Définition ii.24 On suppose fixé un schéma de base S. Soit (d, r) un couple d’entiers
naturels. On note Grd,r (ou Grd,r,S s’il y a lieu de préciser le schéma de base) la grass-
mannienne des sous-espaces de dimension d dans le fibré vectoriel trivial de rang d + r sur
S, Grd,r est un S-schéma projectif et lisse. Pour être plus précis, on a une bijection fonc-
torielle, pour tout S-schéma X, entre Grd,r(X) et l’ensemble des sous-OX-Modules M de
OXd+r localement facteurs directs et localement libres de rang d. On notera M′
d,r le sous-fibré
vectoriel du fibré trivial de rang d + r sur Grd,r correspondant à l’identité Grd,r → Grd,r, on
l’appelera parfois « fibré universel de rang d sur Grd,r ». On notera aussi Md,r′′ le quotient
de Od+r
Grd,r par M
′ d,r.
Définition ii.25 On munit l’ensemble N
2 d’une structure d’ensemble ordonné (filtrant) de
sorte que si (d, r) et (d′, r′) sont deux éléments de N2, on dit que (d, r) ≤ (d′, r′) si d ≤ d′ et
r ≤ r′ (autrement dit, on munit N2 de l’ordre produit). Pour tout couple (d, r), (d′, r′) d’élé-
ments de N2 tels que (d, r) ≤ (d′, r′), on définit une immersion fermée i
(d,r),(d′,r′): Grd,r →
Grd′,r′ de sorte que l’application correspondante Grd,r(X) → Grd′,r′(X) envoie un sous-OX-
Module M de Od+r
X (localement facteur direct de rang d) sur Od
′−d X × M × {0} r′−r vu dans OXd′−d× OXd+r× Or ′−r
X que l’on identifie à Od
′+r′
X .
On obtient ainsi un système inductif Gr• dans la catégorie des S-schémas lisses indexé
par l’ensemble ordonné filtrant N2; cet ensemble ordonné admet évidemment une suite
croissante cofinale. Notons que si (d, r) ≤ (d′, r′), on a les égalités suivantes dans K
0(Grd,r) : i⋆(d,r),(d′,r′)( Md′′,r′ ) = Md,r′ + d′− d ; i⋆(d,r),(d′,r′)( Md′′′,r′ ) = Md,r′′ + r′− r. Notons ainsi ud,r l’élément
M′
d,r
− d ∈ K0(Grd,r), c’est un élément de rang virtuel 0.
Les égalités précédentes impliquent que (ud,r)(d,r)∈N est une famille compatible de classes,
à savoir est un élément u• ∈ lim
(d,r)∈N2K0(Grd,r).
Le théorème suivant est un cas particulier de SGA 6 VI 4.6 : Théorème ii.26 Pour tout couple (d, r) ∈ N
2, la K
0(S)-algèbre K0(Grd,r,S) est engendrée
par les coefficients de la série formelle λt(ud,r).
On en déduit aussitôt le corollaire suivant, que nous utiliserons dans la suite : Corollaire ii.27 Pour tout couple (d, r), (d
′, r′) d’éléments de N2 tel que (d, r) ≤ (d′, r′),
le morphisme de transition K0(Grd′,r′) → K0(Grd,r) est surjectif.
Théorème ii.28 Pour tout couple d’entiers (d, r) et i ≥ 1, on note ci = γ
i(u d,r) ∈
K0(Grd,r). Pour tout entier d ∈ N, on a un isomorphisme canonique
lim
r∈NK0(Grd,r) = K0(S) [[c1, . . . , cd]] ;
de plus, on a un isomorphisme canonique :
lim
Section 3 — Quelques propriétés élémentaires de la K-théorie algébrique
Pour d fixé, c’est SGA 6 VI 4.10. Ensuite, pour d variable, on utilise simplement le fait que pour tout entier d, l’image de cd+1∈ K0(S) [[c1, . . . , cd, cd+1]] dans K0(Grd,r) est nulle :
cet élément est γd+1(u
d,r) = λd+1(ud,r+ d) =∧d+1Md,r′
qui est nul car M′
d,r est un fibré
Chapitre
iiiLes opérations instables sur la
K-théorie algébrique
Ce chapitre est le cœur de ce travail. Les sections 1 et 2 visent à donner une interpréta- tion fonctorielle des morphismes Z×Gr → E dans H (S) où E est un objet de H (S), S un schéma régulier et Gr la grassmannienne infinie. Sous une hypothèse (la propriété (K)), un tel morphisme revient à se donner une application K0(X) → HomH (S)(X, E) fonctorielle en
X ∈ Sm/S (cf. théorème iii.27). On applique tout naturellement ceci aux endomorphismes de Z×Gr dans H (S) (et plus généralement aux morphismes (Z×Gr)n → Z×Gr) dans les
sections 3 et 4 afin de relever canoniquement les structures de λ-anneaux spéciaux sur les ensembles K0(X) (pour tout X ∈ Sm/S) en une structure de λ-Anneau spécial sur Z × Gr
dans H (S). La section 5 donne une définition des modèles authentiques de la K-théorie algébrique dans H•(S) : en vertu des résultats précédents, tous les modèles sont canonique-
ment isomorphes ! on vérifie de plus que les constructions classiques (Quillen, Waldhausen) de la K-théorie algébrique donnent bien des modèles authentiques. La section 6 étudie le changement de schéma de base, ce qui pourra nous autoriser à effectuer certaines construc- tions sur Spec Z pour les étendre canoniquement ensuite à tout schéma de base régulier. La section 7 compare les définitions antérieures des produits sur la K-théorie algébrique supé- rieure à celle introduite à la sous-section 4.2 (en particulier, pour les schémas réguliers, les définitions antérieurs coïncident sur leurs domaines de définitions communs). La section 8 interprète les endomorphismes de Z×Gr en termes des anneaux de représentations RZGLn
étudiés par J.-P. Serre dans [67], cela aura donc un sens de comparer les opérations sur la K-théorie algébrique définies ici et celles définies par Soulé dans [70]. La section 9 présente des versions des résultats à coefficients dans des sous-anneaux de Q, ceci servant dans la section 10 qui présente une esquisse d’une application aux catégories virtuelles introduites par Deligne dans [17].
1 Rappels sur la représentabilité de la K-théorie al-
gébrique dans H (S)
Définition iii.1 Soit S un schéma de base noethérien. On note Gr = colim
N2 Gr• (voir
site Sm/SNis. On note aussi, pour tout entier d, Grd,∞ = colim
r∈N Grd,r, on a ainsi Gr =
colim
d∈N Grd,∞. Gr est canoniquement pointé (par l’image de Gr0,0). On notera encore Gr
l’image de cet objet dans H•(S) ou H (S). On note Z × Gr le produit du faisceau constant
Z sur Sm/SNis et de Gr ; c’est aussi la somme directe indexée par Z de copies de Gr. On
note P l’ensemble des couples (F, f) où F est une partie finie de Z contenant 0 et f une application f : F → N2, P est muni d’une structure d’ensemble ordonné filtrant de sorte
que (F, f) ≤ (G, g) si F ⊂ G et que pour tout x ∈ F , f(x) ≤ g(x). Pour (F, f) ∈ P, notons K(F,f ) l’union disjointe des S-schémas Grf (x) pour x ∈ F . On a ainsi un système
inductif K• dans Sm/S indexé par P dont la limite inductive filtrante en tant que faisceau
est Z × Gr que l’on pointe par l’inclusion de {0} × Gr0,0.
Remarque iii.2 L’ensemble ordonné P admet une suite croissante cofinale, par exemple
celle qui associe à n ∈ N le couple ({−n, −n + 1, . . . , −1, 0, 1, . . . , n − 1, n} , fn) où fn est
la fonction constante de valeur (n, n).
Théorème iii.3 (Morel-Voevodsky) Soit S un schéma régulier. Il existe une structure
de H-groupe sur Z × Gr telle que l’on dispose d’isomorphismes canoniques fonctoriels
HomH•(S)(S
n∧ X
+, Z × Gr) ∼= Kn(X)
pour tout X ∈ Sm/S et tout entier naturel n où Kn(−) désigne la K-théorie algébrique
supérieure de Quillen (cf. [62]). En particulier, pour X ∈ Sm/S, on a un isomorphisme :
HomH (S)(X, Z × Gr) ∼= K0(X) .
Dans ce théorème (cf. [57, proposition 3.9, page 139] et [76, theorem 6.5]), le plus difficile n’est pas de montrer l’existence d’un objet E tel que l’on ait des isomorphismes HomH•(S)(S
n∧ X
+, E) ∼= Kn(X), c’est le fait que l’on puisse prendre E = Z × Gr : un
des ingrédients principaux de la démonstration de [57] réside dans la construction d’une A1-équivalence faible Gr
d,∞ → B GLd où B GLd est le classifiant simplicial du faisceau de
groupes représenté par le schéma en groupes GLd.
Assertion iii.4 Soit S un schéma régulier. Pour tout couple (d, r) d’entiers naturels et
tout entier relatif n ∈ Z, la classe dans HomH (S)(Grd,r, Z × Gr) de l’inclusion évidente
Grd,r → {n} × Gr → Z × Gr
correspond via l’isomorphisme du théorème iii.3 à l’élément ud,r+ n =
M′ d,r − d + n de K0(Grd,r) (voir page 80).
La démonstration du théorème iii.3 figurant dans [ibid.] étant très abrégée, cette asser- tion n’y est pas mentionnée explicitement ; je pense néanmoins qu’elle devrait être consi- dérée par le lecteur comme allant de soi, ce qu’on va supposer dès maintenant. Cependant, le lecteur plus méticuleux pourra se reporter à la section 5 sur les modèles de la K-théorie algébrique : elle contient des arguments permettant de reconstituer une démonstration plus détaillée du théorème iii.3 et de vérifier l’assertion iii.4.
Section 2 — Propriétés (ii) et (K)