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III. RESULTATS COMMENTES

III.1 C ARACTERISATION ET DYNAMIQUE DE SUBSTANCES POLYMERIQUES D ’ ORIGINE ALGALE

III.1.1 Caractérisation partielle de substances polymériques matricielles extraites de la macro-algue

III.1.1.3 Activité antimicrobienne des extraits

La composition globale très particulière de la fraction CHAET#2 pourrait lui conférer des propriétés actives notables. Certains protéoarabinogalactanes collectés à partir du mucilage de cactées (genre Platyopuntia) ont ainsi montré une capacité importante de rétention des graisses (Malainine 2007). Anand Ganesh et al. (2009) ont également mis en évidence la présence d’un polymère similaire à l’héparine au sein de la macro-algue Chaetomorpha antennina. En outre, de nombreuses études se sont intéressées aux propriétés nutritives ou antimicrobiennes de xyloarabinogalactanes sulfatés (Percival 1979), arabinoxylooligosaccharides (Genestie 2006), arabinogalactanes (Brudieux 2007) ou plus généralement de galactanes sulfatés. L’utilisation de molécules marines dans des domaines variés (médecine, assainissement, agro-alimentaire) est d’ailleurs de première actualité comme le montre de nombreux travaux visant à valoriser des algues marines (Zheng et al. 2000 ; Al-Haj et al. 2009 ; Anand Ganesh et al. 2009 ; Kolanjinathan et al. 2009).

Afin d’évaluer une éventuelle activité biologique de l’extrait CHAET#2, des tests d’activité antibactérienne et antifongique ont été menés par diffusion radiale de l’extrait sur milieux gélosés. Les sensibilités de différentes souches à CHAET#2 ont été testées, à savoir Staphylococcus aureus (ATCC 25923), Salmonella enteretidis (ATCC 13076), Pseudomonas aeruginosa (ATCC 27853), Enterococcus faecalis (CIP 103214) et Candida glabnata (DSM 6425). Il est important de noter que l’extrait de CHAET#2 a été préalablement resuspendu, à hauteur de 50 g/L (Zheng et al. 2001), dans différents solvants (eau, méthanol, diméthylsulfoxyde, éthanol et acétone) présentant des polarités très variées.

Les résultats des tests n’ont montré aucune activité des différents extraits sur les souches Salmonella enteretidis, Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus faecalis et Candida glabnata. A l’inverse, la souche de Staphylococcus aureus semble sensible à CHAET#2. Des halos d’inhibition significatifs ont ainsi été observés (Figure III.1-8).

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Figure III.1-8 : Sensibilité de la souche Staphylococcus aureus (ATCC 25923), après 24 h à 37°C, face à différents extraits de CHAET#2 resuspendus, à hauteur de 50 g/L, dans (A) de l’eau, (B) de l’éthanol absolu, (C) de l’acétone et (D) du méthanol. Les tests (B), (C) et (D) ont été réalisés sur gélose GN. Le test (A) a été réalisé sur gélose MH. T- représente un témoin négatif réalisé avec le solvant adapté à l’extrait resuspendu testé. T+ représente un témoin positif représentatif de la sensibilité de la souche (ampicilline).

On constate ainsi que toutes les fractions présentent une activité antibactérienne significative face à la souche testée. Cette activité semble légèrement plus importante au sein d’échantillons resuspendus dans du méthanol. Le Tableau III.1-3 présente les diamètres d’inhibition mesurés pour chaque extrait. L’activité anti-Staphylococcus aureus est du même ordre de grandeur au sein des cinq échantillons. Le méthanol semble toutefois être le solvant de prédilection pour resuspendre CHAET#2. Cette observation est d’ailleurs cohérente avec de nombreuses publications qui utilisent le méthanol (souvent dilué) ou l’eau pour resuspendre les extraits testés (Roger 2002, Ruiz 2005, Al-Haj et al. 2009). Les tailles des diamètres sont intéressantes et cohérentes avec des mesures réalisées sur la même souche bactérienne à partir d’extraits polymériques (50 g/L) de Chlorophytes (Zheng et al. 2001).

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Tableau III.1-3 : Activité anti-Staphylococcus aureus du polymère CHAET#2 extrait de la macro-algue Chaetomorpha aerea.

Extrait (50g/L) Activité anti-Staphylococcus aureus (ATCC25923) Diamètre d'inhibition (mm) CHAET#2-Eau 10 ± 0,2 CHAET#2-Ethanol 11 ± 0,4 CHAET#2-Acétone 12 ± 0,1 CHAET#2-Méthanol 11 ± 0,2 CHAET#2-Diméthylsulfoxyde 10 ± 0,3

Toutefois, la concentration testée au cours de cette étude ne reflète pas véritablement l’efficacité de l’extrait. C’est pourquoi des tests supplémentaires ont été menés afin de déterminer la CMI/CMB des extraits aqueux et méthanoliques de CHAET#2, toujours face à la même souche de Staphylococcus aureus. Plusieurs concentrations ont été testées, allant de 2 à 50 g/L. Les résultats obtenus sont présentés dans le Tableau III.1-4.

Tableau III.1-4 : Troubles bactériens de la souche Staphylococcus aureus (ATCC 25923) visible après 24 h de culture à 37°C en présence de différentes concentrations d’extraits de CHAET#2, préalablement dilué dans de l’eau ou du méthanol.

Concentrations des extraits (g/L) 2 4 8 10 15 20 30 35 40 42 45 50 CHAET#2-Eau +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ ++ + - - - CHAET#2-Méthanol +++ +++ +++ +++ +++ +++ +++ ++ + - - - +++ : trouble bactérien important, + : trouble bactérien léger

++ : trouble bactérien moyen, - : aucune culture visible

On observe un trouble bactérien de la souche Staphylococcus aureus dans l’ensemble des tubes de concentrations comprises de 2 à 40 g/L. Le trouble devient moins intense à des concentrations croissantes importantes (35 g/L) et disparait totalement à partir de 42 g/L. On peut donc considérer que la concentration minimale des deux extraits pour inhiber toute culture visible de la souche est de 42 g/L. Il est important de noter que ces CMI sont élevées et traduisent directement la faible efficacité de l’extrait face à la souche. Des dénombrements sur gélose des suspensions bactériennes en présence de 42 et 45 g/L d’extraits ont permis de déterminer la Concentration Minimale Bactéricide (CMB) des échantillons testés.

184 Moins de dix colonies ont été dénombrées sur les géloses ensemencées à partir des suspensions bactériennes en contact avec une concentration de 45 g/L. 45 g/L est donc la CMB des deux échantillons. Le rapport CMB/CMI indique par ailleurs que les extraits présentent une activité bactéricide (CMB/CMI < 4).

De manière générale, le polymère CHAET#2 présente une activité bactéricide face à la souche Staphylococcus aureus (ATCC 25923). Cependant, l’obtention de cette activité nécessite l’utilisation de concentrations très importantes de l’extrait (45 g/L) traduisant directement sa faible efficacité.

Comparativement à d’autres biomolécules actives ou d’antibiotiques courants, comme l’ampicilline, le polymère CHAET#2 ne présente que peu d’intérêts en tant qu’agent désinfectant ou antibiotique.

SYNTHESE INTERMEDIAIRE III.1-3

 Activité antimicrobienne sélective de Staphylococcus aureus (ATCC 25923).  Activité bactéricide (45 g/L) peu intense.

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Extracellulaires dans la formation de biofilms benthiques : impacts

environnementaux au sein des vasières intertidales charentaises

Les biofilms benthiques, qui se développent au cours des périodes d’émersion des vasières intertidales, sont étudiés pour diverses raisons. Si l’on considère une perspective écologique, la raison principale de ces études est la compréhension de l’influence des biofilms benthiques au sein des écosystèmes intertidaux, en analysant leur composition et les changements qui s’opèrent selon les conditions environnementales. Durant les dernières décennies, de nombreuses études ont tenté de déterminer leur composition et ont mis en évidence la présence de micro-algues (microphytobenthos), de bactéries et de champignons, tous enchevêtrés au sein d’une matrice complexe de composés polymériques produits par ces différents organismes (Frølund et al. 1996). Ces Substances Polymériques Extracellulaires (SPE) sont riches en polysaccharides, protéines, protéoglycanes, lipides et autres composés, tous exprimés à des concentrations spécifiques (Stoodley et al. 2002 ; Stal 2003) en fonction de la localisation et des conditions environnementales, affectant à la fois le réseau trophique et la productivité primaire de l’écosystème (Underwood & Paterson 2003). Les SPE sont

impliquées dans la motilité des diatomées épipéliques1 (Stal & Défarge 2005) et peuvent être

utilisées comme sources carbonées par les communautés bactériennes (van Duyl et al. 1999 ; Hofmann et al. 2009). Les SPE peuvent également affecter le microenvironnement des biofilms en faisant varier des paramètres physico-chimiques comme la porosité ou la stabilité mécanique du sédiment (Orvain et al. 2003 ; Perkins et al. 2004 ; Spears et al. 2008). D’un autre côté, les SPE benthiques peuvent présenter des structures et fonctions intéressantes, qui peuvent être utilisées dans divers domaines biochimiques. L’extraction de polysaccharides sulfatés pour des applications médicales en est un exemple (Witvrouw & De Clercq 1997). De nombreux travaux ont déjà proposé des protocoles d’extraction permettant de collecter des SPE spécifiques (Staats et al. 1999 ; de Brouwer & Stal 2001 ; Azerado et al. 2003 ; Bellinger et al. 2005 ; Comte et al. 2006). Toutefois, ces données ont à chaque fois été critiquées et les auteurs s’accordent sur le fait qu’il n’existe pas de méthode universelle pour l’extraction des SPE benthiques (de Brouwer & Stal 2004). Ainsi, les méthodes de séparation et d’extraction doivent être sélectives du composé à extraire tout en contrôlant le devenir des autres composés.

186 Une lyse cellulaire minimale et une altération ou détérioration des SPE quasi nulles sont indispensables à la bonne analyse de ces composés (Denkhaus et al. 2007).

Dans ce sens, Takahashi et al. (2009) a clairement démontré que l’extraction de SPE colloïdales et capsulaires, à l’aide d’une résine échangeuse de cations, était la meilleure méthode pour obtenir des rendements élevés en glucides totaux et permettre une extraction optimale sans lyse cellulaire ni contamination par le matériel polymérique interne aux cellules (glucides de stockage notamment, type glucane et chrysolaminarane). Selon le protocole d’extraction utilisé, il est ainsi possible de distinguer différents types de SPE, en fonction de leurs compositions, structures et localisations au sein du sédiment. Le protocole de Takahashi et al. (2009) permet la collecte de trois fractions majoritaires (Figure II.1-3) :

- les fractions riches en SPE colloïdales, correspondant aux substances polymériques excrétées dans le milieu extracellulaire,

- les fractions riches en SPE capsulaires, composés entourant les cellules, probablement impliquées dans des phénomènes de protection et/ou d’adhésion cellulaire,

- les fractions résiduelles, contenant à la fois des polymères internes (stockage de glucides chez les diatomées) et des SPE capsulaires réfractaires n’ayant pas été extraites par la résine échangeuse d’ions.

En outre, ce protocole d’extraction permet la séparation de chaque catégorie de SPE en deux types, Bas et Haut Poids Moléculaire (BPM, HPM), grâce à l’utilisation d’éthanol à froid (Bellinger et al. 2005).

Cette partie s’est articulée autour de l’étude des SPE excrétées durant le développement d’un biofilm microphytobenthique issu d’un sédiment intertidal de la région de Marennes-Oléron, France (Figure II.1-1). Cette étude in situ novatrice a été menée via l’utilisation du protocole d’extraction développée par Takahashi et al. (2009) afin de mieux caractériser les SPE produites par ce microphytobenthos dominé par des diatomées épipéliques (Orvain et al. 2003 ; Haubois 2005 ; Herlory 2005), durant trois périodes consécutives d’émersion diurne courant février 2008. Le principal but de cette partie était de déterminer et comprendre via des analyses biochimiques variées, les dynamiques de production de SPE au cours du développement d’un biofilm microphytobenthique.

187 Par ailleurs, une connaissance plus juste de ces dynamiques pourrait significativement permettre une meilleure compréhension du réseau trophique local ainsi que de l’influence physico-chimique de ces SPE sur l’écosystème côtier charentais voire sur des écosystèmes côtiers européens similaires.