3.2.1 Le principe des chambres de mesure . . . 62 3.2.2 Renouvellement du milieu des chambres de mesure . . . 63 3.2.3 Estimation du temps de renouvellement . . . 64
3.1. Un dispositif pour pi´eger des cellules 57
3.1 Un dispositif pour pi´eger des cellules
Consid´erons dans un premier temps le positionnement de cellules dans un dispositif
micro-fluidique. Cette ´etape est la premi`ere d’une longue s´erie d’exp´eriences menant in fine `a des
mesures sur cellules. Elle se doit donc d’ˆetre simple et efficace, afin d’´eviter de rendre l’ensemble
de l’exp´erimentation irr´ealisable.
3.1.1 Pi´egeage de cellules
De nombreuses techniques ont ´et´e d´evelopp´ees pour positionner des cellules dans un
mi-crosyst`eme. Nous pouvons en distinguer deux grandes cat´egories, le positionnement actif et le
positionnement passif.
Dans le cas du positionnement actif, les objets sont suivis par microscopie. L’utilisateur
immobilise sa cible au moment et `a l’emplacement voulus par le biais de divers actionneurs
di´electrophor´etiques [97], fluidiques [98, 99, 100], optiques [84, 101] ou ´electromagn´etiques [102,
79, 103] parmi d’autres. Dans certains cas, les pi`eges peuvent ˆetre eux-mˆemes contrˆol´es, d´eplac´es,
comme lors de l’utilisation de pinces optiques [84], et de nombreuses op´erations peuvent avoir
lieu, comme pour la «chirurgies `a l’´echelle nanom´etrique» [104]. Ces syst`emes polyvalents
permettent une manipulation extrˆemement pr´ecise et adaptable `a chaque exp´erimentation. Ils
s’accompagnent invariablement d’une observation et d’un contrˆole constants de l’utilisateur.
Ces syst`emes sont d´edi´es soit `a une s´election sp´ecifique des objets o`u la suite des mesures est
routini`ere et automatis´ee, mais dont le montage est peu flexible, soit `a des probl´ematiques
n´ecessitant une gestion des op´erations au cas par cas. Ces syst`emes sont peu adapt´es aux
ques-tions n´ecessitant une r´eponse statistique puisque leur mise en œuvre ne peut ˆetre automatis´ee.
Dans le cas contraire, pour le positionnement passif, l’intervention de l’utilisateur est
mini-male et l’immobilisation des cellules est automatique, syst´ematique et donc parall´elisable. Les
pi`eges en eux-mˆemes peuvent ˆetre de plusieurs natures : chimique [40, 105, 106],
´electromagn´e-tique [107, 108], acous´electromagn´e-tique [109] ou encore d´ependante de la structure du dispositif. La derni`ere
cat´egorie de pi`eges nous int´eresse plus particuli`erement puisque c’est elle qui procure la plus
grande facilit´e de fabrication et d’utilisation, une fois la phase de d´eveloppement pass´ee. Les
premiers exemples de positionnement cellulaire dans les puces microfluidiques sont bas´es sur la
s´edimentation des cellules au-dessus de structures impl´ement´ees au fond du canal pour former
un r´eseau de puits. Le surplus de cellules est ensuite chass´e par le flux qui ne perturbe pas le
mi-lieu fluidique des puits. Ce type de dispositif a ´et´e particuli`erement utilis´e pour les dispositifs de
criblage par fluorim´etrie [110, 111]. Enfin, le dernier grand type de pi`eges est bas´e sur le principe
de barrage ou de filtre. Ces dispositifs contiennent des structures plac´ees en travers du flux de
cellules, bloquant dans ces pi`eges ainsi form´es un nombre de cellules d´etermin´e [112, 113, 114].
La classification des dispositifs de positionnement cellulaire ´evoqu´ee dans ce paragraphe est
loin d’ˆetre exhaustive. Chacun de ces dispositifs a ´et´e d´evelopp´e pour une application particuli`ere,
dans un environnement de laboratoire particulier. La flexibilit´e dans la conception des dispositifs
microfluidiques permet de tirer parti au maximum du potentiel `a notre disposition, que ce soit en
logistique ou en expertise. Pour cela, une imagination au-del`a des rep`eres est souvent n´ecessaire.
3.1.2 Pi`eges pour cellules dans un dispositif destin´e `a des mesures ´
electro-chimiques
Dans le cas d’un dispositif de positionnement cellulaire destin´e `a ˆetre int´egr´e dans un
dis-positif final de mesures ´electrochimiques sur cellules, l’environnement fluidique des chambres de
mesure doit ˆetre particuli`erement stable. En effet, aucun flux r´esiduel ne doit perturber ni la
mesure ni l’objet de mesure. D’une part, les signaux mesur´es ´etant particuli`erement faibles, la
stabilit´e de l’environnement de mesure assurera le minimum de perte des signaux. D’autre part,
les cellules ´etant elles-mˆemes des objets fragiles et sensibles `a leur environnement, la moindre
instabilit´e pourrait constituer un stress suppl´ementaire.
Configuration en cul-de-sac
Pour assurer une telle stabilit´e de milieu dans les pi`eges, nous avons envisag´e une
confi-guration dans laquelle, une fois les cellules pi´eg´ees, le flux dans les pi`eges seraient r´eduits au
minimum. Cela est possible en utilisant les chambres de mesure elles-mˆemes comme pi`eges, et
en utilisant les objets une fois pi´eg´es comme bouchon empˆechant tout flux. Ce concept a ´et´e
r´ecemment utilis´e par Tan et al. pour r´ealiser un travail tr`es int´eressant sur l’immobilisation et
la lib´eration s´elective de billes dans dans un r´eseau de pi`eges [115]. La configuration que nous
exposons pour le pi´egeage des cellules est similaire `a leur pi`ege `a billes, mais les g´eom´etries que
nous avons choisies sont contraintes par des consid´erations pratiques que nous expliciterons dans
la deuxi`eme partie de ce chapitre, li´ees `a l’utilisation de nos pi`eges comme chambre de mesure
´electrochimique.
Consid´erons un canal pr´esentant un r´etr´ecissement de telle sorte que les cellules d’int´erˆet
soient bloqu´ees. La pr´esence d’une ou plusieurs cellules bloqu´ees en amont de ce r´etr´ecissement
diminue grandement le flux `a travers le pi`ege. En ajoutant en entr´ee du pi`ege des canaux de
d´elestage, une fois les pi`eges remplis, le flux principal sera donc d´evi´e `a travers ces derniers
(figure 3.1).
De par son caract`ere clos, cette configuration convient particuli`erement `a l’int´egration dans
une plate-forme microfluidique d’analyse ´electrochimique de cellules. En effet, une fois pi´eg´ees,
les cellules ne seront plus perturb´ees par les flux. Il suffit ensuite de les maintenir en vie et de
les activer en faisant diffuser dans les chambres les produits n´ecessaires avant d’effectuer nos
mesures.
Nous avons r´ealis´e la simulation num´erique par ´el´ements finis des flux traversant une telle
configuration de microcanaux avec le logiciel COMSOL en utilisant l’outil correspondant `a la
dynamique des fluides, avec l’´equation de Navier-Stokes pour un fluide incompressible, en deux
dimensions. La figure 3.1 r´esume les r´esultats de la simulation, correspondant `a la configuration
en cul-de-sac additionn´ee d’un canal de d´elestage. La diminution de vitesse, due `a l’ajout d’un
obstacle devant le r´etr´ecissement, est de 26 fois. Le canal de d´elestage absorbe la diff´erence de
d´ebit. Il existe une relation de proportionnalit´e, donn´ee par les rapports de r´esistances fluidiques,
entre la vitesse en entr´ee du pi`ege et la vitesse dans le r´etr´ecissement. Pour s’assurer que les
cellules ne soient pas trop perturb´ees, il suffit de choisir la vitesse en entr´ee en cons´equence.
Contrˆole du nombre de cellules pi´eg´ees
Les param`etres caract´eristiques du pi`ege sont les dimensions du conduit bloquant les cellules
et la taille des chambres. Il suffirait que les dimensions du conduit soient inf´erieures au diam`etre
3.1. Un dispositif pour pi´eger des cellules 59
A B
140 20 0 (m/s) 40 60 80 100 120Fig. 3.1 – Pi`ege `a cellule dans la configuration en cul-de-sac. La simulation par ´el´ements finis
d’un ´ecoulement de Stokes plan en 2 dimensions dans cette configuration, sans et avec un pilier
circulaire de 15 µm de diam`etre en guise de cellule pi´eg´ee, nous permet de jauger les vitesses
relatives entre les diff´erentes parties. Sont repr´esent´ees ici les distributions des vitesses dans les
deux conditions.
100 µm
Fig. 3.2 – Microphotographie de la premi`ere g´en´eration de dispositifs de positionnement
ex-ploit´es, dans lequel une solution contenant des cellules a ´et´e introduite, dans le sens NE-SO (de
en haut `a droite `a en bas `a gauche). Les canaux mesurent 40 µm de large et 30 µm de haut.
Malgr´e la grande section des canaux, les cellules et les d´ebris cellulaires s’accumulent dans les
parties `a faible d´ebit.
d’une cellule, estim´e `a 10µm, pour r´ealiser le pi`ege bloquant. Dans ce cas id´eal, une seule cellule
suffirait `a boucher le pi`ege. Cependant, la fabrication de dispositifs complexes de diff´erentes
hauteurs et de formes n’est pas ais´ee. De plus, la solution contenant les cellules est souvent pollu´ee
par des d´ebris cellulaires et divers ´el´ements s´ecr´et´es par les cellules en culture. Nombreuses sont
les sources de bouchage avant mˆeme que les cellules puissent se loger dans les pi`eges (figure 3.2).
Nous choisissons alors une m´ethode plus robuste, qui consiste `a fixer une dimension du
conduit `a environ 7 µm. Ceci permettra l’´evacuation plus facile des d´ebris et diminuera par
cons´equent la probabilit´e de trouver un pi`ege sans cellules. De ce fait, le conduit ne pouvant
plus ˆetre compl`etement bouch´e, il sera n´ecessaire de limiter les dimensions des chambres en
fonction du nombre de cellules voulu dans chaque pi`ege.
Dans le cas de pi`eges pour cellules uniques, les chambres auront des dimensions l´eg`erement
sup´erieures au diam`etre des cellules, ´evitant ainsi un trop grand confinement de ces derni`eres.
Il est `a noter qu’un flux r´esiduel ne pourra jamais ˆetre ´elimin´e dans cette configuration, et qu’il
sera n´ecessaire de concevoir les canaux de d´elestage de sorte que, une fois une cellule log´ee dans
le pi`ege, les suivantes soient emport´ees par le flux d´evi´e. Dans le cas de pi`eges pour cellules
multiples, ce probl`eme ne se pose pas.
Efficacit´e du pi´egeage
Dans le cas d’un dispositif de positionnement cellulaire destin´e `a contenir une grande quantit´e
de chambres permettant l’acc`es `a une grande quantit´e de donn´ees `a chaque manipulation, le fait
que tous les emplacements soient remplis est un pr´erequis.
Afin de s’assurer de l’efficacit´e maximale du pi´egeage, un ´equilibre entre le flux traversant le
pi`ege et le flux traversant les canaux de d´elestage doit ˆetre ´etabli. Du fait de l’´etranglement
per-mettant de pi´eger des cellules, le d´ebit dans le pi`ege est inexorablement plus faible que celui d’un
canal similaire sans ´etranglement. De plus, les canaux de d´elestage doivent permettre d’´evacuer
tous types de d´ebris ou d’amas cellulaires contenus dans la solution. Si la diff´erence de d´ebit
entre les deux types de canaux est trop grande d`es le d´epart, la probabilit´e de pi´eger une cellule
sera d’autant plus faible et, par cons´equent, les manipulations n´ecessaires au positionnement
cellulaire seront d’autant plus fastidieuses.
Comparons le d´ebit dans les deux types de canaux dans une configuration qui correspondrait
le plus au dispositif final. Nous pouvons effectuer un calcul approximatif pour d´eterminer le
rapport entre les deux d´ebits, le d´ebit dans le pi`egeQ
pet le d´ebit dans le canal de d´elestageQ
d.
L’expression exacte du d´ebitQdans un canal rectangulaire de hauteurh, de largeurwet de
longueurL est de [116, 117] :
Q= wh
312ηL∆P
"
1−6h
w
∞X
n=0λ
−5 ntanh(λ
nh
w)
#
avec λ
n= (2n+ 1)π
2 (3.1)
o`uη est la viscosit´e du fluide et ∆P est la diff´erence de pression appliqu´ee entre l’entr´ee et
la sortie du canal. Nous pouvons consid´erer en premi`ere approximation :
Q≃ wh
312ηL∆P
·
1−3.2
6π
5h
w
¸
(3.2)
Cette expression donne une erreur inf´erieure `a 10% pour
wh<0,7.
Estimation du rapport de d´ebit entre un pi`ege et un canal de d´elestage
Le dispositif final aura une hauteur de canal fix´ee d’environ 20 µm pour avoir une assez
bonne proximit´e entre les cellules d’int´erˆet et les ´electrodes. Pour rester dans l’approximation
de l’´equation 2, nous choisirons pour largeur des canaux de d´elestage 30 µm. Nous fixerons de
plus leur longueur `a 120µm pour des raisons de g´eom´etrie.
L’expression approximative du d´ebit est lin´eaire par rapport `a la chute de pression dans le
canal et nous rappelle la loi d’Ohm pour les circuits ´electriques. Il est possible de d´emontrer
l’analogie entre la fluidique et l’´electronique o`u le d´ebit, la diff´erence de pression et le facteur que
l’on appellera la r´esistivit´e fluidique joueraient respectivement le rˆole du courant, de la tension
et de la r´esistivit´e ´electrique [118]. Nous adopterons sans le d´emontrer le fait que les r´esistivit´es
fluidiques de canaux en s´erie s’additionnent.
La source de r´eduction de d´ebit dans le pi`ege provient du r´etr´ecissement bloquant les
cel-lules et du canal r´esultant (figure 3.1). La r´esistivit´e fluidique des parties en amont et en aval
du r´etr´ecissement sont n´egligeables devant celle du r´etr´ecissement. Prenons comme estimation
grossi`ere que le r´etr´ecissement et le petit canal r´esultant ont pour r´esistivit´e fluidique celle d’un
simple canal de 7 µm de haut, 20 µm de large et 10µm de long. Cela donne alors un rapport
des d´ebits de
Qp3.1. Un dispositif pour pi´eger des cellules 61
Max 148 Min 0 140 60 0 20 40 80 100 120 Champ de vitesse surfacique (m/s)50 µm
Fig.3.3 – Une maille du r´eseau de pi`eges `a cellules. Le sens de l’´ecoulement se fait de gauche `a
droite. Une intersection en T permet la division du flux de part et d’autre du pi`ege. Les petites
dimensions du pi`ege ainsi que du petit canal qui le relie au reste de l’´ecoulement procurent une
grande r´esistance `a ce chemin fluidique et empˆechent tout flux, une fois une cellule est pi´eg´ee,
voir partie de droite. Seules les cellules qui ´etaient parfaitement au centre du canal en entr´ee
auront une probabilit´e non nulle d’ˆetre pi´eg´ees.
Pour toutes modifications dans la conception, il sera important de prendre en compte cette
restriction sur l’efficacit´e du pi´egeage.
3.1.3 Simulation et visualisation des lignes de courant
Simulation de la r´epartition du d´ebit
Les consid´erations pr´ec´edentes ont pos´e les traits principaux de la structure d’un dispositif
de positionnement cellulaire. Il s’agit maintenant d’appliquer cette structure dans un dispositif
parall´elis´e. Nous avons alors r´epliqu´e ces pi`eges selon un r´eseau pr´ed´efini. Ce r´eseau correspond
en fait au r´eseau de micro´electrodes que nous avons d´evelopp´e pour l’exp´erience. Ce r´eseau est
un r´eseau carr´e `a 36 emplacements, dont le pas est 200µm.
Chaque maille du r´eseau est centr´ee sur l’emplacement o`u la ou les cellules seront pi´eg´ees.
Nous avons simul´e num´eriquement les flux dans l’unit´e de base illustr´ee par la figure 3.3. Pour
cela, nous avons utilis´e le logiciel COMSOL de simulation num´erique par ´el´ements finis, avec
l’outil «dynamique des fluides» et l’´equation de Navier-Stokes pour un fluide incompressible,
en deux dimensions.
Dans le cas pr´esent, la chambre de mesure a une largeur de 15µm, ´equivalente `a une chambre
de capture de cellules uniques. Le r´etr´ecissement est plus petit que dans le calcul pr´ec´edent, large
de 3µm afin de capturer des cellules d’environ 5µm de diam`etre. Avec des canaux de d´elestage
de largeur principale de 20 µm, nous obtenons une variation du rapport des d´ebits
QpQd
passant
de 4,5% `a 0,05% avant et apr`es la capture d’une cellule. Un si faible rapport apr`es qu’une cellule
soit log´ee dans le pi`ege nous assure la capture de cellules uniques puisque la chance qu’une cellule
soit entraˆın´ee dans le pi`ege par le courant diminue avec le d´ebit.
50 µm