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La dynamique de la matière organique est un facteur fondamental du fonctionnement écologique d’un milieu aquatique ; la biodégradation microbienne des matières organiques du milieu est en effet, avec la photosynthèse, le processus clé du cycle du carbone dans l’écosystème.

2.5.1 Méthodes de mesure de la biodégradabilité

Analyse du carbone biodégradable et réfractaire.

La mesure de la fraction biodégradable de la matière organique la plus courante est la mesure de

la Demande Biologique en Oxygène à cinq jours (DBO5) (norme NF EN 1899-2, Agence

Française de Normalisation, 1998). Elle consiste en la mesure de l’oxygène consommé dans un échantillon incubé pendant cinq jours. Elle permet d’avoir une estimation indirecte de la matière organique rapidement dégradable.

L’ensemble de la MO dégradable n’est cependant pas minéralisée en cinq jours. Servais et al. (1995) montrent que la biodégradation est à peu près complète en quarante-cinq jours de biodégradation. Ils proposent une méthode basée sur la mesure du carbone organique dans l’échantillon initial, puis après quarante-cinq jours d’incubation dans le noir en conditions oxiques (Servais et al., 1995) ou anoxiques (Tusseau-Vuillemin et al., 2003). Cette mesure permet de fractionner la MO en une partie biodégradable et une partie réfractaire.

Fractionnement théorique par classes de biodégradabilité.

Les besoins de gestion de la qualité de l’eau ont conduit au développement de modèles de dégradation de la MO dans différents milieux, basés sur la cinétique d’assimilation des matières organiques par la biomasse. Deux principaux types de modèles existent selon le milieu considéré :

Etat des connaissances

- les modèles orientés sur la dynamique de la matière organique en station d’épuration, de type ASM (Activated Sludge Model), produits par l’International Water Association (IWA) (Henze et al., 1987 ; Henze et al., 1995 ; Gujer et al., 1999).

- les modèles orientés vers la description du fonctionnement écologique des cours d’eau,

comme par exemple le modèle « HSB » (Billen et Servais, 1989).

Ces modèles sont basés sur la simulation de la croissance bactérienne comme moteur principal de la dégradation. Pour tous, la matière organique du milieu est divisée en fractions plus ou moins biodégradables dont une classe au moins pour la MO réfractaire, et une autre pour la biomasse bactérienne hétérotrophe. La matière organique n’est donc pas séparée selon des unités physiques ou chimiques, mais selon une unité fonctionnelle en rapport à la dynamique du carbone.

Recyclage de la matière organique provenant de la lyse de la biomasse lente mortalité croissance rapide lente rapide particulaire 1 P1 particulaire 2 P2 particulaire 3 P3 dissoute 1 H1 hétérotroph es Bactéries PB, GB Substrat directement assimilable S dissoute 3 H3 dissoute 2 H2 CO2 Hydrolyse 1er

ordre MichaelienneHydrolyse

Recyclage de la matière organique provenant de la lyse de la biomasse lente mortalité croissance rapide lente rapide particulaire 1 P1 particulaire 2 P2 particulaire 3 P3 dissoute 1 H1 hétérotroph es Bactéries PB, GB Substrat directement assimilable S dissoute 3 H3 dissoute 2 H2 CO2 Hydrolyse 1er

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Figure 4 : schéma de principe du modèle de biodégradation de la matière organique HSB (Billen et Servais, 1989)

Pour le modèle ASM1 (Henze et al., 1987), la MO du milieu est fractionnée en quatre classes, (six pour le modèle ASM3). Pour le modèle de rivière HSB, neuf classes de MO sont définies, dont deux servent à décrire deux types de bactéries hétérotrophes. La Figure 4 schématise le processus de dégradation de la MO tel que simulé par le modèle HSB. La MO du milieu est divisée en quatre classes de MOD (S : substrat directement assimilable, H1, MOD rapidement biodégradable, H2, lentement biodégradable, et H3 réfractaire) et cinq classes de MOP (PB et GB deux types de biomasse vivante, P1, P2 et P3 les différentes MOP détritiques plus ou moins biodégradables).

Globalement, les particules biodégradables (P1 et P2) sont hydrolysées en MOD, elles-même hydrolysées en un substrat assimilable par les deux types de biomasse (« petites et grosses » bactéries). Enfin, la biomasse génère, par mortalité, un ensemble de MO recyclée dans les différents compartiments dissous et particulaires. Ce modèle comporte dix variables et trente deux paramètres Il a permis de décrire de façon correcte le fonctionnement de plusieurs milieux naturels et anthropisés (Meybeck et al., 1998).

Ce type de modèles peut aussi servir pour connaître le fractionnement selon les différentes classes de biodégradabilité d’un échantillon de MO donné (exemples pour ASM : Lagarde et al., soumis ; pour HSB : Mouchel et Dispan, 2003). Ce fractionnement est obtenu en effectuant le suivi contrôlé de la biodégradation de l’échantillon (en suivant en général l'oxygène dissous et le carbone organique ou la DCO) puis en calant le modèle décrivant la biodégradation afin de

Matières organiques et biodisponibilité des HAP

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retrouver théoriquement les conditions initiales qui caractérisent la dégradabilité de la matière organique étudiée.

Ainsi, comme illustré sur la Figure 5, le suivi en réacteur ouvert de la dégradation d’une eau usée (suivi du carbone, dissous, particulaire et de la consommation d’oxygène) permet d’estimer sa composition selon les différentes fractions d’un modèle de la famille ASM (Lagarde et al., soumis). 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

SS SH,NA XS,NA XBH Inerte

Biodegradability Combined sewer Separate sewer % of tota l C O D SS XR,NA XS,NA X BH SI + XI

Figure 5 : fractionnement de deux eaux usées (réseau séparatif et réseau unitaire) en classes de biodégradabilité selon un modèle de la famille d’ASM (source : Lagarde et al., soumis)

2.5.2 Biodégradabilité et caractérisation physico-chimique de la matière

organique

Les bactéries hétérotrophes assimilent uniquement les petites molécules simples (sucres, acides aminés… ), qui sont aussi les plus solubles (Henze et al., 1987). C’est la raison pour laquelle les modèles de dégradation décrivent une fraction de substrat dite rapidement hydrolysable (ASM), ou assimilable (HSB). Les molécules plus complexes subissent une hydrolyse enzymatique plus ou moins longue afin d’être décomposées en structures plus simples pour l’assimilation par les bactéries (Henze et al., 1987; Billen et Servais, 1989). Les réactions enzymatiques sont principalement dues aux exoenzymes fixées sur les membranes des bactéries. Ainsi, les sites hydrophiles des MO seront vraisemblablement plus facilement en contact avec les exoenzymes en milieu aqueux alors que les macromolécules hydrophobes et/ou compactes seront plus résistantes à la biodégradation (Kalbitz et al., 2003). A contrario, l’humification de la matière organique est décrite comme un processus lent de dégradation et de vieillissement de la MO. Les substances humiques sont en général supposées être les produits réfractaires à la biodégradation (Aiken et al., 1985).

Cependant, si les processus moléculaires de dégradation sont bien compris, il reste difficile de les extrapoler à un ensemble complexe et non totalement défini qu’est le pool de matière organique d’un milieu. Expérimentalement, les analyses couplées de la matière organique aquatique (prise dans son ensemble) relatives à la biodégradabilité et à ses caractéristiques physico-chimiques restent peu nombreuses et sont le plus souvent réalisées sur des effluents urbains.

Etat des connaissances

Les effluents domestiques après traitement par boues activées contiennent des quantités très variables d’acides humiques (entre 5 et 30 % dans une étude de Imai et al., 2002), 40% chez Ma et al., 2001) et entre 40 et 60% chez Namour et Müller, 1998). Dans tous les cas, la fraction de substances humiques dans les rejets urbains est inférieure à la fraction observée en rivière (Ma et al., 2001 ; Imai et al., 2001).

En étudiant la composition en fractions hydrophobe et hydrophile de rejets de STEP « frais » et après vingt et un jours d’incubation, Namour et Müller (1998) observent une augmentation relative de la fraction des substances humiques après incubation. Initialement, les acides humiques représentent entre 40 et 60% de la MOD et cette fraction représente près de 70% de l’ensemble de la MOD réfractaire. Cette étude met aussi en évidence que les substances humiques telles que définies par l‘IHSS sont partiellement biodégradables puisque les concentrations en acides humiques sont moindres après incubation (près de 50% de disparition).

Si une corrélation est possible entre l’hydrophobie et la biodégradabilité des effluents urbains, une telle relation n’a pas pu être observée au cours de l’étude de huit eaux de rivière (Martin-Mousset et al., 1997).

Biodégradation et indicateurs macroscopiques

Dignac (1998) en France, de même que Imai et al. (2001, 2002) au Japon observent que l’absorptivité dans l’UV des effluents de sortie de STEP est plus élevée que celle de l’eau usée brute, ce qui traduit une augmentation de l’aromaticité des effluents avec leur vieillissement. De même sur des milieux naturels, Hopkinson et al. (1998) observent aussi une anti-corrélation entre l’aromaticité de la MOD de rivière et sa biodégradabilité. A partir d’échantillons d’eau de rivière, Sun et al. (1997) ont mis en évidence la relation positive entre la biodégradabilité de la MOD et ses rapports élémentaires H/C (indicateur de la saturation des C de la MO) et O/C (indicateur de polarité).

Biodégradation et analyse moléculaire

Dignac (1998) montre que la fraction irrésolue par analyse chimique des eaux usées augmente après traitement. Si 55% de la MOD est identifiée en sucres, protéines, acides gras et volatils dans les eaux usées, cette fraction passe à seulement 22% pour l’eau traitée. De plus, la fraction non caractérisée est légèrement moins dégradée que les autres types de molécules au cours du traitement biologique.

Matières organiques et biodisponibilité des HAP

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3 INFLUENCE DE LA MATIERE ORGANIQUE SUR

LA BIODISPONIBILITE DES POLLUANTS

ORGANIQUES HYDROPHOBES

3.1 Interactions entre matière organique et polluants dans le