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Les arbres ont parlé avant les hommes.

Joséphine Bacon

2.1. De l’animisme objet au motif textuel. Des balises incontournables, entre exotisme et réalités contextuelles

Les textes de Léonora Miano, Sami Tchak, Natasha Kanapé Fontaine, Rita Mestokosho et Joséphine Bacon sont parcourus de références multiples à l’animisme. Une première lecture nous informe d’emblée que ceux-ci s’insèrent dans un système culturel, avec son mode de fonctionnement, ses référents. C’est ce que j’appelle ici les « géographies animistes ». Ces paysages possèdent leurs cartographies, s’ancrent dans des structures. Ces structures sont doubles. Tout d'abord les structures coloniales et de représentation dans lesquels l'objet animiste s'est trouvé pris lors des phases impériales. Ce sont celles-ci qui, nous l’avons vu, ont entrepris de réduire l’animisme au statut d’objet. Cette chosification est prise dans un phénomène plus global de perte des repères (Miano, 2012 : 17), pour le colonisé même l’animisme qui lui était une pratique quotidienne se retrouve altérisé. C’est dans cette faille née de la distanciation que s’aménage un espace pour la projection exotique. La structure coloniale installe une trame pour que se construise le décor animiste dès lors qu’il est détaché, empêché dans son évidence.

Je pense ensuite aux structures au sens anthropologique, qui suivant la logique de Lévis- Strauss ou d'un Philippe Descola88 plus contemporain, assignent au mode d'être animiste

un certain nombre de caractéristiques. Comme nous l’avons vu en introduction, l’animisme selon Philippe Descola est un être au monde organisé selon différents principes qui permettent de l’identifier en tant que tel. Je ne referai pas ici l’état des lieux du débat anthropologique quant à l’orientation structuraliste des théories descoliennes89, mais considérerai cette approche comme permettant de cerner la représentation de l’animisme dans les textes étudiés au même titre que les processus d’enfermement mentaux ayant accompagné la colonisation.

88 Voir à ce sujet les différentes catégories d'être au monde théorisées par Philippe Descola dans son

ouvrage Par dela nature et culture. L'animisme est une des quatre grandes catégories définies par l'anthropologue.

89 L’anthropologue américain Marshall Sahlins s’oppose notamment aux catégories ontologiques définies

par Philippe Descola. Il en dénonce le structuralisme qui, selon lui, figerait les identités. Voir à ce sujet son l’article On the ontological scheme Beyond nature and culture. In : Hau : Journal of Ethnographic Theory. 2014, n°4(1), p 281 - 290.

Si les modalités politiques de la violence coloniale au plus fort de son établissement90 et les

théories structuralistes correspondent toutes deux à des phases historiquement et conceptuellement dépassées, leur effet reste selon moi opératoire. Il est en évident, et c’est presque une tautologie de le dire, que la postcolonie91 dans laquelle s’inscrivent les auteurs étudiés ici hérite de ces structures et des représentations qui l’accompagnent.

Les auteurs tissent donc dans leurs textes des géographies animistes, doubles héritières de logiques structurantes construites par des logiques extérieures (et dominatrices) et de paysages culturels ancrés dans les territoires et les pratiques précoloniaux.

Dans les oeuvres qui nous intéressent, il s'agit donc de repérer les éléments particuliers propres à l'animisme : motifs qui balisent les textes ou encore territoires dans lesquels s'ancrent les imaginaires. Il faut néanmoins garder à l'esprit que la tension entre exotisme et réalité contextuelle existe, et qu'elle est féconde. Ces éléments thématiques sont la phase émergente d'un iceberg discursif. Ils appartiennent d'une part à un imaginaire culturel et géographique dont les racines sont réelles et ils permettent d'autre part d'identifier ces textes comme « Innu », « togolais », « de l'Afrique centrale ». Ce sont ces structures qui m'ont permis d'identifier les textes de Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine, Rita Mestokosho, Sami Tchak et Léonora Miano comme appartenant à un monde dans lequel l'animisme était présent et occupait une place décisive. S'il convient bien sûr de dépasser la simple analyse thématique pour ensuite s'interroger sur les enjeux significatifs de leurs présences dans les œuvres, je ne peux pas, dans un tel travail, faire l'économie de leurs présentations et de leurs études.

Aussi, penser une première approche des textes en termes de structures permet de circonscrire les différentes thématiques qui les composent. Je choisis donc tout d’abord de m’attarder sur deux aspects relatifs à l’animisme dans les textes : les motifs et les

90 Je pense ici à la période s’étalant des accords de Berlin (1885) aux indépendances (les années 60) pour

l’Afrique. Concernant les Premières Nations, cette période correspondrait à l’expansion des colonies de territoires (fin du 19ème), jusqu’au refus du livre blanc* (1969) puis à la vague de fermeture des

pensionnats autochtones pour le Canada (le dernier a fermé en 1996).

*Le livre blanc, officiellement connu sous le nom « La politique indienne du gouvernement du Canada, 1969 » est un document du gouvernement canadien qui préconisait l’abolition des documents légaux antérieurs portants sur les peuples autochtones, tels que la Loi sur les Indiens et les Traités. Il préconisait ainsi d’assimiler toutes les Premières Nations dans la société canadienne. La réaction défavorable qui a suivi a provoqué son annulation.

91 Rappelons ici que le terme de « postcolonie » ne me semble pas adéquat pour parler des Premières

Nations dans le Canada contemporain. En effet, au regard des Premières Nations, le Canada est toujours une colonie, puisque les territoires autochtones sont occupés (St-Amand, 2010 : 36). Seulement, les logiques d’imposition structurelle que recouvre ce concept sont en partie à l’œuvre dans les enjeux qui nous intéressent ici.

territoires. Tout comme l’anthropologie a d’abord élaboré sa théorie sur les « grands thèmes » structurant les sociétés humaines, l’étude des motifs puis des territoires correspond à une première approche de lecture. Poser ces cadres thématiques est un présupposé pour les analyses plus approfondies qui viendront ensuite.

Je souhaite donc, dans un premier temps, m’attarder sur les thèmes-balises qui nous permettent de naviguer dans le texte. Je veux aussi, avec cette analyse présenter les éléments caractéristiques de l’animisme tels que présenté ici dans les textes Innu et subsahariens afin de poser les fondations d’une réflexion épistémologique.

Enfin, commencer cette étude des textes par une analyse des motifs et de la thématique territoriale c’est aussi répondre dans un premier temps à un horizon d’attente (exotique ?). Lire des auteurs Innu et subsahariens ce peut être aussi s’attendre à rencontrer dans les textes des éléments précis et qui peuvent nous sembler relever de l’exotisme : des esprits, des tambours, une certaine représentation de la nature nordique. Or ces éléments y sont bel et bien présents, nous appelant alors à les prendre en compte dans notre étude. Je les considère comme une porte d’entrée vers la compréhension de l’animisme comme une épistémologie.

2.2. Motifs animistes

La chosification de l’animisme a conduit à sa mise à distance, la pratique quotidienne devient un objet à même d’être manipulé. L’animisme désigne alors moins un être au monde que des objets, des artefacts symbolisant une spiritualité.

Le tambour, le fétiche deviennent des éléments thématiques d’un concept abstrait et folklorique. Autrement dit, des objets qui participaient à des rituels très concrets, deviennent les avatars d’une vision exotique de la culture innue ou togolaise. Ils perdent leur signification première, à savoir un usage précis, pour devenir des symboles.

Il est ici très intéressant de constater que ce sont sur ces éléments d’un animisme réifié que se fixe en premier lieu une imagerie exotique. Un objet, plus qu’un être au monde, « s’emporte et se déplace ». Je veux dire par là que, dans le cadre d’un corpus littéraire, un objet peut apparaître et disparaître au gré d’une intrigue comme accessoire, décor, ou même élément faisant progresser le récit. Avec l’objectification, l’animisme a été décollé du système social qui l’avait produit, pensé comme une altérité. Le processus de violence spirituelle évoqué précédemment a contribué à sa « désacralisation ». Les auteurs étudiés

dans notre corpus littéraires semblent parfois, en premier lieu, entretenir avec l’animisme un rapport usuel, il vient nourrir leurs procédés d’écriture. L’animisme, et toutes les caractéristiques qui lui sont propres, sont des outils thématiques.

Ainsi certains éléments reviennent sans cesse dans chacune des œuvres de mon corpus. Ils sont la manifestation la plus évidente de la dimension animiste qui travaille les textes étudiés. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis, tout d’abord de tracer des parallèles précis entre ces œuvres d'auteurs afrodescendants et amérindiens. Ils sont la pierre de voûte de ma réflexion. Parce qu'ils jouent à la fois le rôle de motivation thématique (ex : un poème sur la toundra vivante), d'unité plastique récurrente dans une œuvre (ex : la toundra comme décor constant) et de relation directe au thème pictural déployé́ face au peintre (ex : la présence de la toundra dans le texte pour s'identifier en tant qu'Innu), ces éléments correspondent à la définition du motif littéraire donnée par Greimas et Courtès dans leur Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, à l’article « motif »92. J’ajouterai également, dans mon étude, des renvois à l’article « motif » du Dictionnaire International des Termes Littéraires, rédigé par Diane Desrosiers-Bonin sous la direction de Jean-Marie Grassin93. Le motif y est également analysé selon trois acceptions qui rejoignent celles de Greimas et Courtès, à savoir le motif comme mobile, le motif comme unité thématique, et enfin le motif comme unité narrative (c’est à dire qui a une fonction dans le récit). Je vais, dans l’analyse qui suit, commencer par relever les motifs thématiques puis, à la lumière de différentes analyses de texte, interroger également la pertinence de l’une ou l’autre des définitions du motif théorisées par Greimas et Courtès et Desrosiers-Bonin.

Certaines interactions sociales, objets et représentations marquent les univers auxquels appartiennent chacun des écrivains de mon corpus. Ces mêmes éléments ressurgissent ainsi sous la plume des écrivains, semblables à des artefacts94 fabriqués pour les récits et poèmes et dont la charge significative est double : retranscrire une réalité culturelle, construire et s'inscrire dans un imaginaire littéraire aisément identifiable.

On peut donc lire ces motifs comme un point de jonction entre l'exotisme et la réalité décrits précédemment. Ils permettent à la fois l'inscription du texte dans un ensemble « animiste » (ou togolais, camerounais, Innu) et la traduction de ce même ensemble en tant

92 GREIMAS, Julien ; COURTÈS, Joseph. Motif. In : Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du

langage. Paris : Hachette, 1969, p. 23

93 GRASSIN, Jean-Marie (dir.). Motif. Dictionnaire international des termes littéraires. [En ligne].

Disponible sur : https://www.academia.edu/9457285/MOTIF

94 En anthropologie, l’artefact est précisément un « produit ayant subi une transformation, même minime,

par l’homme, et qui se distingue ainsi d’un autre provoqué par un phénomène naturel. » (définition du dictionnaire Le Larousse)

qu'altérité pour un lecteur non animiste95.

En tant que procédés littéraires, ces motifs rythment le texte. Incontournables, ils saturent les œuvres qui nous imposent alors cette thématique. L'effet d'hyperlisibilité qui en découle (le texte se présente ouvertement comme porteur de symboliques culturelles, des artefacts) renforce l'aspect démonstratif du récit ou du poème. L'omniprésence des éléments animistes nous oblige à la questionner.

Trois motifs thématiques se sont imposés à la lecture des textes : la relation à la nature, la présence d'un panthéon sacré, et la figure de « celui qui sait » : shaman ou sorcier et avec le topos de la sorcellerie (ou magie selon qu’elle vise à faire le mal ou le bien).

Pour étudier ces motifs, j'aurais recours à différentes définitions données par l'anthropologie. Bien qu'elles soient contestées, je me servirai également de certaines caractéristiques conceptualisées par Philippe Descola. En effet, comme il est dit précédemment, son approche structuraliste est semblable à l’analyse thématique d’un texte : il s’agit d’en extraire ses caractéristiques récurrentes les plus saillantes et ensuite, à partir de ces dernières, élaborer une réflexion à propos de ce qui les rassemble.

Ainsi, je considérerai les motifs, procédés littéraires, en tant que caractéristiques significatives nous donnant des informations sur les ensembles auxquels appartiennent les œuvres littéraires.

Cette traversée des motifs nous permettra donc de balayer certains des grands thèmes « animistes » des textes de notre corpus, avant d’approfondir la réflexion sur l’animisme en tant qu’épistémologie.

2.2.3. La relation à la nature

Les recueils de poésie de Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine et Rita Mestokosho, tout comme les romans de Léonora Miano et Sami Tchak qui nous intéressent, développent

95 À ce propos, il est pertinent d'évoquer la définition de l'exotisme comme représentation d'une réalité

autre, transcription d'une altérité, donnée par Bernard Mouralis dans son ouvrage Les contre-littératures : « Le discours exotique s'ordonne ainsi selon une rhétorique qui vise à l'expression et à la caractérisation d'une réalité considérée comme fondamentalement différente. Il s'agit d'abord d'une rhétorique qui donne à voir – et à sentir – cette réalité qu'il faut souvent expliquer ou « traduire » au lecteur. » (MOURALIS, Bernard. Les contre littératures. Paris : Presses Universitaires de France, 1975, p. 75)

L'utilisation des motifs thématiques participent à la construction d'un exotisme explicatif, situant l'oeuvre dans une altérité balisée et dans laquelle le lecteur retrouve certains éléments constitutifs de son horizon d'attente : le personnage du shaman, les rituels magiques, etc.

tous en leur sein la thématique de la relation à la nature.

L'être au monde animiste inscrit l'individu dans une chaîne naturelle dont il n'est qu'un maillon. Ainsi, comme l'écrit Philippe Descola dans Par delà Nature et Culture :

Des forêts luxuriantes de l'Amazonie aux étendues glacées de l'Arctique canadien, certains peuples conçoivent donc leur insertion dans l'environnement d'une manière fort différente de la nôtre. Ils ne se pensent pas comme des collectifs sociaux gérant leurs relations à un écosystème, mais comme de simples composantes d'un ensemble plus vaste au sein duquel aucune discrimination véritable n'est établie entre humains et non-humains. (Descola, 2005 : 3)

Cette assertion trouve de nombreux échos chez les poètes Innu étudiées ici. Alors qu'elle était invitée en septembre 2015 à un débat sur le thème de la nature à l'occasion du vingtième anniversaire de la librairie du Québec à Paris, Joséphine Bacon s'est démarquée de sa consoeur invitée, une écrivaine québécoise qui ne cessait de commenter son rapport aux grands espaces de formules telles que « nous possédons un kilomètre carré par personne », par cette simple phrase « on appartient à la nature » » Si l'anecdote met en lumière une différence frappante, elle illustre également la relation de l'individu à son environnement, de l'Innu à son territoire, et de la poète à son texte. Philippe Descola fonde une partie de son concept de schème animiste sur la notion de relation « ces rapports externes entre des êtres et des choses repérables dans des comportements typiques et susceptibles de recevoir une traduction partielle dans des normes sociales concrètes. » (Descola, 2005 : 164 – 165). Autrement dit, l’idée de continuité entre la nature et l’humain, d’appartenance du second à la première se traduit par des interactions sociales précises. Ces interactions prennent la forme, dans les textes étudiés de procédés discursifs. Voilà pourquoi c'est ici le motif de la relation à la nature et non pas celui de la nature qui est retenu. Il ne s'agit pas de relever la présence de la nature comme paysage, ou décor omniprésent96 mais plutôt comme personnage au coeur de différentes interactions.

Je propose ici de relever quelques extraits et d’étayer ainsi mon argument.

La nature nordique, et plus précisément ce qui compose et vit dans la toundra, fonctionne réellement comme un motif récurrent dans les textes de notre corpus Innu. Ce motif littéraire dont Greimas nous dit qu’il est une « unité figurative dont le sens figé fonctionne comme une balise dans le texte pour le lecture » compose ainsi l’entrée la plus évidente

dans l’univers des poètes. « Degré zéro »97 de l’animisme, le thème de la nature, et du lien

que l’homme entretient avec cette dernière sature les recueils de Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine et Rita Mestokosho. Cela relève alors du champ lexical, composé de ce que Greimas appelle « unité figurative », comme en témoigne la préface de Le Clézio au recueil Comment je perçois la vie, Grand-Mère, Eshi Uapataman Nukum, qui à deux reprises souligne que

l’être humain – l’Innu est simplement un homme – est indissociablement lié à la terre, à chaque instant de sa vie. La forêt, les lacs et les rivières, les animaux qui les habitent, et les pierres, les sources, le vent et les nuages sont nos parents, nos alliés, même lorsqu’ils nous tuent. […] par sa bouche [celle de Rita Mestokosho] parlent les êtres vivants au monde en même temps que nous, à qui nous devons le respect, le saumon de la rivière, l’ours de la forêt, les pierres lisses des torrents.

Lorsque nous lisons cet extrait, les manipulations de l’animisme – et de sa caractéristique naturelle - comme objet thématique nous apparaissent évidentes. L’énumération des différents éléments naturels et de leur lien « d’allié » à l’homme par la plume de l’écrivain peuvent nous amener à penser que nous sommes là précisément face à un cas de mise en scène d’une réification à des fins exotiques. D’autant plus que cet extrait figure dans une préface, texte qui a donc vocation à présenter le recueil aux lecteurs. Ainsi, le topos de la relation à la nature est immédiatement annoncé et assumé par une parole extérieure. Mais il l’est également tout au long du texte par la poète elle-même qui place cette thématique en sujet principal de la plupart des poèmes. Je souhaite proposer ici de nous arrêter, dans un premier temps, au premier degré de la lecture. L’exotisme potentiel des textes sera interrogé dans une partie suivante. Il est à mon sens important, pour une étude du motif, de commencer par une première approche du texte littéraire, d’en saisir les images afin de circonscrire l’univers littéraire proposé aux lecteurs. De plus, la présence de ces motifs / objets de l’animisme comme un leitmotiv parcourant les poèmes de Rita Mestokosho nous invite à adopter un regard propre à la première expérience de lecture. C’est au cours de cette première lecture que la dimension figurative du motif est la plus prégnante, construisant un canevas hyperlisible que nous, lecteur, traversons comme un marcheur traverse un paysage.

La relation à la nature s’y traduit en mots évocateurs. Ces différents titres de poèmes en témoignent : Beauté de la nature (Mestokosho, 2008 : 17), Gardien de la terre

(Mestokosho, 2008 : 38), Sous un feu de rocher (Mestokosho, 2008 : 43), ou encore Née de la pluie (Mestokosho, 2008 : 55) qui commence sur ces vers : « Je suis née de la pluie et de la terre ». Cette saturation d’images me semble être une incarnation textuelle de l’omniprésence de la nature sur la Côte-Nord, là où vivent les Innu. Il faut ici rappeler que le recueil de Rita Mestokosho n’est pas un livre « écrit depuis la ville », tout comme ceux de Joséphine Bacon ou Natasha Kanapé Fontaine qui revendiquent avec constance l’importance de leur enfance et de leurs séjours réguliers au Nitassinan. Il faut, selon moi, ne pas avoir peur du topos des grands espaces, ni de dire que ce sont des textes qui prennent racine dans une région qui frappe par son immensité, la proximité du fleuve St- Laurent et des forêts d’épinettes. Tout comme celui qui se rend sur la Côte-Nord est d’abord saisi par ce paysage, le lecteur des textes, lorsqu’il traverse la poésie de Rita Mestokosho, se confronte en premier lieu au thème de la nature. Lorsque je me suis rendue dans la communauté de cette poète, Ekuanitshit, l’aspect animiste de la relation à la nature (à savoir une continuité de l’homme avec celle-ci dont il n’est qu’un maillon) était présent dans les discours et pratiques quotidiennes. Ainsi, Adéline, qui m’hébergeait et avec qui je

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