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Chapitre 2 : Matériel et méthodes

2. Techniques de caractérisation électrochimique

2.4. Courbes de polarisation et courbe de puissance

La courbe de polarisation correspond à la courbe caractéristique tension-courant d’une biopile. Cette courbe est obtenue en faisant varier une résistance branchée aux bornes de la biopile (à l’anode et à la cathode). Un ampèremètre est branché en série et un voltmètre en parallèle (Figure 23) afin de s’assurer des valeurs obtenues. De plus, dans le cas où la résistance variable ne serait pas calibrée, cette technique permet de s’affranchir d’utiliser la valeur de la résistance pour extraire les valeurs caractéristiques de la biopile. La résistance variable est placée sur la valeur la plus élevée puis est progressivement diminuée. La tension ainsi que le courant caractéristique de chaque valeur de résistance sont enregistrés. Il est important, lorsque l’on change de décade, de ne pas avoir une valeur de résistance nulle afin de ne pas court circuiter la biopile.

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Figure 23 : schéma du montage lors de la caractérisation de la puissance de la biopile.

Grâce à cette technique, il est possible d’extraire quatre paramètres de performance : la tension en circuit ouvert (OCV), le courant de court-circuit (icc), la puissance maximale (Pmax) et la résistance interne du système (Rint). La courbe de puissance est obtenue par la relation suivante (Équation 11) : F = G H I Équation 11 Avec P la puissance en [W], U la tension en [V], I l’intensité en [A].

Figure 24 : Exemple de courbe de polarisation (tension et puissance en fonction du courant).

L’énergie libérée lors d’une réaction redox (cas de la pile galvanostatique) ou l’énergie nécessaire pour accomplir une réaction redox (cas de l’électrolyseur) est liée à la différence de potentiel thermodynamique ∆E0 du système électrochimique. Cette force correspond à la différence entre les potentiels standards de l’anode et de la cathode. Dans un cas idéal, la mesure de cette différence de potentiel est mesurée en circuit ouvert entre l’anode et la cathode (OCV pour open circuit voltage), c’est-à-dire sans passage de courant électrique entre les deux électrodes. Expérimentalement, la différence de potentiel mesurée est différente de la valeur théorique car il existe un certain nombre de pertes survenant à l’anode et les surtensions à la cathode, ce qui limite les performances du système. On peut diviser ces pertes en deux catégories : celles liées aux limites de fonctionnement du système électrochimique et celles liées aux catalyseurs. Quatre zones distinctes sont observées sur la Figure 24 :

· Zone A : pertes liées à la thermodynamique des réactions et aux courants internes. La perte thermodynamique est liée au caractère vivant et métaboliquement actif du catalyseur bactérien à l’anode. Une partie de l’énergie est utilisée pour le maintien et la reproduction des bactéries électroactives. Cette dissipation d’énergie est une perte nécessaire au développement d’un biofilm dense et actif. La grande majorité de l’énergie récupérée par les

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microorganismes est sous forme d’ATP. La quantité d’énergie dissipée est liée aux voies de transfert électronique extracellulaires des bactéries et notamment aux potentiels des molécules redox employées pour les étapes ultimes de transfert d’électrons avec l’anode. En effet, les électrons sont transmis au système à un potentiel supérieur au potentiel redox du donneur d’électrons. Ce potentiel supérieur correspond au potentiel de la molécule électroactive impliquée dans le transfert électronique avec l’électrode.

La diminution du potentiel d’abandon (OCV) par rapport à la valeur théorique déterminée par la thermodynamique (∆E0) est également liée aux courants internes. Ce phénomène est attribué à deux facteurs : la perméabilité de la membrane à d’autres espèces électroactives (oxydant, réducteurs et électrons) ainsi que le manque de sélectivité chimique de l’électrode aussi capable de catalyser des réactions parasites. Il en résulte l’apparition d’un potentiel mixte. Par exemple, au niveau de l’anode, l’oxydation d’une espèce comme l’acétate produira des protons, du dioxyde de carbone et des électrons. En condition aérobie, la présence des électrons permettra ainsi la réduction de l’oxygène (Figure 25).

Figure 25 : Schéma de principe des pertes liées aux courants internes et apparition d'un

potentiel d'abandon mixte.

· Zone B : pertes d’activation et limites d’interface.

Ces pertes d’énergies sont liées d’une part à l’initiation des réactions d’oxydation et de réduction (comme la chaleur) et d’autre part à la cinétique des réactions de transfert électronique extracellulaire (pili, médiateur ou le cytochrome terminal) vers l’anode pour les biofilms anodiques. La diminution des pertes est liée à la quantité de microorganismes électroactifs

connectés aux électrodes, à la vitesse de transfert des électrons de la réaction limitante dans la chaine de transport des électrons ainsi qu’à l’activité métabolique du biofilm électroactif. Ces pertes sont particulièrement présentes à des faibles densités de courant (lorsque la résistance est la plus élevée). Il est possible de réduire ces pertes en améliorant le catalyseur à la cathode ou la bioanode en sélectionnant une espèce ou un consortium bactérien performant dans le transfert électronique extracellulaire. Il est également possible d’améliorer les propriétés de surface des électrodes afin d’améliorer la connexion des microorganismes sur l’électrode et d’en augmenter l’attachement.

· Zone C : pertes ohmiques et transfert de charge.

Ces pertes sont dues à la résistance du flux d’électrons à travers les électrodes et du flux des ions à travers l’électrolyte et la membrane. Ces deux phénomènes se caractérisent par une diminution du potentiel de façon linéaire par rapport à l’intensité et obéissent donc à la loi d’Ohm. La pente de cette portion correspond à la résistance interne (Rint) de la biopile correspondant aux résistances électriques (liées aux contacts et à la conductance des électrodes) et les résistances ioniques (conductivité de la membrane et de l’électrolyte) (Équation 12) :

JGKLMMNML = 6OPQ H JI Équation 12

Avec

U la tension de la biopile [V] Rint la résistance interne [Ω] I le courant [A]

Il est possible de minimiser ces pertes en augmentant la conductivité des matériaux utilisés et en améliorant le transfert des ions en diminuant, par exemple, la distance entre l’anode et la cathode.

· Zone D : limites au transfert de masse et pertes de diffusion et de concentration.

Il y a une limitation du transfert massique des réactifs (ou des produits réactionnels) de ou vers la surface de l’électrode et qui correspond à la cinétique de l’étape de transfert limitante. Pour un microorganisme, les cinétiques de la catalyse se résument à la vitesse globale du métabolisme. A fort courant, le métabolisme des bactéries électroactives n’est plus capable de fournir les espèces réduites au niveau de l’électrode avec une vitesse suffisante créant ainsi une limite. Cependant, il est difficile de détecter un tel gradient au sein du biofilm et la nature de cette étape limitante n’est pas connue.

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Ces pertes sont aussi liées au gradient de concentration de l’espèce redox active qui réagit au niveau de la surface de l’électrode. Il y a un épuisement des réactifs à proximité de l’électrode et une accumulation des produits issus de la réaction lorsque le courant est élevé.

A partir de la courbe de puissance, il est possible de déterminer la résistance interne propre à la biopile. En effet, lorsque la biopile délivre la puissance maximale, la résistance interne est égale à la résistance externe. On parle donc de circuit adapté. Il est donc possible de déterminer la résistance inter à partir de la relation suivante (Équation 13) :

6OPQ =(FRST Équation 13

Où :

Rint est la résistance interne de la biopile en Ω

Pmax la puissance maximale délivrée par la biopile en W I le courant associé à la puissance maximale en A