4. L E FRANÇAIS DANS LE PAYSAGE LINGUISTIQUE DE L ’U NIVERSITE DU L UXEMBOURG
4.1 Les francophones en quelques chiffres
Afin de tenter de mesurer la place qu’occupe la langue française dans le paysage linguistique de l’Université du Luxembourg, il convient dans un premier temps de se référer aux statistiques existantes en la matière, et ainsi d’apprécier le nombre d’individus francophones étudiant ou travaillant au sein de l’institution. On notera cependant que cette tâche pourra s’avérer plus complexe qu’elle n’y paraît, puisqu’il est en vérité assez difficile -‐ et peut-‐être plus encore dans un contexte tel que le contexte multilingue luxembourgeois -‐ de définir ce que l’on entend précisément par francophone. Il sera ainsi aisé, par exemple, de référencer le nombre exact de personnes étudiant ou travaillant à l’Université du Luxembourg et ayant la nationalité française, et l’on pourra dès lors supposer avec une marge d’erreur moindre qu’il s’agira d’individus francophones. Il en ira de même des ressortissants de tout autre pays dont la langue véhiculaire principale est le français. Il faudra cependant aborder avec plus de prudence les compétences linguistiques potentielles des individus dont le pays d’origine n’a pas pour langue véhiculaire le français, ou dont le français n’est qu’une langue véhiculaire parmi d’autres. Je présenterai donc ici une estimation, à titre indicatif, du nombre de francophones natifs ou de francophones potentiels étudiant ou travaillant à l’Université du Luxembourg. Je m’intéresserai par ailleurs plus loin et plus largement aux langues en usage, à leur utilisation effective au sein de l’Université.
4.1.1 Nombre d’étudiants français ou francophones i) Les étudiants français
française étaient au nombre de 668 lors du semestre d’hiver 2009/201029, soit
14,1% de la population estudiantine totale (4750 étudiants inscrits).
ii) Les étudiants francophones d’autres nationalités
A ces étudiants français viennent s’ajouter les étudiants francophones d’autres nationalités. Ainsi s’ajoutent à ces 668 étudiants 265 étudiants de nationalité belge30 (5,6%), 53 étudiants de nationalité camerounaise31 (1,1%), 25
de nationalité sénégalaise (0,5%), 22 de nationalité marocaine32 (0,5%), et 11 de
nationalité algérienne33 (0,2%)34. Ce groupe représentant environ 7,5% de
l’ensemble des étudiants, on obtient ainsi un total de 21,5% avec les étudiants originaires de France.
29 Les étudiants français sont aujourd’hui (semestre d’été 2010) au nombre de 707 (sur 4934
étudiants inscrits), soit 14,3% de la population estudiantine totale. N’ayant pu avoir accès aux statistiques les plus récentes pour l’ensemble des nationalités, je citerai ici les chiffres du semestre d’hiver 2009/2010 exclusivement, ces derniers étant toutefois sensiblement identiques aux plus récents.
30 Les étudiant(e)s belges ne sont pas nécessairement francophones mais peuvent également être
néerlandophones ou germanophones. Le vice-‐recteur de l’Université m’ayant néanmoins indiqué que la quasi-totalité des étudiants belges inscrits à l’UL étaient francophones, je considérerai qu’ils représentent environ 5% de la population estudiantine totale. N’ayant par ailleurs pas été en mesure d’obtenir plus d’informations sur le profil linguistique des 21 étudiants suisses et canadiens, ces derniers n’apparaissent pas dans les statistiques présentées.
31 Le Cameroun a pour langues officielles le français et l’anglais.
32 Même si le français n’a pas de statut officiel au Maroc, il est la langue d’enseignement officieuse
dans les universités et écoles supérieures du pays.
33 Même si le français n'y a pas de statut officiel, l'Algérie est le premier pays arabophone dans
lequel le français est la langue étrangère la plus parlée.
34 Je ne prends pas en considération les étudiants d’autres nationalités dont le groupe est inférieur
à neuf ou dix individus, soit un pourcentage inférieur ou égal à 0,1% de la population estudiantine totale. On trouvera néanmoins l’intégralité des chiffres en document annexe (Annexe 4).
Graphique 3 : Proportion d’étudiants français inscrits à l’UL au semestre d’hiver 2009/2010
iii) Le cas des étudiants luxembourgeois
S’il est ici difficile de prendre en considération les compétences linguistiques potentielles de l’ensemble des étudiants inscrits à l’Université du Luxembourg -‐ puisque bon nombre d’étudiants d’autres nationalités que celles mentionnées jusque ici maîtrisent également, entre autres langues, le français -‐ ce serait néanmoins certainement une erreur de ne pas inclure les étudiants
luxembourgeois dans le groupe des étudiants francophones, puisque la quasi-‐
totalité d’entre eux a un niveau de compétence avancé en français et est amenée à utiliser cette langue régulièrement depuis l’enfance.
On peut ainsi considérer que le nombre d’étudiants français ou francophones inscrits à l’Université du Luxembourg s’élève à environ 3400, soit
plus de 70% de l’ensemble des étudiants (71,6%).
iv) Le cas des étudiants romanophones
On notera enfin que si l’on peut affirmer qu’environ 70% de la population estudiantine luxembourgeoise est francophone35, la proportion d’étudiants
francophones potentiels sera pour sa part plus élevée encore. En effet, outre les
35 Ce qui n’est par ailleurs nullement exclusif. J’entends par là qu’un étudiant décrit comme francophone ne sera pas nécessairement uniquement francophone mais pourra au contraire
maîtriser d’autres variétés linguistiques, ce qui sera d’ailleurs souvent le cas.
71% Graphique 4 : Proportion d’étudiants francophones inscrits à l’UL au semestre d’hiver 2009/2010
connaissances linguistiques potentielles de l’ensemble des étudiants, on pourra considérer que les étudiants originaires de pays de langues romanes36 seront plus
disposés que d’autres à maîtriser le français. Ainsi, de par la proximité linguistique de leur langue avec le français, ces étudiants seront éventuellement plus à même de se diriger en priorité vers l’emploi ou l’apprentissage de la langue française, l’effort cognitif à réaliser étant moindre.37 Ainsi viendraient s’ajouter aux étudiants
francophones déjà cités un groupe de 534 étudiants (320 Portugais, 120 Italiens, 47 Roumains, 38 Espagnols et 9 Brésiliens), soit 11,24% de la population estudiantine totale.
La proportion d’étudiants francophones présumés inscrits à l’Université du Luxembourg s’élèverait ainsi à plus de 80% (82,84%) de l’ensemble des étudiants.
On devra toutefois traiter avec précaution le cas de la population romanophone, et les chiffres présentés ici ne sont qu’une estimation. Il est toutefois intéressant de noter que sur 8 étudiants lusophones ayant répondu à mon questionnaire, 7 ont choisi de le faire en français (voir Graphique 6). Ces chiffres ne sont certes pas représentatifs étant donnée la taille réduite de l’échantillon, mais cette tendance vient néanmoins confirmer l’estimation formulée plus haut, et ce d’autant plus que les lusophones luxembourgeois sont sans doute à compter parmi les locuteurs romanophones étant par ailleurs les plus germanophones.
v) Synthèse
On pourra donc retenir que si les étudiants français inscrits à l’Université du Luxembourg ne sont pas spécialement nombreux (14%), un grand nombre d’étudiants d’autres nationalités, par leur maîtrise linguistique, viennent renforcer la place de cette langue au sein de l’Université. On notera par ailleurs que les
36 Ici encore (cf. note 6), il ne s’agit nullement de dénier les spécificités propres à chacune des
cultures ou des variétés linguistiques de cette famille. Si la famille des locuteurs romanophones ne forme naturellement pas un tout homogène, ce regroupement et la distinction qu’il implique me semblent néanmoins pertinents dans ce contexte.
37 De nombreux travaux ont été menés dans le domaine de l’intercompréhension entre langues
apparentées. On pourra par exemple se référer à ceux de Degache (2005) ou de Escudé et Janin (2010).
estimations présentées plus haut et élaborées sur la base des statistiques officielles de l’Université sont confirmées par les déclarations des étudiants eux-‐mêmes à ce sujet. En effet, à la question de savoir quelles langues ces derniers maitrisaient au moment de leur inscription à l’Université du Luxembourg, les réponses obtenues rejoignent les constats exposés plus haut. Ainsi, même si l’échantillon d’informateurs n’est pas représentatif38, la tendance présentée se vérifie et l’on
peut estimer effectivement que la proportion d’étudiants francophones dépasse les 80%.
Le français est ainsi la deuxième langue la plus maîtrisée par les étudiants luxembourgeois derrière l’anglais. Il convient également de souligner que le nombre d’informateurs ayant pour langue maternelle le français étant au nombre de 15, ces derniers ne sont assurément pas les seuls à avoir un niveau de maîtrise équivalent à celui d’un locuteur natif, puisque 34 enquêtés ont répondu avoir de telles compétences en cette langue. On pourra par ailleurs supposer que le contexte linguistique luxembourgeois est en partie à l’origine de ce niveau de maîtrise, la connaissance de la langue française étant sans doute un avantage pour quiconque résidant au Grand-‐duché. Ainsi, 95% des étudiants interrogés considèrent que la maîtrise de la langue française est un atout lorsque l’on est
38 112 étudiants
Graphique 5 : Langues maîtrisées par les étudiants (et niveau de maîtrise) au moment de leur inscription à l'UL (n=112)
inscrit à l’Université du Luxembourg.
On notera par ailleurs qu’un grand nombre d’étudiants n’ayant pas l’allemand pour langue première possèdent néanmoins un niveau très avancé dans cette langue, ce qui laisse penser que les étudiants luxembourgeois, proportionnellement les plus nombreux, ont une meilleure connaissance de cette langue que du français, puisque si l’on a vu que 34 enquêtés avaient un niveau de locuteur natif en français (soit environ 30% des enquêtés), ce sont 57 d’entre eux qui déclarent avoir un tel niveau en allemand (soit environ 50% des enquêtés), les locuteurs natifs de cette langue étant au nombre de 17. Les locuteurs non luxembourgophones natifs déclarant avoir un niveau très avancé en luxembourgeois sont en revanche peu nombreux (8). L’anglais reste pour sa part la langue la plus maîtrisée par les étudiants qui ont répondu.
Si l’on s’intéresse enfin non plus à l’aspect quantitatif, i.e. au nombre de locuteurs total tous niveaux confondus, mais plutôt à l’aspect qualitatif et ainsi exclusivement aux trois premiers niveaux de maîtrise, i.e. « niveau locuteur natif », « niveau avancé » et « niveau seuil » (voir Graphique 5), on remarque que les trois langues officielles de l’Université sont, à niveau égal ou presque, très bien maîtrisée par les étudiants (84,8% des étudiants enquêtés possèdent un tel niveau en l’allemand, et 87,8% d’entre eux en anglais et en français). Si le luxembourgeois reste en retrait avec 69,6% des étudiants enquêtés ayant un bon niveau de maîtrise en cette langue, on pourra souligner que ce chiffre ne représente pas uniquement la part des luxembourgophones natifs, puisque celle-‐ci est de 57,1% des enquêtés.
Il me semble enfin intéressant de mentionner le fait que si l’anglais est la langue que le plus d’étudiants déclarent maîtriser, peu d’entre eux ont choisi cette dernière pour répondre à mon questionnaire (6%). On pouvait en effet s’attendre à ce que les germanophones choisissent de répondre en allemand et les francophones en français. Le comportement des autres étudiants était en revanche moins prévisible. Ainsi, le questionnaire n’ayant volontairement pas été proposé dans leur langue maternelle, on observe que les étudiants luxembourgeois se sont pour la grande majorité d’entre eux tournés vers l’une des deux autres langues du
pays, i.e. l’allemand ou le français, plutôt que vers l’autre langue officielle de l’Université. Il est par ailleurs intéressant de noter que la proportion d’étudiants luxembourgophones ayant choisi l’allemand est exactement égale à celle de ceux ayant choisi le français, à savoir 31 individus pour chacune des deux langues. Les lusophones, comme je l’écrivais plus haut (cf. 4.1.1 iv supra), se sont pour leur part majoritairement tournés vers le français.
On restera toutefois prudent face à ces chiffres car le fait que les étudiants aient été informés du fait que les données recueillies au cours de cette enquête étaient destinées au travail de recherche d’un étudiant francophone pourra avoir influencé leur choix, ce qui expliquerait par exemple que plusieurs étudiants germanophones aient choisi le français malgré le fait que la possibilité leur ait été offerte d’avoir recours à leur langue maternelle. Ceci n’enlève toutefois rien aux compétences linguistiques des étudiants, puisqu’aucun d’entre eux ayant choisi de répondre au questionnaire en français n’a rencontré de problème linguistique perceptible.
4.1.2 Nombre de personnels français ou francophones
Graphique 6 : Langue choisie par les étudiants pour répondre au questionnaire en fonction de leur langue maternelle
i) Les personnels français
Les personnels travaillant à l’Université du Luxembourg et ayant la
nationalité française sont au nombre de 153 en 2010, soit 20% du corps
enseignant, administratif, scientifique et technique de l’institution (762 personnes employées au total).
Le corps enseignant de l’Université du Luxembourg est composé de 165 professeurs et professeurs associés, dont 19 de nationalité française (11,5%). Cette proportion ne semble pas être susceptible d’augmenter au cours de ces prochaines années, puisque le vice-‐recteur de l’Université souligne le fait qu’en règle générale, peu de français sont candidats à un poste au sein de l’institution.
« Dans beaucoup de nos appels à candidatures, le nombre de Français qui font une démarche pour soumettre leur candidature reste quand même assez confidentiel. » (Kerger, 2009, 445-448)
Le corps administratif se compose quant à lui de 169 personnes, dont 46 de nationalité française (27,2%).
ii) Les personnels francophones d’autres nationalités
A ces personnels français viennent s’ajouter les personnels francophones d’autres nationalités. Ainsi s’ajoutent à ces 153 personnes 66 employés de nationalité belge (8,6%) et 276 de nationalité luxembourgeoise (36,2%) -‐ les
Graphique 7 : Proportion de personnels français travaillant à l’UL au semestre d’hiver 2009/2010
Luxembourgeois, même si leur langue maternelle n’est pas le français et comme on l’a vu plus haut (cf. 4.1.1 iii supra), pouvant être considérés comme francophones -‐ ce groupe représentant ainsi environ 44,8% de l’ensemble des personnels.
On peut ainsi considérer que le nombre de personnels français ou francophones travaillant à l’Université du Luxembourg s’élève à environ 495, soit
presque 65% de l’ensemble des personnels (64,9%).
Ici encore, ce chiffre devra être revu à la hausse si l’on y ajoute le nombre de francophones potentiels, l’intégralité des personnels employés devant idéalement maîtriser les trois langues officielles de l’Université. On observe ainsi (voir Graphique 9) que la quasi-‐totalité des enseignants-‐chercheurs ayant répondu à mon questionnaire39 déclare avoir, à différents niveaux de maîtrise, des
connaissances en français. C’est ainsi qu’un seul enseignant indique n’avoir aucune connaissance en cette langue, les autres ayant tous un niveau débutant ou plus avancé.
39 27 enseignants
65% Graphique 8 : Proportion de francophones employés à l’UL
Les locuteurs luxembourgophones sont quant à eux sans surprise parfaitement francophones, les deux tiers d’entre eux ayant par ailleurs opté pour la version française de mon questionnaire.
Graphique 9 : Niveau de maîtrise du français chez les enseignants en fonction de leur langue maternelle
Graphique 10 : Langue choisie par les enseignants pour répondre au questionnaire en fonction de leur langue maternelle