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transcriptomiques et génétiques

1. Grands principes définissant l'homéostasie glycérolipidique membranaire dans la cellule

végétale

Dans les cellules eucaryotes, chaque compartiment cellulaire a une composition en lipide spécifique qui est finement régulée par de nombreux mécanismes, afin de tendre vers un état stationnaire. L’ensemble des mécanismes de régulation de ce système à l’état d’équilibre est appelé homéostasie lipidique. En combinant l'ensemble des études réalisées chez Arabidopsis, il apparait que les principales caractéristiques de l’homéostasie lipidique consistent

- dans le contrôle du rapport MGDG/DGDG et SQDG/PG au niveau des

membranes du chloroplaste;

- dans le contrôle de la balance galactolipide/phospholipide au niveau de la

cellule végétale.

Les proportions relatives de MGDG, DGDG, de PG et de SQDG sont importantes pour l'architecture membranaire des thylacoïdes. En effet, la tête polaire du MGDG étant de petite taille, la molécule a une forme conique et forme spontanément une phase micellaire de type "hexagonale II" qui déstabilise les membranes in vitro en solution aqueuse (Gounaris and Barber, 1983; Webb and Green, 1991) et induit des courbures (Bruce, 1998). Le DGDG a une forme cylindrique qui favorise les phases lamellaires, stabilisant ainsi les membranes thylacoïdiennes in vitro en solution aqueuse (Gounaris and Barber, 1983; Holzl and Dormann, 2007). Le rapport MGDG/DGDG influe donc sur la forme des thylacoïdes, et la régulation de leurs proportions relatives est donc un aspect important du métabolisme lipidique des cellules chlorophylliennes (Shimojima and Ohta, 2011).

35 Le SQDG et le PG ont une forme cylindrique, ce qui leur confère une propriété stabilisatrice des membranes. De plus, le SQDG et le PG sont chargés négativement, ce qui influe sur les propriétés physico-chimiques des membranes et favorise l’interaction avec des protéines (Loll et al., 2007). En carence de phosphate, le niveau de PG dans les membranes photosynthétiques diminue significativement, ce qui est compensé par une augmentation de SQDG (Benning et al., 1993; Yu and Benning, 2003). La proportion de PG est donc inversement corrélée à celle du SQDG. Des approches génétiques bloquant la synthèse de PG chez Arabidopsis ont montrées qu’une absence totale de PG dans le chloroplaste était létale (Xu et al., 2006). Un niveau faible de PG dans les chloroplastes induit une perturbation de la croissance et une photosynthèse altérée (Yu and Benning, 2003). Ces phénotypes sont accentués lorsque l’interruption de la synthèse de PG est combinée avec l’interruption de la synthèse du SQDG (Yu and Benning, 2003).

La proportion de MGDG, de DGDG, de PG et de SQDG est donc fortement régulée, selon le contexte environnemental et physiologique de la plante (Boudiere et al., 2013). De plus, ces glycérolipides sont associés spécifiquement avec des complexes protéiques, incluant les photosystèmes, et sont essentiels pour les structurer (Loll et al., 2007; Mizusawa and Wada, 2012). Ces lipides ont été en particulier identifiés comme de possible co-facteurs impliqués dans la photosynthèse en se basant sur i) des études cristallographiques surtout réalisées chez des modèles cyanobactériens, combinées avec ii) des caractérisations biochimiques d’extraits de lipides de lipides à partir de fractions purifiées (Loll et al., 2007; Mizusawa and Wada, 2012). Il semblerait que l’interaction de MGDG, DGDG, PG et SQDG soient plus importante avec le photosystème de type II (PSII) (pour revue (Boudiere et al., 2013).

L'établissement et le maintien des équilibres MGDG/DGDG, SQDG/PG et galactolipide/phospholipide, nécessitent un trafic lipidique dynamique alimentant les différents sites de synthèse lipidiques en précurseurs, localisés au niveau de différents organites. Par exemple, les glycérolipides provenant du RE étant utilisés pour la synthèse des galactolipides, un transfert de lipides du RE vers le chloroplaste est nécessaire (Figure B 5, processus 3).

Les machineries de transfert de lipides sont mal connues. Ci-dessous nous listons brièvement les différents types de machineries et de systèmes possibles, au sein d'une même membrane et entre différentes membranes.

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Dans les cellules eucaryotes, des mouvements de lipides peuvent avoir lieu au sein d'une membrane. Des mouvements peuvent se produire de manière transversale à la membrane, d’un feuillet à l’autre, soit par diffusion, soit par l’action de transporteurs lipidiques (Figure B 5, processus 2). Des transporteurs ATP-dépendants, comme les transporteurs ABC ou les ATP-ases de type P4 encore appelées flippases, effectuent ainsi un transport actif de lipide en opposition au processus de diffusion généré par un gradient de concentration. Ils permettent de créer et de maintenir une répartition asymétrique des lipides de part et d’autre de la membrane. Ces transporteurs sont en particulier importants pour le trafic vésiculaire mais les mécanismes exacts sont encore mal définis: l’activité de ces transporteurs pourrait induire une courbure membranaire favorisant l’initiation du bourgeonnement et/ou activer des enzymes nécessaires à la formation de la vésicule (Devaux et al, 2008).

Il existe différents types de transports possibles entre membranes. Un premier système suit simplement le trafic vésiculaire, qui joue un rôle central dans le transport de protéines membranaires, ainsi que de lipides, dans la voie de sécrétion passant par l’appareil de Golgi (Figure B 5, processus 1a) (van Meer et al., 2008). Il n'y a dans ce cas pas d'extraction du lipide en dehors de son contexte membranaire initial pour être inséré dans le contexte membranaire final. Le mécanisme associé à ce transport est basé sur le bourgeonnement de la membrane formant des vésicules. Des études sur l’ultrastructure des organites et l’utilisation d’inhibiteurs du transport vésiculaire ont amené à penser que les thylacoïdes seraient formés par ce bourgeonnement de l’IEM par l’action de VIPP1 (vesicle-including protein in plastids), une protéine identifiée chez Arabidopsis et la cyanobactérie Synechocystis (Figure B 5, processus 1b) (Kroll et al., 2001; Westphal et al., 2001). Ce rôle a été initialement soutenu par le fait que l’inactivation du gène VIPP1 chez Arabidopsis empêchait la biogenèse des thylacoïdes (Westphal et al., 2001). Cependant, le rôle de VIPP1 dans le bourgeonnement des vésicules, leurs trafics et leurs fusions avec les thylacoïdes n’a pas pu être démontré de façon précise. Une étude récente chez la cyanobactérie a montré que les dommages initiaux causés par la déplétion de VIPP1 n’était pas directement dus à une perte des membranes thylacoïdiennes, mais plutôt à la perte de VIPP1 en lui-même (Gao and Xu, 2009). Une autre étude a montré que VIPP1 était une protéine multifonctionnelle importante pour la maintenance de l’enveloppe (Zhang et al., 2012). Ensemble, ces études suggèrent donc que VIPP1 pourrait influer sur les thylacoïdes aussi bien que sur les membranes de l'enveloppe,

37 mais qu'il n’est pas directement impliqué dans la biogénèse des membranes thylacoïdiennes (Zhang and Sakamoto, 2012).

Dans la plante, plusieurs zones de contacts entre le RE et d’autres compartiments cellulaires tels que la membrane plasmique, l’enveloppe nucléaire, la vacuole, la mitochondrie et le chloroplaste ont pu être identifiés (Staehelin, 1997; Levine and Loewen, 2006; Jouhet et al., 2007; Benning, 2008) (Figure B 5, processus 3). La synthèse de lipides plastidiaux nécessite le transport de précurseurs comme l’AP du RE au chloroplaste (Dubots et al., 2012). La forte interaction physique entre le RE et le chloroplaste a pu être démontrée par manipulation optique (Andersson et al., 2007) et pourrait permettre le transport d’AP par un transporteur multiprotéique particulier appelé TGD (Wang et al., 2012). La découverte de ce système de transport provient d’un criblage génétique visant à isoler des mutants altérés au niveau du profil galactolipidique, et dont la caractérisation fonctionnelle a montré un défaut d'import de précurseurs eucaryotiques vers le chloroplaste (Xu et al., 2003) (Figure B 5, processus 2 et 3). Les mutants, ainsi que les gènes sous-jacents porteurs des mutations, ont été nommés tgd car le phénotype correspondant était caractérisé par l'accumulation de trigalactosyldiacylglycérol (TGDG) et d’autres oligo-galactolipides produits par la galactolipide:galactolipide galactosyltransférase (GGGT), cette enzyme étant activée lorsque l’interaction RE-plaste est détériorée (Xu et al., 2003; Moellering et al., 2010). Quatre loci ont ainsi été identifiés.Trois d’entre eux, TGD1, TGD2 et TGD3, codent pour des composants d’un transporteur de type ABC, contenant un domaine de liaison à l’ATP. Le quatrième gène, TGD4, code pour une protéine du RE liée à l'OEM (Xu et al., 2008; Benning, 2009; Wang et al., 2012). L’inactivation génétique de ce transporteur ABC putatif bloque le trafic lipidique entre le RE et le plaste (Xu et al., 2003). Un motif de liaison à l’AP a été caractérisé au niveau de la sous- unité TGD2 et a été proposé comme responsable du transfert de l’AP vers l’enveloppe (Benning, 2008, 2009; Roston et al., 2012). Par ailleurs, TGD4 possède un site de liaison à l’AP. TGD4 se lie à l’OEM sous forme d’homodimère (Wang et al., 2013) au niveau de zones de contact (Wang et al., 2012). La structure de TGD4 étant en tonneau β, cette sous-unité du complexe TGD pourrait assurer un transport de type "chanelling" de l’AP entre le RE et le plaste.

Dans des conditions particulières telle que la carence de phosphate, la chute du niveau des phospholipides est compensée par un export de DGDG du chloroplaste vers les membranes non plastidiales (Härtel et al., 2000). Cet export pourrait aussi s'opérer par des zones de contacts vers la membrane plasmique (Andersson et al., 2003; Andersson et al.,

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2005), la mitochondrie (Jouhet et al., 2004) et le tonoplaste (Andersson et al., 2005) (Figure B 5, processus 3). Ce système de transfert reste néanmoins à être caractérisé.

Figure B 5 : Schéma des processus de transport des lipides chez Arabidopsis thaliana. Processus 1.a) Un

mécanisme par une voie vésiculaire est proposé pour le trafic des protéines membranaires et certains lipides entre les organites suivant la voie sécrétrice. Processus 1.b) Le transfert vésiculaire de lipides de l’IEM vers les thylacoïdes par VIPP1, récemment remis en cause par de nouvelles études. Processus 2) Transfert lipidique d’un feuillet à l’autre de la membrane par des flippases énergie-dépendantes. Processus 3) Transfert de lipides par des zones de contact entre les plastes, le RE, les mitochondries et les vacuoles. Abréviations: ALA1, aminophospholipid ATPase; TGD1, TGD2 TGD3 et TGD4, complexe "trigalactosyldiacylglycérol"; VIPP1, vesicle-including protein in plastids. Figure modifiée d'après (Li-Beisson et al., 2013).

En combinant tous ces mécanismes, la composition lipidique des membranes ainsi que leurs propriétés peuvent être ajustées en réponse aux changements environnementaux (disponibilité de certains nutriments tels que le phosphate, exposition à la lumière, au froid, à la chaleur ou encore à des stress hydriques), à l’état physiologique de la plante (croissance, développement foliaire, floral, etc.), ou à des agents biotiques (attaque de pathogènes ou encore blessures par des herbivores). L’état stationnaire peut alors être modifié, favorisant ainsi l’adaptation de la plante. De multiples mécanismes de régulations sont mis en place permettant d'atteindre ces nouveaux équilibres.

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2. Perturbation du système glycérolipidique par la