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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

6. Les matériaux d’anode

6.1. Le graphène

6.1.1. Historique : du carbone au graphène

Le carbone est un matériau essentiel dans la société moderne puisqu’il peut être utilisé pour de nombreuses applications. Par exemple, le carbone est utilisé comme source d’énergie (charbon), dans les filtres à eau et pour la digestion en médecine (charbon actif), dans la bijouterie (sous forme de diamant), sous forme d’alliage et de carbures dans l’aéronautique, les réacteurs nucléaires, les prothèses et les équipements sportifs [97]. De surcroit, les matériaux à base de carbone peuvent être obtenus à partir de polymères biosourcés, ce qui en fait une voie de production durable [98]. Le carbone est présent en abondance dans la nature et sous

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différentes formes : cristalline ou allotropes. En effet, le carbone possède quatre électrons de valence et peut donc se lier aussi bien à des éléments électronégatifs qu’électropositifs. Il est important de noter qu’il peut faire des liaisons simples, doubles ou triples, ce qui explique la présence de nombreux allotropes [99]. La Figure 12 représente les différentes formes allotropiques du carbone en fonction de son hybridation.

Figure 12 : Représentations schématiques des différentes formes du carbone en fonction de

son hybridation.

On peut voir sur la Figure 12 que le graphite (de forme tridimensionnelle) est formé de plans atomiques qui s’empilent les uns sur les autres. Ces plans atomiques (bidimensionnels) sont en fait des monocouches de carbone présentant un arrangement régulier d’atomes de carbone situés au sommet d’hexagones et possédant une structure en nid d’abeille : le graphène. Le graphène, dont la découverte a été récompensée par un prix Nobel en 2010, est donc un cristal bidimensionnel de carbone (sp²). C’est pour la première fois, en 2004, en parvenant à isoler un feuillet d’une seule couche atomique par délamination du graphite, que le graphène (2D) est découvert par A. Geim et N. Novoselov [100].

L’intérêt porté au graphène depuis sa découverte ne cesse de grandir en raison de ses propriétés remarquables. En effet, c’est un des matériaux présentant la plus grande résistance mécanique (avec un module d’Young d’environ 1 TPa), une extraordinaire capacité à transférer les électrons (200 000 cm²/Vs), une très bonne conductivité électrique ( 2x104 S/m pour une monocouche de graphène), une excellente conductivité thermique (5 000 W.m-1.K-1), une grande surface spécifique (2 630 m²/g) [101]–[114] et il est biocompatible [108], [115], [116]. A titre d’exemple, le graphite possède les propriétés suivantes : un module d’Young de 8-15

GPa, une conductivité électrique (105 S/m), une conductivité thermique de 25-470 W.m-1.K-1

et une surface spécifique de 3,5-7,5 m²/g.

Du fait de ses propriétés, le graphène est très prometteur pour de nombreuses applications.

6.1.2. Applications

La première des applications visée concerne l’électronique à grande vitesse telle que les transistors. Cependant, malgré sa grande conductivité, le problème réside dans son absence de bande interdite. Dans les appareils électroniques, cette bande interdite est indispensable afin d’obtenir des états « on » et « off ». La recherche actuelle se focalise donc sur la création de dérivés du graphène afin d’obtenir cette bande interdite dans le but de créer des transistors à grande vitesse dans les 10 prochaines années [117], [118].

Le stockage de données, comme le cas des clés USB, est aussi envisagé. En effet, il a été démontré qu’une électrode d’oxyde d’indium-étain (ITO) modifiée avec un polymère et de l’oxyde de graphène permettait d’obtenir des capacités de stockage de 0,2 Tbits/cm3, soit environ 10 fois plus que pour une clé USB de 16 GB [119].

Une autre application concerne les fenêtres intelligentes LCD. Le graphène possède des propriétés d’opacité en fonction de l’existence d’un courant. La fenêtre reste opaque jusqu’à ce que l’on applique un champ électrique afin de la rendre transparente [119], [120].

Les écrans à OLED (Organic Light Emitting Diode) flexibles sont aussi visés. Selon l’épaisseur du graphène, celui-ci peut être très flexible, ce qui permettrait de remplacer les contre électrodes en ITO, qui sont cassantes, pour les télévisions ou encore les écrans tactiles (ex : Samsung).

Une autre voie d’utilisation du graphène concerne les cellules photovoltaïques qui actuellement utilisent du platine à la contre électrode. Comme nous l’avons vu, le platine présente des problèmes liés aux ressources et donc un coût de plus en plus élevé. Ainsi, grâce à son excellente conductivité, le graphène pourrait remplacer le platine actuellement présent et ainsi permettre de réduire les coûts de production tout en maintenant une bonne efficacité [121]. Il en est de même pour les piles à combustibles ainsi que les biopiles.

Enfin, la détection électrochimique dans le cas des biocapteurs implantables est très largement envisagée notamment pour le suivi du glucose en continu. Ce suivi en continu permettrait de détecter les variations de concentration en glucose et donc de délivrer le médicament avant une crise d’hypo ou d’hyper glycémie. Le graphène permet d’augmenter la

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sensibilité, la vitesse de détection ainsi que la stabilité de ces biocapteurs travaillant généralement avec une enzyme : la glucose oxydase [122].

Plusieurs voies de synthèse pour le graphène sont possibles en fonction des besoins pour les différentes applications.

6.1.3. Synthèse

Il existe plusieurs approches pour synthétiser le graphène (Figure 13). La première méthode de production du graphène est la « méthode du ruban adhésif » présentée pour la première fois par A. Geim et K. Novoselov [123]. Cette méthode consiste à utiliser un ruban adhésif afin d’enlever des flocons de graphite d’un bloc de graphite pyrolytique hautement ordonné. Cette méthode est répétée plusieurs fois afin d’exfolier les flocons de graphites et d’obtenir des couches de plus en plus fines de graphite jusqu’à obtenir une seule couche de graphite, épaisse d’un atome, qui est du graphène. Le graphène est ensuite transféré sur un support en oxyde de silicium. Cette méthode de production pose cependant rapidement un problème puisque les quantités de graphène produites restent faibles et cela reste un procédé laborieux.

Depuis, de nouvelles méthodes de synthèse du graphène ont été développées mais restent cependant peu utilisées. Ces techniques sont : le dépôt chimique en phase vapeur (CVD) [124], [125], l’exfoliation phase-liquide [126], [127] et la croissance épitaxiale sur du carbure de silicium [128].

La voie de synthèse du graphène la plus utilisée a été présentée par Kovtyukhova et al et consiste à l’oxydation et l’exfoliation de graphite en oxyde de graphène [129], [130]. L’oxyde de graphène ainsi produit possède de nombreux groupements riches en oxygène (CO, COOH et COH) à sa surface. (Figure 13). Ces groupements peuvent ensuite être enlevés par réduction de l’oxyde de graphène. Plusieurs voies de réduction sont possibles : chimiques [114], thermiques [131] et électrochimiques [132].

Figure 13 :Représentation schématique des différentes possibilités pour synthétiser du

graphène et de l'oxyde de graphène réduit [133].

Ces différentes techniques de synthèse du graphène permettent de modifier un matériau de différentes façons et ainsi d’adapter la technique de modification aux supports utilisés. Nous nous intéressons ici à la modification de surface d’électrodes utilisées dans les biopiles microbiennes.

6.1.4. Les différents types de modification des matériaux par le graphène

On retrouve principalement deux méthodes pour modifier une électrode avec du graphène : un dépôt physique sur un substrat conducteur ou un dépôt électrochimique.

Parmi les dépôts physiques, il existe plusieurs façons de procéder selon la nature du matériau utilisé pour faire l’électrode. La première technique est le « spin-coating » ou enduction centrifuge. Le graphène, en suspension dans de l’eau pure, est déposé sur un matériau conducteur possédant une surface plane. Le matériau et le graphène sont ensuite placés sur un plateau sous vide et tournant à haute vitesse (de façon constante) afin que le dépôt soit réalisé de façon uniforme sur toute la surface du matériau. L’épaisseur de la couche déposée est inférieure à 10 nm, on parle de couche mince [134]. Une seconde technique utilisée est le « drop casting » ou dépôt par goutte. Cette technique est particulièrement utilisée lorsque l’on veut déposer une plus grande quantité de graphène et que le besoin d’avoir un dépôt uniforme n’est pas nécessaire. Une ou plusieurs gouttes d’une suspension de graphène sont déposées à la

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surface de l’électrode. L’électrode est ensuite séchée jusqu’à évaporation totale du liquide [135]. La dernière technique de dépôt physique utilisée est l’adsorption. Généralement, cette technique est associée à la méthode dite couche-par-couche. Grâce à ce procédé, il est possible de déposer une monocouche de graphène à la surface de l’électrode. Il est également possible de contrôler l’épaisseur ainsi que le nombre de couches à déposer. La monocouche se forme à la surface d’un matériau, de charge opposée, par adsorption. Le graphène étant chargé négativement, il faut que la couche ou la surface soit chargée positivement. L’adsorption du graphène se réalise dans une dispersion de graphène sous forme aqueuse. Dans le cas où la surface du matériau est de charge positive, l’électrode est immergée dans la dispersion aqueuse de graphène afin de procédé à l’adsorption d’une monocouche de graphène. L’électrode est ensuite rincée à l’eau et séchée. C’est cette technique qui a été utilisée pour modifier la surface des électrodes dans ce travail.

Un autre type de dépôt est le dépôt électrochimique. Cette technique consiste à électro-réduire l’oxyde de graphène à la surface d’un matériau. Pour cela, l’électrode est plongée dans une solution aqueuse d’oxyde de graphène. Dans un système à deux électrodes où la contre électrode est une grille de platine, l’oxyde de graphène (chargé négativement) est transporté par électrophorèse à la surface de l’électrode [132].

Le graphène présente donc une solution intéressante afin d’améliorer les performances des PACMs.