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Chapitre 2 : SUPPORTS ET GUIDES OPTIQUES EN VERRES INFRAROUGES

2. Les verres de chalcogénures

2.1. Généralités sur les verres de chalcogénures

Le verre est un matériau courant dans la vie de tous les jours. Il s’obtient généralement par un refroidissement rapide, nommé la trempe, d’un liquide porté à haute température. La viscosité augmente jusqu’à la solidification totale du verre. Sa structure peut donc être assimilée à celle d’un liquide figé. Cependant, durant le refroidissement, deux phénomènes peuvent se produire (Figure 2-1).

Figure 2-1 : Evolution du volume V d'un matériau lors d'un refroidissement [1].

Le premier est la cristallisation se produisant à la température de cristallisation (Tc ou Tf) lorsque les atomes ont le temps de s’organiser pour former des cristaux par nucléation ou croissance. Le second est le phénomène de transition vitreuse, qui a lieu à la température de transition vitreuse (Tg) et se produit lors du passage d’un matériau dans un état de liquide surfondu occupant un grand volume à

60 celle d’un solide, donc le verre, dont le volume est plus restreint. Une définition appropriée est celle de Zarzycki [2] qui définit le verre comme « un solide non cristallisé qui présente le phénomène de transition vitreuse ».

De façon générale, les verres pour l’optique peuvent être classés en trois familles selon leur composition chimique : les verres d’oxydes, les verres d’halogénures et les verres de chalcogénures. Mise à part une composition chimique différente, ces verres se distinguent aussi par leurs propriétés mécaniques et notamment optiques avec un domaine de transparence plus ou moins étendu dans l’infrarouge (Figure 1-2).

Figure 1-2 : Domaine de transparence des différents verres.

Les verres d’oxydes, à base de silice SiO2, présentent de bonnes propriétés thermomécaniques permettant de les mettre aisément en forme, sont transparents dans le visible, sont stables chimiquement et, dans le cas des fibres optiques de silice pur, présentent de très faibles pertes pouvant aller jusqu’à 0,2 dB.km-1 à 1,55 µm [3]. Ces propriétés expliquent qu’ils sont les principaux verres utilisés dans l’industrie, notamment pour la fabrication de bouteilles et de vitrage, ainsi que dans les télécommunications. D’un point de vue optique, ces verres sont limités au proche infrarouge puisque leur domaine de transparence ne s’étend que jusqu’à environ 3 µm. Leur utilisation dans le domaine des capteurs en est donc restreinte.

La famille des verres d’halogénures (fluorures, bromures, chlorures, iodures) est plus intéressante du point de vue optique puisqu’ils sont davantage transparents dans l’infrarouge. Les compositions les plus courantes sont à base de BeF2, ZrF4, AlF3. Les verres de fluorure ont été découvert au laboratoire Verres et Céramiques en 1974 [4]. L’introduction d’éléments plus lourds dans la composition du verre en remplacement de l’oxygène permet l’élargissement de la fenêtre spectrale grâce à l’abaissement de la fréquence de vibration des liaisons du réseau vitreux diminuant l’absorption multiphonon. Cependant, ces verres à caractère ionique sont moins stables chimiquement, hygroscopiques, sont réactifs avec l’eau et sont sensibles aux chocs thermiques rendant alors leur synthèse moins aisée.

Longueur d’onde (µm) T ra n s m is si o n ( % )

61 Les verres de chalcogénures résultent de l’association de chalcogènes, éléments du groupe VIa (soufre, sélénium, tellure), et d’éléments proches dans le tableau périodique comme ceux du groupe IIIa (gallium, indium), IVa (germanium, silicium), Va (antimoine, arsenic) et VIIa (fluor, chlore, brome,

iode). De nombreuses compositions sont alors possibles combinant plusieurs éléments comme AsS3,

As2Se3, GeS4, Te2As3Se5, Ge20Ga5Sb10S65.

La première étude sur cette famille de verre date de 1870 [5]. La transparence infrarouge du verre

As2S3 fut démontrée par Sellack. En 1950 [6], une étude plus approfondie menée par Frerichs conclut

que ce verre transmet jusqu’à 8 µm et partiellement jusqu’à 12 µm. Le verre As2S3 fut le premier

commercialement développé dans les années 1950. Par la suite, d’autres verres au soufre ainsi que

ceux au sélénium furent développés. Dans les années 1950/1960, leurs principales applications concernaient la vision nocturne et les pertes thermiques [7-10]. Dans les années 1970, des travaux ont été entrepris sur leur potentiel d’application en électronique et, dans les années 1980 ces verres ont été utilisés dans le secteur des télécommunications pour concurrencer les fibres optiques à base de silice [11, 12]. Aujourd’hui, des fibres optiques en verre de chalcogénures peuvent être utilisées pour la détection du CO2, de polluants en milieu aqueux, pour la microbiologie et la santé ainsi que dans l’interférométrie spatiale [13]. Une application importante des verres de chalcogénures est leur utilisation dans la technologie CD/DVD-RW utilisant la mémoire à changement de phase [14].

Les domaines d’applications en optique des verres de chalcogénures sont classés en deux catégories. La première est l’optique passive utilisant les propriétés de transparence dans l’infrarouge pour le domaine des capteurs (fibres optiques, lentilles,..). La seconde est l’optique active utilisant les propriétés d’amplification optique par dopage du verre à l’aide des éléments terres rares [15].

La stœchiométrie de ces verres modifie le squelette structural du réseau vitreux qui peut alors prendre plusieurs dimensionnalités. Le sélénium, qui vitrifie facilement, est constitué de chaînes formant une structure mono dimensionnelle 1D. Les réseaux bidimensionnels 2D sont formés de pyramides triangulaires comme pour AsS3. Les structures tridimensionnelles 3D sont quant à elles formées de

tétraèdres connectés dans les trois directions de l’espace comme dans le cas de GeSe4. Dans tous

les cas, la nature des liaisons est de type covalente.

Les deux principales caractéristiques de ces verres sont leur fenêtre spectrale étendue dans le domaine infrarouge et leur capacité de mise en forme.

Ces matériaux peuvent être transparents dans l’infrarouge jusqu’à 20-25 µm selon la composition [16]. Ainsi, les verres à base de soufre sont transparents jusqu’à environ 10 µm, ceux à base de sélénium jusqu’à 15 µm et ce domaine peut être étendu à 20-25 µm pour ceux à base de tellure (Figure 1-3).

62 Figure 1-3 : Domaine de transparence infrarouge des 3 classes de verres de chalcogénures. Aux basses longueurs d’onde, leur transparence est limitée par les transitions électroniques de la bande de valence vers la bande de conduction couramment nommé le band-gap et généralement située dans le proche infrarouge. Ces verres sont généralement opaques à la lumière visible et présentent un éclat métallique comme par exemple ceux à base de sélénium et de tellure qui sont noirs (Figure 1-4).

Figure 1-4 : Verres à base de tellure (à gauche) et de soufre (à droite).

Cependant, certaines compositions à base de soufre ont un band-gap situé dans le visible et sont translucides [11] rouge, voire orange, rendant par exemple le réglage d’un faisceau laser possible par transparence ou permet aussi de contrôler l’état de vitrification du verre. Aux plus hautes longueurs d’onde, la limite de transparence est gouvernée par les énergies de liaison des vibrations fondamentales du réseau appelées aussi absorption multiphonon. La fréquence de vibration des liaisons chimiques du réseau est donnée par la relation suivante :

= 1 k μ (Eq. 1) Avec :

µ = m

1

∙ m

2

m

1

+ m

2

(Eq. 2)

µ étant la masse réduite, k la constante de force de la liaison, m1 et m2 sont les masses des deux atomes liés. Cette relation montre que la fréquence de vibration est d’autant plus faible que les

Verre au soufre

Verre au sélénium

63 atomes sont lourds et par conséquent décale la limite de transparence vers les hautes longueurs d’onde.

Enfin, l’autre caractéristique de ces verres est leur capacité de mise en forme grâce à leurs propriétés viscoélastiques et notamment leur température de transition vitreuse relativement basse, quelques centaines de degrés. Ainsi, selon l’application visée, il est possible de leur donner des formes diverses allant des fibres optiques dans le domaine des capteurs aux lentilles pour la vision nocturne [17].

Par ailleurs, ces matériaux sont considérés comme des semi-conducteurs avec des bandes interdites d’énergie allant de 1 à 3 eV [18, 19]. Par comparaison, les verres d’oxydes qui sont plutôt isolants, présentent des bandes d’énergie interdites Eg d’au moins 5 eV. Enfin, ces matériaux possèdent des indices de réfraction élevés entre 2 et 4 et sont donc aussi intéressants pour certaines applications.