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La molécule d’eau est composée d’atomes d’oxygène et d’hydrogène, mais qui peuvent différer dans leur nombre de neutrons, créant ainsi plusieurs isotopes pour un même élément, mais dont le nombre de protons reste le même. Ces isotopes d’un même élément peuvent être soit stables, soit radioactifs par excès de neutrons ou de protons, créant ainsi différents isotopes de l’hydrogène et de l’oxygène pour l’eau. En général, les éléments avec des nombres identiques de protons et/ou de neutrons sont plus stables et sont par conséquent plus représentés dans la nature [Rapport IAEA, 2008]. Pour les isotopes stables de l’oxygène, on obtient alors les proportions de 0,1995% de 18O,

0,0375% de 17O et 99,9844% pour 16O. Pour ceux de l’hydrogène, ces proportions sont les suivantes :

0,0156% pour le 2H et 99,9844% pour le 1H.

Pour ces éléments, les masses atomiques sont faibles (éléments légers) et la différence relative entre les masses de leurs isotopes est importante. Ces éléments se trouvent dans différentes espèces chimiques (en plus de l’eau) et sous différentes formes physiques (gaz, solide, liquide) dans la nature. L’ensemble de ces propriétés entraîne des fractionnements isotopiques plus ou moins importants suivant l’élément et les processus physico-chimiques en jeu.

Pour étudier le fractionnement isotopique, on fait donc appel à un rapport entre la teneur de l’isotope rare et la teneur de l’isotope abondant :

soit le rapport isotopique 18O/16O pour l’oxygène et le rapport isotopique 2H/1H pour l’hydrogène.

Les rapports obtenus sont si petits que l’on utilise une notation plus pratique (la notation δ) qui fait

référence au rapport isotopique mesuré dans l’échantillon (Réchantillon), en comparaison avec le rapport

isotopique d’un échantillon standard (Rstandard),:

Eq. 1 avec R=18O/16O

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Eq. 2

avec R=D/H

Le standard utilisé est le SMOW (Standard Mean Ocean Water) représentant une eau de mer de composition moyenne.

Bien que d’autres rapports standards soient utilisés selon le champ d’application, et que le rapport SMOW définisse le rapport isotopique moyen de l’eau de mer qui est basé lui même sur un échantillon de référence (NSB1, du Bureau National des Standards aux Etats-Unis), un nouveau rapport VSMOW apparaît en 1976 pour fixer clairement le standard [IAEA, 2008]. Par la même occasion, cette

définition du VSMOW permet une utilisation de ce standard aussi bien pour le 18O et le deutérium, et

qui est proche du rapport SMOW initial. On utilisera donc ce rapport de référence VSMOW par la suite.

Comme évoqué ci-dessus, le fractionnement isotopique par rapport à l’eau de mer a lieu dès qu’un phénomène favorise la présence d’un isotope par rapport à l’autre. En effet, à partir du moment où l’eau s’évapore de l’océan, le rapport isotopique entre l’isotope lourd et l’isotope léger de l’oxygène et de l’hydrogène, évolue, il y a donc un fractionnement. Ce rapport va continuer à évoluer au cours du transport de la vapeur d’eau, du fait d’échanges avec l’atmosphère et sous l’influence des reliefs (Cf. Figure 43).

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Figure 43 : Schéma représentant les différents fractionnements isotopiques de l’oxygène au cours des processus

d’évaporation-transport-condensation dans l’atmosphère, notamment la distillation de Rayleigh, croissante avec la continentalité et les altitudes des reliefs. D’après [White, 1999], issu de [Gal, 2005].

Dès que débute l’évaporation, un fractionnement isotopique se produit entrainant l’appauvrissement

en isotopes lourds (18O, 2H) de la vapeur d’eau par rapport à l’eau liquide. Plusieurs phénomènes sont

responsables du fractionnement isotopique au cours du transport des molécules d’eau dans l’atmosphère et les interactions avec le relief qui peuvent avoir lieu lors des précipitations (températures, altitudes, continentalité, variations spatiales et temporelles, origine des masses d’air, saisonnalité, latitude, etc.). Ainsi, des températures froides, des altitudes élevées, une continentalité forte (grande distance par rapport à la mer), ou une latitude élevée, entrainent des appauvrissements en

isotopes lourds de la vapeur d’eau et donc des δ18O et δD plus négatifs.

Du fait de ces variations, les eaux météoriques mondiales se répartissent selon une droite d‘équation δD = 8 δ18

O + 10 [IAEA, 2008] dans un diagramme δD vs δ18

O. Cette droite est appelée la droite des eaux météoriques mondiales (DMM). Du fait des variations spatiales (latitude, géographie) et

temporelles comme l’origine des masses d’air (Atlantique δD≈10‰ ou Méditerranée δD≈14 à 22‰

selon la longitude) [Gal, 2005], du fait de la saisonnalité (température influençant les compositions isotopiques des pluies), des écarts à la droite des eaux météoriques mondiales sont localement observés, on définit alors des droites des eaux météoriques locales.

De manière générale, l’altitude à laquelle les eaux météoriques atteignent le sol influence les compositions isotopiques : le delta sera d’autant plus négatif que l’altitude sera élevée. Les variations

théoriques attendues sont de l’ordre de -0,2‰/100m pour le δ18

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2008]. Cependant, différents processus affectent le rapport isotopique de la molécule d’eau durant son transport, ce qui vient masquer ou rendre plus difficile l’identification de l’origine de l’eau (Cf. Figure 44), sachant que la plupart du temps, plusieurs phénomènes s’ajoutent. De ce fait, et compte-tenu de la topographie de la tête du bassin versant du Lignon (dénivelé d’environ 500 mètres), des variations des compositions isotopiques de l’oxygène et de l’hydrogène des eaux des cours d’eau peuvent être attendues entre les différents points de prélèvement. Ceci pourrait ainsi fournir des informations sur l’altitude principale d’alimentation du Lignon pour les périodes de basses et hautes eaux.

Figure 44 : Représentation schématique des différents processus pouvant affecter la composition isotopique de l’oxygène et de l’hydrogène d’une molécule d’eau durant son transport et ses interactions avec le sol et sous-sol, en comparaison avec la droite météorique locale, d’après [Clark et Fritz, 1997].

On peut noter par exemple les alternances évaporation-sublimation par beau temps, condensation sur la neige par temps de brouillard, ou bien des pluies sur le manteau neigeux qui vont modifier les rapports isotopiques d’eaux que l’on croit exclusivement nivales. De plus, il faut chercher à déterminer les parts respectives des tributaires du Lignon, ayant des rapports isotopiques différents, dans le mélange des eaux aval.

177 III.7.2 - Travaux de reconnaissance

Les premières observations de terrain montraient une conductivité électrique légèrement plus faible à Q1 (R1, Cf. Figures 45 et 46) en période de fonte printanière, suggérant une dilution de l’eau d’origine supposée « souterraine » par une eau « superficielle » provenant de la fonte de la neige. Dès le début de ce travail de thèse, les observations concernant les eaux très peu chargées des sources du Lignon laissaient supposer une alimentation exclusivement superficielle, d’après une conductivité

électrique proche de 11 à 14 µS/cm en période « humide » (hiver et printemps). En été, alors que les

sources sont basses, l’origine de l’eau étant probablement plus souterraine ou ayant un temps de résidence plus long, les conductivités en période « sèche » auraient dû être plus élevées. Les résultats de plusieurs prélèvements en période d’étiage ont révélé une certaine constance des conductivités, toujours très peu élevées, aux alentours de 20 µS/cm. Une sonde mesurant la conductivité en continu a donc été installée au seuil Q1 (voir Figure 44), afin d’étudier la dilution des eaux en période de fonte par rapport au reste de l’année. Plus en aval, les conductivités électriques ont été mesurées lors des prélèvements d’eau et lors de diverses visites de terrain (Cf. Tableau en annexes M4).

Figure 45 : Schéma de la configuration des cours d‘eau échantillonnés et localisation des points de prélèvement.

Les sous-bassins versants du site expérimental ont été représentés avec les lignes tiretées de couleur. Les lignes tiretées en noir illustrent des tributaires temporaires notables lors des hautes eaux. Cette représentation simplifiée n’est pas à l’échelle.

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Figure 46 : Localisation des stations de prélèvement (notées RX) d’eau pour les analyses géochimiques dans le bassin versant du Lignon.

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