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Garantir l'intérêt général

B. UN ROLE PEDAGOGIOUE PLUS AFFIRME DANS LA MISSION DE GARANT DE L'INTERET GENERAL

1. Garantir l'intérêt général

Le développement des comités d'experts, des commissions "ad hoc" pour poser et même traiter des questions nouvelles, notamment dans le domaine de l'environnement, a pu être observé dans bien des pays au cours de la décennie qui vient de s'achever. Cette tendance à

«l'ad-hocratie» n'a pas partout la même netteté mais elle paraît assez

générale, y compris dans les pays où la place et les pouvoirs du Parlement sont importants. La démocratie représentative n'y trouve pas toujours son compte et l'institution parlementaire qui en est à la fois l'outil et le symbole ne peut que pâtir d'une telle dérive; en outre, au plan méthodologique, le morcellement inévitable du traitement des problèmes qu'elle entraîne est également fâcheux: c'est particulièrement clair pour l'écologie. Plutôt que des commissions des sages dont on cherche à établir la représentativité par de savants dosages mais dont on serait bien en peine d'établir la légitimité lorsqu'elles participent au processus de décision, les parlements apparaissent les représentants d'un

intérêt général à maintenir ou à rétablir dans un monde où les intérêts particuliers sont de mieux en mieux défendus et institutionnalisés. Le lieu naturel du choix démocratique, donc du débat démocratique, est le Parlement, à condition que celui-ci s'ouvre à l'extérieur et s'appuie lui-même, lorsque cela est nécessaire, sur l'expertise. C'est déjà ce que certaines de nos assemblées ont entrepris. Il convient aussi qu'aucun des grands problèmes ne soit tabou. Du recours à l'énergie nucléaire au rôle du transport routier par rapport à celui du rail en passant par le prix de l'eau potable, tout doit pouvoir être abordé. L'institution parlementaire peut être alors le contre-pouvoir qui garantit un choix libre et éclairé face à quelque groupe de pression que ce soit.

a) Favoriser le développement du droit de l'environnement

La technique juridique a été mise en oeuvre au service de l'écologie avant même que le mot n'existe. Mais il est clair que l'approche globale nécessaire aujourd'hui implique le développement d'un droit de l'environnement assorti de moyens de contrôle et de sanctions adaptées.

En France par exemple, la réglementation d'urbanisme ne peut être mise directement au service de celle de l'environnement et réciproquement; les constructions jurisprudentielles renforcent ce genre de cloisonnement. En Allemagne, on observe que certaines créations juridiques contribuent à l'établissement de principes propres à l'environnement (droit pénal de l'environnement). L'initiative du développement d'un tel droit de l'environnement revient notamment aux parlements en collaboration avec l'exécutif.

Une telle construction permettrait de mieux assurer la prise en compte

de l'intérêt général en amont, au cours et en aval du processus législatif.

En amont, un cadre juridique plus favorable au respect de l'environnement orienterait d'une façon plus naturelle les projets d'aménagement ou de décision. En aval, l'administration, les collectivités locales, la justice seraient mieux armées aussi pour peser dans un sens favorable à l'écologie. Le développement d'un droit de l'environnement peut être aussi le produit de nouvelles méthodes. Celles-ci se caractérisent notamment par l'ouverture des instances des parlements et au recours à l'expertise.

Ces réalisations déjà engagées depuis plusieurs années ( Allemagne, Grande-Bretagne, France) constituent le moyen le plus tangible qu'ont les parlements de devenir ou de redevenir le cadre et l'instrument de l'intérêt général lors des prises de décisions en forme législative dans le domaine de l'environnement.

b) Assurer une évaluation, un contrôle et un suivi des actions.

A partir de techniques parlementaires déjà éprouvées dans d'autres domaines peuvent être développés des moyens de contrôle et de suivi des

actions menées en matière d'environnement par différents intervenants publics et privés.

* L'impact des projets de lois sur l'écologie peut faire l'objet d'une évaluation, répondant ainsi au désir d'intervenir le plus en amont possible de la décision, et ce non seulement pour les textes relatifs à l'environnement, où une telle prise en compte va de soi, mais encore pour tous les projets susceptibles d'avoir des conséquences sur l'environnement. Il s'agit là en quelque sorte de la transposition au niveau de l'activité législative des dispositions prises exigeant une étude d'impact préalablement à toute construction ou toute réalisation d'équipement important. Ce que l'on peut appeler un

«bilan vert» législatif a été introduit récemment dans le règlement de l'Assemblée nationale à la suite d'une proposition que j'ai souhaité faire. Là encore, c'est la dimension écologique dans sa globalité qui doit être appréciée, d'où l'intérêt d'évaluer les conséquences de textes non spécifiques à l'environnement.

* Le contrôle de l'application des textes, et tout d'abord des lois portant sur de grands secteurs de l'environnement, constitue aussi un axe de progrès pour tous les parlements. Le recours à l'obligation pour le gouvernement de présenter régulièrement un bilan d'application au Parlement est fréquent. Parmi d'autres

exemples, on peut citer à ce titre en Allemagne le rapport annuel du Parlement sur les mesures pour la protection de la couche d'ozone (depuis 1989) et celui sur la radioactivité et les rayonnements ionisants (depuis la loi de 1986); en outre, un rapport très détaillé sur l'état de l'environnement est communiqué périodiquement par le gouvernement fédéral. Aux Pays-Bas, l'actualisation du plan national pour l'environnement permet aussi un examen régulier des réalisations, des perspectives et des réajustements nécessaires. Au Portugal, la loi de base sur l'environnement de 1987 impose la présentation d'un rapport annuel par le gouvernement à l'Assemblée de la République.

Sans que cela fasse l'objet de dispositions rigides, l'examen de la mise en oeuvre de lois par grands domaines peut être développé en faisant appel aux méthodes et aux coutumes de chacune des Assemblées: point n'est besoin ici de techniques dont la nouveauté et le coût constitueraient un frein à la mise en oeuvre; cela peut se révéler d'ailleurs fructueux pour bien des intervenants, au-delà du Parlement, premier intéressé.

* Cette remarque est également valable, au-delà de l'application des lois, pour l'ensemble de la politique de l'environnement.

L'information du Parlement et l'exercice par celui-ci de chacune de ses fonctions de contrôle sans perdre de vue la globe lité des exigences écologiques lui permettent d'appréhender les situations sur le terrain au-delà des cloisonnements juridiques et administratifs. L'obligation de fournir des documents, dont les caractéristiques ont été définies, notamment lors de l'adoption de lois, s'applique non seulement à l'exécutif mais à travers lui aux collectivités locales, aux agences spécialisées, aux organismes et sociétés de droit privé chargés d'une mission dans le domaine de l'environnement. Dans les pays fédéraux ou très décentralisés, une telle collecte et le regroupement au niveau national de ces informations est indispensable, mais il l'est aussi dans un pays unitaire comme la France, où par exemple la politique de l'eau est mise en oeuvre par les agences de bassin dont le total des redevances dépasse 4 milliards de F. alors que le budget du ministère de l'environnement proprement dit est de 900 millions de F. Lorsque cette obligation est bien établie au départ et

effectivement respectée, les assemblées ont à leur disposition de réels moyens de contrôle.

Parmi ces moyens, l'outil budgétaire dans tous les cas et les éléments de planification lorsqu'ils existent sont d'une grande utilité. Certaines tentatives de modernisation de la procédure mais surtout des présentations budgétaires qui n'ont pas donné tous les résultats escomptés (Rationalisation des choix budgétaires ou P.P.S.

«Planning, programing and budgeting system») semblent susceptibles

d'être reprises et adoptées avec profit au domaine de

l'environnement. Ce que l'on appelle en France les «budgets de

programmes», et qui depuis longtemps maintenant complètent à

titre informatif les documents budgétaires obligatoirement fournis

pour le vote de la loi de finances, sont structurés autour de la

présentation d'actions avec différentes catégories d'indicateurs

(d'objectifs, de moyens, de résultats). Ces indicateurs sont

particulièrement utiles, non seulement d'un point de vue descriptif,

mais aussi dans une perspective de contrôle et d'orientation des

choix. Il peut s'agir là d'une piste de recherche pratique dont le

caractère suffisamment général peut intéresser de nombreux pays.

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