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Partie 2 : Le microenvironnement tumoral

I. Généralités

Les tumeurs solides ne sont pas seulement des masses de cellules malignes, mais des organes anormaux complexes, composés de multiples types cellulaires intégrés dans une matrice (Figure 8). Les cellules cancéreuses sont capables de recruter et de corrompre des cellules non transformées afin que celles-ci supportent le développement tumoral. Le microenvironnement tumoral (MET) peut être divisé en 3 parties : les cellules d’origine hématopoïétique, les cellules d’origine mésenchymateuse et les composants non cellulaires. Les proportions de ces trois classes de composants varient en fonction de l’origine des tumeurs et de leur progression (Egeblad et al., 2010; Joyce and Pollard, 2009; Quail and Joyce, 2013).

Les cellules d’origine hématopoïétique proviennent de la moelle osseuse et peuvent être subdivisées en deux groupes : les cellules de la lignée lymphoïde (cellules T, cellules B et cellules « natural killer ») et les cellules de la lignée myéloïde (macrophages, neutrophiles et cellules myéloïdes suppressives). Ces cellules participent à l’inflammation observée dans les tumeurs solides et régulent non seulement la réponse immunitaire, mais aussi l’angiogénèse, la croissance tumorale et la dissémination métastatique. Par exemple, au cours de la carcinogénèse, les macrophages sont recrutés et ont en premier lieu un rôle anti-tumoral. Cependant, suite à l’exposition à diverses cytokines présentes dans le stroma, ils se différencient et participent alors activement au développement de la tumeur notamment via la sécrétion de nombreux facteurs de croissance, cytokines, protéases et facteurs angiogéniques (Condeelis and Pollard, 2006; Murdoch et al., 2008; Pollard, 2009). De la même manière, il a été démontré que les neutrophiles, possédant des propriétés anti-tumorales, devenaient pro-tumorigéniques en présence de TGFβ retrouvé dans le MET (Nozawa et al., 2006; Shojaei et al., 2008).

Les cellules d’origine mésenchymateuse comprennent les fibroblastes, les cellules souches mésenchymateuses (MSC), les adipocytes et les cellules endothéliales. Ces cellules participent à l’angiogénèse et la lymphangiogénèse, au remodelage de la MEC, à la croissance tumorale mais aussi à l’invasion des cellules cancéreuses. Les fibroblastes et les MSC dérivés de la moelle osseuse soutiennent directement les cellules cancéreuses en créant une niche favorable (c'est-à-dire un environnement spécifique) et en facilitant la progression tumorale (Gaggioli et al., 2007; Quante et al., 2011). Jusqu’à présent, les adipocytes étaient considérés comme des cellules de stockage d'énergie; cependant, des études récentes ont révélé l'importance des facteurs sécrétés par les adipocytes (par exemple, le facteur de croissance des hépatocytes, HGF) dans la progression des cancers du sein (Dirat et al., 2011; Huang et al., 2017). Les cellules endothéliales et les péricytes, qui constituent les parois des vaisseaux sanguins, jouent un rôle majeur dans la fonctionnalité vasculaire et l'angiogénèse, ainsi que dans la régulation de la diffusion des cellules cancéreuses (Butler et al., 2010).

La principale composante non cellulaire du microenvironnement tumoral est la matrice extracellulaire. Contrairement aux conditions physiologiques, la MEC tumorale est fortement modifiée. En effet, celle-ci est plus abondante, sa composition est altérée et elle contient de nombreux facteurs pro-tumoraux. Par conséquent, cette MEC influence la progression des tumeurs à la fois par des interactions architecturales et biochimiques.

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Figure 9 : Les cellules du microenvironnement tumoral participent aux différentes caractéristiques qui définissent les cellules cancéreuses.

Parmi les caractéristiques tumorales décrites par Hanahan and Weinberg, seule la réplication indéfinie n’a pas encore été décrite pour être influencée par les différentes cellules présentent dans le microenvironnement. Ces dernières peuvent être divisées en trois classes : les cellules immunitaires, les cellules vasculaires et les fibroblastes associés aux carcinomes. Ce schéma illustre la diversité de leur contribution dans l’établissement d’une tumeur. L’importance de chacune de ces classes de cellules stromales varie selon le type de tumeur et l'organe d’origine. D’après Hanahan and Coussens (2012).

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Tous ces composants du MET participent activement au développement des tumeurs, influençant ainsi toutes les caractéristiques des cellules tumorales (Figure 9 ; Hanahan and Coussens, 2012). Il est aujourd’hui admis que le MET participe à toutes les étapes de la cancérogénèse, de l’initiation tumorale à la dissémination métastatique et au développement de tumeurs secondaires.

Par ailleurs, le MET contribue à la résistance aux thérapies (Correia and Bissell, 2012; Klemm and Joyce, 2015) de part ses propriétés intrinsèques mais aussi adaptatives suite au traitement lui-même. Les mécanismes intrinsèques au travers lesquels le MET module la réponse aux traitements impliquent des propriétés préexistantes de la tumeur comprenant : une vasculature chaotique et souvent inefficace de la tumeur, une pression du fluide interstitiel élevée, une rigidité tissulaire accrue et la présence de niche stromale. Toutes ces caractéristiques inhibent la distribution intra- tumorale des médicaments. De plus, les échanges entre les cellules malignes et leur environnement induisent notamment une résistance à l’apoptose, inhibant ainsi les effets des agents chimiothérapeutiques. Par exemple, la liaison des cellules à la MEC permet l’activation des voies de signalisation FAK (focal adhesion kinase), PI3K (phosphoinositide 3-kinase)/Akt, STAT3 (signal transducer and activator of transcription 3) et NFκB (nuclear factor kappa light chain enhancer of activated B cells), toutes présentant des propriétés anti-apoptotiques (Alexander and Friedl, 2012; Desgrosellier and Cheresh, 2010). D’autre part, l’adhérence des cellules tumorales à la MEC induit une surexpression des transporteurs de la famille ABC (ATP Binding Cassette) qui confèrent aux cellules une multirésistance aux médicaments par leur export dans le milieu extracellulaire (El Azreq et al., 2012).

Les résistances extrinsèques impliquant le MET sont principalement dues à la réponse immune que les traitements déclenchent. Par exemple, dans le cancer du sein, le paclitaxel induit la surexpression des facteurs CSF-1 (colony-stimulating factor 1) et IL-34 (interleukin 34) par les cellules épithéliales, induisant le recrutement de macrophages contribuant à la chimiorésistance (DeNardo et al., 2011). Par conséquent, il est important de prendre en compte le MET lors de l’élaboration de thérapies anti- cancéreuses. L’un des composants clé du MET des carcinomes, sont les fibroblastes activés, appelés fibroblastes associés aux carcinomes (FAC). En effet, les FAC représentent la majorité des cellules non tumorales au sein du stroma. Ces cellules ont de multiples rôles lors de l’établissement et de la progression d’un cancer, notamment grâce à leur faculté de produire et modifier la composition de la MEC (Kalluri and Zeisberg, 2006; Kuzet and Gaggioli, 2016). Au cours de ma thèse je me suis particulièrement intéressée au rôle des FAC dans l’invasion collective des cellules de carcinomes.