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Partie 2 : Le microenvironnement tumoral

III. La matrice extracellulaire

1) Composition moléculaire

La MEC est un ensemble de macromolécules qui lie entre elles les cellules et les organise en tissus. Elle est composée majoritairement de deux types de macromolécules : les protéoglycanes et les protéines fibreuses (Hay, 1991, 2013; Mecham, 2001).

Les protéoglycanes composent la matière interstitielle. Plus précisément ils forment un gel hydrophile assurant une grande variété de fonctions telles que l’hydratation des tissus, la modulation de voies de signalisation, et la résistance aux forces de tensions (Esko et al., 2009; Yanagishita, 1993). Ils sont caractérisés par une protéine de base qui est liée de manière covalente à des glycosaminoglycanes (GAG). Les GAG sont des chaînes linéaires longues de disaccharides, non ramifiées, et chargées négativement. La nature de ces GAG, leur distribution sur la protéine de base, et leur densité, permettent de différencier les protéoglycanes (Cui et al., 2013; 2010). Les principaux GAG sont l’héparine sulfate, la chondroitine sulfate, le dermatane sulfate, le hyaluronane et la kératine sulfate (Cui et al., 2013; Simon Davis and Parish, 2013; 2010). Par exemple, les HSPGs (heparan sulfate proteoglycans) sont les composants majeurs des membranes basales.

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Figure 16 : Les différentes étapes de formation du collagène.

La formation du collagène fibrillaire nécessite 5 étapes successives. Premièrement, les chaînes α de collagène, composées d’un peptide entouré de deux propeptides, sont transcrites. Puis, ces chaînes sont assemblées sous forme de triple hélice, à partir de leur propeptide situé en C-terminal, dans le réticulum endoplasmique (RE). Ces triples hélices peuvent être composées d’homo ou d’hétérotrimères et forment le procollagène. Dans ce schéma l’exemple de l’assemblage de deux chaînes α1 avec une chaîne α2 est représenté. Par la suite, ce procollagène est sécrété dans la MEC via l’appareil de Golgi où des protéases vont cliver les propetides afin de former le collagène. Finalement, les fibres de collagène sont formées par la réticulation des molécules de collagène. Cette réticulation est effectuée par la lysyl-oxidase. Adapté de Mouw et al. (2014).

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Ils peuvent être liés à la surface des cellules comme les syndécans, le CD44v3 et les glypicans ; ou sécrétés dans la MEC comme l’agrine et le perlécan (Bishop et al., 2007). Les HSPGs ont des charges négatives élevées qui leur permettent de se lier facilement à d'autres protéines, comprenant des facteurs de croissance tels que le FGF, des chimiokines, d'autres protéines de la MEC telles que les laminines et la fibronectine, et des récepteurs de surface cellulaire (Aviezer et al., 1994; Bishop et al., 2007). En tant que tels, ils ont été impliqués dans la régulation de nombreux processus cellulaires comme la croissance et la migration (Häcker et al., 2005; Maeda et al., 2011).

De son côté, le collagène est la protéine fibreuse la plus abondante de la MEC. Il existe 28 types de collagènes différents chez l’homme (Gordon and Hahn, 2010; Hulmes, 2002) qui fournissent de la résistance aux forces de tensions, régulent l’adhérence cellulaire, supportent la chimiotaxie (mouvement non orienté de cellules en réponse à un stimulus chimique) et la migration cellulaire (Rozario and DeSimone, 2010). Majoritairement sécrétées par les fibroblastes (De Wever et al., 2008), le collagène est constitué d’homo ou d’hétérotrimères de chaînes polypetidiques α, assemblées sous forme de triple hélices (Figure 16 ; Brodsky and Persikov, 2005). Quatre étapes distinctes sont nécessaires à la formation du collagène fibrillaire extracellulaire, après la transcription et la traduction des chaînes α de procollagène. Premièrement, les chaînes α sont transportées dans le réticulum endoplasmique où elles sont assemblées en triple hélice. Puis, ces triples hélices de procollagène sont importées dans l’appareil de Golgi afin d’être sécrétées dans le milieu extracellulaire. Une fois exportées, les propeptides situés en N-terminal et C-terminal du procollagène sont clivés par des métalloprotéinases afin de former le collagène. Finalement, les molécules de collagènes sont réticulées par l’enzyme lysyl-oxidase (LOX), qui permet la formation de liaisons covalentes intra et intermoléculaires qui stabilisent la structure tridimensionnelle des fibres de collagène (Fratzl et al., 1998; Hulmes, 2002; Ricard-Blum and Ruggiero, 2005). De plus, les interactions du collagène fibrillaire avec les collagènes FACIT (fibril-associated collagens with interrupted triple helices) et les protéoglycanes ajoutent un niveau de complexité dans la structure et l’organisation de ces fibres (Kadler et al., 1996; Molnar et al., 2003). Les propriétés mécaniques du collagène fibrillaire sont principalement contrôlées par sa structure tridimensionnelle qui lui permet de résister aux forces de tension.

Par ailleurs, le collagène s’associe avec l’élastine, une autre protéine fibreuse importante de la MEC. Comme son nom l’indique, l’élastine assure l’élasticité des tissus (Wise and Weiss, 2009). Les molécules de tropoélastine (précurseur de l’élastine) sont assemblées et reliées aux fibres de collagènes par l’enzyme LOX (Lucero and Kagan, 2006).

Le collagène et les protéoglycanes représentent les constituants structurels majeurs de la MEC. Cependant, cette dernière est composée de nombreuses protéines supplémentaires, telles que la fibronectine qui permet de relier les différentes molécules de la MEC pour renforcer ce réseau. La fibronectine est une glycoprotéine de la MEC assemblée sous forme de fibres par les cellules (Singh et al., 2010). Chaque molécule de fibronectine est composée de trois modules de motifs répétés possédant des structures distinctes (; Schwarzbauer and DeSimone, 2011; Singh et al., 2010). Ces modules contiennent des motifs de liaison permettant l’interaction des molécules de fibronectine entre elles, la liaison avec des récepteurs cellulaires, avec le collagène et la gélatine. La fibronectine est retrouvée sous forme de dimères liés par des ponts disulfures en C-terminal. La liaison de ces dimères aux intégrines cellulaires conduit à l’activation et au regroupement des intégrines, ce qui favorise les interactions intermoléculaires de fibronectine et la formation de fibres.

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Figure 17 : Les fonctions de la matrice extracellulaire.

Les multiples fonctions exercées par la MEC, et illustrées dans cette figure, dépendent de ses propriétés physiques, biochimiques et biomécaniques. (1) L'ancrage des cellules à la MEC par les intégrines permet la transmission bidirectionnelle des signaux entre les parties extra et intracellulaires. Par exemple l'ancrage de la cellule aux membranes basales est essentiel pour le maintien de la polarité tissulaire. (2, 3) Selon le contexte et le remodelage de la MEC, la matrice peut bloquer ou au contraire faciliter la migration cellulaire. (4) La MEC est également une importante source de facteurs de croissance qu’elle retient en accrochant ces molécules, ainsi elle peut empêcher leur diffusion et créer des gradients de concentration. (5) Certains éléments de la MEC, comme les protéoglycanes et le récepteur de l'acide hyaluronique CD44, peuvent interagir avec différents facteurs de croissance retrouvés dans la MEC et jouer un rôle de corécepteur. (6) Cette interaction peut également permettre de transmettre le signal à une cellule voisine. (7) La dégradation de la MEC par des protéases comme les MMPs permet le relargage et l'activation protéolytique de facteurs de croissance, cytokines ou chemokines. (8) Finalement, les cellules sont sensibles aux propriétés biomécaniques de la MEC, comme un gain de rigidité, ce qui entraine des réponses biologiques diverses par le mécanisme de mécanotransduction.

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En effet, l’activation des intégrines entraine l’augmentation de la contractilité cellulaire qui permet aux cellules d’exercer des forces sur les molécules de fibronectine. Ces forces entraînent un changement de conformation de la fibronectine, exposant des sites de fixations cryptiques, qui, d’une part augmentent l’auto-assemblage des fibres de fibronectines, et d’autre part entraînent l’activation de voies de signalisation intracellulaires (Ilić et al., 2004; Schwarzbauer and DeSimone, 2011). La fibronectine permet donc une méchano-régulation du comportement cellulaire (Smith et al., 2007).

De plus, la MEC est un réservoir de facteurs de croissance. Par exemple, le FGF possède une affinité pour les protéoglycanes de la MEC. Sa fixation créée un gradient au sein de la matrice qui influence notamment le développement des glandes sous-mandibulaires (Makarenkova et al., 2009). Un autre exemple est celui du TGFβ. Ce dernier est retrouvé sous forme latente dans la MEC où il est couplé à la protéine LTBP (latent TGF beta binding protein). Sa libération influence de nombreux comportements cellulaires tels que le développement de la glande mammaire et des poumons (Dabovic et al., 2011; Ewan et al., 2002).

Au-delà d’être différente pour chaque tissu, la MEC est une entité hautement dynamique qui subit un remodelage permanent dont l'orchestration précise est cruciale pour le maintien de l’homéostasie. Ce remodelage, principalement effectué par les fibroblastes, est assuré par la coordination de la sécrétion de MMPs, de leurs inhibiteurs (TIMPs, Tissue inhibitor of metalloproteinase) et d’autres enzymes telles que les LOX.