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Reconstitution des variations saisonnières de

4.1 - G ENERALITES SUR LES M YLIOBATIDES

4.1.1 - Origine, évolution et phylogénie

Les myliobatidés sont des poissons cartilagineux, c'est-à-dire qu’ils appartiennent à la classe des Chondrichthyes, groupe qui rassemble les requins, les raies et les chimères. De plus, au sein de cet ensemble, ils se placent, au sein de la sous-classe des Elasmobranchii, avec l’ensemble des raies et des requins. Cette sous-classe est divisée en quatre super-ordres : (1) les Galeomorphii qui regroupent 4 super-ordres de requins : les Orectolobiformes (e.g.

Rhincodon typus, le requin baleine ou « whale shark » ; Ginglymostoma cirratum, le requin dormeur ou « nurse shark »), les Heterodontiformes (e.g. Heterodontus portusjacksoni, le requin dormeur taureau ou « bullhead shark »), les Carcharhiniformes (e.g. Sphyrna

mokarran, le grand requin marteau ou « great hammerhead » ; Galeocerdo cuvier, le requin tigre ou « tiger shark ») et les Lamniformes (e.g. Carcharodon carcharias, le grand requin blanc ou « great white shark » ; Isurus oxyrinchus, le requin mako ou « shortfin mako shark ») ; (2) les Squatinomorphii qui comprend l’ordre des Squatiniformes (e.g. Squatina

squatina, l’ange de mer commun ou « angel shark ») ; (3) les Squalomorphii, qui regroupent 3 ordres de requins : les Hexanchiformes (e.g. Notorynchus cepedianus, le requin Plat-nez ou « broadnose sevengill shark »), les Squaliformes (e.g. Squalus acanthias, l’aiguillat commun ou « spiny dogfish » ; Dalatias licha, le squale liche ou « kitefin shark ») et les Pristiophoriformes (e.g. Pristiophorus cirratus, le requin-scie à long nez ou « longnose sawshark ») ; et (4) les Batoidea qui regroupent les 5 ordres de raies, les Myliobatiformes (e.g. Dasyatis pastinaca, la raie pastenague ou « common stingray » ; Myliobatis aquila, l’aigle de mer ou « common eagle ray »), les Pristiformes (e.g. Pristis pectinata, le poisson scie ou « smalltooth sawfish »), les Torpediniformes (e.g. Torpedo torpedo, la torpille ou raie électrique ou « common torpedo »), les Rajiformes (e.g. Raja clavata, la raie bouclée ou « Thornback ray ») et les Rhinobatiformes (e.g. Rhinobatos cerniculus, la raie requin ou « blackchin guitarfish ») (Compagno, 1973 ; 1977 ; de Carvalho, 1996). Pour d’autres auteurs, ces 13 ordres sont regroupés au sein du super-ordre des Euselachii, lui-même divisé en deux : les Selachimorpha qui regroupent tous les ordres de requins, et les Rajomorphii qui regroupent tous les ordres de raies. Cependant, les relations phylogénétiques entre ces différents ordres au sein des élasmobranches, sont mal définies. En ce qui concerne l’ordre des raies (Batoidea) auquel appartiennent les myliobatidés, il a été considéré, un premier temps, comme groupe frère des requins (e.g. Günther, 1870 ; Regan, 1906 ; Garman, 1913 ; White, 1937 ; Bigelow & Schroeder, 1948 ; 1953a ; 1953b ; Norman, 1966). Puis, des études plus récentes, basées sur des caractères morphologiques, ont placé les Batoidea comme groupe dérivé des requins, même si des travaux plus anciens

avaient déjà avancé cette hypothèse (Goodrich, 1909 ; Jordan, 1923 ; Arambourg & Bertin, 1958 ; Compagno, 1973 ; 1977 ; Shirai, 1996 ; de Carvalho, 1996). Cependant, des travaux récents de phylogénie moléculaire font nettement pencher la balance pour la première hypothèse. En effet, les travaux de Douady et al. (2003) sur des séquences d’ADN mitochondrial, de Winchell et al. (2004) sur de l’ADN nucléaire, de Masey et al. (2004) sur de l’ADN nucléaire, mitochondrial et des données paléontologiques, ou de Naylor et al. (2005) sur de l’ADN nucléaire et mitochondrial, placent tous les Batoidea en groupe frère des requins (Fig. 4.1).

FIGURE 4.1 – Phylogénie des Elasmobranchii (d’après Douady et al., 2003).

En ce qui concerne le super-ordre des Batoidea, même si son caractère monophylétique est aujourd’hui bien reconnu, les relations phylogénétiques au sein de ce taxon restent très débattues (Compagno, 1973 ; 1977 ; Heemstra & Smith, 1980 ; Masey, 1984 ; Nishida, 1990 ; Lovejoy, 1996 ; McEachran et al., 1996 ; Rosenberger, 2001a ; McEachran & Aschliman, 2004). Les travaux les plus récents, basés sur l’analyse d’ADN mitochondrial (Dunn et al., 2003), de caractères morphologiques (McEachran & Aschliman, 2004), ou d’ADN nucléaire et mitochondrial et d’indices cariologiques (Rocco et al., 2007) semblent converger vers un même arbre, même si des différences persistent. Les Torpediniformes formeraient le groupe frère de l’ensemble {Pristiformes + Rajiformes + Myliobatiformes + Rhinobatiformes}. Puis les Pristiformes et les Rhinobatiformes seraient

Les relations phylogénétiques au sein de l’ordre des Myliobatiformes sont également sujettes à discussion (Nishida, 1990 ; Shirai, 1996 ; Lovejoy, 1996 ; McEachran et al., 1996 ; Rosenberger, 2001 ; Gonzalez-Isais & Dominguez, 2004). McEachran & Aschliman (2004) définissent au sein de cet ordre, 3 sous-ordres, 4 super familles, et finalement, 9 familles : Platyrhinidae, Zanobatidae, Hexatrygonidae, Urolophidae, Urotrygonidae, Dasyatidae, Potamotrygonidae, Gymnuridae et Myliobatidae. Les Myliobatidae, tous des myliobatoides pélagiques, forment un groupe monophylétique, même si les positions des différents genres au sein du groupe sont, une fois encore, discutées.

Sept genres actuels appartiennent à la famille des Myliobatidae (Fig. 4.2) : (1)

Aetobatus (Blainville, 1816), l’aigle de mer léopard ou la raie léopard (« spotted eagle ray ») qui regroupe 4 espèces ; (2) Aetomylaeus (Garman, 1908) qui comprend également 4 espèces (« smooth tail eagle ray ») ; (3) Manta (Bancroft, 1829), la raie manta avec 3 espèces (« manta ray ») ; (4) Mobula (Rafinesque, 1810), le diable de mer (« devil ray ») qui regroupe 9 espèces ; (5) Myliobatis (Cuvier, 1816), l’aigle de mer, ou mourine (« common eagle ray ») qui regroupe 11 espèces ; (6) Pteromylaeus (Garman, 1913), la mourine vachette ou l’aigle vachette (« bull ray ») avec 2 espèces valides ; et (7) Rhinoptera (Cuvier, 1829), ou mourine américaine (« cownose ray ») qui comprend 8 espèces.

Selon Nishida (1990) (Fig. 4.3a), Myliobatis, Aetobatus et Aetomylaeus d’un côté et

Rhinoptera, Manta et Mobula de l’autre, forment deux groupes frère, alors que pour McEachran et al. (1996) (Fig. 4.3b), Rhinoptera, Manta et Mobula forment un groupe dérivé au sein des Myliobatidae. Lovejoy (1996) et Shirai (1996) aboutissent au même résultat que McEachran et al. (1996), mais selon Gonzalez-Isais & Dominguez (2004) (Fig. 4.3c), sur la base de caractères anatomiques, les myliobatoides (Myliobatis, Aetobatus, Aetomylaeus et

Pteromylaeus) auraient pour groupe frère les Rhinopterides (Rhinoptera) et l’ensemble des deux aurait pour groupe frère les Mobulides (Mobula et Manta). Cependant, malgré ces divergences, il ressort clairement de ces travaux que ces 7 genres forment un groupe monophylétique, supporté par 11 synapomorphies (Gonzalez-Isais & Dominguez, 2004).

Les premiers myliobatidés connus sont datés du Crétacé supérieur, et plus précisément du Campanien supérieur. Dans le registre fossile, plus d’une vingtaine de genres de Myliobatidae ont été décrits à ce jour. Les premiers Myliobatidae déterminés avec certitude apparaissent au Maastrichtien (Underwood, 2006) avec les genres Igdabatis (Cappetta, 1972 ; Prasad & Cappetta, 1993 ; Soler-Gijón & López-Martínez, 1998) en Inde, au Niger et en Espagne, Ixobatis (Arambourg, 1952) au Maroc ou Brachyrhizodus (Cappetta & Case, 1975 ; Case & Schwimmer, 1988 ; Gottfried et al., 2001) à Madagascar et en Amérique du Nord. Il existe également quelques restes plus anciens attribués à des Myliobatidae : Enantiobatis (Cappetta & Case, 1999) du Cénomanien du Texas,

FIGURE 4.3 – Phylogénie des Myliobatidae.

Brachyrhizodus du Sénonien du Texas ou du Campanien du New Jersey (Cappetta & Case, 1975 ; Cappetta, 1987) et Cretomanta (Case et al., 1990) du Cénomanien-Turonien-Coniacien d’Amérique du Nord, mais également du Maastrichtien du Maroc. D’après Kriwet et Benton (2004), les Batoidea avec une dentition broyeuse, adaptée à la consommation de proies à coquille dure, sont durement touchées par la crise Crétacé/Tertiaire. Cependant il semble que les groupes durement affectés soient notamment les Rhombodontidae qui disparaissent. Les myliobatidés crétacés étant relativement peu nombreux et mal connus, il est difficile d’évaluer l’impact réel de la crise. Cependant, les genres de myliobatidés du Crétacé sont absents des gisements tertiaires et semblent bien disparaître lors de la crise K/T, ce qui semble confirmer le fort impact de cette crise sur les groupes d’élasmobranches durophages. Ensuite, le groupe se diversifie fortement au cours du Paléocène et de l’Eocène (65 à 34 Ma). En effet, même si la liste des genres et espèces reconnus varie selon les auteurs, on recense environ 15 genres et 36 espèces décrites pour cet intervalle de temps. C’est à cette époque qu’apparaissent quatre des sept genres actuels. Seuls Mobula, Manta et Pteromylaeus sont absent des sédiments éocènes et n’apparaissent qu’au cours de l’Oligocène pour le premier et du Miocène pour les deux autres. Puis, la diversité du groupe baisse au cours de la deuxième moitié du Cénozoïque avec seulement 8 genres et 16 espèces recensées. Actuellement, 7 genres et 37 espèces sont reconnus comme valides. Le fait que la richesse spécifique est maximale à l’heure actuelle est simplement dû à la

difficulté de distinguer des espèces dans le registre fossile uniquement sur la base de restes dentaires, qui plus est, chez un groupe hautement spécialisé comme celui-ci.

4.1.2 - Répartition géographique

A l’exception des genres Aetomylaeus et Pteromylaeus, les autres myliobatidés sont tous présent dans les eaux tropicales et tempérées des différents océans autour du monde.

Aetomylaeus est présent dans l’Océan Indien, et Pteromylaeus, quant à lui, occupe l’Est des océans Atlantique et Pacifique, ainsi que la mer Méditerranée. La répartition paléogéographique des représentants fossiles des sept genres actuels est assez similaire dans le cas des genres Mobula, Aetobatus, Myliobatis et Rhinoptera, puisqu’on les retrouve dans des gisements d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique et d’Asie. De même,

Pteromylaeus a été retrouvé dans des régions similaires à sa répartition actuelle : Amérique du Nord et Europe, ainsi qu’en Amérique centrale. Manta n’a été retrouvé que dans des gisements nord-américain et européen, mais la mauvaise connaissance des mobulides peut expliquer ce manque. Le seul genre à avoir eu une répartition paléogéographique nettement différente est Aetomylaeus, qui a été retrouvé dans des gisements d’Amérique du Nord et d’Europe alors qu’il est limité à l’Océan Indien de nos jours.

4.1.3 - Locomotion

Les myliobatidés sont des poissons pélagiques actifs, contrairement aux autres raies, et nagent librement dans la colonne d’eau, en général au niveau du plateau continental et souvent près de la surface. Ils sont également capables de sauter au dessus de la surface. Contrairement aux requins, les raies ont une queue trop fine pour permettre une locomotion efficace, et se déplacent grâce aux mouvements de leurs nageoires pectorales agrandies. Les nageoires pelviennes, dorsales et caudales sont quant à elles en général très réduites. Les seuls représentants des Batoidea à se déplacer par ondulation de la queue sont les raies électriques qui possèdent une queue plus épaisse. Cependant, contrairement aux autres raies chez lesquelles le mouvement se fait par ondulation des nageoires pectorales (e.g. Rosenberger & Westneat, 1999 ; Wilga & Lauder, 2004), chez les myliobatidés, le déplacement est réalisé grâce à des battements verticaux de ces nageoires, comme les ailes d’un oiseau, d’où le nom d’aigle de mer donné à un certain nombre de myliobatidés. Ces battements se font selon un mode oscillatoire appelé « oscillatory appendage propulsion » (Wilga & Lauder, 2004) (Fig. 4.4a). Ces différents types de locomotion semblent liés à une structure différente du squelette des nageoires pectorales, la locomotion par oscillation

calcification crustale et une morphologie des éléments squelettiques des nageoires pectorales de type « cross-bracing » (Schaefer & Summers, 2005).

FIGURE 4.4 – (a) Nage de type « oscillatory appendage propulsion » chez Rhinoptera

bonasus (d’après Rosenberger, 2001b) ; (b) Saut à la surface d’un diable de mer.

Chez les myliobatidés, les mouvements verticaux des nageoires pectorales ne s’étendent pas sous le ventre de l’animal, contrairement au vol des oiseaux (Rosenberger, 2001). Les nageoires, lors de la nage, s’élèvent simultanément de part et d’autre du corps puis s’abaissent jusqu’à atteindre la hauteur du ventre de l’animal puis remontent à nouveau. Les battements ne dépassant jamais le ventre de l’animal, cela permet notamment de nager à proximité du substrat sans le toucher, ce qui constitue un avantage pour un prédateur benthique (Rosenberger, 2001b) (Fig. 4.4a). Au contraire, les deux genres de myliobatidés planctoniques se nourrissant dans la colonne d’eau ont des battements symétriques de part et d’autre du corps (Rosenberger, 2001b). Cette locomotion par oscillation est efficace pour la nage de croisière rapide et permet de générer une plus forte poussée, mais se révèle moins efficace en terme de manœuvrabilité (Chopra, 1974 ; Blake, 1983 ; Cheng & Zhaung, 1991 ; Rosenberger, 2001b).

4.1.4 - Régime alimentaire

Sur les sept genres de myliobatidés, cinq sont durophages et se nourrissent principalement de bivalves et d’autres organismes à coquille dure. Rhinoptera, par exemple, se nourrit principalement de mollusques bivalves et de crustacés (Smith & Merriner, 1985 ; McEachran & Fechhelm, 1998). Les myliobatidés durophages sont toutefois également capables de consommer d’autres types de nourritures, comme par exemple de petits poissons. Pour repérer leurs proies, et leurs prédateurs, les raies peuvent utiliser leur vision ou leur ouïe, mais également la sensibilité aux vibrations et aux mouvements de leur ligne latérale, ou la sensibilité électrique conférée par la présence dans leur peau d’ampoule de Lorenzini. Pour localiser précisément ses proies dans le sédiment, Rhinoptera utilise à la fois les battements de ses nageoires et des jets d’eau par la bouche pour créer des courants d’eau afin d’exposer ses proies parfois recouvertes de sédiment (Schwartz, 1967 ; 1989 ; Sasko, 2000 ; Sasko et al., 2006). Le courant d’eau remet les particules en suspension et dégage la proie ce qui facilite sa préhension. Le mode de préhension des proies par les myliobatidés a été étudié par différents auteurs (MacGinitie, 1935 ; Gregory et al., 1979 ; Gray et al., 1997 ; Hines et al., 1997). Chez Rhinoptera, les proies sont extraites du substrat par des mouvements répétés des mâchoires qui servent à fluidifier le sédiment. L’animal se sert ensuite des lobes antérieurs des nageoires pélagiques, ou lobes céphaliques, pour amener la proie à la bouche (Sasko, 2000), la proie étant ensuite ingérée par succion avec une protrusion de la mâchoire supérieure et au contraire une dépression de la mâchoire inférieure (Sasko et al., 2006). Pendant cette étape, le flux d’eau n’entre plus que par la bouche et pas par les opercules et les fentes branchiales, puis les opercules s’ouvrent à nouveau pour que le flux d’eau puisse servir à éjecter les particules non digestibles, comme la coquille de bivalves ou la colonne vertébrale d’un poisson, par la bouche et les fentes branchiales (Motta, 2004 ; Sasko et al., 2006). Dans le registre fossile, les nombreux trous et dépressions du site de La Posa, dans le nord-est de l’Espagne, interprétés dans un premier temps comme des empreintes de pas de dinosaures, pourraient s’avérer en réalité être des bioturbations produites par des raies lors de leur alimentation (Martinell et al., 2001) (Fig. 4.5). Ces ichnofossiles, nommés Piscichnus, sont en effet très similaires aux trous et dépressions laissés par des raies durophages actuelles. Ces structures peuvent être causées par le battement des nageoires pectorales lorsque l’animal se maintient au dessus du fond pour attraper sa proie, mais également quand l’animal saisit sa proie entre ses mâchoires. Notamment, chez Myliobatis tenuicudatus, cela s’accompagne d’une éjection d’eau par la bouche, mais qui laisse des traces différentes des traces fossiles observées. Parmi les trois candidats possibles ayant pu laisser ces traces figure un myliobatidé :

Myliobatidae. D’autres traces laissées par des raies ont été décrites dans le Crétacé supérieur d’Utah (Howard et al., 1977) et de l’Antarctique (Scasso et al., 1991), dans le Miocène de Nouvelle-Zélande (Gregory, 1991) et dans le Pléistocène des Etats-Unis (Howard et al., 1977).

FIGURE 4.5 – Ichnofossiles Piscichnus du site de La Posa, Isona (Nord-Est de l’Espagne) (d’après Martinell et al., 2001).

Une fois dans la bouche, la proie est broyée entre les mâchoires de la raie. Différentes caractéristiques de la mâchoire des myliobatidés leur permettent de broyer des coquilles dures de bivalves malgré leur squelette cartilagineux : les plaques dentaires de chaque mâchoire sont relativement plates et implantées dans des ligaments élastiques, plusieurs couches de cartilage calcifié recouvrent la surface des mâchoires, différents supports calcifiés traversent également la mâchoire au niveau de l’endroit où la proie est broyée, et un système de levier assez similaire à celui d’un casse-noix multiplie par 2 à 4 la force exercée par les muscles adducteurs qui se contractent de manière asynchrone (Summers, 1995 ; 2000 ; Summers et al., 1998 ; 2003) (Fig. 4.6). Sasko & Maschner (in Sasko, 2000) ont montré que la force générée entre les deux plaques dentaires de

Rhinoptera peut atteindre 40 à 200 N.

Les myliobatidés planctivores, Mobula et Manta, se nourrissent en général dans les eaux superficielles ou intermédiaires. En étendant leurs lobes céphaliques de part et d’autre de la bouche, ils canalisent le flux d’eau vers la bouche.

FIGURE 4.6 – Modèle en « casse-noix » décrivant le fonctionnement de la mâchoire de

Rhinoptera bonasus (d’après Summers, 2000). Gris clair : mâchoire ; gris foncé : ligament.

4.1.5 - Reproduction

Les comportements pré-copulatoires chez les myliobatidés sont relativement variés : mâles suivant les femelles seuls ou en groupe, femelles évitant les mâles, sauts à la surface, ou morsures. L’accouplement se fait tout en nageant, ventre contre ventre, avec chez certaines espèces des cas de polyandrie. Il n’y a qu’une seule portée par an, et chez Manta et Rhinoptera, les portées ne comportent qu’un seul embryon, alors que chez Myliobatis, les portées peuvent atteindre 6 embryons. Le développement de l’embryon se fait à l’intérieur de l’utérus de la mère, on parle de viviparité aplacentaire, et sont nourris par un liquide sécrété par la muqueuse utérine de la mère. A la naissance, l’embryon est complètement développé (Böhlke & Chaplin, 1968 ; Wheeler, 1985 ; Last & Stevens, 1994 ; Helfman et al., 1997 ; Hamlett & Koob, 1999 ; Moyle & Cech, 2000). Neer & Thompson (2005) ont constaté, chez les 33 femelles gravides étudiées le développement d’un seul petit à la fois, toujours dans l’utérus gauche et jamais dans le droit, ce qui les conduit à supposer que le conduit droit n’est pas fonctionnel. La naissance des jeunes semble avoir lieu à la fin du printemps ou au début de l’été, après une gestation d’environ 11-12 mois, d’après l’étude de la taille des embryons (Neer & Thompson, 2005). Une durée de gestation similaire a été observée chez

Myliobatis californica, bien que chez les autres myliobatidés, la durée de gestation soit plutôt de l’ordre de quelques mois. Chez certaines espèces, l’embryon dont les nageoires pectorales sont enroulées autour du corps est éjecté lors d’un saut à la surface de la mère, l’embryon déploie alors ses nageoires une fois entré dans l’eau. Comme la plupart des élasmobranches, les myliobatidés semblent devenir mature quand ils ont atteint environ 60

4.1.6 - Thermophysiologie

Une forme d’endothermie a été observée chez deux espèces de myliobatidés :

Mobula tarapacana et Manta birostris (Alexander, 1996). Chez ces animaux, la présence de retia mirabilia, un réseau de veines et d’artères en association étroite, permet la mise en place d’un système à contre-courant pour l’échange d’ions, de gaz, mais également de chaleur. Cette structure anatomique est également présente chez les autres poissons endothermes (requins lamniformes et thons), et chez des mammifères vivant en eaux froides comme la loutre de mer, les cétacés ou les pinnipèdes. Cette structure n’est cependant pas uniquement présente chez les endothermes, puisqu’on la retrouve chez le crocodile. Chez

Mobula et Manta, ces retia mirabilia sont situés au niveau du crâne. Pour pouvoir parler d’endothermie, il doit nécessairement y avoir une source de chaleur Chez les autres poissons endothermes, cette source de chaleur est l’activité métabolique des muscles. La chaleur produite à ce niveau est alors conservée au maximum grâce à des systèmes d’échangeurs thermiques à contre-courant (Carey & Teal, 1969 ; Carey, 1982 ; Bone & Chubb, 1983 ; Block & Carey, 1985 ; Block, 1986 ; Wolf et al., 1988). Dans les cas des deux espèces de myliobatidés, les échangeurs thermiques au niveau du crâne de l’animal ont bien été mis en évidence, mais la source de chaleur reste encore à déterminer. Une source possible pourrait être la présence de nombreuses fibres musculaires rouges au niveau des muscles des yeux (Wolf et al., 1988 ; Block & Finnerty, 1994). Cette source pourrait permettre le réchauffement du crâne, et notamment du cerveau. Même si ce système limité ne permet pas à l’animal de s’affranchir de la température du milieu, comme c’est le cas chez d’autres poissons (Carey et al., 1971 ; Carey, 1982 ; Block & Finnerty, 1994), le réchauffement du cerveau est considéré comme la condition minimale requise pour la conquête d’autres niches écologiques (Block et al., 1993). Ce réchauffement du cerveau est d’autant plus important chez les Chondrichthyens que leur cerveau est mal protégé des pertes de chaleurs par la structure cartilagineuse de leur chondro-crâne (Alexander, 1996). Cependant, certains auteurs ont évoqué un rôle opposé pour les retia mirabilia. La surface en général sombre du dos de l’animal pourrait entraîner un sur-chauffage au niveau de la tête de l’animal lorsque celui nage à proximité de la surface pendant une assez longue période. Dans ce cas, les retia mirabilia serviraient de dissipateur de chaleur au lieu de limiter les pertes de chaleur (Schweitzer & Notarbartolo-di-Sciara, 1986). Cependant, la présence de veines dans ces structures est plutôt en faveur de la première hypothèse selon Alexander (1996). De plus, le réchauffement pourrait avoir une composante comportementale, l’animal pourrait ajuster sa profondeur à son besoin en chaleur, en exposant plus ou moins son dos sombre aux rayons lumineux.

Différentes mesures de la consommation énergétique de myliobatidés ont été

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