1.1. Particularit´es de la lithographie molle en microfluidique 27
1.1 Particularit´es de la lithographie molle en microfluidique
1.1.1 D´efinition
La lithographie molle, plus connue en anglais parsoft lithography, est une strat´egie de
micro-fabrication destin´ee `a fabriquer ou reproduire des structures `a partir de moules et de tampons
en ´elastom`ere, c’est `a dire faits `a partir de polym`eres pr´esentant des propri´et´es ´elastiques. Nous
utilisons plus particuli`erement la technique d’«empreinte par moulage», REM - replica
mol-ding [29], pour fabriquer nos dispositifs microfluidiques. Cette technique consiste `a mouler un
monom`ere polym´erisable sur une surface microstructur´ee pour former une empreinte de ces
structures sur l’´elastom`ere polym´eris´e. Il s’en suit l’assemblage du bloc d’´elastom`ere sur un
sub-strat choisi. L’interstice cr´e´e entre le subsub-strat et l’empreinte des structures dans l’´elastom`ere
correspond alors aux canaux microfluidiques (figure 1.1).
A
B D
C
Fig. 1.1 – Fabrication d’un dispositif microfluidique en PDMS. A. Fabrication d’un moule
par les techniques de photolithographie `a partir d’un masque transparent. B. Moulage de
l’´elastom`ere sur le moule. C. Apr`es d´emoulage de l’´elastom`ere r´eticul´e, les entr´ees et sorties
fluidiques sont cr´e´ees. D. Assemblage du dispositif sur son substrat.
Le mat´eriel n´ecessaire est minimal : monom`ere, moules, montages pour la polym´erisation
de l’´elastom`ere et pour l’assemblage des dispositifs. La polym´erisation et le traitement pour
l’assemblage peuvent ˆetre aussi simples qu’un passage dans un four et une oxydation des
sur-faces. La fabrication en s´erie de ces dispositifs ne n´ecessite aucune expertise ni machinerie
so-phistiqu´ee. Cet attribut d´emarque la lithographie molle des autres techniques de fabrication
de microsyst`emes. En effet, les autres mat´eriaux habituels pour les microsyst`emes sont le
sili-cium [30, 31], le verre [32], et le plastique [33]. Dans le premier cas, les ´etapes de fabrication et
d’assemblage sont longues et souvent tr`es techniques, consistant en plusieurs ´etapes de
photo-lithographie et de gravure successives et n´ecessitant un personnel d´edi´e. Pour les dispositifs en
verre, seules les structures tr`es simples peuvent ˆetre fabriqu´ees. Enfin, dans le cas du plastique,
la probl´ematique est quelque peu diff´erente puisque le principe de fabrication est aussi celui de
la r´eplique d’un moule. L’avantage de l’utilisation d’´elastom`eres r´eside alors dans les propri´et´es
intrins`eques du mat´eriau et dans leur facilit´e `a ˆetre manipul´es. Ce point sera amplement d´etaill´e
dans le paragraphe suivant. Notons cependant que le silicium et mˆeme le plastique b´en´eficient
d’avantages importants par rapport aux ´elastom`eres en ce qui concerne l’industrialisation. Le
silicium, tout particuli`erement, est usin´e par les techniques de microfabrication plus pr´ecises et
tr`es largement implant´ees dans les industries.
Les coˆuts et difficult´es li´es `a la lithographie molle r´esident seulement dans l’obtention ou
la fabrication des structures qui serviront de moule. La fabrication des moules se fait avec les
techniques usuelles de photolithographie (voir Annexe A), et les efforts mis en œuvre pour
l’ob-tention des moules sont ´equivalents `a ceux n´ecessaires pour le d´eveloppement des autres types
de dispositif. Les avantages de la lithographie molle apparaissent seulement ensuite, dans la
fabrication ais´ee de prototypes en grand nombre. Leur validation ou invalidation est facilit´ee, ce
qui, en retour, acc´el`ere le processus de d´eveloppement et d’optimisation par essai/erreur. Enfin,
une fois un dispositif valid´e, sa fabrication et son utilisation deviennent ind´ependantes du
labo-ratoire de d´eveloppement et peut se faire avec commodit´e dans n’importe quel environnement.
C’est pour ces raisons que les dispositifs d´evelopp´es par lithographie molle sont de plus en plus
utilis´es dans les divers laboratoires scientifiques ou exploit´es par les industriels.
1.1.2 PDMS
Les polym`eres en g´en´eral, plastiques ou ´elastiques, sont plus facile `a fabriquer et assembler
que le verre ou le silicium, mais ils pr´esentent n´eanmoins quelques d´esavantages. Le contrˆole
de leur ´etat de surface demande une attention particuli`ere, plus complexe que pour le verre
ou le silicium. De plus, ils sont souvent incompatibles avec les solvants organiques, et sont
g´en´eralement incompatibles avec les hautes temp´eratures.
Pour la lithographie molle, les mat´eriaux les plus souvent utilis´es sont le Polyur´ethane,
le Fluorosilicone ou autres polym`eres silicon´es. Pour les applications biologiques, souvent en
solution aqueuse, tous les mat´eriaux cit´es pr´ec´edemment peuvent ˆetre utilis´es, mais le mat´eriau
de choix est le PDMS - polydim´ethylsiloxane, un polym`ere organique silicon´e transparent, inerte
et non toxique.
R´eticulation du PDMS
La formule chimique du PDMS est la suivante : (H
3C) [SiO(CH
3)
2]
nCH
3. La figure 1.2 donne
la formule semi-d´evelopp´ee du PDMS ainsi que la r´eaction de r´eticulation. Le PDMS utilis´e au
laboratoire, RTV 615, se pr´esente sous forme d’un produit bicomposant A et B, o`u A correspond
au polym`ere de base et B correspond `a l’agent de r´eticulation. Ce dernier est compos´e de
chaˆınes courtes du polym`ere de base o`u les groupements terminaux vinyles sont remplac´es par
un groupement m´ethyle. La r´eaction de r´eticulation peut se faire `a temp´erature ambiante en
une journ´ee, mais est acc´el´erable `a chaud : le temps de prise compl`ete peut ˆetre r´eduit `a une
heure `a 150
◦C. La r´eaction peut ˆetre de surcroˆıt acc´el´er´ee par l’addition d’un sel de platine.
Nous laissons habituellement la r´eaction se faire pendant deux heures `a 80
◦C.
Modification des propri´et´es de surface
Une fois pris, le bloc de PDMS pr´esente une surface hydrophobe. La chimie de surface peut
ˆetre contrˆol´ee par des m´ethodes bien d´evelopp´ees [34], notamment celle de l’introduction de
groupes polaires de type silanol (Si - OH) au d´etriment des groupements m´ethyles (Si -CH
3)
par exposition de la surface `a un plasma `a air [35]. De plus, par ses propri´et´es de surface et
sa flexibilit´e m´ecanique, le PDMS peut adh´erer `a une surface relativement plane par contact
1.1. Particularit´es de la lithographie molle en microfluidique 29
Fig.1.2 – R´eticulation du PDMS. en haut : Formule semi-d´evelopp´ee du polym`ere de base et
de l’agent de r´eticulation. en bas : R´eticulation du PDMS
conforme, en ´epousant parfaitement la surface du substrat. Il peut alors pallier les d´efauts
mineurs de plan´eit´e de la surface grˆace aux interactions van der Waals cr´e´es `a l’interface. Ce
contact conforme est r´eversible et une d´eformation du bloc de PDMS permet de le d´ecoller de la
surface plane. Lorsque la surface de PDMS est oxyd´ee par le plasma, et que le bloc de PDMS est
en contact conforme avec un substrat, il peut se produire des r´eactions de condensation entre les
groupements silanol (Si - OH) et les groupements appropri´es (OH, COOH, C=O) du substrat.
Les liaisons covalentes r´esultantes contribuent `a l’adh´esion irr´eversible du bloc de PDMS sur le
substrat.
Il est possible de faire adh´erer ainsi le PDMS sur des substrats de diff´erentes natures [34] :
PDMS, verre, silicium, silice (SiO
2), quartz, nitrure de silicium (Si
3N
4), poly´ethyl`ene,
poly-styr`ene et carbone vitreux. Cependant, cette m´ethode n’est pas efficace sur tous les polym`eres.
Le PDMS ne peut s’assembler de cette mani`ere sur les substrats suivants : Saran, polyimide,
poly(m´ethylmethacrylate) et polycarbonate.
Enfin, l’hydrophilie cr´e´ee par le plasma disparaˆıt au bout de quelques heures du fait du
r´earrangement des chaˆınes de polym`ere au sein du bloc de PDMS [36]. Elle peut n´eanmoins ˆetre
conserv´ee plus longtemps si cette surface est maintenue au contact d’une solution polaire ou si
un traitement de surface par greffage de mol´ecules est effectu´e [34].
Avantages du PDMS par rapport aux les polym`eres plastiques
Le PDMS polym´eris´e est une mati`ere ´elastique tr`es facile `a manipuler, couper ou trouer. Il
retrouve sa forme apr`es la plupart des d´eformations m´ecaniques et permet un d´emoulage facile
sans risque d’abˆımer le moule qui repr´esente le coˆut de fabrication le plus important. La r´eplique
de structures `a l’´echelle de la centaine de nanom`etres a ´et´e r´ealis´ee avec grande fid´elit´e [37]. De
surcroˆıt, le PDMS est consid´er´e comme optiquement transparent jusqu’`a 280 nm, ce qui le rend
A
B
C
Moule Substrat planFig. 1.3 – Lithographie molle multicouche, adapt´ee de [38, 40, 39]. A. L’assemblage de blocs
d’´elastom`eres pr´ealablement moul´es permet la superposition de r´eseaux de canaux. L’espacement
entre chaque r´eseau de canaux correspond `a l’´epaisseur de la couche du bas, `a l’´epaisseur d’un
canal pr`es. B. Une membrane de 50 µm d’´epaisseur de PDMS contenant des ouvertures de
100µm. C. En reprenant le sch´ema A, l’utilisation d’une couche inf´erieure fine contenant des
ouvertures au-dessus des canaux permet, apr`es l’assemblage du bloc d’´elastom`ere sup´erieur sur
la membrane trou´ee, la r´ealisation d’un r´eseau de canaux interconnect´es en trois dimensions.
Ceci permet la circulation des fluides dans des r´eseaux de canaux en trois dimensions.
compatible avec de nombreuses m´ethodes de d´etection, notamment la mesure d’absorbance en
UV/visible ou en fluorescence. Enfin, le PDMS est biologiquement inerte, perm´eable `a l’air et
st´erilisable `a haute temp´erature. Ceci rend possible la culture cellulaire ainsi que la manipulation
de cellules vivantes dans les dispositifs constitu´es de ce mat´eriau. Toutes ces propri´et´es font
du PDMS un mat´eriau de choix pour les dispositifs microfluidiques d´edi´es `a l’analyse et la
manipulation d’´echantillons biologiques.
1.1.3 Lithographie molle «multicouche»
Les dispositifs fabriqu´es par lithographie molle sont par nature r´epartis sur un seul et mˆeme
niveau, rendant difficile l’introduction d’´el´ements actifs ou mobiles, et empˆechant la formation
de structure en trois dimensions d´evelopp´ee. Pour pallier ces difficult´es, la lithographie molle
multicouche, oumulti-layered soft lithography[38], a ´et´e d´evelopp´ee dans un premier temps par
le groupe de S. Quake. Cette technique consiste en la superposition et l’assemblage irr´eversible
de plusieurs couches de dispositifs fabriqu´es par lithographie molle (figure 1.3 A). La facilit´e
de leur assemblage ´etanche a permis une ouverture vers la verticale des dispositifs
microflui-diques en ´elastom`ere. Il est d´esormais possible de fabriquer des dispositifs de plusieurs couches
avec la mˆeme aisance que ceux fabriqu´es par la technique standard de lithographie molle.
Pa-rall`element, l’´equipe de G. M. Whitesides a d´evelopp´e une technique similaire pour cr´eer des
canaux microfluidiques en trois dimensions [39]. Celle-ci consiste en l’assemblage irr´eversible
d’un bloc d’´elastom`ere moul´e par lithographie molle par dessus une membrane de ce mˆeme
1.1. Particularit´es de la lithographie molle en microfluidique 31
A B