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Dans une deuxième étape, nous nous sommes basés sur les modèles de fonctionnement écologique des milieux aquatiques, qui décrivent la dynamique de la matière organique en tenant compte explicitement du compartiment bactérien et en fractionnant la MO en plusieurs classes de biodégradabilité.

2.3.1 Description du modèle

Le modèle que nous avons utilisé (Figure 22) reprend le principe du modèle « HSB » de Billen et Servais (1989). L’ensemble de la MOD dans le réacteur est à chaque moment composé de MOD facilement biodégradable (H1), lentement biodégradable (H2), réfractaire à la dégradation (H3) ; ces trois fractions sont originaires du substrat. Par rapport au modèle de référence (Figure 4 de la partie « Etat des connaissances »), nous avons ajouté une dernière fraction de MOD, constituée des SMP (H4), qui n’est pas présente dans le substrat initial. Cette fraction est supposée lentement biodégradable. De même, la matière organique particulaire est composée des MOP du substrat initial biodégradables (P1 et P2) ou réfractaires (P3), des résidus bactériens (P4) et de la biomasse vivante (B). Les particules biodégradables P1, P2 et P4 sont hydrolysées en MOD de type H1, H2, et H4 respectivement. La matière organique et son évolution sont donc représentées ici par un modèle à dix variables et douze paramètres.

DOM H2 DOM H3 POM P2 POM P4 POM P1 POM P3 DOM H4 DOM H1 Biomass B Refractory Rapidly degradable Slowly degradable Rapid Slow Slow CO2 Mortality rate (kd) (f) (1- f) Growth yield (y) (k1) (k2) ( k4)

1st order kinetics Michaelis kinetics

Slow (e2, max, K2) (e1, max, K1) Rapid O2 (e4, max, K4) Slow

Figure 22 : Schéma du modèle de biodégradation de la MO.

L’originalité de ce modèle réside dans la prise en compte des résidus bactériens comme des fractions à part de la MO, au contraire du modèle HSB original. Ce choix a été fait car nous

Matières organiques et biodisponibilité des HAP

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avons mis en évidence le caractère particulier de ces résidus microbiens pour leur capacité à fixer les HAP.

Remarque : Le modèle HSB a pour objectif la description de l’évolution des matières organiques dans les milieux aquatiques, il est important de noter qu’il ne prend pas en compte spécifiquement l’origine de la MO.

2.3.2 Méthodes d’optimisation

A partir des mesures expérimentales de COD, COP et de consommation d’oxygène, les fractions de la MO sur toute la durée de la dégradation ont été estimées. L’optimisation des paramètres cinétiques de biodégradation et des conditions initiales (fractionnement du substrat) a été faite suivant une méthode d’optimisation numérique détaillée dans Dispan et al. (soumis).

L’optimisation des paramètres cinétiques et des conditions initiales se fait par minimisation de la fonction de coût, somme des carrés des écarts entre les valeurs observées et simulées. L’optimiseur est de type quasi-Newton (L-BFGS-B, Zhu et al., 1997), il permet de résoudre le problème avec des variables bornées. Le différenciateur automatique Odyssées (développé par l’INRIA, Faure et Papegay , 1998) est utilisé pour construire le code adjoint pour l’évaluation du gradient de la fonction coût. Les programmes sont écrits en FORTRAN 77. Cette méthode permet l’ajustement des paramètres et des conditions initiales, ainsi que l’estimation de leur écarts-types.

Une fois les conditions initiales et les paramètres de biodégradation déterminés, les constantes

KDOC i et SUVAi pour chaque type de MO sont optimisées par minimisation des moindres carrés par régression multilinéaire sous Excel.

Le pallier de très faible consommation d’oxygène observé en début de dégradation a été éliminé des données d’observations pour les optimisations. Il correspond à une biomasse trop faible pour être évaluée de façon fiable et peut être dû à l’adaptation des bactéries aux conditions du milieu, ce qui ne peut être représenté par le modèle. Ainsi, les données sont prises en compte à partir de 20 heures et 25 heures de dégradation respectivement pour le Viandox et pour les extraits algaux, soit au démarrage de la dégradation.

2.3.3 Ajustement du modèle aux données de COD, de COP et d’OUR

2.3.3.1 Paramètres et variables fixées

Les vitesses de dégradation des différentes fractions sont celles du modèle HSB telles que proposées par Billen et Servais (1989). Pour des soucis de stabilité numérique, les constantes de Michaelis dans les équations d’hydrolyse de H1, H2 et H4 ont été fixées à 10 mg/L et sont supérieures aux valeurs proposées dans le modèle initial (0.25 mg/l et 2,5 mg/l respectivement). Les simulations n'en sont que peu affectées car les concentrations en CO utilisées dans les

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expériences sont élevées et donc pas limitantes. La cinétique de dégradation de H4 est assimilée à celle de H2. La répartition de la biomasse morte entre H4 et P4 a été fixée à 30 :70.

Deux variables ont été optimisées au cours des simulations :

- Le rendement de croissance des boues activées. Il a été en effet montré que le rendement de croissance des boues de STEP étaient plus élevé que celui des bactéries du milieu naturel, fixé à 0.25 dans le modèle HSB (Henze, 1992). Par ailleurs, nos essais montrent une forte production de COP, ce qui implique une valeur minimale de transformation du COD initial en biomasse.

- la mortalité bactérienne (nous avons constaté la nécessité de libérer ce paramètre pour pouvoir simuler les cinétiques plus lentes de dégradation)

Les fractions P1, P2 et P3 sont nulles au démarrage de l’essai car les substrats initiaux ne contiennent pas de MOP. H4 et P4 ont aussi été supposés nuls, bien que les boues activées qui servent pour initier la biodégradation contiennent une fraction de H4 et P4. Compte tenu du faible volume de boues inoculé, ces fractions sont négligeables devant la MO du substrat. Les variables initiales à optimiser sont donc H1, H2, H3 et B la biomasse.

2.3.3.2 Résultats : composition et évolution des substrats

Les Tableau 11 et Tableau 12 montrent les paramètres et les conditions initiales après optimisation à partir des données. La Figure 23 montre les résultats des simulations concernant les valeurs de COD, de COP, d’OUR et la répartition du substrat en fractions de biodégradabilité.

Paramètres Extraits algaux Viandox

Assimilation de H1 Vitesse e1 max 0.75 h-1 0.75 h-1

Constante de Michaelis K1 10 mg C/L 10 mg C/L

Assimilation de H2 Vitesse e2 max 0.25 h-1 0.25 h-1

Constante de Michaelis K2 10 mg C/L 10 mg C/L

Assimilation de H4 Vitesse e4 max 0.25 h-1 0.25 h-1

Constante de Michaelis K4 10 mg C/L 10 mg C/L

Rendement de croissance Y 0.600 ± 0.007 0.563 ± 0.003 Mortalité 0.05 (borne inf) 0.241 ± 0.002

Fraction vers H4 0.3 0.3

Dynamique de la Biomasse

Hydrolyse de P4 0.0025 h-1 0.0025 h-1

Tableau 11 : paramètres du modèle. En italiques sont indiqués les paramètres optimisés.

Substrat initial Boues

H1 H2 H3 B

Extraits algaux 8,0 ± 0,2 37,5 ± 0,5 23,7 ± 0,4 0,037 ± 0,0034

12 % 54% 34

Viandox 179,2 ± 1,1 619,0 ± 1,9 10 (borne inf) 13,0 ± 0,2

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Pour les deux substrats, le modèle permet de bien représenter les évolutions des teneurs en COD et en COP, surtout en début de dégradation. Les deux substrats contiennent une majorité de H2, MO plus lentement biodégradable. Les extraits d’algues contiennent 34% de composés réfractaires alors que le Viandox semble biodégradable à 99%.

L’observation de l’évolution de chaque type de MO au cours de la dégradation montre que la partie biodégradable des extraits d’algues a totalement disparu après 3 jours de dégradation, alors que les composés du Viandox sont dégradés sur les deux semaines de l’expérience.

Les simulations des OUR permettent globalement de rendre comte des OUR calculées à partir des mesures de O2. L’intensité simulée est souvent légèrement surestimée, mais les pics de consommation d’oxygène sont très bien simulés par le modèle dans les deux cas.

VIANDOX EXTRAITS D’ALGUES

0 50 100 150 200 250 300 350 0 200 400 600 800 Durée (heures) C O (m g/L) COD COP 0 50 100 150 200 250 300 0 20 40 60 Durée (heures) C O (m g/ L) COD COP 350 80 0 50 100 150 200 250 300 350 0 100 200 300 400 500 600 Durée (heures) CO ( m g/ L ) H1 H2 H3 H4 P4 biomasse 0 50 100 150 200 250 300 0 10 20 30 Time (hours) C O ( m g/ L) 40 H1 H2 H3 H4 P4 biomasse 0 20 40 60 80 100 0 25 50 75 100 125 150 Durée (heures) OU R (m g/L/h ) OUR simulé OUR mesuré 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 0 20 40 60 Durée (heures) OU R (mg/L/h) OUR simulé OUR mesulé

Figure 23 : Biodégradation du Viandox (gauche) et des extraits algaux (droite). Haut : COP et COD observés (cercles) et simulés (traits). Milieu : fractionnement théorique de la MO au cours de sa dégradation. Bas : OUR simulées et estimées à

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Le modèle utilisé a plus de difficultés à simuler les observations pour les durées plus longues. En général, on observe une surestimation du COD, alors que le COP diminue moins en fin de dégradation que ce qui a été mesuré dans le réacteur. La mortalité et la dynamique de la MO bactérienne sont mal simulées ici. Ces processus sont très sûrement trop simplifiés dans le modèle pour permettre une bonne représentativité des phénomènes très lents de minéralisation. Bien que les deux optimisations aient été faites séparément, le modèle a pour objectif de représenter la biodégradation de l’ensemble des MO d’un milieu, quelles que soient leurs origines. Les rendements de croissance obtenus pour les deux substrats sont proches. La valeur 0,6 est supérieure à la valeur 0,25 du modèle HSB mais s’explique par une plus grande adaptation des boues activées aux substrats biodégradables par rapport aux bactéries hétérotrophes des milieux naturels (Henze, 1992). En revanche, la mortalité des bactéries est très différente pour la biodégradation des deux substrats . En particulier, la valeur optimisée est très grande pour la dégradation du Viandox (0,24 par rapport à la valeur de référence pour HSB de 0.05). Ce résultat peut être dû à la concentration exceptionnelle de biomasse produite par la dégradation du Viandox (~300 mg/L) qui pourrait induire un comportement microbien différent des conditions généralement observées en rivière, ou même en station d’épuration. Il convient de rappeler que les eaux usées brutes contiennent environ dix fois moins de COD initial que le Viandox et produiront donc au cours de leur minéralisation beaucoup moins de biomasse.

Hormis la mortalité exceptionnelle pour la dégradation du Viandox, qui peut être attribuée aux conditions expérimentales non représentatives des milieux dans lesquels les données sont usuellement recueillies, il semble donc que le même modèle permette de simuler la minéralisation des deux types de substrats malgré leur origine totalement différente.

2.3.4 Optimisation des K

DOC, i

et SUVA

i

.

Valeurs de KDOC en x104 L/kg Valeurs de SUVA en cm-1.L.g-1

H1 H2 H3 H4 H1 H2 H3 H4 Viandox H4 libre 0 (min) 6,1 ±4,6 237,6 ±126,6 13,9 ±13,7 1,6 ±6,7 3,5 ±0,9 161,1 ±25,1 15,6 ±2,7 H4 contraint 0 (min) 11,3 ±5,0 73,2 ±133,7 33,3 ±14,2 3,6 ±6,0 2,8 ± 0,7 183,9 ±20,4 13,1 ±2,1 H4 fixé 0 (min) 9,1 ±3,2 143,2 ±57,2 25 -3,3 ±8,1 5,3 ± 0,6 105,3 ±11,6 22 Algues H4 libre 43,7 ±44,6 0,7 ±7,0 4,6 ±2,9 112,0 ±19,3 12,8 ±3,3 11,5 ±0,6 6,8 ±0,3 3,5 ±2,2 H4 contraint 0 (min) 0 (min) 13,3 ±3,2 33,3 ±14,2 10,9 ±6,8 12,5 ±1,2 5,7 ±0,5 13,1 ±2,1 H4 fixé 0 (min) 0 (min) 14,1 ±2,8 25 9,2 ±9,5 13,6 ±1,6 4,6 ±0,6 22

Tableau 13 : Coefficients de partition KDOC et absorbance spécifique à 254 nm (SUVA) pour chaque fraction de MOD,

selon l’origine de la MO et le mode d’estimation

L’optimisation des KDOC i pour chaque substrat a été réalisée de trois façons :

- en optimisant les paramètres KDOC i et SUVAi pour les quatre fractions de MOD

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- en cherchant des valeurs de SUVA4 et KDOC 4 communes pour les deux expériences (H4 contraint).

- en fixant les valeurs de SUVA4 et KDOC 4 aux valeurs expérimentales mesurées sur les SPMD produits lors de la dégradation du glucose (H4 fixé)

Les résultats sont présentés dans le Tableau 13 ci-dessus.

Il convient de noter que le petit nombre de données disponibles pour la régression ne permet que de fournir des ordres de grandeur des constantes pour chaque fraction. En particulier, les valeurs KDOC i sont fortement dépendantes des incertitudes liées aux estimations des KDOC(biol). La contrainte sur H4 influence beaucoup les valeurs de KDOC i et SUVAi, surtout pour les paramètres de H3 et H4. Dans tous les cas néanmoins, on constate une capacité d’interaction avec le BaP négligeable pour la MOD rapidement dégradable H1, et une très faible pour la fraction lentement dégradable H2. Pour les algues, on retrouve la constante de partition nulle pour les composés biodégradables, comme on l’avait déjà estimé via le modèle plus simple précédent (Article 3).

0 10 20 30 40 0 100 200 300 400 Durée (heures) KDO C (x 1 0 4L/k g ) Viandox Algues 0 10 20 30 40 0 100 200 300 400 Durée (heures) Viandox Algues Viandox Algues 0 5 10 15 20 25 30 0 100 200 300 400 Durée (heures) SU V A Viandox Algues

Figure 24 : évolution de la constante de partition (KDOC) et de l’absorbance spécifique à 254 nm (SUVA) de la MOD au

cours de la minéralisation (simulation avec « H4 contraint », i.e. des valeurs de KDOC 4 et de SUVA4 identiques pour les

deux substrats).

En dépit de la forte variabilité des constantes estimées pour H3 et H4 selon les hypothèses de départ, on observe que les MOD réfractaires du Viandox ont toujours une très forte capacité d’interaction avec le BaP, du même ordre que celle observée pour les acides humiques. Une telle capacité d’interaction n’est pas obtenue pour les molécules réfractaires d’origine algale. Le modèle indique en effet que les interactions observées en présence d’extraits d’algues dégradés sont principalement dues aux résidus bactériens. Cependant, la valeur obtenue en laissant H4 libre semble trop élevée et non réaliste, alors que la valeur obtenue en forçant KDOC4 à être identique pour les deux essais est plus proche de celle estimée pour les SMP issus de la dégradation du glucose (25x104 L/kg, Article 3). Dans le cas où K

DOC 4 est contraint, le modèle sous-estime la constante de partition des extraits algaux dégradés (Figure 24). Nous pouvons donc supposer que la capacité d’interaction des extraits d’algues réfractaires est sous-estimée dans ces simulations.

L’estimation des coefficients de partition avec KDOC 4 contraint nous semble finalement plus acceptable, malgré les grandes incertitudes sur les paramètres optimisés. Elle sont similaires à celles pour lesquelles les valeurs pour H4 ont été fixés aux valeurs expérimentales. Les simulations tendent à montrer que les composés biodégradables des matières organiques ont une

Importance de la biodégradabilité des MO

influence relativement faible sur la biodisponibilité des POH. En revanche, les SMP et les fractions réfractaires des matières organiques ont une forte influence sur la répartition des POH dans l’environnement

Le modèle permet de très bien simuler l’évolution de l’aromaticité des deux substrats, même si la valeur de SUVA pour H4 est contrainte (Figure 24). Pour les algues, les fractions les moins dégradables sont aussi les moins aromatiques alors que la tendance inverse est observée avec le Viandox. Nous retrouvons les ordre de grandeur déjà obtenus avec le premier modèle simple : les matière organiques biodégradables sont peu aromatiques quelle que soient leur origine. Les MOD réfractaires du Viandox sont fortement aromatiques, au contraire de la fraction réfractaire des extraits algaux.

La valeur obtenue pour SUVA4 lors de l’optimisation des deux substrats en même temps (17,2 cm-1.L.g-1) est proche de la valeur mesurée sur les SMP issus de la dégradation du glucose, (22 cm- 1.L.g-1, Article 3), ce qui conforte la validité de la représentation de notre modèle. Les absorbances spécifiques estimées pour les fractions H1, H2 et H3 sont totalement différentes pour les simulations selon que H4 est laissé « libre » ou non. Ce résultat montre qu’il n’est pas possible de prévoir l’aromaticité de la MOD d’un milieu avec ce modèle qui ne tient pas compte de l’origine de la MO.