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Graphes infinis de théorie monadique décidable

Dans le document Graphes infinis de présentation finie (Page 68-72)

2.2 Familles de graphes infinis

2.2.1 Graphes infinis de théorie monadique décidable

La logique du second ordre monadique est une logique très utile sur les

graphes, combinant un bon pouvoir expressif (existence de chemins, confluence,

cyclicité, etc.) avec un problème de satisfaisabilité décidable sur de nombreuses

structures logiques importantes (demi-droite des entiers, arbres complets). Nous

verrons dans ce paragraphe que ces résultats peuvent être étendus à de

nom-breuses autres familles de graphes, notamment en utilisant les transformations de

graphes vues précédemment.

2.2.1.1 Premiers résultats

Büchi [Büc62] a montré que la théorie au second ordre monadique de

l’en-semble des entiers muni de l’opérateur « successeur », (N,S), est décidable. Ce

résultat peut être interprété en termes de graphes comme la décidabilité de la

logique MSO sur la demi-droite des entiers, qui est un graphe infini isomorphe

à (N,S). Ce graphe a pour ensemble de sommets les entiers naturels, et possède

un arc entre tous les couples de sommets représentant des entiers consécutifs. La

logique du second ordre monadique sur cette structure est parfois appelée S1S,

ou logique monadique du second ordre pour la relation successeur.

Ce résultat fut plus tard étendu à un autre graphe infini par Rabin [Rab69],

qui montra que la théorie monadique de l’arbre binaire complet infini ∆

2

est elle

aussi décidable. Comme dans le cas précédent, on surnomme parfois cette logique

S2S pour une raison évidente. On fait en général référence à ce résultat comme

le théorème de Rabin pour les arbres. De nombreux résultats concernant la

déci-dabilité de MSO sur des structures plus générales sont démontrés par réduction

à ce théorème.

2.2.1.2 Graphes d’automates à pile

Le vrai commencement d’une étude des graphes infinis pour eux-mêmes fut

marqué par les travaux de Muller et Schupp. Dans [MS85], ils caractérisent

l’en-semble des graphes d’automates à pile, dont les sommets sont les configurations

accessibles depuis l’état initial d’un automate à pile, et dont les arcs représentent

les transitions. Selon la terminologie que nous avons adoptée, les graphes

d’auto-mates à pile sont les restrictions par accessibilité depuis la configuration initiale

des graphes de configuration d’automates à pile.

Le principal résultat concernant cette famille de graphes est qu’ils ont une

théorie monadique décidable. Ce résultat fut obtenu à l’aide de la caractérisation

géométrique suivante. Soit G un graphe, et v

0

l’un quelconque de ses sommets.

On note G

≥n

l a restriction de G à l’ensemble de ses sommets situés à distance

au moinsn dev

0

(ou la distance entre deux sommets est prise comme la longueur

du plus court chemin dirigé reliant le premier au second). Muller et Schupp ont

démontré qu’un graphe est isomorphe à un graphe d’automate à pile si et

seule-ment si l’ensemble des composantes connexes de la famille{G

v0,n

|n ≥0} est fini

à isomorphisme près quel que soitv

0

(voir la figure 2.5 pour une illustration cette

idée

1

). Ce résultat leur a ensuite permis, en utilisant le théorème de Rabin, de

conclure que les graphes d’automates à pile ont une théorie monadique décidable.

Enfin, il est relativement direct de montrer que les langages de tels graphes

entre des ensembles initiaux et finaux finis sont les langages algébriques.

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. . . .

. . .

a a a

b b

b b b

0 1 2 3

Fig. 2.5 – Décomposition d’un graphe d’automate à pile par distance depuis sa

racine.

2.2.1.3 Graphes réguliers ou équationnels

Les graphes engendrés par les grammaires à remplacement d’hyperarcs sont

parfois appelés réguliers, ou équationnels. Nous les appellerons graphes

HR-équa-tionnels pour éviter toute ambiguïté. Courcelle a défini et étudié cette famille, et

a démontré en particulier que leur théorie monadique est décidable ([Cou90]).

Il a été montré dans [Cau92] que la famille des graphes HR-équationnels de

degré fini possédant une racine coïncident à la fois avec les graphes d’automates

à pile et avec les restrictions par accessibilité des graphes de réécriture préfixe

des systèmes de réécriture finis de mots (autre nom pour la clôture à droite des

graphes de réécriture de systèmes finis de mots).

Si l’on omet cette restriction par accessibilité, on obtient malgré tout une

intéressante équivalence entre les graphes HR-équationnels de degré fini, les

res-trictions rationnelles des clôtures à droite de systèmes de réécriture finis de mots,

les restrictions rationnelles des graphes des configurations d’automates à pile

2

([Cau95]) et les clôtures rationnelles à droite des relations finies de mots ([Cau96]).

2.2.1.4 Graphes préfixe-reconnaissables

Les graphes préfixe-reconnaissables ont été définis dans [Cau96]. Ils sont un

bon exemple de famille de graphes infinis possédant un grand nombre de

caracté-risations internes et externes différentes, comme le résume le théorème

d’équiva-lence suivant (où seules les présentations les plus significatives sont mentionnées).

Théoreme 2.7. Soit G un graphe étiqueté. Les propositions suivantes sont

équi-valentes :

1. Gest isomorphe à la clôture rationnelle à droite d’un graphe reconnaissable

(ou, de façon équivalente, au graphe des réécritures préfixes d’un système

reconnaissable de mots),

2. Nous insistons sur la nuance entre les graphes d’automates à pile de Muller et Schupp, qui sont restreints aux sommets accessibles, et les graphes des configurations d’automates à pile.

2. G est isomorphe au graphe de transition d’un automate à pile [Sti98],

3. G est isomorphe au graphe de type Cayley d’un système de réécriture de

mots avec chevauchements préfixes [CK02a],

4. G peut être construit à partir de l’arbre binaire complet par un marquage

rationnel suivi d’une substitution rationnelle inverse,

5. G peut être construit à partir de l’arbre binaire complet par une

interpréta-tion monadique [Blu01],

6. G est VR-équationnel [Bar97].

Chacune de ces caractérisations est attribuée à son auteur. Plusieurs propriétés

de cette famille découle de cette variété de présentations. La décidabilité de MSO

sur les graphes préfixe-reconnaissables est une conséquence directe de leurs

présen-tations externes par transformations MSO-compatibles de l’arbre binaire complet

(points (4) et (5)). Le fait que les traces des graphes préfixe-reconnaissables sont

les langages hors-contexte était déjà connu dans [Cau96], mais peut être

égale-ment vu comme une conséquence de (2). Enfin, le fait que cette famille soit close

par restriction rationnelle et substitution rationnelle inverse est une conséquence

de (1).

D’autres conséquences de ces résultats ont trait aux sous-familles des graphes

préfixe-reconnaissables. Par exemple, la décidabilité de la théorie monadique des

graphes VR-équationnels peut être déduite directement de (6). Il est de plus

relativement clair que les graphes HR-équationnels sont une sous-famille des

VR-équationnels. (En fait, il a été montré dans [Bar98] que les graphes

HR-équationnels sont précisément les graphes VR-HR-équationnels de largeur

arbores-cente bornée

3

.) Comme les graphes HR-équationnels et les graphes d’automates

à pile sont tous des graphes préfixe-reconnaissables ([Cau96]), on obtient

égale-ment une nouvelle démonstration de la décidabilité de leurs théories monadiques

respectives.

Notons enfin qu’en raison du fait que l’équivalence de traces est une forme

d’équivalence plus large que l’isomorphisme, il peut exister plusieurs familles de

graphes distinctes dont les traces sont la même famille de langages. Dans le cas

présent, comme les traces des graphes d’automates à pile comme des

préfixe-reconnaissables sont les langages hors-contexte, toute famille intermédiaire (par

exemple les graphes HR-équationnels) ont la même famille de traces (voir [Sti98]

pour plus de détails).

2.2.1.5 La hiérarchie C.

Dans le même esprit que les graphes préfixe-reconnaissables, une hiérarchie

infinie et stricte de familles de graphes obtenues par itération de transformations

3. La largeur arborescente d’un graphe est en quelque sorte une mesure de sa ressemblance à un arbre. Sa définition n’est pas triviale et non pertinente pour ce travail.

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sur les graphes a été étudiée dans [Cau02]. Le niveau 0 de cette hiérarchie consiste

en l’ensemble des graphes finis. Les graphes du niveau n >0sont définis comme

les dépliages suivis de substitutions rationnelles inverses des graphes de niveau

n−1. Pour référence ultérieure

4

, nous appellerons cette hiérarchie la « Hiérarchie

C. ». Une conséquence directe de cette définition est que tous les graphes de la

hiérarchie C. ont une théorie monadique décidable. Des études plus approfondies

de cette hiérarchie et des comparaisons avec d’autres familles sont à l’origine du

résultat d’équivalence suivant.

Théoreme 2.8. Soit G un graphe étiqueté. Les propositions suivantes sont

équi-valentes :

1. G appartient au niveaun de la hiérarchie C. (c’est à dire est défini comme

l’application successive de n dépliages composés avec des substitutions

ra-tionnelles inverses),

2. G est défini comme l’application successive de n opérations de structure

arborescente composés avec des transductions monadiques ([CW03]),

3. Gest isomorphe au graphe de transition d’un automate à pile d’ordre

supé-rieur de niveau n ([CW03]),

4. G est isomorphe au graphe d’une relation « préfixe-reconnaissable d’ordre

supérieur » ([Car05]).

De plus, Caucal a montré dans [Cau02] que les arbres obtenus par dépliage

des graphes de la hiérarchie incluent à la fois les solutions des schémas de

pro-grammes d’ordre supérieur sûrs [KNU02] et une hiérarchie de termes définis par

une certaine forme de substitution de premier ordre itérée [CK02b].

En tant que graphes de transition des automates à pile d’ordre supérieur, les

traces des graphes de cette hiérarchie coïncident avec la hiérarchie OI de langages

(cf. § 1.3.4). Nous rappelons que ces langages sont une sous-famille des langages

contextuels.

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