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4. Résultats

4.4. Adoption de nouveaux comportements

4.4.1. Gestion des pleurs et de la frustration

En plus d'apporter de nouvelles connaissances sur le SBS et les pleurs, les différents programmes de prévention ont aussi pour but de mener à l'acquisition de nouveaux comportements en lien avec les pleurs et la frustration qu'ils peuvent engendrer.

L'initiative préventive de la Vallée de Hudson propose des informations sur le SBS et des stratégies pour prendre soin d'un nouveau-né qui pleure. L'enquête téléphonique de suivi qui évalue le programme six mois après l'intervention indique que 88,4% des parents se souviennent avoir reçu des informations au sujet de « comment prendre soin de leur bébé s'il pleure ». 55,6% d'entre eux ont affirmé que l'information reçue a été aidante dans une situation particulière où leur enfant pleurait beaucoup (Altman et al., 2011, p.1168). L'évaluation du changement de comportement reste subjective dans cette étude car basée sur les dires des parents et non sur des faits observables.

Le programme « Take 5 Safety Plan for Crying » propose aux parents des stratégies en cas de frustration liée aux pleurs incessants de leur bébé : « poser l'enfant sur le dos dans un endroit sécurisé, sortir de la pièce, faire quelque chose pour se relaxer, appeler une personne pour aider à surmonter ce sentiment ou pour venir surveiller l'enfant, ne pas retourner auprès de l'enfant avant d'être calmé et ne jamais secouer un enfant » (Bechtel et al., 2011, p.482). Cinq mois après la mise en place du programme, son évaluation faite au travers d'interviews auprès d'un groupe d'intervention et d'un groupe

de contrôle montre que 51,4% des participants ayant reçu le matériel éducatif seraient à même de « faire une pause » en cas de frustration liée aux pleurs alors que seul 26% du groupe de contrôle l'affirment. 20,8% du groupe de contrôle continueraient à calmer l'enfant malgré la frustration, alors que seul 6,4% du groupe d'intervention le déclarent. Les participants du groupe d'intervention sont plus nombreux à penser que la frustration des pleurs peut mener au SBS (73,4% VS 58,3%) (Bechtel et al., 2011).

Le matériel éducatif « Period of PURPLE Crying » a pour buts de renforcer la normalité des pleurs, de les mettre en lien avec la frustration et de suggérer trois actions pour faire face à un bébé qui pleure : augmenter la fréquence de contact avec le nouveau-né (porter, réconforter, marcher, parler avec l'enfant), s'éloigner de l'enfant en cas de frustration et le laisser dans un endroit sûr, et ne jamais secouer un bébé (Barr et al., 2009a). Les analyses de ce programme faites à Vancouver et Seattle montrent des résultats similaires concernant les changements de comportement. En effet, les mères du groupe d'intervention ont un score légèrement plus élevé que les mères du groupe de contrôle en ce qui concerne « les réponses aux pleurs, les réponses aux pleurs inconsolables et le self-contrôle », ce qui signifie que leurs comportements se sont améliorés. Néanmoins, cette différence n'est pas statistiquement significative (Barr et al., 2009a ; Barr et al., 2009b). Les trois RCT qui ont évalué ce programme ont aussi analysé les comportements des parents à l'aide de l'agenda rempli par les parents (description au point 4.2.2.). L'étude menée à Vancouver ne montre pas de différence significative entre les deux groupes concernant la durée de contact entre les mères et l'enfant « en détresse ». L'écart concernant le niveau de frustration n'est également pas statistiquement significatif entre les deux groupes (Barr et al., 2009a). Les résultats de l'étude de Seattle montrent que le groupe d'intervention est 8,6 minutes de plus par jour en contact avec l'enfant lorsqu'il pleure (« en détresse »). La différence du niveau de frustration est cependant elle aussi statistiquement non significative. Finalement, le groupe d'intervention de cette étude reporte significativement plus de détresse de leur enfant (« 13,8 minutes et plus spécifiquement 6,4 minutes d'agitation, 5,5 minutes de pleurs et 1,9 minutes de pleurs inconsolables ») (Barr et al., 2009b, p.975). Les résultats rapportés par l'étude menée au Japon sont quelque peu différents des deux RCT menées en Amérique du Nord. Le matériel « Period of PURPLE Crying » semble être plus efficace au Japon concernant les changements de comportement. En effet, le fait de s'éloigner du bébé en cas de pleurs inconsolables est 4,8 fois plus fréquent chez les

participantes du groupe d'intervention que du groupe contrôle. A Seattle et à Vancouver, l'augmentation était de 1,1 fois et de 1,7 fois respectivement (résultats statistiquement non significatifs) (Fujiwara et al., 2012). Tout comme en Amérique du Nord, les comportements des japonaises face aux pleurs se sont améliorés, mais les résultats ne montrent pas de différence significative entre les deux groupes de l'étude. Le RCT du Japon suggère que le matériel « Period of PURPLE Crying » a un meilleur effet sur les mères ayant plus d'un enfant. Selon eux, en pouvant se baser sur leurs expériences précédentes, ces mères sont plus réceptives au message délivré. Ces résultats sont différents de ceux des RCT menés en Amérique du Nord, qui n'ont pas trouvé de différence entre les mères d'un premier enfant ou les mères ayant déjà un ou plusieurs enfants (Fujiwara et al. 2012). Au Japon, les pleurs de l'enfant sont perçus différemment. La croyance que les pleurs sont positifs pour le développement de l'enfant y est largement répandue, ce qui a pour conséquence une diminution de la frustration liée aux pleurs chez les japonais. Il existe même une compétition de pleurs d'enfant dans ce pays (Fujiwara et al., 2012).

Le programme éducatif « Love Me...Never Shake Me » a été évalué entre trois et quatre mois après sa mise en place dans l'Ohio à l'aide d'enquêtes de suivi. Les mères ont notamment appris qu'il est acceptable de laisser son enfant pleurer après avoir essayé des techniques d'apaisement et après s'être assurées que le bébé est nourri, changé et en bonne santé. 94% des participantes ont rapporté savoir comment agir en cas de frustration liée aux pleurs de leur bébé. La majorité (97%) pratique les techniques d'apaisement suggérées par le matériel (porter, bercer, chanter, nourrir le bébé) et 92% indiquent que ces techniques sont aidantes et leur permettent d'apporter de meilleurs soins à leur enfant. Les techniques de « self-coping » (faire des exercices, appeler un ami, prendre une pause, méditer, écouter de la musique, respirer profondément) sont utilisées par 36% des personnes interviewées et 9% disent accéder à des services d'aide et de soutien communautaires (non détaillés) (Deyo et al., 2008).

L'étude de Russel, Alpert et Trudeau (2009) traite des compétences de régulation des émotions en lien avec le SBS. Les chercheurs ont questionné les parents au sujet de leurs stratégies pour faire face à leurs émotions. Ils ont ensuite catégorisé les réponses obtenues en cinq domaines : « activité physique » (3%), « activité cognitive » (37%), « distraction » (2%), « recherche de soutien » (20%) et « autre catégorie » (ne décrit pas une stratégie d'adaptation) (39%). Les résultats montrent que les stratégies cognitives

sont souvent utilisées (par exemples : avoir des pensées heureuses ou compter jusqu'à dix). Cependant, les parents ont amené beaucoup de réponses qui ont été classées dans la catégorie autre. La majorité de ces propositions sont des phrases incomplètes, alors que d'autres ne sont pas des stratégies d'adaptation (par exemple : « Un bébé a besoin de quelqu'un de gentil et affectueux » ; « Rappelez-vous qu'ils sont plus petits que vous » (Russel et al., 2009, p.548-549)). Ces résultats suggèrent que les participants ont de la difficulté à fournir des exemples concrets et cohérents de stratégies d'adaptation. Par contre, selon cette même étude, les parents sont à même d'identifier les états émotionnels inappropriés ou risqués. Cette conclusion découle des réponses adéquates des parents à l'affirmation suivante : « Les donneurs de soins qui sont – en colère, surexcités, tristes, déprimés, fatigués ou frustrés – peuvent répondre à un bébé irrité de manière appropriée. ».

Plan d'action

Un seul programme propose aux parents de rédiger eux-même un plan d'action en cas de pleurs de leur bébé (Goulet et al., 2009). L'infirmière qui délivre le PPPSBS s'assure de la compréhension des parents face aux informations données et « les invite à formuler un plan d'action en vu de faire face aux pleurs incessants de leur enfant, s'ils survenaient. Elle les invite à écrire ces stratégies (trois actions ou gestes) dans l'espace prévu à cet effet sur la fiche numéro deux » (Annexe B, figure 2) (Stipanicic et al., 2010, p.167). Selon Goulet et al. (2009), 98% des parents se sont affairés à cet exercice et ont confirmé son utilité. Vingt actions différentes sont ressorties des plans rédigés. Parmi celles-ci, les plus fréquentes sont : « mettre le bébé au lit et quitter la chambre » (32%), « appeler un membre de la famille ou un ami comme soutien » ou « faire une promenade et laisser le conjoint prendre la relève ». Les deux premières propositions sont cependant déjà citées dans les cartes d'information. Six à huit semaines après la rédaction du plan, les parents ont été contactés pour une interview téléphonique. A ce moment-là, 47% se souviennent d'une ou deux actions de leur plan et 8% ne sont pas à même d'en citer une.

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