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CHAPITRE 1 : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

IV- GENETIQUE

Nous avons choisi d’étudier les deux gènes ABCC6 et ENPP1 responsables de deux pathologies causant des calcifications vasculaires dont le phénotype était proche à nos patients qui sont le Peudoxanthome élastique (PXE) et la calcification artérielle généralisée dans la petite enfance (GACI).

A- ATP BINDING CASSETTE SUB-FAMILY C

MEMBER 6(ABCC 6)

1- Localisation chromosomique

Struk et coll. ont montré en 1997 que le gène responsable du PXE était localisé sur le bras court du chromosome 16, en position 16p13.1 [20]. La même année Van Soest et coll. ont annoncé une localisation chromosomique identique dans des familles hollandaises de PXE [21]. Dans celles-ci les symptômes cutanés et ophtalmologiques étaient récessifs alors que les manifestations cardio-vasculaires semblaient transmises en dominance. Les auteurs ont alors émis l’hypothèse que la symptomatologie cardio-vasculaire puisse être également présente chez les simples transmetteurs du PXE [22]. Par la suite la région comprenant le gène du PXE a été restreinte à un domaine d’environ 500 kb comprenant 5 gènes [23-24]. Chacun de ces gènes a été successivement séquencé à la recherche de mutation(s) associée(s) au PXE (Fig. 8).

Figure 8:

Localisation in vivo de ABCC6 humain et ses mutants (basés sur Le Saux et al., 2011).

2- Le gène ABCC6 : ATP Binding Cassette Sub-Family C Member 6

Durant l’été 2000 différentes équipes ont simultanément identifié ABCC6 comme étant le gène responsable du PXE [25-26]. Les auteurs ont pour cela étudié plusieurs dizaines de familles provenant de différents pays et comprenant des sujets atteints de PXE. ABCC6 appartient à la famille des MRPs, elle même membre de la superfamille des gènes ABCs (ATP Binding Cassettes) qui codent pour des protéines assurant le transport de diverses molécules au travers de la membrane plasmique. Ces gènes sont bien connus des généticiens puisque des mutations dans des gènes comme ABCC7 (CFTR), ABCA4 (ABCR) ou bien ABCA1 (ABC1) sont respectivement responsables de la mucoviscidose, de la dystrophie maculaire de Stagardt et de la maladie de Tangier. ABCC6 comprend 31 exons et s’étend sur une région génomique de 75 kb (Figure 9 ). Plus de 300 mutations (substitutions, délétions ou insertions d’une ou plusieurs bases) ont été identifiées à ce jour.

Figure 9:

La structure exon-intron du gène ABCC6.

3- LA protéine ABCC6

ABCC6 est une protéine de 1503 acides aminés et a un poids moléculaire de 165 kDa. Comme les autres protéines de la famille des transporteurs ABC, elle est intégrée à la membrane plasmique. ABCC6 comprend 17 hélices transmembranaires groupées en trois régions distinctes et deux sites de fixation de l’ATP localisés dans le domaine C-terminal. L’expression d’ABCC6 a été mise en évidence dans divers tissus. Chez l’homme, les niveaux de synthèse les plus importants sont dans le rein et le foie ; ils sont moindres dans certaines glandes endocrines ou exocrines [27]. L’ARN messager de ABCC6 n’est que faiblement présent dans la peau, la rétine et les vaisseaux, tissus pathologiques dans le PXE [25].

4- Mutations sur l’ABCC6 :

Sur l’ABCC6, plus de 300 mutations distinctes ont été trouvées chez les patients atteints par le PXE [26]. Certaines mutations sont récidivantes, y compris p.R1141X de l’exon 24 et g.del23-29 [27], qui représentent jusqu'à ~ 45% de l’ensemble de mutation pathologiques du PXE [26]. Les mêmes mutations sur ce gène peuvent causer le PXE chez certains patients et le GACI chez d’autres [28]. Les majeures mutations décrites dans la littérature sont affichées dans la Figure 10.

Figure 20: Les principales mutations retrouvées dans l’ABCC6, causant le PXE.

Les mutations pathogènes au niveau de la protéine sont distribuées d’une manière inégale, et l'analyse statistique des mutations faux-sens dans le cas du PXE ont été trouvée :

1) Au niveau des interfaces domaine-domaine: à l'interface de transmission qui comporte quatre ICL (intra cellular loop) et aussi les deux domaines ABC au niveau des surfaces de

contact ABC-ABC. Dans le modèle nucléotidique les mutations affectant respectivement la région domaine-domaine, 2.75 et 3,53 fois plus fréquemment que le taux de mutation moyenne le long de la séquence protéique. [29]

2) Aux interfaces ICL-ABC prédites dans le modèle nucléotide libre. Le taux mutationnelle est 4,25 fois plus fréquent que le taux de mutation moyenne le long de la séquence de la protéine (les domaines ABC sont éloignés dans cette conformation). [29]

5-Fonctions de la protéine ABCC6 :

L’ABCC6 fonctionnent comme pompe d’efflux d’anions organiques transportant des substrats non identifiés à partir du foie vers la circulation.

L’ABCC6 transporte différents anions organiques, tels que la glutathion-conjugué comme la glutathion conjugué au leucotriènes C4 (LTC4), la N-ethylmaleimide S-glutathion (NEM-GS), et la S-(2, 4-dinitrophényle) conjugué au glutathion. Elle transporte aussi le peptide endothéline cyclique antagoniste des récepteurs BQ-123. [30]

La protéine ABCC6 est inhibée par les inhibiteurs du transport d'anion non spécifiques, tels que le probénécide et l'indométhacine. En outre, L’ABCC6 a été rapportée pour conférer une résistance à bas niveau à divers épipodophyllotoxines et anthracyclines. [30]

Une association potentiellement intéressante entre les diminutions des glycosaminoglycanes sulfatés (GAG) dans l'urine a été observée chez les patients atteints par le PXE. La diminution des GAG urinaires est attribuable à la perte de la fonction de l’MRP6, mais ce cas n’est pas lié au PXE d’une manière causale [30].

Il a également été suggéré que la surexpression d’ABCC6 est capable de conférer une faible résistance à plusieurs agents anti-cancéreux provenant de produits naturels couramment utilisés comme l'étoposide, la doxorubicine, la daunorubicine et l'actinomycine D.

La compréhension du mécanisme de calcification des tissus vasculaires et des tissus mous chez les patients atteints de PXE par mutations du gène ABCC6 est l’objet de plusieurs travaux de recherche. Il est actuellement admis que le PXE est considéré comme une maladie métabolique dans laquelle les taux circulants d'un facteur anti-minéralisation sont faibles. Il est prouvé que ce facteur est le pyrophosphate inorganique (PPi) et que les faibles taux circulants de PPi et le rapport PPi / Pi diminué résultent du manque de libération d'ATP par les hépatocytes hébergeant la protéine mutante ABCC6. Cependant, le ou les substrats liés, transportés ou modulés par la protéine ABCC6 restent inconnus [31].

6- Action des mutations de l’ABCC6 sur l’enzyme «

gamma-Glutamyl-carboxylase

Chez les patients PXE, le dosage de l’enzyme « gamma-Glutamyl-carboxylase dépendant de la vitamine K (GGCX)» dans le sérum, le foie et les tissus calcifiés peut révéler une déficience en cette enzyme même. Par conséquence, une hypothèse a été émise suggérant que l’ABCC6 participe au transport transmembranaire et à la redistribution de la vitamine K, qui est un cofacteur obligatoire pour l’activité de la GGCX en particulier lorsqu'il est conjugué au glutathion. En cas de dysfonctionnement de l’ABCC6, l’enzyme GGCX est incapable d’activer la carboxylation des MGP en raison d’un manque de KH2. Ainsi, la carence de MGP carboxylé dans les fibroblastes conduit à la minéralisation dystrophique du tissu conjonctif caractéristique du PXE [31].

B- Le gène ENPP1 : Ectonucleotide Pyrophosphates /

Phosphodiestérase

Ce gène est considéré comme candidat parce qu’il est impliqué dans des maladies, tels que le GACI et le rachitisme hypophosphatémique, qui se manifestent par la minéralisation dystrophique [31].

1-Structure du gène ENPP1 :

L’ENPP1 est un gène localisé sur les régions 22 et 23 du bras long du Chromosome 6, il est constitué de 25 exons (fig.8) et il code pour l’Ectonucléotide Pyrophosphate / Phosphodiestérase 1 (NPP1), qui est une enzyme régulant la calcification du tissu conjonctif par la synthèse du pyrophosphate inorganique (PPi), un inhibiteur de la déposition des hydroxyapathites [32].

Figure 11: Représentation schématique de l’organisation du gène ENPP1 chez l’être humain (Ruf et al, 2004 ; Ensembl, ENSG00000197594).

2- Lieu de l’expression de l’ENPP1 :

L’expression de l’ENPP1, bien que relativement restreinte, se produit dans le foie, l'épithélium du tubule proximal du rein, l’épithélium de la glande salivaire, la paroi artérielle, les chondrocytes, les plasmatocytes matures et dans les fibroblastes cutanés [33]. Il est également exprimé dans les ostéoblastes quand il est stimulé par le FGF2 [34]. La carence en ENPP1 dans les artères choroïdes ou dans les fibroblastes dermiques pourrait conduire respectivement à des manifestations oculaires et à la calcification dystrophique chez les patients PXE [35].

3- La protéine NPP1:

L’enzyme NPP1 est une glycoprotéine transmembranaire de type II qui appartient à la famille des NPPs. Elle possède une grande spécificité à une variété de substrats, tel que l’ATP. Sa fonction est d’hydrolyser l’extrémité 5’des nucléosides triphosphates ou les diadénosine polyphosphates [36-37], afin de générer le PPi dans les cellules musculaires lisses vasculaires, les chondrocytes et les ostéoblastes [31].

a- Structure de la protéine ENPP1 :

La NPP1 est une glycoprotéine transmembranaire de type II, qui comprend une courte extrémité-NH2 cytoplasmique, un seul domaine transmembranaire et un large domaine extracellulaire C-terminal (OMIM, 173335). Son domaine catalytique est principalement exposé à la face externe de la cellule [34] et sa structure est identique à celle des enzymes Phosphodiestérase alcaline I et PyroPhosphatase nucléotidique (figure 12) (OMIM, 173335).

Figure 12: Caractéristiques structurelles générales de la protéine NPP1 [53].

b- Fonctionnement de la protéine NPP1:

La NPP1 est un régulateur de la minéralisation tissulaire, qui joue un rôle dans la calcification osseuse aussi que dans l’inhibition de la calcification dystrophique. Elle influence la composition de la matrice extracellulaire en minéraux en synthétisant le PPi [33-38] par l’hydrolyse de l’ATP extracellulaire en AMP et PPi [39].

4- Le pyrophosphate inorganique :

Le PPi ou pyrophosphate inorganique est un répresseur potentiel de la calcification vasculaire, par l’inhibition de la formation des hydroxyapathites (HA) [40]. Pourtant, sa production peut à la fois réprimer ou favoriser le dépôt de ces cristaux, en fonction des niveaux de la NPP1 et de la phosphatase alcaline dans les tissus [34]. En cas de l’absence de la NPP1, la calcification artérielle se développe. Néanmoins, on ne sait pas si le niveau de PPi dans les vaisseaux est contrôlé par l'activité locale de ces enzymes (figure 13) plutôt que par l’activité systémique via les taux circulants de PPi [41].

Figure 13 : Schéma représentant les voies du métabolisme du PPi dans le muscle vasculaire lisse: (1) Le PPi est synthétisé par la NPP1 et la NPP3 à partir de l’ATP extracellulaire, (2) ou encore à partir de l’A TP transporté par l’ANK ou l’ABCC6 (Albright et al, 2015) à travers la membrane plasmique. (3) Le PPi est hydrolysé par la TNAP et la NPP3 en Pi. (4) La NTPD est très active dans le muscle vasculaire lisse, elle hydrolyse l’ATP en Pi, ce qui peut limiter la disponibilité de l’ATP nécessaire pour la synthèse de PPi. (5) L'analogue de l'ATP, le α, β-méthylène- ATP (meATP) est un inhibiteur compétitif de la réaction de production de PPi par la NPP1 dans la paroi vasculaire (Villa-Bellosta et al, 2011).

5- Conséquences des mutations touchant le gène ENPP1 :

La plupart des mutations de l’ENPP1 causant le GACI se trouvent dans le domaine catalytique de la NPP1, le domaine de liaison aux nucléases, et le domaine de liaison à la somatomédine [34]. En effet, les mêmes mutations peuvent causer chez certains patients le GACI et chez d’autres le rachitisme hypophosphatémique[42-31]. Parmi celles-ci, les mutations R456Q, L579F, L611V, C726R, N792S, E893X, et Y901S qui abolissent l'activité enzymatique de la NPP1 (Figure 14) [43].

Figure 14: Cartographie des mutations causant le GACI et le rachitisme Hypophosphatémique sur la structure primaire de la NPP1 humaine. TM : Domaine transmembranaire, SO : somatomédine B-Like Domaine (Lorenz-

Elastopathie calcifiante artérielle diffuse de l’enfant:

Elastopathie calcifiante artérielle diffuse de l’enfant ou «Generalized Arterial Calcification of Infancy» (GACI) est un désordre génétique fatal rare et d’un mode de transmission autosomal récessif [44]. Il est caractérisé par des complications cardiovasculaires, le plus souvent après le premier mois de naissance, causées par une artériosclérose touchant l’aorte, les artères coronaires et les artères rénales. La plupart des patients meurent à l’âge de 6 mois en raison de l’infarctus du myocarde ou de l'insuffisance cardiaque due à l’hypertension. La maladie est causée fréquemment par des mutations homozygotes sur l’ENPP1 conduisant à une déficience en PPi qui régule la minéralisation tissulaire [32].

Il existe un chevauchement entre le PXE et le GACI, car certains patients adultes atteints par le GACI et présentant des mutations sur l’ENPP1 (Figure 15), ont développé des signes cliniques de PXE à l’âge de 5 et 8 ans comme les stries angioïdes et les lésions dermatologiques [31].

Figure 15: Représentation schématique des mutations de l’ENPP1 identifiées chez des patients GACI présentant des symptômes de PXE (Nitschke et al, 2012).

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