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1.3 Contrôlabilité d’équations paraboliques en dimension infinie avec contrainte

1.3.1 Généralités ; résultats existants

Les résultats standard de contrôlabilité assurent que l’on peut atteindre une cible à partir d’un point de départ, sans pour autant présager du comportement de la solution entre ces deux états. Or, de nombreux systèmes d’équations décrivent des phénomènes physiques avec des variables positives (température, concentration...). Il est donc naturel d’exiger de pouvoir les contrôler tout en conservant la positivité de l’état tout au long de la trajectoire – ou, plus généralement, d’exiger que la trajectoire reste dans une région déterminée de l’espace d’état. Ce problème connaît ces dernières années un intérêt croissant avec de nombreuses avancées prometteuses : citons [LTZ18] pour les EDO et [LTZ17,PZ17] pour les EDP.

La contrainte de positivité sur l’état engendre des phénomènes intéressants : la contrôla- bilité avec état positif n’est pas toujours possible, même si le système étudié est contrôlable sans contrainte [PZ17]. Dans les cas où il est possible de contrôler avec état positif, on peut avoir existence d’un temps minimal de contrôlabilité [LTZ17].

Je m’intéresserai dans cette section à des équations aux dérivées partielles paraboliques faisant intervenir un opérateur elliptique en espace ainsi que la dérivée première temporelle de l’état. L’évolution de ce type d’équations est notamment caractérisée par des phénomènes de diffusion, de régularisation et de dissipation de l’énergie dans le cas linéaire, et de possible explosion en temps fini dans le cas non linéaire. Dans le cas le plus simple qui est celui de l’équation de la chaleur linéaire, la contrôlabilité [LR95,FI96] et la contrôlabilité avec état positif [LTZ17] sont connues.

La contribution de ma thèse consiste en des résultats similaires pour des systèmes d’équa- tions paraboliques linéaires couplées. J’ai établi que, sous de bonnes hypothèses :

— si la matrice de couplage du terme de diffusion est égale à la matrice identité, alors on peut contrôler vers une trajectoire en conservant la positivité de l’état (Théorème 1.38) ;

— si la matrice de couplage est diagonalisable, on peut contrôler vers une trajectoire globalement bornée en conservant approximativement la positivité de l’état (Théorème

1.3 Contrôlabilité d’équations paraboliques

1.41).

La présente section 1.3.1 décrit brièvement l’état de l’art. Mes résultats sont présentés dans la section1.3.2et la section1.3.3est consacrée aux perspectives futures de mon travail, notamment à une extension possible à des équations paraboliques semilinéaires avec un contrôle interne.

Dans toute la section 1.3, d est un entier naturel non nul, Ω désigne un ouvert borné connexe non vide de Rd, au bord régulier et ω un ouvert non vide inclus dans Ω. L’opérateur laplacien sur Ω est noté ∆.

Contrôle de l’équation de la chaleur

Soit T > 0. On considère l’équation de la chaleur linéaire avec contrôle interne et condition au bord de Neumann      ∂ty − ∆y = 1ωu sur (0, T ) × Ω, ∂y ∂n = 0 sur (0, T ) × ∂Ω, y(0, ·) = y0 sur Ω. (1.28)

Étant donné y0 ∈ L∞(Ω), on appelle trajectoire libre issue de y

0 la solution de (1.28) avec

condition initiale y0 et contrôle u = 0.

Commençons par définir la notion de contrôlabilité que l’on utilisera dans la suite. Définition 1.30 (Contrôlabilité aux trajectoires). Soit T > 0. Le système (1.28) est dit

contrôlable aux trajectoires en temps T si, pour tout y0, ¯y0 ∈ L∞(Ω), il existe un contrôle u

dans L∞((0, T ) × ω) tel que la solution y de (1.28) avec condition initiale y0 et contrôle u vérifie

y(T, ·) = ¯y(T, ·), (1.29) où ¯y est la trajectoire libre issue de ¯y0.

Le résultat suivant a été démontré pour d = 1 dans [FR71] et en dimension quelconque dans [LR95,FI96].

Théorème 1.31. Le système (1.28) est contrôlable aux trajectoires en tout temps.

Plus récemment, dans [LTZ17], J. Lohéac, E. Trélat et E. Zuazua ont montré que l’équa- tion est également contrôlable vers un état d’équilibre positif en conservant la positivité de la solution. Toutefois, dans ce cas, la contrôlabilité en temps quelconque n’est pas préservée : il existe un temps minimal strictement positif dépendant de la condition initiale et de la cible. Théorème 1.32 ([LTZ17, Theorem 4.1]). Soit y0 ∈ L∞(Ω) non identiquement nul tel que

y0 > 0, et y1 un état d’équilibre du système (1.28). Supposons qu’il existe ζ > 0 tel que y1> ζ

sur Ω. Alors, il existe T > 0 et un contrôle u ∈ L2((0, T ) × ω) tels que la solution y de (1.28)

avec condition initiale y0 et contrôle u vérifie y(T ) = y1 et qu’on aie de plus

∀(t, x) ∈ (0, T ) × Ω, y(t, x) > 0.

Remarque 1.33. Un résultat analogue avec contrôle au bord est également énoncé dans [LTZ17].

Les démonstrations de mes résultats (Théorèmes 1.38 et 1.41 ci-dessous) sont inspirées de celle de ce théorème dont on présente les principaux arguments ici. La preuve repose en grande partie sur le lemme suivant :

Lemme 1.34 ([LTZ17, Lemma 4.1]). Soit y0, y1 ∈ L∞(Ω) et τ > 0. Il existe C(τ ) > 0 et

un contrôle u ∈ L2((0, τ ) × ω) tels que la solution y de (1.28) avec condition initiale y0 et contrôle u vérifie y(τ ) = y1 et qu’on aie de plus

∀t ∈ (0, T ), ky(t) − ˜y(t)kL(Ω) 6 C(τ )ky0− y1kL2(Ω),

où ˜y est la trajectoire libre de (1.28) issue de y0.

Soit τ > 0, ε > 0 et y0 et y1 définis comme dans le théorème. La construction de la trajectoire contrôlée s’effectue en plusieurs étapes :

1. partant de y0, on laisse évoluer l’équation sans contrôle. L’état converge alors en norme

L2 vers l’état d’équilibre constant ¯y0 = |Ω|1

R

y0 (qui est strictement positif car y0 n’est

pas identiquement nul). On attend suffisamment longtemps pour atteindre un état y0 très proche (i.e. à ε près en norme L2) de ¯y

0.

2. on contrôle de y0 vers ¯y0 en temps τ . Comme ces deux états sont proches, on s’assure

grâce au Lemme 1.34 que la trajectoire contrôlée reste proche en norme L∞ de la trajectoire libre issue de y0, et donc positive pourvu que ε soit pris suffisamment petit. 3. on prend N dans N tel que N > |y1−¯y0|

ε et on définit N états d’équilibre intermédiaires

par

∀k ∈ {1, . . . , N }, yk= (1 − k

Ny0+ k

Ny1. (1.30)

On définit ensuite N contrôles conduisant de ¯y0 vers y1 puis, pour k ∈ {1, . . . , N }, de

yk vers yk+1 en temps τ , et on utilise à chaque étape le Lemme 1.34 pour s’assurer

que la trajectoire contrôlée entre yket yk+1 reste proche en norme L∞ de la trajectoire libre issue de yk, et donc positive pourvu que ε, défini à l’étape précédente, soit pris suffisamment petit.

Enfin, on concatène les contrôles définis aux points1,2et3et on a bien construit un contrôle qui guide le système de y0 à y1 en gardant l’état positif.

Remarque 1.35. La technique utilisée par les auteurs de [LTZ17] au point 3 de cette preuve, qui consiste à se diriger vers la trajectoire cible en passant par une succession d’états d’équilibre constants proches les uns des autres, est dite « en escalier ». On s’assure, en combinant la proximité de ces états successifs avec un lemme de type Lemme 1.34, que la trajectoire contrôlée reste donc proche des états d’équilibre constants, ce qui permet de conclure sur la positivité de l’état.

J’exploite cette technique dans la suite pour démontrer des résultats similaires dans le cas d’un système parabolique couplé. Pour le Théorème 1.38, l’« escalier » est constitué de trajectoires et non plus d’états d’équilibre (voir Figure1.1), mais l’esprit de la preuve reste le même.

1.3 Contrôlabilité d’équations paraboliques

Contrôle de systèmes paraboliques linéaires

Étudions maintenant les propriétés de contrôlabilité de plusieurs équations paraboliques couplées. Soit R un opérateur elliptique auto-adjoint du second ordre donné par

R =

d

X

i,j=1

∂i(rij(x)∂j) + c(x), (1.31)

avec c ∈ L(Ω), et rij ∈ W1,∞(Ω) pour i, j ∈ {1, . . . , d} vérifiant

rij(x) = rji(x) (1.32) et la condition d’ellipticité ∃α > 0, ∀ξ ∈ Rd, d X i,j=1 rij(x)ξiξj > a0|ξ|2 (1.33)

presque partout sur Ω.

Soient n, m des entiers naturels non nuls. On considère le système linéaire avec condition au bord de Neumann     

∂tY − DRY = AY + Bu1ω sur (0, T ) × Ω; ∂Y

∂n = 0 sur (0, T ) × ∂Ω;

Y (0, ·) = Y0(·) sur Ω.

(1.34)

avec A ∈ Mn(R), B ∈ Mn,m(R), et D ∈ Mn(R) diagonalisable.

En tant qu’opérateur auto-adjoint, −R admet une suite (λp)p∈N de valeurs propres véri-

fiant

0 = λ0< λ1 6 λ26 . . . , lim

p→+∞λp+ ∞,

associées à des fonctions propres (φp)p∈N formant une base orthonormée de L2(Ω). Étant données deux matrices A dans Mn(R) et B dans Mn,m(R), on note

[A|B] =B AB . . . An−1B  . (1.35)

la matrice de Kalman associée à A et B.

La contrôlabilité du système (1.34) est donnée par une condition de type Kalman (voir Théorème1.3 :

Théorème 1.36 ([AKBDGB09b]). Le système (1.34) est contrôlable aux trajectoires en tout

temps si et seulement si, pour tout p dans N,

rank [(−λpD + A)|B] = n. (1.36)

Remarque 1.37. Dans le cas où D = In, la condition (1.36) devient simplement

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