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d'influence

gradient d'extensification

Effets des pratiques Effets du Milieu

22. Stratégie et méthodologie

Notre objet de recherche a été l’état des couverts herbagers pâturés ; objet qui a été étudié avec des facteurs qui lui sont liés : facteurs biophysiques et facteurs des pratiques d’élevages.

Grâce à notre co-opération avec des éleveurs et un groupement de producteurs pendant trois ans nous avons pu confronter nos perceptions avec ceux des professionnels. Cette dialectique a permis de reformuler les demandes des producteurs tout en tenant compte des acquis importants obtenus avant les années 1990.

La qualité des relations avec les éleveurs a permis, au démarrage des travaux de cette thèse, de réorienter nos études dans une logique relevant plus de la recherche scientifique. C'est-à-dire que nous avons au préalable établi un questionnement et des hypothèses pouvant être validés ou réfutés au sens de Karl Popper (1934, Ed. 1971).

Notre questionnement et nos hypothèses ont été retenus à partir de :

 discussions et rapports avec les producteurs et les professionnels (institutionnels),

 leurs pertinences sociales et scientifiques,

 un « corpus / cadre » théorique,

 débats et confrontations avec des référents d’institutions de recherche.

La reformulation de la demande professionnelle mise en débat avec des références de connaissances locales et scientifiques nous a permis de poser cette question générale de recherche :

« Comment contrôler et surtout prévenir les altérations, les dégradations, par l’envahissement d’adventices, du couvert fourrager des prairies pâturées amazoniennes de Guyane ? »

L’hypothèse étudiée, vis-à-vis de cette question, s’est portée sur le poids des pratiques (Figure n° 22). Nous avons tenté de valider ou réfuter l’hypothèse générale suivante :

« Les modalités de conduite du bétail et du pâturage peuvent permettre de gérer l’évolution de la végétation et de la flore des couverts fourragers des prairies ».

Les risques de dérives inductives de ce type de démarche de recherche (Chalmers, 1991) ont tenté d’être cernés par un processus d’appréciations continu avec un noyau d’éleveurs reconnus par leur profession pour leur savoir et savoir-faire. Le savoir et la recherche ne sont pas le monopole des chercheurs. Comme d’autres collègues, je reconnais la haute qualité des savoirs acquis par des producteurs (Darré et al., 2004 ; Dupré, 1991 ; Landais et Balent, 1993 ; Röling, 1991). « Les chercheurs sont donc loin d’avoir le monopole de la production

des connaissances techniques » (Landais et Balent, 1993).

Sur le plan scientifique j’avais des référents appartenant à des domaines d’études complémentaires : Agronomie fourragère, agropastoralisme, écologie, sciences humaines. Ainsi j’ai pu bénéficier de ressources pluridisciplinaires qui correspondent à l’architecture cognitive de l’IFR 124 Ecosystem21 (Illustration n° 20).

21

Adresse URL de cette IFR : http://www.ifr-ecosystem.org et page de l’URL du schéma de l’architecture cognitive de cet Institut : http://www.ifr-ecosystem.org/index.php?page=thematique2&menu=thematique

Figure n° 24 : Schéma sur la résilience de Fresco et Kroonenberg, 1992.

Cette illustration représente la durabilité d’un processus écologique dans le temps. Le processus, en équilibre dynamique dans le temps, est modifié par des changements importants des facteurs de son environnement. La durabilité est mesurée par l’importance des changements dans I’état du processus et par sa capacité à revenir sur sa trajectoire d’équilibre dynamique.

(Représentation mentionnée dans Cahier options méditerranéenne, G. Balent et A. Gibon 1999 : « Organisation collective et individuelle dans la gestion des ressources pastorales : conséquences sur la durabilité agro-écologique des ressources ».).

Notre démarche inductive était par conséquent en double dialectique avec :

La notion de résilience d’après un texte d’Aschan - Leygonie (2004) :

Dans son acception historique en écologie, elle mesure le temps de retour à l’équilibre d’un système après une perturbation.

Depuis les années 1970, sa définition a changé avec notamment les travaux de Holling (1973) : La résilience est à considérer comme la capacité d’un système à pouvoir intégrer dans son fonctionnement une perturbation, sans pour autant changer de structure qualitative.

La définition historiquement plus académique de la résilience en écologie repose sur l’idée d’un système en équilibre stable dont le comportement est prévisible, et dans cette acception, la résilience devient équivalente à la notion de stabilité d’un système autour d’un point d’équilibre.

La reformulation plus récente de définition de la résilience, repose sur l’idée qu’après une perturbation le système n’est pas marqué par un retour à l’équilibre, expression d’un comportement de résistance, mais réagit au contraire de manière souvent positive, créatrice, grâce à de multiples changements et réajustements.

La résilience est la propriété d’un système qui, adaptant sa structure au changement, conserve néanmoins la même trajectoire après une perturbation. Ainsi, le système préserve sa structure qualitative.

La notion de résilience implique donc que le système maintienne sa structure et assure sa continuité, non pas en préservant un équilibre immuable ou en revenant au même état qu’avant la perturbation, mais au contraire en intégrant des transformations. Dans cette perspective le changement, et la perturbation qui le déclenche, sont des éléments inévitables et parfois nécessaires à la dynamique du système et à son maintien. Selon cette approche, la perturbation n’est pas forcément un "traumatisme", mais au contraire facteur intégrant du fonctionnement même si localement, à l’intérieur du système, les effets peuvent être difficiles à assimiler par certains de ses éléments ou individus.

Cette signification du concept de résilience va donc à l’encontre du point de vue traditionnel selon lequel une seule situation en équilibre peut être envisagée dans un système ouvert.

A présent les fondements paradigmatiques de cette notion tendent à la construire comme un concept qui considère que les systèmes sont rarement en équilibre ou pour peu de temps. Ce concept actuel de la résilience repose sur l’idée qu’il existe au contraire plusieurs situations possibles impliquant aussi la possibilité pour un système de se situer loin de l’équilibre sans pour autant s’effondrer.

Par un double regard sur les savoirs locaux et les savoirs scientifiques paradigmatiques (relevant d’une matrice disciplinaire au sens de Kuhn, 1963), nous avons pu tenter d’atteindre des règles dont certains caractères pouvaient être invariants. Ainsi la prise en compte de théories (locales et scientifiques) a précédé l'observation comme le recommande Chalmers. Observation qui a été elle-même guidée par un questionnement co-construit décliné précédemment.

La matrice disciplinaire de cette étude relève de l’agroécologie

Déjà en 1984, M. Vivier sollicitait pour la Guyane « des études faisant appel à la fois à

l’écologie et à l’agronomie, menées non pas séparément mais de façon conjointe dans une perspective très concrète de mise en valeur (agro-éco-développement) ». Ce contour22

scientifique associant l’agronomie et l’écologie a été utilisé pour les prairies en France métropolitaine : « la prairie peut être vue comme système écologique soumis à un régime de

perturbation plus ou moins variable. Les pratiques agricoles en sont la source essentielle »

(Granger et Balent, 1994).

Tenant compte de ces constats et résultats, nous avons considéré que notre objet d’étude appartenait à un agroécosystème complexe piloté par les éleveurs, système complexe qui était composé des éléments principaux suivants : végétation – pratiques – milieu. Cette matrice scientifique en agroécologie a été considérée comme le champ scientifique d’études des systèmes écologiques modifiés par des pratiques agronomiques (Altieri, 1989 ; Blanfort, 1996). A partir de ces préalables (questionnements, hypothèses, référents, suivis, cadre scientifique identifié) notre posture a été celle d’une recherche impliquée dans la dynamique du secteur professionnel de l’élevage en Guyane ; option certes nécessaire compte tenu des contractualisations partenariales, mais aussi pertinente pour saisir au mieux les réalités et surtout les pratiques des éleveurs.

Les prairies guyanaises sont issues d’un milieu profondément perturbé (bouleversé). L’intervention anthropique a été majeure, très intense. Dans de telles conditions et pour un usage assez intensif, les forces de stabilité et de résilience (Illustration n° 21) de l’agroécosystème sont faibles. La dérive de la végétation fourragère implantée ne peut être contrôlée que par une implication importante de l’homme (l’agriculteur, l’éleveur). Ce processus a été décrit dans d’autres contextes, à l’Ile de la Réunion (Blanfort, 1996), en France métropolitaine en Aubrac et en Aveyron (Balent et al., 199323). En conséquence, nous avons porté une attention particulière aux pratiques24 des éleveurs. Cela nous a amenés à monter des dispositions aptes à tenir compte avec attention des modes de conduite du bétail, de l’exploitation des prairies et de leur entretien, dispositions nécessaires pour étudier notre hypothèse générale.

22

Dans l’esprit de B. Hervieu (2002) qui souhaite un nouveau contour des sciences.

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«Si le poids du milieu est dominant dans les systèmes extensifs sur pâturage naturel, dans des systèmes plus

intensifs d’utilisation de la végétation, le poids des pratiques devient supérieur à celui du milieu ».

24 « La pratique est la façon dont l'opérateur met en œuvre une opération technique. Alors que les techniques peuvent être décrites indépendamment de l'agriculteur qui les met en œuvre, il n'en est pas de même pour les pratiques » (Tessier, 1979). «Techniques et pratiques entretiennent des relations réciproques, du savoir au faire (c’est la “mise en pratique”) et du faire au savoir. Cette dialectique est source d’une très grande diversité, à la fois dans l’action et dans l’invention de nouveaux modèles techniques. Si certaines techniques de production agricole découlent de l’application de connaissances nouvelles issues de la recherche scientifique, beaucoup d’autres résultent en effet d’une création technique autonome, fruit notamment de la formalisation des pratiques innovantes mises au point par les acteurs du monde agricole » (Landais et Balent, 1993).

Figure n° 25 : Système complexe où se trouve l’obje t de recherche de l’étude avec ses multiples interactions. Milieu Biophysique : • Pédoclimatique • Géomorphologique • Population d’adventices • Agresseurs entomologiques Ressources fourragères : • Espèces implantées • Bouturage ou semis • Association et/ou mélange • Type d’entretien • Conduite de l’élevage : • Allotements • Reproduction zoot. • Produits animaux • Commercialisation Modes de pâtures : • Chargements • Rotation • Temps de passages et de repousses • Pâturage mixte et/ou spécifique

Objet de recherche :