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1. La responsabilisation des patients

Jusqu’à une période encore récente, le médecin détenait tous les pouvoirs sur le patient qui n’avait qu’à consentir et à respecter passivement les ordonnances prescrites.

La relation s’instituait dans un cadre hiérarchique où l’un des protagonistes avait savoir et pouvoir, tandis que l’autre ne pouvait guère faire autre chose que d’obéir aveuglement à celui qui savait. Au fil des ans, cette relation a évolué et s’est équilibrée.

Le temps du paternalisme médical est révolu ; le patient s’est responsabilisé et émancipé de l’autorité médicale. La loi du 4 mars 2002 en France [6] consacre cette évolution tandis qu’au Maroc la législation est encore loin derrière comme l’illustre clairement notre étude, cette loi reconnaît officiellement aux patients le droit de participer à la décision médicale [7]. Le médecin doit délivrer au patient une information exhaustive, afin que celui-ci puisse consentir de façon éclairée à l’acte médical.

L’acquisition de cette autonomie trouve différentes explications. Elle s’inscrit dans un contexte général d’émancipation des individus, d’évolution des mœurs.

L’apparition du SIDA qui mettait la médecine en échec avec une implication vitale pour les personnes malades, a entraîné la constitution de groupes associatifs qui se sont organisés pour aller chercher des informations[5],

les interpréter, en discuter avec les médecins. En 20 ans, entre 1980 et 2000, le nombre d’association de malades est passé de 100 à 4500.

Les lois Huriet en France sur la participation des patients aux essais thérapeutiques et à la recherche médicale ont également marqué une étape importante. Elles ont prouvé que les personnes dûment informées sur les risques, étaient capables de les accepter et de les comprendre.

Enfin, la médiatisation de la médecine et l’apparition de différentes sources d’information, ont mis un point final au monopole de l’information médicale que détenait le médecin.

Néanmoins, les sources d’informations sont multiples et complexes. La médecine est relayée par les médias, l’audiovisuel en tête. Mais, elle pâtît d’une dérive vers le spectaculaire et la recherche de l’audimat, les sujets les plus fréquemment traités étant les régimes alimentaires et la chirurgie esthétique.

L’apparition d’internet a bouleversé l’accès du grand public à l’information médicale. Et ce n’est probablement qu’un début puisque l’on sait qu’aux Etats-Unis, une majorité des patients vont faire confirmer le diagnostic de leur médecin sur des sites spécialisés sur le Web. Cela pose le problème du sérieux de ces sites et de la crédibilité des informations médicales qui y sont relayées.[8]

On est loin du temps où le médecin était le référent exclusif en matière d’information, mais les sources d’information se multipliant, le grand public doit avoir suffisamment de discernement acquis grâce à une éducation à la santé, pour pouvoir faire le tri dans la masse d’information dont on le bombarde.

2. L’éducation des patients

Cette nouvelle responsabilisation consacrée par la loi du 4 mars 2002, n’est

pas toujours facile à assumer. Le fait est que, s’il existe aujourd’hui un nombre grandissant de patients bien informés, documentés et critiques à l’égard d’un pouvoir médical sans partage, la majorité d’entre eux reste mal préparée à une telle responsabilité. Bon nombre de patients se sentent désarmés devant le médecin qui attend d’eux qu’ils participent aux décisions médicales les concernant ou, pire encore, qui concernent leurs proches qui sont dans l’impossibilité de s’exprimer. Pouvoir exercer pleinement ce droit, demande que l’ensemble de la population reçoive une éducation à la santé qui lui donnerait une culture de base, afin qu’elle ait suffisamment de notions médicales pour lui permettre de se prendre en charge le cas échéant. [9]

On pourrait également expliquer le rôle de la personne de confiance, pour que chacun désigne celle-ci en dehors du cadre de l’urgence, et discute avec elle de ses souhaits fondamentaux.

Cette éducation pourrait avoir lieu dans le cadre d’un enseignement scolaire dès le plus jeune âge, relayée par les médias. Cela pose la question de la mission publique de la télévision.

L’éducation des patients est également la mission du ministère de la santé représenté essentiellement par sa direction de la population qui produit des fascicules d’information des mini films ,des spots publicitaires ou carrément des documentaires sur des thèmes comme le tabac, la santé maternelle ou la grippe H1N1 , en s’adressant en parallèle aux professionnels de santé et au grand public.

Cela permet également aux médecins de se préparer à répondre aux questions provoquées par leur lecture. Au Maroc la direction du médicament joue également un rôle dans l’information médicale, alors que ce n’est pas sa mission première. Elle publie des recommandations de bon usage des médicaments qui étaient initialement destinées aux médecins mais qui sont maintenant accompagnées d’un dossier de presse. [10]

Les médecins qui sont des acteurs de terrain, ont, évidement, un rôle actif à jouer dans l’éducation au quotidien. La formation initiale des professionnels de santé puis continue, doit mettre l’accent sur ces actions d’éducation pour la santé.

3. Des droits mais aussi des responsabilités pour les patients

La part des obligations dévolues aux patients à travers la législation marocaine peut paraître dérisoire. Il est clair qu’il existe un déséquilibre entre les obligations imposées aux médecins par le législateur, et les responsabilités dévolues aux patients. [11]

A ce titre dans la législation française, le choix du vocabulaire est édifiant, puisque l’on ne parle pas de « patients » mais d’ « usagers du système de santé». Serait-ce représentatif d’une certaine idée qu’après tout, le système de santé ne serait au fond qu’un service comme les autres ? N’est ce pas légitimer une relation devenue consumériste où le médecin est prestataire de service ?

Pourtant, il est évident que toute « responsabilisation » s’accompagne en miroir d’obligations, ne serait-ce que pour le nécessaire équilibre du système de santé. [12]

En principe, un patient responsable observe les prescriptions, accepte les génériques, évite le nomadisme médical, les conduites à risques. Il a une utilisation rationnelle du système de santé, en évitant le recours systématique à la permanence de soins, en dehors de toute justification d’urgence. Il a, évidement, une responsabilité économique et une conscience du coût de sa santé.

On peut regretter que, dans sa volonté affirmée de rééquilibrer la relation patient/médecin, le législateur ait contribué, à créer un déséquilibre en faveur du patient.

4. Apprendre aux médecins à communiquer

Force est de constater que la médecine s’est engagée dans une optique technicienne qui a pris le pas devant la dimension humaine et relationnelle. L’absence de dialogue et d’écoute a pu engendrer des comportements revendicateurs de la part des patients qui ne se sentaient pas considérés. A travers le devoir d’information imposé par le législateur, se joue l’avenir de la relation médicale et du lien de confiance qui se tisse entre le médecin et le patient.

Le médecin, dans son activité quotidienne, a maintenant, la possibilité d’opter pour deux attitudes fondamentalement différentes :

La première attitude est une application littérale de la loi. Cela pourrait aboutir à des comportements protectionnistes qui poseraient cette question : «quelles informations donner de façon à ne pas être déclaré responsable ? » et non pas «quelles informations donner de façon à ce qu’elles permettent aux patients de faire des choix pertinents ? » [13].

Certains médecins, angoissés par l’idée d’une dérive à « l’américaine », dans le but de se protéger, donnent une information surdimensionnée qui devient inexploitable car incompréhensible pour le malade.

Ne va-t-on pas aboutir à des comportements prudentiels de la part des médecins qui, pour se prémunir de la mise en cause de leur responsabilité juridique, vont lister le catalogue des complications y compris le décès ? [14] Cela risque plus d’inquiéter le patient et finalement à le pousser à refuser l’acte médical, ce qui pourrait constituer un préjudice pour sa santé. Cela pourrait également aboutir à ce que les étudiants désertent les professions à risque comme l’obstétrique, la chirurgie ou l’anesthésie-réanimation.

L’expérience prouve qu’une information trop formelle est souvent mal considérée par le patient qui y voit un moyen de protection employé par le médecin, ou une formalité réglementaire[15] . Cette attitude protège le praticien de condamnations judiciaires, puisqu’il s’est acquitté de son devoir, mais entraîne nécessairement une rupture du lien de confiance entre celui-ci et son patient.

TROISIEME PARTIE

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