• Aucun résultat trouvé

I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.1 L ES SUBSTANCES POLYMERIQUES D ’ ORIGINE ALGALE

I.1.2 Les substances polymériques algales

I.1.2.1 Fractions polysaccharidiques

Dans la nature, de nombreux types de polysaccharides, issus du règne végétal ou animal, ont été répertoriés. De part leurs applications pour l’homme, ces polymères ont été largement étudiés. Composés de résidus glycosidiques, pouvant être liés de façon covalente à des substituants organiques ou inorganiques, les polysaccharides constituent une catégorie de polymères très hétérogène, de part la taille des molécules ou la variabilité des résidus engagés. Chez les algues, il existe une grande variété d’unités saccharidiques, qu’elles soient neutres, acides ou aminées. Ces monosaccharides sont généralement présents sous forme de pyranose et adoptent la conformation de chaise, qui leur est plus favorable d’un point de vue énergétique (Lahaye 2001). La nomenclature divise les polysaccharides en deux classes, en fonction de la nature de leurs composants : les homo- et les hétéropolysaccharides. Les homopolysaccharides ne sont composés que de monosaccharides identiques. L’enchaînement des résidus et la présence de ramifications modifient leurs comportements en solution ainsi que leurs propriétés physico-chimiques. En général, l’utilisation de ces phycocolloïdes se réduit essentiellement à l’exploitation de leurs propriétés rhéologiques (Whistler & Bemiller 1993).

La majorité des polysaccharides d’origine algale correspond à des hétéropolysaccharides. Ils sont constitués d’unités répétitives comportant au moins deux résidus différents par unité, les unités pouvant être ramifiées. Ces hétéropolysaccharides peuvent contenir divers substituants liés par des liaisons éther, ester, amide, sulfate ou acétalique (Tableau I.1-2). Ces groupements sont en grande partie responsables des propriétés physico-chimiques des polymères qui les portent. De manière générale, les taux en sulfate des

polysaccharides d’origine algale1 sont plus importants que ceux rencontrés chez les bactéries

(Percival & McDowell 1967 ; Chevolot et al. 2001). Les phosphates sont également considérés comme des substituants récurrents des hétéropolysaccharides d’origine algale.

32

Tableau I.1-2 : Principaux substituants rencontrés au sein de polysaccharides d’origine algale.

Origines du substituant Natures du substituant Structures Natures de la liaison Organique O-Methyl -OCH3 Ether

Pyruvyl -O[C(CH3)CO2H]O- Acétals Inorganique Sulfate hémiester -OSO3- Ester

On distingue différentes catégories de polysaccharides au sein des algues : les polysaccharides de réserve et les polysaccharides pariétaux, eux-mêmes différenciés selon leur localisation dans la phase fibrillaire ou matricielle.

I.1.2.1.1.1 Les polysaccharides de réserve

Il s’agit des polysaccharides qui résultent directement du mécanisme photosynthétique et qui sont stockés notamment dans les vacuoles des algues. Le type de stockage varie selon les espèces d’algues concernées (Tableau I.1-1). Chez les algues brunes, il s’agit d’un polymère de β-(1,3)-glucopyranose (laminarine), d’un polymère de α-(1,4)-glucose (amidon floridéen1) chez les algues rouges et de glucane (polymère de β-(1,4)-glucose) et chez les algues vertes. Les mêmes types de stockage ont été observés chez les diatomées, micro-algues unicellulaires appartenant au phytoplancton (formes pélagiques) ou au microphytobenthos (formes benthiques) (Underwood & Paterson 2003).

I.1.2.1.1.2 Les polysaccharides pariétaux

La paroi des algues diffère significativement de celles des autres organismes végétaux par son organisation et sa composition. De nombreux auteurs considèrent cette dernière comme étant une structure biphasique composée d’une phase fibrillaire cristalline squelettique et d’une phase matricielle unique à l’algue2. La nature chimique des colloïdes produits à la périphérie des cellules algales est d’ailleurs un critère de classification.

1 Ne contient pas d’amylose.

33

I.1.2.1.1.2.1 La phase fibrillaire

Il s’agit d’une phase dite squelettique, constituée notamment de polysaccharides insolubles. Cette phase est ordonnée et enrobée dans une matrice amorphe mucilagineuse, l’espace intercellulaire étant occupé par ce même mucilage. Les microfibrilles sont généralement composées de β-(1,4)-glucopyranose qui forment (i) des chaînes cellulosiques arrangées en feuillets et stabilisées par des liaisons hydrogènes (Craigie 1990). D’autres polymères comme (ii) des xylanes et (iii) des mannanes participent, au même titre que la cellulose, à la structuration de la paroi cellulaire (Kloareg & Quatrano 1988).

(i) La cellulose compose significativement la paroi des algues vertes (jusqu’à 70 % en

poids sec) contrairement aux algues brunes (< 20 % en poids sec) (Kloareg & Quatrano 1988) ou aux algues rouges (< 9 % en poids sec) (Preston 1974). Les chaines individuelles de

cellulose sont associées en microfibrilles1, éléments structuraux de base de la paroi des algues

(Chanzy 1990). Au sein des algues marines, la cellulose comporte généralement d’autres unités saccharidiques que le glucose, telle que le xylose ou le mannose.

(ii) Les xylanes squelettiques des parois cellulaires sont des polymères linéaires d’unité β-(1,3)-D-xylose ou β-(1,4)-D-xylose (Craigie 1990). Les premiers, qui forment des microfibrilles (Atkins & Parker 1969) ne sont présents que dans les algues dont la paroi cellulaire ne contient pas de cellulose (Iriki et al. 1960). Les β-(1,4) xylanes fibrillaires sont quant à eux surtout présents chez les algues vertes ou certaines algues rouges (Porphyra, Bangia).

(iii) Enfin, les mannanes sont des polymères linéaires formés d’unité β-(1,4)-D-mannose dont les chaînes s’associent entre elles pour former des microfibrilles (Kloareg & Quatrano 1988). On retrouve ces polymères chez les algues rouges et notamment chez les Bangiophycées (Gretz et al. 1982).

I.1.2.1.1.2.2 La phase matricielle ou amorphe

La phase matricielle hydrosoluble de nature mucilagineuse, parfois associée à des protéines, est de nature très complexe. A l’heure actuelle, de nombreux travaux ont rapporté l’impossibilité d’en rapporter la structure à une unité structurale plus ou moins répétitive.

34 Seuls certains galactanes d’algues rouges (agars, carraghénanes) ou polyosides d’algues brunes (fucoïdanes, alginates) d’intérêts économiques ont été caractérisés (Ruiz 2005). La nature des polysaccharides matriciels, noyés dans cette matrice où ont lieu les échanges cationiques, est spécifique à chaque type d’algue.

Les polysaccharides matriciels d’algues vertes

Chez les Chlorophycées, de nombreux travaux ont mis en évidence la prédominance d’hétéropolysaccharides ramifiés sulfatés au sein des polysaccharides matriciels (Percival 1979). Si l’on fait abstraction des groupements -OSO3-, ces hétéropolysaccharides ne sont pas fondamentalement différents des constituants matriciels des végétaux supérieurs (Robert & Catesson 2000). Trois groupes distincts ont été identifiés :

 les xyloarabinogalactanes sulfatés (17 % de sulfate), présents au sein des algues de l’ordre des Cladophorales et des Codiales. Aucune unité répétitive n’a été observée si ce n’est des portions comportant des blocs de (1,4)-L-arabinose, séparés par des unités de D-galactose. Toutes les unités de D-xylose et une partie des unités D-galactose sont en position terminale,

 les glucuronoxylorhamnanes sulfatés (22 % de sulfate) extraits des Ulvales (Figure I.1-4),

 les glucuronoxylorhamnogalactanes sulfatés (Figure I.1-4) et les

rhamnogalactogalacturonanes, proches des acides pectiques des végétaux supérieurs, extraits des Ulvales (Ray & Lahaye 1995).

35 Les polysaccharides matriciels d’algues rouges

Les Rhodophycées sont une source industrielle connue de galactanes sulfatés aux propriétés gélifiantes et texturantes (Usov & Klochkova 1992), via l’extraction et la purification des carraghénanes et agarocolloïdes (Figure I.1-5).

Certains des groupements hydroxyle de ces galactopyranose peuvent être remplacés par des groupements sulfate, méthylé, pyruvate voir même substitués par un monosaccharide. De masses moléculaires importantes (> 1000 kDa), les carraghénanes (produits surtout par les

Gigartinales) contiennent toujours plus de groupements sulfate que les agars1 mais moins de

substituants méthyle (Kloareg & Quatrano 1988 ; Craigie 1990 ; Usov 1998).

Figure I.1-5 Motifs osidiques de base des (A) agarocolloïdes et des (B) carraghénanes.

Les polysaccharides matriciels d’algues brunes

Trois principaux types de polysaccharides matriciels sont extraits des Phéophycées :

 les fucanes qui sont des hétéropolysaccharides dont les unités de base sont des résidus L-fucose liées en α-(1,2) et sulfatés en 4 (Figure I.1-6, A). Des résidus glycosidiques de galactose, xylose ou d’acides uroniques sont couramment rencontrés au sein des fucoïdanes (Percival 1979 ; Duarte et al. 2002),

 les ascophylanes, polysaccharides riches en acides uroniques et portant des ramifications de type xylose ou fucose (Percival 1979 ; Robert & Catesson 2000),

36  les alginates (Figure I.1-6, B), qui représentent le mucilage matriciel majeur des algues brunes (Kloareg & Quatrano 1988). Extraits sous la forme d’acides alginiques, ils sont composés de deux unités monosaccharidiques, à savoir l’acide β-D-mannuronique et l’acide α-L-guluronique.

Figure I.1-6 : Structure primaire (A) des chaînes de fucose α-(1,2) des fucanes et (B) de l’alginate.

I.1.2.1.1.3 Influence et particularités de ces polysaccharides

L’assemblage des composants matriciels et squelettiques est fondé sur la constitution d’un réseau mais les modèles proposés restent relativement spéculatifs et anciens. La Figure I.1-7 présente la paroi des algues brunes, au sein de laquelle s’organisent polysaccharides fibrillaires et polysaccharides matriciaux.

37 L’organisation structurelle de la paroi des algues diffère selon les groupes de végétaux marins et de leurs composants matriciels et fibrillaires. Cette organisation varie également au sein de la paroi : les microfibrilles sont plus nombreuses et disposées en plans successifs d’orientation à proximité de la membrane plasmique, alors que les composants matriciels sont les plus représentés dans la zone de jonction intercellulaire nommée matrice intercellulaire (Robert & Catesson 2000). La prédominance des mucilages sur les polysaccharides squelettiques, l’abondance de macromolécules sulfatées de caractère polyanionique, la présence d’une abondante matrice intercellulaire confèrent des propriétés particulières aux cellules algales :

 d’un point de vue niveau mécanique. La résistance à la déformation des thalles tient essentiellement aux liaisons établies entre les constituants de la matrice, alginates chez les Phéophycées et galactanes chez les Rhodophycées. Par ailleurs, certaines algues vertes et rouges améliorent l’élasticité et la rigidité de ces réseaux en incorporant du carbonate de calcium, associé à des carbonates de magnésium et de strontium,

 au niveau des échanges ioniques. En effet, les propriétés polyanioniques des constituants de la matrice permettent la captation de cations tels que Mg2+, Ca2+ ou Na+,

 au niveau des échanges aqueux. La présence de polysaccharides sulfatés favorise la rétention d’eau. Des algues implantées en zone intertidale (zone soumise à la marée) seront constitués de polysaccharides matriciaux plus complexes, rendant l’organisme capable de s’adapter aux périodes d’émersion plus ou moins longues (Spears et al. 2008).