7.3.1 Conception du dispositif int´egr´e . . . 143 7.3.2 Mesures ´electrochimiques sur cellules pi´eg´ees . . . 147
7.1. Analyse du stress oxydant sur une population de cellules 129
7.1 Analyse du stress oxydant sur une population de cellules
Commen¸cons donc notre ´etude par la reproduction d’une cellule ´electrochimique standard
dans un dispositif microfluidique. Il s’agit maintenant d’´etablir un protocole simple de mesure
afin de poursuivre vers le d´eveloppement d’une plate-forme microfluidique plus sophistiqu´ee
d’analyse de cellules uniques. Le syst`eme de mesure ´etant dans un microsyst`eme clos aliment´e
par connexions fluidiques, il est important de travailler sur des cellules vivantes «robustes»,
n´ecessitant un maintien minimal, et d’´eliminer tout ´el´ement m´ecanique du protocole, tels que
l’injection des activateurs avec un micro-injecteur ou l’activation m´ecanique des r´eponses
cellu-laires. C’est pour ces raisons que nous avons choisi de travailler avec les macrophages de souris
RAW 264.7 et de r´ealiser des mesures du stress oxydant sur ces cellules.
Nous avons ainsi envisag´e des exp´eriences de chronoamp´erom´etrie dans une grande chambre
microfluidique contenant les ´electrodes sous forme de bande pour analyser le stress oxydant en
travaillant sur un mod`ele cellulaire robuste, les macrophages de souris. Ce travail a ´et´e men´e en
´etroite collaboration avec Issa Tapsoba et St´ephane Arbault, respectivement post-doctorant et
charg´e de recherche au laboratoire d’´electrochimie.
7.1.1 Int´egration de micro´electrodes dans une chambre de culture
Description
Le dispositif microfluidique utilis´e pour cette ´etude est constitu´e d’une cavit´e en relief dans
un bloc de PDMS, reli´ee aux connexions fluidiques par deux canaux et assembl´ee sur une lame
d’histologie en verre contenant trois ´electrodes en bande (figure 7.1 A). La cavit´e est un
pa-rall´el´epip`ede rectangle de 0,5 cm de large, 1 cm de long et 100 µm de hauteur. Ce volume
est choisi relativement grand pour une chambre microfluidique afin d’assurer une distribution
homog`ene des cellules et d’´eloigner des ´electrodes les bulles d’air ´eventuelles, ces derni`eres
s’ac-cumulant pr´ef´erentiellement dans les coins des dispositifs.
Nous travaillerons alors dans une configuration«trois ´electrodes», avec une grande bande
d’argent de 500µm de large pour l’´electrode de r´ef´erence, suivie d’une bande de platine de 20µm
de large pour l’´electrode de travail et d’une grande bande de platine de 500µm de large pour la
contre-´electrode (figure 7.1 A). Du chlorure d’argent a ´et´e ´electrod´epos´e sur l’´electrode d’argent
pour lui permettre de fonctionner comme ´electrode de r´ef´erence de type Ag/AgCl. Un d´epˆot
dendritique de platine
1, appel´e noir de platine, a ´et´e ´electrod´epos´e sur la fine ´electrode de platine
servant d’´electrode de travail afin d’augmenter la sensibilit´e et la s´electivit´e ´electrochimique
de cette derni`ere vis `a vis des esp`eces d´eriv´ees de l’oxyg`ene et de l’azote relargu´ees par les
cellules [218, 25]. Enfin, aucune modification n’a ´et´e effectu´ee pour la contre-´electrode. Les
d´etails sur la m´ethode standard de fabrication de ces ´electrodes sont explicit´es en annexe D.
1
L’´electrod´eposition du platine dendritique, ou noir de platine, se fait par la r´eduction sur la surface de l’´electrode, dans un tampon phosphate, de l’acide hexachloroplatinique, H2PtCl6, en pr´esence de l’ac´etate de plomb, (CH3CO2)2Pb.3H2O, selon une r´eaction `a quatre ´electrons : PtIVCl2−
6 + 2e− −→PtIICl2− 4 + 2 Cl−puis PtIICl2− 4 + 2e− −→Pt0 + 2 Cl−.
A B
Fig. 7.1 – A. Sch´ema du dispositif microfluidique utilis´e pour les mesures ´electrochimiques
en milieu confin´e. Les ´electrodes bleus sont en bande de platine (500 et 20 µm de large), les
´electrodes rouge sont en argent (500µm de large). La chambre de mesure a pour dimensions :
0,5cm*1cm*100µm. B. Analyse par voltam´etrie cyclique de l’oxydation de l’acide ascorbique
(10
−4M) dans un tampon phosphate (PBS) sur une ´electrode en bande de 20µm de large dans
le dispositif microfluidique de gauche. Le bruit observ´e ici est inh´erent au potentiostat utilis´e
pour l’exp´erience. Figures adapt´ees de [219].
Calibration
´
Electrode platin´ee
Il a ´et´e montr´e dans les travaux pr´ec´edents [218] qu’un d´epˆot de noir de platine sur la
surface active d’´electrodes constitu´ees de fibre de carbone augmente la sensibilit´e et la s´electivit´e
´electrochimique de ces derni`eres, vis-`a-vis des esp`eces lib´er´ees par les cellules dans cette ´etude. En
effet, le noir de platine est en r´ealit´e un d´epˆot de platine dendritique qui modifie les propri´et´es
´electrochimiques intrins`eques de l’´electrode ainsi que ses propri´et´es de surface. Les potentiels
d’oxydation des esp`eces r´eactives d´eriv´ees de l’oxyg`ene et de l’azote sur le platine sont d´ecal´es
par rapport au carbone, ramenant ainsi la fenˆetre des potentiels d’utilisation loin des potentiels
limites o`u le solvant est oxyd´e (mur du solvant). De ce fait, il est plus ais´e de distinguer les
diff´erentes vagues d’oxydation, rendant les mesures plus s´electives. De plus, la surface de platine
dendritique est stable et poreuse. Il en r´esulte une augmentation la surface active de l’´electrode,
traduite exp´erimentalement par une augmentation du signal, tout en empˆechant l’adsorption des
prot´eines en surface, v´erifi´e exp´erimentalement lors de la r´ealisation de voltam´etries cycliques
successives.
Ce mˆeme traitement a ´et´e utilis´e sur les ´electrodes de platine en bande pour ´eviter
l’ad-sorption des prot´eines sur leur surface, source habituelle des pollutions des ´electrodes de platine
`
a nu, et pour augmenter le signal r´ecolt´e `a la surface de l’´electrode. Afin de nous assurer du
bon fonctionnement de telles ´electrodes, nous avons effectu´e une mesure ´electrochimique d’une
solution d’acide ascorbique, mol´ecule standard de calibration pour les analyses biochimiques. La
figure 7.1 B illustre la vague d’oxydation de l’acide ascorbique sur l’´electrode de platine platin´ee.
La r´ep´etition du cycle de voltam´etrie nous montre que l’absence de ph´enom`enes d’adsorption
sur la surface de l’´electrode.
Toutes les op´erations habituelles d’´electrochimie comme l’´electrod´eposition, l’´electrolyse pour
d´ecaper et nettoyer la surface de l’´electrode de travail et les mesures standards de voltam´etrie,
d’amp´erom´etrie ou de potentiom´etrie ont ´et´e ex´ecut´ees avec grande facilit´e dans le mˆeme
dis-positif.
7.1. Analyse du stress oxydant sur une population de cellules 131
Confinement et culture des cellules
La st´erilisation du dispositif a ´et´e assur´ee dans un premier temps par un nettoyage `a l’´ethanol
`a 75%, suivi d’un traitement aux UV pendant quinze minutes avant chaque utilisation.
Pour tester la compatibilit´e biologique des dispositifs, des macrophages y ont ´et´e cultiv´es
pendant plusieurs jours. Apr`es l’introduction des cellules dans la chambre, le dispositif a ´et´e
plac´e en repos pendant trois heures dans l’incubateur pour permettre aux cellules d’adh´erer
aux surfaces. Du milieu de culture frais a ensuite ´et´e perfus´e dans la chambre avec un d´ebit
de 0,1 µL/min pendant plusieurs jours. Une culture en boˆıte de Petri contrˆole a ´et´e effectu´ee
en parall`ele. A densit´e d’ensemencement des cellules similaire, nous observons un taux de
pro-lif´eration cellulaire comparable, avec une arriv´ee `a confluence, o`u 90% de la surface de culture
a ´et´e recouverte de cellules, au bout d’environ trois jours pour les deux conditions.
Cette exp´erience pr´eliminaire montre que l’environnement du dispositif utilis´e convient `a la
pr´eparation des cellules pour la mesure et n’apporte pas de modification notable de leur cycle
de division et de multiplication. Pour les exp´eriences ult´erieures de mesure ´electrochimique dans
ce dispositif, les cellules seront donc pr´ealablement introduites dans les chambres et laiss´ees au
repos afin qu’elles adh`erent convenablement aux surfaces et qu’elles retrouvent un m´etabolisme
normal, comparable `a celui des cellules cultiv´ees dans des boˆıtes de Petri.
7.1.2 Mesure du stress oxydant dans une chambre de culture
L’activation chimique du stress oxydant des macrophages par un ionophore calcique,
acti-vateur du syst`eme enzymatique responsable de la lib´eration des ROS et des RNS, a ´et´e choisie
pour faire l’objet d’une ´etude de faisabilit´e dans un dispositif microfluidique. La pr´esence de
l’ionophore calcique (A23187) dans le milieu entourant les cellules provoque des modifications
de la membrane cellulaire : elle devient perm´eable au calcium, esp`ece n´ecessaire dans la plupart
des processus cellulaires en tant que messager secondaire [220]. La variation de calcium `a
tra-vers la membrane cellulaire peut activer certaines enzymes, en particulier des NADPH oxydases
et des NO synthases, entraˆınant alors la production enzymatique de ROS et de RNS. Nous
allons montrer qu’une telle production peut ˆetre analys´ee de mani`ere fiable par des mesures
´electrochimiques sur une petite population de cellules dans un dispositif microfluidique.
Mesures contrˆoles sur cellules uniques
Afin d’obtenir des ´el´ements de comparaison dans un contexte bien connu, nous avons dans un
premier temps effectu´e des mesures de la g´en´eration des ROS et des RNS par des cellules uniques
dans la configuration de synapse artificielle, c’est-`a-dire `a l’aide d’une ultramicro´electrode de
carbone platin´ee plac´ee au contact de la cellule. Ce type de mesures, avec d’autres activateurs
comme le LPS ou le PMA, est tr`es bien maˆıtris´e dans le laboratoire [221, 26] et les param`etres
exp´erimentaux de mesures ´electrochimiques ´etablis dans ces conditions pourront ˆetre transpos´es
aux analyses dans les dispositifs microfluidiques.
Ainsi, avec l’aide de micromanipulateurs et d’un contrˆole visuel par microscopie invers´ee,
une ´electrode `a fibre de carbone platin´ee (apr`es ´electrod´eposition de noir de platine de 30µC),
servant d’´electrode de travail, et une micropipette ont ´et´e plac´ees `a proximit´e de la membrane
d’une cellule isol´ee. La stimulation de la cellule est effectu´ee en injectant avec la micropipette,
dans le milieu environnant de la cellule, une solution de ionophore calcique (A23187) `a 2µM. La
Fig.7.2 – Mesure de la r´eponse amp´erom´etrique d’une cellule unique `a l’injection de ionophore
calcique (2µM) dans la configuration de synapse artificielle. Une ´electrode de carbone platin´ee
de 10 µm de diam`etre a ´et´e utilis´ee (E=850 mV VS ECSS dans un tampon KRB).
de travail, `a un potentiel fix´e `a 850 mV contre une ´electrode de r´ef´erence de calomel satur´ee
(ECSS). Toutes les mesures ont ´et´e effectu´ees dans un tampon KRB (Krebs’s Ringer Buffer).
La r´eponse typique d’une cellule unique `a la stimulation chimique par l’ionophore calcique
est illustr´ee par la figure 7.2. La g´en´eration d’esp`eces r´eactives commence quelques minutes
apr`es la stimulation et dure environ vingt minutes. Le signal se pr´esente sous forme d’une vague
augmentant lentement les premi`eres minutes, atteignant ensuite une phase de r´eponse maximale
pendant environ dix minutes, avec deux pics, et diminuant lentement jusqu’au retour `a la ligne
de base. En absence de stimulation, en injectant simplement du tampon, aucun signal n’a ´et´e
d´etect´e. Une telle r´eponse a ´et´e identifi´ee `a ce qui est commun´ement appel´e flamb´ee oxydative,
ph´enom`ene de lib´eration par les macrophages d’esp`eces r´eactives d´eriv´ees de l’anion superoxyde
O
•−2
. La charge totale a ´et´e calcul´ee en int´egrant le signal obtenu sur le temps de r´eponse.
Elle permet d’acc´eder `a la quantit´e d’esp`eces r´eactives lib´er´ees suite `a la stimulation par le
ionophore calcique. Une cellule g´en`ere dans ces conditions une charge coulom´etrique moyenne
d´etect´ee d’environ 2,6 nC (sur 3 mesures), correspondant `a la lib´eration d’environ 10 femtomoles
d’esp`eces ´electroactives. La variabilit´e des r´eponses au niveau de la cellule unique observ´ee, mˆeme
sur un ´echantillon de trois cellules, est caract´eristique des analyses sur cellules uniques [26]. Les
cellules diff`erent naturellement entre elles par leur taille et par leur m´etabolisme.
Nous utiliserons, pour les mesures suivantes en microsyst`emes, ces param`etres de stimulation
chimique (C
A23187= 2µM) ainsi que ces param`etres de mesure ´electrochimique (potentiel fix´e
`
a 890 mVvs. une ´electrode de r´ef´erence Ag/AgCl
2).
Mesures dans le dispositif microfluidique
Apr`es ces manipulations pr´eliminaires permettant d’´etablir les param`etres de stimulation
chi-mique et de mesure ´electrochichi-mique de l’activation de la flamb´ee oxydative sur des macrophages,
par un ionophore calcique, nous avons poursuivi l’analyse dans les dispositifs microfluidiques.
2
Le potentiel standard d’une ´electrode de r´ef´erence de calomel satur´ee (ECSS) est de 241mV, alors que celui d’une ´electrode de r´ef´erence Ag/AgCl est de 199 mV. Le passage de l’utilisation d’une r´ef´erence `a une autre impose un d´eplacement du potentiel `a appliquer de 42 mV. Nous avons utilis´e une r´ef´erence de calomel satur´ee pour cette exp´erience contrˆole afin de nous assurer de la stabilit´e du potentiel