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Entre 1995 et 2011, les fusions hospitalières ont davantage touché le secteur privé

3. DANS LE SECTEUR PUBLIC , L ES FUSIONS INTER - HOSPITALIERES ONT ETE DES REPONSES

3.1.2. Entre 1995 et 2011, les fusions hospitalières ont davantage touché le secteur privé

réalisées sur la période

3.1.2.1. Fusions et fermetures touchent davantage le secteur privé que le secteur public

[118] La mission a commenté supra (1.1.2.1.) les résultats de l’étude NFT/DEXIA sur 1995/2005 et l’évolution du nombre et des capacités des établissements de santé telle qu’elle ressort de SAE entre 2003 et 2008.

[119] En ce qui concerne plus particulièrement les fusions ou fermetures, l’étude NFT et les données SAE 2003-2008 se recoupent sur le fait que les établissements privés ont été en proportion plus nombreux que les EPS à avoir été touchés par une fusion ou une fermeture ; l’étude NFT montre par ailleurs que les fusions privées sont en général offensives (ce qu’illustre le fait qu’elles se traduisent souvent par une augmentation du nombre de lits), au contraire des fusions publiques qui sont en général défensives (et aboutissent à une diminution du nombre de lits).

[120] NFT a également complété son approche statistique avec huit monographies de territoires analysant les flux de patientèle avant et après restructuration. Elles illustrent ces différences d’approche entre EPS et cliniques, tout en offrant une évaluation de l’impact des restructurations sur la satisfaction des besoins locaux de santé :

- dans le secteur public, les opérations étudiées portaient sur des établissements de petite taille, relativement rapprochés les uns des autres ; d’après NFT, ces opérations, essentiellement défensives, n’ont pas dégradé la couverture des besoins sur le territoire, les données ne montrant pas de fuite vers les établissements d’un autre territoire ;

- dans le secteur privé, les opérations étudiées ont surtout concerné des établissements implantés dans des grandes villes ; de ce fait, elles n’ont pas dégradé la couverture des besoins territoriaux, mais elles ont pu avoir un effet indirect sur l’offre en fragilisant les établissements des zones périphériques du fait de leur caractère essentiellement offensif.

3.1.2.2. Au sein du secteur public, il y a eu 90 fusions entre EPS depuis 1995, principalement entre deux établissements de taille petite ou moyenne

 90 fusions entre EPS, plus de 200 directions communes

[121] En complétant les données NFT 1995-2005 des éléments disponibles auprès de l’ATIH et du CNG pour la période suivante, la mission a identifié 90 fusions entre établissements publics de santé sur la période 1995-2011. Le nombre d’EPS étant d’un millier environ, on peut donc affirmer que, au total, 9 % environ des établissements publics de santé ont fusionné sur les 15 dernières années.

[122] Ce chiffre peut être rapproché du nombre de directions communes (DC) connues du CNG : à la date de la mission, le CNG recense 211 DC impliquant au moins un centre hospitalier ou un hôpital local, dont 121 n’impliquant que des centres hospitaliers et/ou des hôpitaux locaux entre eux, les autres DC associant un centre hospitalier ou un hôpital local et une structure de long séjour ou un établissement sanitaire et social. 26 conventions de DC ont par ailleurs été dénoncées39. Globalement, on compte donc plus de 2,6 DC impliquant un EPS pour 1 fusion, mais seulement 1,45 DC n’impliquant que des EPS pour 1 fusion.

[123] Malgré sa lourdeur, la fusion entre EPS n’est donc pas une opération exceptionnelle par rapport aux DC entre EPS, alors que l’on aurait pu croire ces dernières beaucoup plus fréquentes, dans la mesure où elles sont nettement plus souples dans leur usage (et réversibles, puisque les établissements demeurent libres de dénoncer la convention qui institue une DC). A l’inverse, ces chiffres illustrent l’importance des liens stratégiques et opérationnels qui existent localement entre hôpitaux publics et établissements sanitaires et sociaux, avec 88 cas actifs de directions communes EPS/ESS dans la base CNG, et un nombre indéterminé mais probablement significatif de fusions EPS/ESS40.

[124] Cette question des rapprochements entre structures hospitalières et médico-sociales n’a pas été examinée par la mission, mais mériterait une étude spécifique afin notamment d’analyser leur intérêt éventuel dans le cadre de la constitution de filières cohérentes de prise en charge des patients, notamment les personnes âgées, de l’amont (médecine) vers l’aval (médico-social).

 Des opérations qui ont connu un pic à la fin des années 1990

[125] Le nombre annuel de fusions entre EPS a connu un premier pic concomitant avec la mise en place des ARH : ainsi, le nombre de fusions n’a fait qu’augmenter entre 1996 (3 fusions) et 2000 (12 fusions). Il est ensuite redescendu à 3 fusions en 2001 et oscille depuis entre 4 et 8/an41.

[126] Pour autant, les restructurations hospitalières ne s’étant pas arrêtées dans les années 2000, comme le montre la baisse sensible du nombre de lits MCO dans les EPS entre 2003 et 2008 relevée supra (1.1.2.2.), il semble donc que, contrairement à la fin des années 1990, les fusions n’aient pas été un outil privilégié pour conduire ces recompositions – ou que leur usage se soit

« normalisé », avec un flux plus régulier dans le temps, et moins corrélé à une politique active de restructurations à un moment donné comme à la fin des années 1990.

39 Ce décompte n’inclut pas les éventuelles directions communes qui auraient précédé les fusions recensées par la mission, qui ne sont pas identifiées sur les fichiers de suivi du CNG.

40 Faute de données exhaustives, la mission n’a pas été en mesure de recenser le nombre de fusions EPS/ESS sur les 15 dernières années, mais on peut déjà en relever 10 cas dans la base CNG.

41 En ce qui concerne l’année 2007, les données du CNG n’affichent aucune opération, mais elles n’ont pu être rapprochées des données de l’ATIH, qui ne remontent que jusqu’en 2008.

Graphique 1 : Evolution du nombre annuel de fusions d’EPS entre 1995 et 2011 Typologie des établissements résultant d'une fusion, par année

0 2 4 6 8 10 12 14

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Nombre de fusions

CH > 1 000

CH 500-999 lits MCO CH 200-499 lits MCO CH 100-199 lits MCO CH 0-99 lits MCO HL

Source : NFT, retraité par IGAS (95-05), données CNG et ATIH, retraitées par IGAS (06-11)

 Typologie des fusions d’EPS

[127] On rappelle que les fusions qui sont étudiées dans le présent rapport excluent les opérations de réunion d’un EPS et d’un établissement sanitaire et social (ESS), et que les données détaillées sont données dans l’annexe 10.

[128] Sur les 90 opérations recensées par la mission, 81 concernaient 2 établissements, 8 en concernaient 3 et une seule en concernait 4 : ainsi, seulement 1 fusion sur 10 concerne plus de deux établissements. Ces fusions impliquent en majorité des centres hospitaliers, soit qu’ils fusionnent entre eux (dans 60 % des cas), soit qu’ils fusionnent avec une autre structure – centre hospitalier spécialisé (CHS), hôpital local, centre de long séjour (CLS), clinique privée ou PSPH.

En termes de taille, les établissements résultant de fusion sont plus grands que la population générale des EPS : près de 80% des établissements résultant de fusion affichent plus de 200 lits, alors que la proportion d’EPS de plus de 200 lits n’était que d’à peine plus de 38 % en 2010.

[129] La mission a pu réunir des données sur les caractéristiques juridiques et capacitaires des entités parties prenantes des fusions pour 79 des 90 fusions qu’elle a recensées. Les analyses infra portent donc sur cet échantillon (168 structures en tout).

[130] Cette analyse montre tout d’abord une sous-représentation des HL parmi les établissements parties prenantes des fusions : les HL ne représentent en effet que 17 % des structures parties prenantes des fusions, alors qu’ils représentaient près de 31 % des EPS en 2010.

Pourtant, du fait de leur petite taille et de leur implantation dans des zones rurales, on aurait pu les croire plus fragiles, et donc davantage touchés par les fusions. Mais il faut rappeler que, toujours financés par dotation globale (jusqu’en 2013), les HL sont les EPS qui affichaient en 2010 les résultats les plus élevés en % de leur chiffre d’affaires, et ceux où la proportion d’entités déficitaires est la plus faible (21 % du total des HL). La pression financière est donc moindre sur ces établissements, qui n’ont par ailleurs pas à faire face aux divers problèmes (seuils, coûts, démographie médicale) liés au maintien de plateaux techniques MCO auxquels sont confrontés les centres hospitaliers stricto sensu.

[131] A l’inverse, on relève une surreprésentation des structures autour de la taille médiane des EPS (i.e. entre 100 et 200 lits) : elles représentent 16 % des EPS en 2010, mais 28 % des établissements parties prenantes d’une fusion. Au vu des constats qu’elle a pu faire lors de ses déplacements, la mission voit dans cette situation probablement l’effet de la démographie médicale, qui complique les recrutements de personnels médicaux pour les plus petits établissements MCO et les pousse à se rapprocher pour être plus attractifs. Enfin, lorsque l’établissement-pivot de la fusion (i.e. la structure la plus grosse) est un grand CH, il s’agit rarement d’un CHU, mais plutôt d’un gros CH départemental (situations effectivement observées par la mission en région). C’est le cas du rapprochement entre le CH de Chambéry et le CH d’Aix-les-Bains.

La direction commune entre le CH de Chambéry et le CH d’Aix : une coopération à visée intégrative « gagnant-gagnant »

Le centre hospitalier de Chambéry est l’hôpital de référence pour la Savoie et le secteur de Belley : sa maternité de niveau 3 assure plus de 3 200 accouchements par an, il dispose de 1 200 lits et places dont 761 en MCO, et emploie plus de 3 000 personnes dont 327 personnels médicaux en 2010.

Le centre hospitalier d’Aix-les-Bains est bien plus modeste : début 2010, il disposait de 162 lits et places en MCO (dont 20 en obstétrique, supprimées depuis, cf. infra). Son activité est faible au regard de ses capacités, sauf en gériatrie. Il emploie 805 personnes, dont une quarantaine de médecins.

Les deux hôpitaux se situent à une demi-heure l’un de l’autre.

Les coopérations entre les deux établissements sont nombreuses depuis 1990, mais la fermeture de la clinique privée d’Aix-les-Bains (la Clinique Générale de Savoie), annoncée en septembre 2009, et réalisée en juin 2010, conduit à une intégration plus forte. En effet, la maternité publique d’Aix-les-Bains, qui bénéficiait du plateau technique chirurgical de la clinique, ne pouvait plus être maintenue en activité du fait de cette décision. Dès septembre 2010, l’activité d’obstétrique est transférée au CH de Chambéry, et une unité de chirurgie ambulatoire est créée au CH d’Aix-les-Bains, gérée par le CH de Chambéry. Une convention de direction commune est signée un an plus tard.

Au total, cette coopération intégrative s’est réalisée très rapidement, dans l’urgence imposée par la réorganisation de l’offre privée à Aix-les-Bains. Les deux établissements trouvent un intérêt dans la nouvelle organisation des soins : le site d’Aix-les-Bains voit son avenir assuré à moyen terme, et le CH de Chambéry, limité jusqu’ici par la contrainte immobilière, utilise ce nouveau site pour accroître son activité. Sans être alarmante, la situation financière du CH d’Aix-les-Bains s’est légèrement dégradée depuis deux ans à cause du manque d’activité. Le corps médical d’Aix, initialement réticent, a finalement soutenu le projet. Le rapprochement a également bénéficié d’un contexte politique favorable : le maire d’Aix-les-Bains a personnellement porté le projet, à travers

« le projet médical unique » aux deux établissements (dans les faits, ce projet médical porte surtout sur les activités maintenues à Aix-les-Bains grâce à la coopération du CH de Chambéry). De plus, l’accompagnement du personnel d’obstétrique lors du transfert de la maternité à Chambéry a été particulièrement soigné, la direction s’étant appuyée sur des entretiens individuels systématiques avant et après l’opération.

Ainsi, c’est une opération de recomposition de l’offre privée qui est à l’origine de cette coopération

« gagnant-gagnant », aboutie dans un laps de temps très court (deux ans).

[132] Ces fusions « inégalitaires », i.e. entre deux établissements de taille différente, sont de loin le cas le plus fréquent : dans 55 % des cas, le rapport entre le nombre de lits d’hospitalisation des structures fusionnées est supérieur à 1,5. Les fusions réellement « égalitaires » (cas où le rapport de taille entre les deux établissements est situé entre 0,8 et 1) restent très minoritaires (14% des cas), notamment lorsque les structures à fusionner sont de grande taille. Ces opérations sont en effet particulièrement lourdes et incertaines, comme l’illustrent les difficultés analysées par l’IGAS des fusions entre les CH de Poissy et de St-Germain (cf. encadré ci-dessous) et entre les CH d’Evry et de Corbeil-Essonnes (cf. encadré infra).

Le CH de Poissy-Saint-Germain (CHIPS) : une fusion difficile entre deux établissements de taille importante42

Le CHIPS est actuellement l’établissement le plus important de la région parisienne, hors AP-HP : il dispose de 1 170 lits et places, et compte 4 000 agents dont 400 médecins. Il est issu de la fusion en 1997 de deux centres hospitaliers de taille comparable (entre 750 et 850 lits), celui de Saint-Germain-en-Laye et celui de Poissy. Dix ans après la fusion, il connaît un déficit de 37 M€ (ramené aujourd’hui à 14 M€).

Malgré la proximité géographique des deux sites, distants de 7 km, le projet de fusion ne peut être considéré comme une réussite. L’hôpital de Saint-Germain, situé en centre ville dans des locaux anciens, connaissait une baisse d’activité depuis plusieurs années. Son équipe médicale était vieillissante, et le taux de fuite des patients était conséquent vers les hôpitaux parisiens aisément accessibles. L’hôpital de Poissy, situé sur un bassin de vie radicalement différent, bénéficiait à l’inverse d’une dynamique favorable, portée par des équipes jeunes.

Le projet de fusion, soutenu initialement par le maire de Saint-Germain, visait théoriquement à favoriser les complémentarités entre les deux établissements, mais cet objectif ne se concrétise pas par des réorganisations de service. En 2004, le projet médical entérine le fait que les deux hôpitaux sont des hôpitaux généraux de proximité : encore aujourd’hui, des services d’urgences et de réanimation coexistent sur les deux sites. En 2005-2006, les effectifs de l’établissement fusionné augmentent. Certaines fusions de service sont réalisées, à la faveur de départs à la retraite des chefs de service, sur une période de 10 ans. Mais certaines d’entre elles sont factices, à l’instar du service d’orthopédie. La solution de reconstruire un hôpital sur un site tiers, à Chambourcy, n’a finalement pas été retenue.

Ces difficultés s’expliquent notamment par les réticences des médecins, en particulier sur le site de Saint-Germain, qui craignent que le changement ne leur soit défavorable. Ce sentiment est accentué par le fait que la communauté médicale n’a pas été associée au projet initialement. Dans les faits, le site de Saint-Germain conserve des secteurs médico-techniques et de médecine, mais la perte de la maternité et de la pédiatrie, ainsi que la fermeture des urgences la nuit, engendrent des interrogations sur l’avenir du site dans son ensemble.

De plus, des défaillances ont été pointées dans la conduite du projet par la direction du nouvel établissement fusionné : en particulier, différents rapports de contrôle de l’IGAS font état d’un manque d’engagement, de l’absence dommageable du pilotage de la masse salariale, ou de gestion adéquate des compétences. De plus, le directeur choisi en 1997 pour diriger le CHIPS était déjà à la tête de l’hôpital de Poissy depuis des années. Sa nomination a été perçue comme une menace supplémentaire d’absorption du site de Saint-Germain par l’hôpital de Poissy.

En parallèle, la tutelle régionale s’est tenue trop en retrait, malgré l’accumulation de difficultés connues par le CHIPS. Ce n’est que tardivement, à partir de 2007, qu’elle s’est intéressée aux problèmes financiers de l’établissement, sans s’impliquer davantage dans la question de la réorganisation de l’offre de soins et des restructurations.

42 Cf. Rapport IGAS RM2010-182Z, Contrôle du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain, A. Bruant-Bisson, D. Imbaud, P. Penaud, P. Vienne, juin 2010.

[133] Enfin, la mission a étudié la répartition régionale des 90 opérations de fusion qu’elle a recensées : en l’occurrence, il ne semble pas y avoir de lien entre le nombre de fusions observées dans une région et sa taille, son nombre d’EPS, son taux d’équipement hospitalier/habitant ou sa superficie :

- la région Ile-de-France a connu une activité importante en matière de fusions, mais de très grandes régions avec beaucoup d’établissements ont eu une activité très faible en la matière (PACA), voire totalement inexistante (Nord-Pas de Calais) ;

- des régions ayant des taux d’équipement hospitalier similaires (mesurés par les ratios nombre de lits/habitant et nombre d’habitants/établissement) ont connu pour certaines une forte activité de fusions, et pour d’autres relativement peu d’opérations : ainsi Auvergne (peu active) et Basse-Normandie (active), parmi les régions de petite taille, ou, de façon plus significative encore s’agissant de deux régions moyennes limitrophes, Lorraine (active) et Alsace (peu active).

[134] Faute d’éléments explicatifs complémentaires, il faut donc conclure, comme le faisait déjà l’étude NFT en 2008, au caractère prédominant des circonstances locales, peu modélisables, pour expliquer le nombre de fusions observées sur un territoire donné.

3.2. Les différentes disciplines MCO ne se sont pas restructurées à la