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CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS, PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS

A) Gravité du crime

La gravité du crime est le principal vecteur de la sévérité de la réaction pénale : plus un crime est perçu comme étant grave, plus sont élevés les risques que le crime soit dénoncé, que son auteur soit arrêté (Dolon, Hendricks et Meagher, 1986), qu’il soit accusé, qu’il soit détenu pendant les procédures (Demuth, 2003) et qu’il soit condamné (Gottfreson et Gottfredson, 1988). La gravité du crime déterminerait également la sévérité de la sentence et la proportion de la peine de prison que le condamné aura à purger (Gottfredson et Gottfredson, 1988). Or, la gravité d’un crime est subjective et dépend de plusieurs éléments

qui s’interinfluencent : gestes commis, utilisation d’une arme, présence ou gravité des blessures, etc.

Gestes commis

Dans un premier temps, la gravité du crime est tributaire du type de gestes posés dans le cadre de l’incident. La vaste majorité des crimes de violence commis contre un conjoint est constituée d’agressions physiques (Brzozowski, 2004; Pottie Bunge et Levett, 1998; Pottie Bunge et Locke, 2000; Trainor, 2002). En 2008, plus de la moitié des infractions rapportées au Québec étaient des voies de fait de niveau 1. Ces infractions étaient principalement suivies par les menaces, le harcèlement criminel et les voies de fait de niveau 2. Les crimes les plus graves, soit les homicides, les tentatives de meurtre et les voies de fait de niveau 3, composaient moins de 1 % des infractions rapportées (MSP, 2010). Les hommes sont proportionnellement plus susceptibles que les femmes d’être victimes de crimes plus grave, comme les voies de fait de niveau 2. Ceci est probablement dû au fait que plus de femmes utilisent des armes pour menacer leur conjoint et que, par conséquent, la police dépose une accusation plus grave contre elles (Pottie Bunge et Levett, 1998; Statistique Canada, 2009). La gravité de la violence vécue dans un contexte conjugal diffère également selon la relation avec l’auteur présumé. Les conjoints sont en proportion plus nombreux à subir des infractions susceptibles de causer des blessures ou la mort alors que les ex-conjoints sont, pour leur part, davantage représentés parmi les victimes d’appels téléphoniques indécents ou harcelants, de harcèlement criminel, d’intimidation et de menaces. Quant aux amis et ex-amis intimes, ils sont davantage présents parmi les victimes d’enlèvement (MSP, 2012).

Blessures

Deux éléments liés aux blessures infligées lors des incidents commis en contexte conjugal sont généralement abordés dans la littérature : la présence de blessures ainsi que la gravité de celles-ci. Selon les données de la DUC 2 de 2008, un peu plus de quatre victimes sur dix ont été blessées lors d’une infraction commise dans un contexte conjugal, soit la même proportion que pour l’ensemble des victimes d’infractions contre la personne (MSP, 2010, 2012). Cette proportion est sensiblement la même pour les deux sexes et pour chaque groupe d’âge, à l’exception des victimes âgées de 12 à 17 ans qui sont proportionnellement

moins nombreuses à avoir subi des blessures (MSP, 2012). Ces données diffèrent de l’ESG de 2004 dans laquelle 44 % des victimes féminines et 19 % des victimes masculines indiquent avoir subi des blessures pendant un incident de violence conjugale (AuCoin, 2005). Les blessures physiques seraient également beaucoup plus fréquentes dans le cas de violence grave (Laroche, s.d.). Concernant la gravité des blessures, 88 % des victimes blessées ont souffert de blessures légères nécessitant des soins médicaux mineurs (MSP, 2010). Ces données sont congruentes avec les résultats de l’ESG de 2004 qui indiquent que les blessures les plus fréquemment mentionnées par les victimes qui ont été blessées étaient les bleus et les coupures (AuCoin, 2005). La gravité de la blessure diffère également selon le type de relation unissant la victime et l’auteur présumé. Plus de la moitié des victimes d’un conjoint ont été blessées comparativement à 28 % des ex-conjointes et à 39 % des amies intimes. Cette situation s’explique par le fait que les conjointes ont subi des violences pouvant causer des blessures dans une proportion plus élevée que les ex-conjointes ou les amies ou ex-amies intimes (MSP, 2012).

Les diverses études qui se sont intéressées à l’influence de l’infliction de blessures au cours d’un incident commis en contexte conjugal sur les décisions des policiers de procéder à l’arrestation du suspect arrivent à des conclusions divergentes à ce sujet. Certains auteurs affirment que l’infliction de blessures au cours d’un incident de violence conjugale augmente la probabilité d’une arrestation (Feder, 1996; Avakame et Fyfe, 2001), d’autres affirment que cette caractéristique diminue la probabilité d’une arrestation (Robinson et Chandek, 2000), et certains mentionnent que l’infliction n’a pas d’impact sur la décision de procéder à une arrestation (Berk et Losek, 1981) ou que cet impact varie selon la gravité des blessures (Loving et Farmer, 1980; cités par Campeau, 1992). L’étendue des blessures influence la détermination de la peine : plus la gravité des blessures causées par le contrevenant est élevée, plus ce dernier risque d’être condamné à l’emprisonnement (Brzozowski, 2004).La gravité des blessures interviendrait également dans la décision de la victime de prévenir ou non la police (Laroche, s.d.). Puisque le signalement d’un incident de violence conjugale constitue la première étape de l’implication de la victime dans le recours à l’appareil judiciaire, il est possible, selon nous, que cette caractéristique influence également la décision de la victime de participer davantage au processus judiciaire.

Utilisation d’une arme

Les affaires de violence conjugale sont rarement commises avec une arme. En 2011, la force physique de l’agresseur, à elle seule, a causé des blessures à 77 % des victimes. Lorsqu’une arme est utilisée, il s’agit généralement d’une arme autre qu’une arme à feu, comme un objet contondant, un couteau ou un autre objet pointu (MSP, 2012; Ogrodnik, 2008). Les méthodes de violence conjugale diffèrent selon le sexe de la victime. La force physique est plus susceptible de constituer la forme de violence la plus grave commise à l’endroit des femmes, tandis que des armes sont plus susceptibles d’être utilisées à l’endroit des hommes (AuCoin, 2005; Brzozowski, 2004; Ogrodnik, 2008; Pottie Bunge et Levett, 1998; Trainor, 2002). La présence plus fréquente d’armes pour les victimes de sexe masculin peut s’expliquer, en partie, par les différences de force relative entre les hommes et les femmes, ainsi que par la tendance accrue des femmes à utiliser une arme pour infliger des blessures à leur conjoint plutôt que leur propre force physique (Brzozowski, 2004; Trainor, 2002).

L’utilisation d’une arme pourrait influencer le cheminement ou l’issue des procédures judiciaires. Il existe un consensus parmi les auteurs selon lequel l’utilisation d’une arme a un impact sur les décisions d’arrêter et de porter des accusations contre un suspect (Avakame et Fyfe, 2001; Schmidt et Steury, 1989). De plus, conformément au principe fondamental de la proportionnalité énoncé à l’article 718.1 du Code criminel, la sévérité de la peine augmente généralement en fonction de la gravité du crime avec violence (Brzozowski, 2004). L’utilisation d’une arme pourrait également influencer indirectement la participation de la victime au processus judiciaire. La gravité du crime, qui se mesure souvent par la menace d'utilisation ou l’utilisation d’une arme, intervient dans la décision de la victime de prévenir ou non la police (Laroche, s.d.). Or, cette décision pourrait être un indicateur de la volonté de la victime de participer davantage au processus judiciaire.