieure de celui-ci qui devient importante.

Dans le but de réduire le retrait au sommet GaInAs, nous avons réalisé une alternance de couches GaInAs et InP. Les couches d'InP, d'épaisseur très faible (10 nm), font barrière à la gravure du GaInAs (stop-etch). La figure suivante décrit le gain possible sur la profondeur de sous-gravure par l'utilisation d'une structure multicouche, par rapport aux configurations classiques GaInAs/InP.

GaInAs InP

Figure 4-21: Minimisation de la sous-gravure totale d'émetteur grâce à une structure multicouche

La structure multicouche d'émetteur réalisée est présentée dans le tableau suivant.

Matériau Dopage Epaisseur (nm)

GaInAs InP GaInAs InP GaInAs InP n+ 100 10 100 10 150 50 InP n 50

Tableau 4-4: Structure multicouche d'émetteur

La gravure du mesa d'émetteur est réalisée en deux étapes. Les deux premières couches de GaInAs, ainsi qu'une partie de la troisième sont tout d'abord gravées par usinage ionique. La fin de la gravure de GaInAs ainsi que la sous-gravure sont alors réalisées chimiquement. La Figure 4-22(a) présente la configuration obtenue après cette étape. Enfin, la couche d'InP est gravée et sous-gravée jusqu'à obtenir une retrait suffisant, comme présenté en Figure

4-22(b). Sur la première photo présentée, les fines couches d'InP sont clairement observables.

2 µm

(a)

2 µm

(b) Figure 4-22: Photos MEB d'un mesa d'émetteur multicouche

Par cette méthode, une sous-gravure de 0.2 µm à 0.25 µm est alors nécessaire pour pratiquer l'auto-alignement de la base, sur un émetteur de 470 nm de hauteur totale. Finalement, il apparaît que la pente modérée que nous avions obtenue lors de la sous-gravure du GaInAs est comparable à celle obtenue ici. L'utilisation d'un émetteur multicouche ne permet donc de dégager qu'une marge modérée de sous-gravure, par rapport à la combinaison gravure sèche / gravure chimique. Il est par ailleurs à noter que cette solution est défavorable à l'évacuation thermique du composant, car l'importante épaisseur de GaInAs est thermiquement résistive (chapitre 1).