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Alain BeretZ

Peut-on revenir sur l’articulation avec la politique de l’établissement en termes de formation ?

Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

En termes de formation, c’est surtout au niveau des masters et des écoles doctorales que l’on donne des cours sur l’entreprenariat. Au niveau des bachelors, nous organisons des événements comme la Semaine de l’Entreprenariat ou les week-ends start-up. Les industries viennent également à l’université se présenter, ce qui pose quelquefois des problèmes, notamment avec certaines associations d’étudiants qui n’aiment pas tellement ce genre de choses. De façon générale, les étudiants apprécient réellement le fait de pouvoir discuter avec les entreprises. On inclut dans les programmes de masters des formations à l’entrepreneuriat pour trois à six crédits et puis dans les écoles doctorales avec un nombre de crédits plus élevé.

fred fArinA

fred fArinA

A Caltech, on vient de commencer à faire ce genre de choses mais il faut faire attention à la formation à l’entrepreneuriat parce que, par définition, c’est quelque chose qui n’est pas structuré et qui est un peu chaotique. Quand on commence à mettre des structures, on a tendance à étouffer l’entrepreneuriat. Je crois beaucoup à des choses très pratiques, une formation très pratique et pas académique, plutôt sur le terrain, soit dans des start-up directement, soit dans des sociétés de capital-risque. Pour la première fois cette année, on a créé un cours d’entrepreneuriat. On a fait venir des professeurs des business schools de Stanford et de Harvard. C’est un cours à partir d’études de cas. On verra comment cela se passe. Il faut donner les outils nécessaires aux entrepreneurs, mais il y a des qualités personnelles qui sont tout aussi importantes et que l’on ne peut pas créer. On peut faciliter leur parcours vers la création d’entreprise, mais il y a quand même à la base, des personnalités Je le vois même chez les chercheurs : chez nous, ce sont à peu près 10 à 15 % des chercheurs qui vont inventer et créer sans arrêt des entreprises, mais les autres ne créent pas. 90 % de nos déclarations d’invention viennent de moins de 20 % des chercheurs et 5 % génèrent 50 % des inventions.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

On va parler des politiques publiques et de la réglementation. Ce n’est pas le sujet le plus attrayant du monde, mais on a bien vu que, dans certains cas, cela pouvait être soit un facteur limitant l’innovation et la créativité, soit un élément qui favorise la créativité et l’innovation, comme le Bayh-Dole Act aux Etats-Unis ou la loi Allègre en France. Pourriez-vous nous faire un résumé des politiques publiques ou réglementaires qui, à votre avis, dans le système que vous pratiquez au quotidien, ont des effets qui favorisent l’innovation dans vos universités ?

fred fArinA

fred fArinA

Le Bayh-Dole Act a été absolument essentiel dans la valorisation de la recherche aux Etats-Unis, en particulier parce qu’il simplifie complètement les notions de copropriété ; c’est l’université attributaire des fonds fédéraux qui est propriétaire. C’est important que les choses soient claires lors de la négociation des contrats de licence avec les entreprises, Cela a constitué un élément très décisif.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Cela date de quand ?

fred fArinA

fred fArinA

1980.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Et c’est toujours bien ?

fred fArinA

fred fArinA

Oui.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Il ne faut pas changer de réglementation ?

fred fArinA

fred fArinA

On peut peut-être améliorer, mais quand on commence à toucher à quelque chose qui marche, c’est risqué.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Autrement, vous avez une réglementation qui est assez souple.

regArds Croisés :

regArds Croisés :

tABle ronde

fred fArinA

fred fArinA

Oui, souple et décentralisée. C’est le marché qui va créer la demande.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Jean-Luc, en Suisse, quelle serait la réglementation à mettre en avant ?

Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

Nous n’avons pas de règlement comme le Bayh-Dole Act ou la loi Allègre. En fait, la régulation procède du marché libre.

La région a mis en place des offices de promotion économique, des incubateurs, des surfaces à disposition des universités et des entreprises pour créer les liens entre les chercheurs. L’Etat met à disposition des incubateurs. C’est en général aussi l’Etat qui va aider les start-up. A l’université, on n’agit pas au niveau des start-up et du développement. On s’occupe des brevets et du contrôle de la licence pour être sûr que les droits de l’université sont préservés.

L’action de la Confédération a par exemple consisté à mettre à disposition de l’ensemble des Hautes écoles, dans la cadre du projet Swiss Innovation Park du terrain pour que les industries viennent et que les universités créent des labos de transfert de technologies en lien avec les industries. Mais la Confédération n’a pas donné d’argent.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

On est passé de la réglementation au cadre administratif. Vous êtes deux pays fédéraux, ce qui est l’antinomie de la construction de la société française. Il y a donc forcément des différences. Aux Etats-Unis et en Suisse, quelles sont les aides ou les politiques qui vont orienter votre activité ?

Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

Les politiques n’orientent pas notre activité, ils nous aident. Ils ne nous ont pas imposé par exemple de travailler sur le cerveau. C’est nous qui avons décidé de développer à Genève avec l’Ecole polytechnique des recherches sur le cerveau. Nous avons été lauréats du projet européen Human brain project, - l’un des quatre projets européens qui étaient soutenus-, avec une allocation d’un milliard d’euros sur dix ans, mais c’est

nous qui avons décidé de cela, pas l’Etat.

fred fArinA

fred fArinA

Nous, nous avons un système un peu hybride. Le gouvernement Obama annonce 100 milliards de dollars pour le cerveau ou pour les énergies renouvelables. Après cela, les universités font des propositions et quelqu’un remporte l’appel d’offre. D’un autre côté, on peut quand même proposer des recherches nouvelles même si les agences fédérales ont des thèmes assez précis qu’elles renouvellent chaque année.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Je laisse la parole à la salle pour le dernier quart d’heure.

de la salle

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Comment nettoyez-vous le portefeuille de brevets ? Finalement, qui supporte le budget du portefeuille de brevets chez vous ? Est-ce votre structure centrale ou est-ce que sont les labos ? C’est vraiment une question cruciale.

fred fArinA

fred fArinA

Le portefeuille de brevets, on l’analyse sans arrêt. Quand il y a des frais de maintenance de brevets, on regarde s’il faut continuer ou non. On a une politique dynamique d’innovation. Mais il faut faire très attention parce que, quand on fait de la recherche fondamentale, il se passe quinze voire vingt ans avant que la technologie soit utilisée dans l’industrie. On a plusieurs exemples où, dans les deux dernières années de vie du brevet, dix entreprises l’utilisent et on peut aller négocier des contrats de licence. Dans l’un de nos blockbusters, la puce CMOS des iPhones, il a fallu que l’on fasse des procès en contrefaçon pour forcer l’entreprise à venir négocier avec nous.

Deuxième question, le budget des brevets vient de l’administration centrale qui l’établit chaque année. On a la chance, en presque vingt ans d’existence, d’avoir toujours été dans le positif, nos revenus ont toujours été supérieurs aux dépenses. On dépense en moyenne 5 millions de dollars par an plus 2 millions pour mon bureau et mon équipe. On a toujours eu des revenus supérieurs à 7 millions de dollars.

Journée du 22 mAi 2014

Journée du 22 mAi 2014

regArds Croisés :

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Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

Chez nous, la politique est à peu près la même. On a de l’argent qui vient de l’administration centrale pour d’abord valoriser et, si l’on continue à prendre le brevet, on demande au chercheur de participer pour le responsabiliser. Quand il y a des gains, ils sont partagés à hauteur de 50 % pour le chercheur, 25 % pour son laboratoire et 25 % pour l’institution.

fred fArinA

fred fArinA

Nos 300 chercheurs titulaires sont les gens les plus puissants de l’université, ce n’est pas le président, ce sont les 300 chercheurs qui décident ce qui se fait. Par exemple, le second de l’université a décidé de limiter un peu les brevets cette année. Quand je l’ai dit aux chercheurs, ils sont tout de suite allés protester dans le bureau du président.

de la salle

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Ma première remarque concerne l’évidence que la simplicité est un facteur de performance. J’ai l’occasion de côtoyer les gens de Genève et surtout les gens de l’EPFL. Quand on comparait nos portefeuilles de brevets, le patron du SRI me faisait remarquer qu’il avait 95 % de son portefeuille qui était en seule propriété de l’EFPL là où j’ai 95 % de brevets en copropriété.

La deuxième remarque que je voulais faire, c’est qu’on ne souligne pas assez souvent la corrélation positive entre excellence de la publication et valorisation. On a souvent tendance à opposer les deux. Si j’ai bonne mémoire, à Caltech, il y a eu 33 ou 34 prix Nobel. Cela m’amène à une question que l’on se pose souvent ici dans le microcosme français. On s’interroge souvent sur la manière dont la valorisation est perçue dans le cursus du chercheur. C’est un problème de loi, mais aussi un problème de culture. Pourriez-vous nous donner un éclairage sur ces questions ?

fred fArinA

fred fArinA

A Caltech, il y a eu un profond changement de culture. Il y a vingt ans, on ne faisait ni brevet, ni licence et si un professeur voulait faire une start-up, il fallait qu’il se cache. En dix ans, tout a complètement changé. En

ce moment, on a cinq prix Nobel en exercice, trente-trois sur l’histoire de Caltech. Sur les cinq, trente-trois sont dans les premiers producteurs de brevets. Il y a une corrélation importante entre la qualité des publications de recherche et les brevets. Ces gens-là, on les prend en exemple. Si quelqu’un nous dit qu’il ne peut pas être un excellent scientifique, publier et faire une startup, on lui répond que Rob Grubbs a eu le prix Nobel de chimie, qu’il a monté six start-up et qu’il a trois cent brevets à son nom.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Les brevets sont dans les bonnes équipes. La notion d’une équipe de recherche appliquée faite de rêveurs, cela n’existe pas.

Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

Un article de Nature du 20 mars 2014, volume 507, page 297, montre exactement ce que vous disiez, c’est-à-dire que souvent les chercheurs qui travaillent avec l’industrie, qui ont des projets, qui ont des brevets sont ceux qui publient le plus, avec les impacts facteurs les plus élevés. Donc ce n’est pas uniquement de la recherche appliquée, c’est aussi de la recherche fondamentale.

fred fArinA

fred fArinA

Les inventions les plus importantes viennent de la recherche fondamentale.

de la salle

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Je suis très fier qu’il y ait quand même des Français à Caltech. A un certain moment, je crois qu’il y avait neuf prix Nobel actifs chez vous. Quelle est la politique d’attractivité pour atteindre ce niveau-là ? Ce n’est pas par hasard que vous avez une grande concentration de prix Nobel.

fred fArinA

fred fArinA

C’est la formule que j’ai énoncée précédemment. L’administration centrale n’intervient pas ; on essaye d’embaucher les meilleures personnes, on prend beaucoup de risques avec de jeunes chercheurs. On

regArds Croisés :

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tABle ronde

forme beaucoup de jeunes chercheurs qui ont fini leur PHD et, dix ans après, on se les fait voler par Harvard ou par Stanford. On a un petit problème en milieu de carrière. C’est cette politique-là qui fait que l’on a une bonne recherche… Et puis on leur donne les moyens nécessaires pour faire de la recherche.

de la salle

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Je ne peux que confirmer que l’évaluation des chercheurs qui déposent des brevets, des chercheurs qui valorisent, ne pose aucun problème, puisque ce sont ceux qui ont les meilleures publications. Nous l’avons constaté. Ce sont ceux qui ont les meilleures publications, ceux qui reçoivent le plus d’argent dans les appels d’offres, leur évaluation ne pose pas de problème.

Je voudrais faire un commentaire. Nous, au CNRS, nous avons eu le malheur d’avoir un blockbuster à propos duquel nous avons rêvé pendant des années, qui a rapporté en cumul 500 millions d’euros. On a cru que c’était la règle. Il ne rapporte plus rien actuellement. Notre valorisation nous rapporte chaque année douze millions d’euros et nous en coûte un. Donc il y a manifestement quelque chose qui ne va pas. Ce qui fait que nous, CNRS, nous n’avons pas de prétention sur la propriété intellectuelle. Lorsque nous avons discuté au moment du Grand emprunt sur les IRT et les SATT, on a passé un temps fou sur la propriété intellectuelle. C’était un sujet qui aurait dû être d’ordre secondaire de notre point de vue.

La question que je voulais vous poser est très délicate. Comment faire le nettoyage des brevets ? On ne sait pas le faire. Nous avons actuellement en portefeuille d’un peu plus de 4 000 brevets, dont 800 licenciés. Sur les 800 licenciés, une centaine rapporte un peu, dix rapportent un peu plus et trois rapportent de manière significative. Faire le nettoyage, c’est compliqué parce que l’échelle de temps n’est pas la même entre un brevet qui est issu de la biologie de base, des mathématiques, et un brevet qui est issu de la robotique. Si vous avez des méthodes validées pour faire le nettoyage des brevets, nous sommes preneurs.

fred fArinA

fred fArinA

Si j’avais cette méthode, je serais dans une villa sur la plage d’Hawaï en train de me dorer la pilule ! Il n’y a pas vraiment de méthode. L’élément important, c’est de savoir combien on va dépenser. S’il y a un budget pour le

brevetage (5 millions et c’est tout), on va essayer de faire des choix. Il faut essayer d’évaluer le brevet à chaque étape, interviewer le chercheur pour savoir s’il y a encore de l’espoir. Si d’autres technologies sont maintenant supérieures, il n’y a plus d’espoir. Mais encore une fois, c’est une science très inexacte.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Je proposerai de profiter des dernières minutes qui nous restent en demandant à nos collègues de quitter définitivement la langue de bois et de nous donner deux ou trois conseils ou remontrances. Comment faire pour augmenter encore notre capacité d’innovation ? La parole est totalement libre.

Jean-luc veutHey

Jean-luc veutHey

Je ne suis pas là pour donner des conseils, je n’ai pas cette prétention. Et puis la langue de bois, je ne connais pas tellement. Pour moi, la structure étatique centralisatrice, c’est l’horreur par rapport à l’innovation. Il faut laisser les universités libres, en donnant bien sûr des règles. L’Etat ne doit pas diriger, gouverner les recherches. Pour favoriser l’innovation, il faut de plus en plus de liberté.

fred fArinA

fred fArinA

L’élément principal, c’est de simplifier. Il y a trop d’acteurs en France. Dans les copropriétés, on ne sait pas qui est propriétaire, qui a les droits, qui n’a pas les droits. Premièrement, il faut simplifier le système.

L’autre élément principal, c’est la bureaucratie. Dans toutes ces négociations, il faut qu’il y ait un juriste, il faut que le président signe, que le vice-président signe… Dans mon bureau, je suis le seul qui signe tous les contrats. On me laisse tranquille et donc je peux négocier. D’ailleurs, les agents ont le pouvoir de négocier une licence de A à Z sans que j’intervienne. Et donc en une semaine ou deux, ils peuvent négocier un contrat de licence, ce qui peut prendre six mois ou plus dans une structure plus bureaucratique.

Alain BeretZ

Alain BeretZ

Merci à tous nos intervenants et merci à vous tous.

Journée du 22 mAi 2014

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quels enseignements tiReR des dispositifs d’innovation