• Aucun résultat trouvé

I. ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.2 L ES BIOFILMS MICROBIENS

I.2.1 Généralités

I.2.1.1 Diversité des biofilms

Il existe une très grande variété de micro-organismes capables de former des biofilms en fonction de leur métabolisme, de leur forme ou du milieu. Une bonne connaissance de ces

micro-organismes1 est nécessaire à la compréhension des mécanismes à l’origine de la

formation des biofilms. Procaryotes (bactéries) et eucaryotes (micro-algues2, champignons3)

présentent des caractéristiques propres à leur règne, à l’origine de leur capacité à former tel ou tel type de biofilm.

I.2.1.1.1 Les procaryotes : exemple des bactéries

Afin de comprendre les mécanismes d’adhésion mis en jeu lors de la formation de biofilms bactériens, il est important de considérer la structure de la paroi des cellules actrices. La paroi cellulaire constitue la structure vitale de la bactérie en assurant notamment la rigidité de cette dernière ; elle est aussi à l’origine de sa morphologie (Rubio 2002). Selon un critère purement morphologique, trois formes prédominantes sont observées dans la nature : (i) les bactéries sphériques ou coccoïdes, (ii) les bactéries cylindriques dites en bâtonnet et (iii) les bactéries spiralées. Par ailleurs, quelques variantes sont observées sous la forme de bactéries pédonculées, filamenteuses ou sporulées. Concernant leur rôle dans l’adhésion, les fonctions chimiques exposées à la surface des parois bactériennes déterminent les propriétés physico-chimiques extérieures apparentes de la bactérie. La présence d’appendices plus ou moins hydrophobes ou acides par exemple détermine la capacité de la bactérie à adhérer sur un type de surface. En milieu aqueux et pour une même souche bactérienne, de nombreuses études ont mis en évidence que ces caractéristiques de surface varient en fonction des propriétés du milieu (Rubio 2002 ; Hamadi 2005). En outre, la structure de la paroi et son organisation diffèrent selon l’appartenance du procaryote au groupe des bactéries à coloration de Gram positif ou négatif (Bosgiraud 2003).

1 Caractéristiques énergétiques, composition de surface, métabolisme…

2 Navicula jeffreyi par exemple, micro-algue majoritairement responsable dans la formation de biofilms benthiques.

59 Le Tableau I.2-1 décrit brièvement quelques-unes des différences de composition chimique observées entre les parois de bactéries à coloration de Gram positif ou négatif.

Tableau I.2-1 : Composition chimique des parois des bactéries à coloration de Gram positif ou négatif, d’après Larpent & Larpent-Gourgaud (1985).

Caractéristiques Gram+ Gram

-Mucopeptide + +

Polypeptide + +

Acide téichoïque + (sauf E.coli) -

Acides aminés 24-35 % 50 % Protéines +/- + Lipides 1 % 20 % Lipopolysaccharides - + Lipoprotéines - + + : présence - : absence

I.2.1.1.1.1 La paroi des bactéries à coloration de Gram positif

La paroi des bactéries à coloration de Gram positif est principalement constituée d’une couche homogène de peptidoglycane1 de 20 à 80 nm d’épaisseur située à l’extérieur de la membrane cytoplasmique. Le peptidoglycane est formé de chaînes polysaccharides linéaires dont l’unité de base est une alternance régulière de sucres aminés, la N-acétylglucosamine (NAG) liée en β (1-4) à l’acide N-acétylmuramique (NAM) (Hancock 1991). De courtes chaînes peptidiques sont greffées au niveau des groupements carboxyle des unités NAM par une liaison amide.

Réseau maillé tridimensionnel rigide2 et poreux, le peptidoglycane confère la

morphologie et la rigidité des bactéries de ce type et représente environ 50 % du poids sec de la paroi cellulaire. En outre, différentes structures se greffent sur le peptidoglycane telles que des acides téichoïques, téichuroniques, lipotéichoïques. Ces composés jouent d’ailleurs des rôles majeurs dans l’adhésion des bactéries à l’origine de la formation de biofilms.

1 Muréine ou mucopeptide.

2 Les ponts interpeptidiques, reliant les chaînes tétrapeptidiques (différentes en fonction des espèces bactériennes) appartenant à des chaînes glycaniques adjacentes, sont à l’origine de cette rigidité.

60 Leur charge négative permet, entre autre, de maintenir et réguler la concentration en cations qui jouxte la paroi. Ils présentent également un rôle antigénique important.

Figure I.2-1 : Représentation schématique d’une paroi des bactéries à coloration de Gram positif et négatif, d’après Boutaleb (2007). 1 : paroi, 2 : espace périplasmique, 3 : membrane plasmique, 4 : acide téichoïque, 5 : acide lipotéichoïque, 6 : phospholipide, 7 : protéine intrinsèque, 8 : peptidoglycane, 9 : lipoprotéines de Braun, 10 : lipopolysaccharides, 11 : porines, 12 : chaînes latérales antigéniques O.

I.2.1.1.1.2 La paroi des bactéries à coloration de Gram négatif

La paroi des bactéries à coloration de Gram négatif est généralement plus mince et constituée d’une couche de faible épaisseur de peptidoglycane (3 nm), entourée d’une

membrane externe1 de 7 à 8 nm d’épaisseur. Cette membrane est formée d’une double couche

de phospholipides dans laquelle peuvent s’insérer des protéines, des lipoprotéines et des lipopolysaccharides (LPS) (Hancock 1991 ; Neidhardt et al. 1994). Une brève présentation des propriétés et structures des différents constituants (Figure I.2-1) de la paroi des bactéries à coloration de Gram négatif est présentée ci-après.

1 La membrane externe est généralement asymétrique et joue un rôle important pour limiter l’entrée ou la sortie de divers constituants.

61

I.2.1.1.1.2.1 Protéines majeures (105 unités par cellule bactérienne)

On distingue différents constituants majeurs qui répondent à la définition de protéines

majeures (OMP1) de la paroi des bactéries à coloration de Gram négatif : (i) les lipoprotéines

de Braun, (ii) les protéines OmpA, (iii) les porines et les récepteurs protéiques membranaires du fer2.

(i) La partie lipidique des protéines de Braun est enchâssée dans la face interne de la membrane externe par des liaisons hydrophobes avec les phospholipides. La partie protéique

est liée de manière covalente au peptidoglycane entre les NH2 de la lysine et les groupements

carboxylique de l’acide amino-pimélique. Ces protéines assurent la liaison membrane externe-peptidoglycane ainsi que la cohésion structurale des enveloppes.

(ii) La protéine OmpA est impliquée dans la structuration de la membrane externe. Elle est

nécessaire à l’entrée de l’Acide Désoxyribonucléique (ADN) par conjugaison mais ne participe cependant pas à la diffusion.

(iii) Constituées par l’assemblage de protéines sous forme de feuillet β, les porines forment des canaux hydrophiles qui traversent la membrane externe et forment des pores permettant aux molécules hydrophiles de petites tailles (<600 Da) de traverser.

I.2.1.1.1.2.2 Protéines mineures (100 unités par cellule bactérienne)

Les protéines mineures sont responsables du transport spécifique de petites molécules. Elles sont très variées mais exprimées dans des quantités moins importantes que les protéines majeures.

I.2.1.1.1.2.3 Les lipopolysaccharides (LPS)

Les LPS sont des constituants retrouvés uniquement dans la couche externe de la membrane externe des bactéries à coloration de Gram négatif (Figure I.2-1). Ils sont constitués de trois parties : (i) le lipide A situé du côté externe de la bicouche membranaire, (ii) le polysaccharide central et (iii) la chaîne antigénique O exposée à la surface des bactéries (Hancock 1991).

1 Outer Membrane Proteins

62

(i) Le lipide A, partie lipophile des LPS, est composé de deux résidus glucosamine

phosphorylés et acétylés sur toutes les fonctions hydroxyle et amine par des chaînes d’acides gras saturés.

(ii) Il s’agit d’un oligosaccharide constitué par un noyau interne lié au lipide A et un noyau externe lié aux chaînes O spécifiques.

(iii) Ces chaînes externes hydrophiles jouent un rôle antigénique très important et sont constituées d’un motif élémentaire de plusieurs sucres. En fonction des espèces bactériennes, leur composition varie. Ainsi, les souches qui possèdent des chaînes O complètes forment des colonies lisses. A l’inverse, les souches qui possèdent des chaînes O tronquées forment des colonies rugueuses.

I.2.1.1.1.3 Constituants communs aux bactéries à coloration de Gram positif et négatif

Hormis la couche plus ou moins épaisse et différemment constituée du peptidoglycane, certains constituants sont communs aux bactéries à coloration de Gram positif et négatif. De nombreuses bactéries possèdent une couche de polysaccharides plus ou moins épaisse et visqueuse qui recouvre la face extérieure de la paroi. La littérature sépare ces polysaccharides en deux types : on parle de capsule lorsque ces polysaccharides sont étroitement et fortement attachés à la paroi et de couches mucoïdes lorsque ces derniers sont facilement détachables de la surface (Figure I.2-1). De manière générale, cette couche de Substances Polymériques Extracellulaires est définie comme le glycocalyx. Les monosaccharides les plus rencontrés dans sa composition sont le fucose, le rhamnose, le glucose, le galactose et leurs formes aminées. La présence d’acides uronique et sialique n’est pas non plus négligeable. Ces SPE confèrent par ailleurs de nombreuses propriétés aux bactéries : résistance à l’attaque phagique ou à la phagocytose, résistance aux stress environnementaux, protection vis-à-vis de la dessiccation, source de nutriments en cas de carence (Allion 2003 ; Boutaleb 2007).

La couche S, constituée de protéines glycosylées ou non, est différemment située selon le type de bactéries (Figure I.2-1). Pour les bactéries à coloration de Gram positif, la couche S est localisée à la périphérie du peptidoglycane.

63 Pour les bactéries à coloration de Gram négatif, cette dernière est étroitement associée à la membrane externe. La couche S joue un rôle dans l’adhésion des bactéries aux surfaces inertes (Oliveira 1992). La couche S retient un certain nombre d’exoenzymes qui agissent, à la surface de la bactérie, sur le métabolisme des SPE par exemple.

Pour finir, on distingue des appendices cellulaires au sein des bactéries à coloration de Gram positif et négatif : les flagelles, les pili et les fimbriae (Figure I.2-1). Les flagelles sont des structures fines de nature protéique, qui confère à la bactérie sa mobilité. Les pili jouent quant à eux un rôle dans la conjugaison (échange d’informations génétiques entre deux bactéries). Enfin, les fimbriae sont impliqués dans les phénomènes d’adhésion. On considère que les différents appendices cellulaires de surface peuvent en pénétrant la paroi cellulaire perturber l’organisation du système et être à l’origine de surfaces exposées plus hydrophobes (Hancock 1991 ; Latrache et al. 1994). Ils permettent également le passage du minimum secondaire évoqué dans la théorie de la DLVO1 décrite par la suite (cf. I.2.3.3, p. 72), indispensable aux interactions entre bactéries et surfaces contaminées.

I.2.1.1.2 Les Eucaryotes : exemple des micro-algues

Les Bacillariophycées, appelées plus communément diatomées sont des micro-organismes unicellulaires appartenant aux algues brunes. Leur taille varie de 20 à 200 µm en général avec quelques maxima à 2 mm. On distingue classiquement les formes pélagiques (appartenant au phytoplancton) des formes benthiques (appartenant au microphytobenthos). Les diatomées constituent une partie majeure du phytoplancton et jouent un rôle primordial au sein des écosystèmes marins et côtiers. Sous forme de cellules isolées ou regroupées en colonies, elles se caractérisent par une paroi rigide faite de silice hydratée insérée dans une matrice organique (frustule). Cette paroi est divisée en deux valves emboîtées de tailles différentes : l’hypothèque vient s’emboîter dans l’épithèque, la bordure verticale de l’épithèque (ou épicingulum) recouvrant le bord de l’hypothèque (ou hypocingulum). Chez de nombreuses espèces, ces deux valves présentent de multiples ornementations différentes et permettent d’identifier de nombreux individus. Les diatomées occupent à l’heure actuelle la zone photique des eaux marines fraîches et froides, mais aussi des eaux douces et des sols. En milieu marin, de nombreuses espèces planctoniques et benthiques ont déjà été identifiées.

64 Classiquement, on distingue deux catégories de diatomées, selon la géométrie de leur frustule :

 les diatomées centrales, à symétrie radiale : le frustule circulaire porte des stries, rayonnant depuis un point ou une aréole,

 les diatomées pennales, à symétrie bilatérale : le frustule allongé présente des stries disposées autour d’un plan de symétrie bilatérale.

De nombreuses diatomées pennales présentent une fente, appelée raphé, interrompue par un nodule central de silice. Ce raphé est à l’origine de la communication avec le milieu extérieur et de l’excrétion de mucilage (composés polysaccharidiques). La formation de gangues polymériques autour des diatomées va leur conférer des propriétés particulières d’adhésion, fonction de la composition de ces SPE. Les diatomées sont capables de moduler la composition de ces exopolymères pendant la formation des biofilms benthiques et des besoins structuraux ou environnementaux. En outre, ces micro-algues peuvent également produire des lipides et acides gras, qui influencent l’hydrophobicité de leur surface.