3. L A METHODOLOGIE DE RECHERCHE ADOPTEE ET LES DIFFICULTES RENCONTREES
3.2 Les difficultés rencontrées
3.2.1 Le multilinguisme : un sujet sensible ?
Sans pouvoir en expliquer clairement les raisons, je remarquai rapidement que le multilinguisme est au Luxembourg un sujet sensible, et je dus parfois faire face à une grande réserve de la part de mes divers interlocuteurs. Aussi, si les étudiants n’eurent aucun problème à me faire part de leurs avis sur les questions linguistiques et sociolinguistiques du pays comme sur la gestion du multilinguisme par l’institution, une bien plus grande prudence fut de mise chez certains enseignants comme chez divers responsables de l’Université, le sujet me semblant parfois presque tabou. Les commentaires apportés furent toutefois souvent plus enrichissants dès lors qu’ils furent recueillis de manière anonyme, mes interlocuteurs se libérant alors d’un certain poids pouvant peser sur eux et sur leurs propos.
24 Annexes 7 à 13
25 Le doyen de la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance, malgré de multiples requêtes directes
comme par l’intermédiaire de son secrétariat, n’a malheureusement pas consenti à me recevoir, ni à me retourner la grille d’entretien que je lui avais fait parvenir après que son secrétariat m’a informé de son indisponibilité.
3.2.2 Le commanditaire : tremplin et obstacle
Il est évident que le fait de réaliser un travail de recherche pour le compte de l’Ambassade de France m’ouvrit un certain nombre de portes qui seraient autrement possiblement restées closes face à un étudiant en Master dont le travail de recherche n’eut été commandité par aucune entité extérieure. Ce statut de chargé de recherche pour le compte du Centre culturel français m’aura ainsi également permis de disposer de conditions de travail matérielles plus favorables.
Il est toutefois tout aussi évident que le chercheur auquel on facilite d’une certaine manière l’accès aux données qu’il recherche devra légitimement s’interroger sur l’objectivité des propos lui étant tenus. Ainsi, sans nullement mettre en cause la bonne foi ou la sincérité de mes interlocuteurs, je ne peux néanmoins en aucun cas avoir la certitude que leur discours n’aura pas été
influencé par le récepteur que je fus, et peut-‐être auront ils ainsi notamment
observé -‐ que ce fut de manière consciente ou non -‐ un certain devoir de réserve.
3.2.3 Le devoir de réserve : une atteinte à l’intégrité scientifique ?
Si je me dus pour ma part également d’observer un certain devoir de réserve -‐ cette close figurant d’ailleurs dans les contrats passés avec l’Ambassade comme avec l’Université -‐ je tiens à assurer mon lecteur -‐ si besoin en est -‐ de l’intégrité de mon travail. Il me semble difficile de rédiger une étude en dissimulant une part des données recueillies ou sans y apporter un point de vue personnel, avec toute la mesure nécessaire, puisque c’est aussi à mon sens le rôle du chercheur que de présenter l’objet de sa recherche précisément sous l’angle de son regard singulier, voire critique. Si une certaine neutralité est donc de mise, le devoir de réserve auquel je me soumis pourrait faire peser sur mon travail de recherche un soupçon de subjectivité, ce que je ne souhaite nullement. Je tâchai donc d’effectuer ce travail de la manière la plus rigoureuse possible et dans le respect de mes divers interlocuteurs comme des attentes de mon commanditaire, de mon université et de mon lecteur.
3.2.4 Un manque de concertation et de coordination
Si je suis sincèrement reconnaissant envers l’ensemble des personnes m’ayant accompagné dans cette étude, je dus toutefois malheureusement parfois déplorer, au cours de mon travail de recherche, un manque de concertation entre le Centre culturel français et l’Université du Luxembourg d’une part, et entre les différents services ou membres du personnel de l’Université du Luxembourg d’autre part, ce qui entraina un certain nombre de désagréments me retardant et me limitant dans mes démarches. Ce n’est par exemple qu’après avoir consacré de longues heures à l’élaboration de mes questionnaires et après avoir obtenu de la part du rectorat de l’Université l’autorisation de les diffuser que j’appris avec mon directeur de recherche sur place, par la voie d’un affichage, que l’Université était elle même sur le point de lancer une étude similaire… aucun de mes interlocuteurs ne m’ayant informé d’un tel projet. Or il est évident qu’il est peu opportun de mener de manière parallèle deux enquêtes sensiblement identiques sur la forme26
et ciblant un même groupe d’informateurs, le risque de « fatiguer » ce dernier étant élevé. L’enquête menée par l’Université primant indéniablement sur la mienne, je fus donc invité à renoncer à ma démarche, et ainsi à ne pas poursuivre la diffusion de messages électroniques invitant à répondre à mon questionnaire déposé en ligne, diffusion de plus malencontreusement interrompue en raison d’un problème informatique.
« Je crois que là c'est très clair, l'Université prime. C'était ça qu'on avait dit au rectorat, si nous faisons une enquête interne, on n’encourage pas une deuxième enquête qui est parallèle à la nôtre. Et là c'est très clair. » (Poos, 2009 b, 89-92)
Aussi fus-‐je surpris lorsque le secrétaire du Conseil de gouvernance m’informa du fait que cette enquête était prévue de longue date, puisqu’elle devait être réalisée dans le but de dresser un état des lieux des langues en usage à l’Université en vue d’un colloque devant se tenir en février 2010.
« Parce que nous avons notre conférence sur le multilinguisme là début février et nous voudrions avoir certaines informations. Donc là ce n’est pas opportun d'écrire
26 On trouvera en Annexe 3 le questionnaire élaboré par l’Université du Luxembourg, que l’on
une fois d'une manière officielle de notre part aux gens, et vous d'une manière je vais dire inofficielle, ça ne fait pas de sens. » (Poos, 2009 b, 37-42)
Il eut sans doute été bénéfique pour moi et pour le Centre culturel comme pour l’Université du Luxembourg que ce point fut abordé lors de nos réunions préliminaires communes comme lors de nos divers entretiens particuliers, et je ne peux que déplorer le fait que le Conseiller culturel de l’Ambassade de France au Luxembourg n’ait été informé par les responsables de cette étude de ce malencontreux chevauchement de calendriers.27
Je fus d’autre part déçu par le fait qu’aucune coopération ne fut ensuite envisageable avec les auteurs de l’enquête prévue. En effet, ses responsables ayant eux-‐mêmes rencontré un certain nombre de problèmes pour la diffusion de leurs questionnaires, il eut dès lors été possible de coopérer afin de fusionner nos travaux et de ne faire parvenir aux étudiants et aux enseignants de l’Université qu’une seule enquête, chacun de nous étant par la suite libre d’exploiter les données recueillies en fonction de ses besoins. On notera enfin ironiquement que j’appris il y a peu, en demandant à avoir accès aux résultats de cette enquête de l’Université, que cette dernière n’avait à ce jour28 toujours pas été menée.
Il est évident que cet ensemble d’événements m’empêcha de travailler avec la liberté que j’aurais souhaitée, et je ne cache pas un certain sentiment de frustration. Je déplore en effet le fait que les résultats recueillis ne soient que partiellement représentatifs, puisqu’il est dès lors délicat d’en tirer des conclusions suffisamment justes, alors qu’une plus grande liberté d’action et un poids hiérarchique plus modéré m’eurent très certainement permis d’obtenir une quantité de données bien plus importante. Cette étude ne fut toutefois pas vaine, mais elle sera donc à considérer comme une première approche, ouvrant la voie à qui voudra poursuivre et approfondir ce travail de recherche. On pourra par ailleurs penser qu’il est aujourd’hui peut-‐être encore un peu tôt pour réaliser une telle étude, et il pourra dans tous les cas être intéressant de la poursuivre dans quelques années, avec l’adoption du troisième ou du quatrième plan quadriennal
27 Mon séjour au Grand-‐duché aurait alors pu être reporté à une date ultérieure, ce qui eut par
ailleurs également mieux concordé avec mon calendrier universitaire grenoblois.